Comment on devient (presque) malhonnête.

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Le journal de Marius Corbeau.


Salut ! Moi c’est le renard ! C’est le surnom qu’on me donne. Il faut dire que je suis loin d’être con. Mon vrai nom, celui de l’état civil, c’est Marius Corbeau. Je suis enseignant, ou plutôt instit à la retraite. Mais en forme, pas ramolli pour un sou. J’habite une vieille ferme que j’ai retapée avec ma femme. Un bijou ! Pas ma femme, cette salope a levé le pied avec un connard que je me demande comment des types comme ça existent encore de nos jours. Bon, il est plein de fric, enfin il en montre tout le temps.


C’est le gars qui sort une liasse de sa poche pour payer une bière. Voyez le genre. On m’appelait déjà le renard que j’avais pas dix ans. Mon père (il faisait dans le commerce des vins de Bordeaux), habitait une grande maison à l’entrée du village. Quand il a divorcé, c’est de famille, un gène sûrement, on est allé s’installer près de la rivière. Il y est toujours, passant son temps à fureter le long des berges. Ma mère, elle est partie avec mon petit frère, je les ai revus une fois, pour le mariage, celui de mon frère. Depuis, on s’écrit pas, on se téléphone pas, c’est juste si j’ai appris la mort de ma mère par le notaire. Je me suis même pas déplacé, il y avait rien à hériter, j’ai tout laissé à Marcel. Faut dire que la générosité c’est en quelque sorte mon point fort. D’ailleurs tout le monde le dit, Corbeau, il a le cœur sur la main. Je suis pas ce qu’on appelle un beau mec, mais j’ai pas mal de succès, surtout auprès des femmes. Je vous dis pas combien j’en ai eu, j’ai jamais été fort en math, malgré que ça soit mon métier. Heureusement, j’enseignais que dans les petites sections. Et puis à l’époque, la mienne, les gamins la ramenaient pas comme aujourd’hui. Y  en a pas un qui bronchait. Avec moi, les mouches, c’est ce qu’il y avait de plus bruyant dans mes classes.

Ce que vous venez de lire, c’est les premières lignes de mon journal. Oui, j’ai décidé, maintenant que j’ai plus rien à faire, de tenir mon journal. Un réflexe de vieux ? Peut-être parce que j’ai plus personne à qui parler depuis que ma douce moitié s’est tirée et que les gamins se sont fait la malle. Un journal, c’est comme un interlocuteur, un confesseur, on peut tout lui raconter. Ce qu’on a vécu. Ce qui a marqué la journée. Pourquoi j’écris ce journal, ben c’est dans l’espoir qu’il sera lu par ma progéniture quand elle fouillera mes tiroirs… Après ma mort.

Lundi, j’étais au bistro à faire des parties de dames avec Étienne, deux types rentrent, se piquent au comptoir et commandent une bière chacun. Étienne et moi, on fait pas attention à eux, surtout Étienne qui est sourd de l’oreille gauche. C’est pour ça qu’il s’installe de façon à ne rien entendre des bruits de la télé quand il joue. Moi, je joue surtout pour passer le temps, ce qui fait que je perds trois parties sur cinq, en moyenne. Bon, c’est pas ce que je voulais imprimer. Ce que je voulais dire, c’est que les types engagent la conversation avec Jojo, le patron. D’ici, je veux dire de la table où je joue aux dames avec Étienne, j’entends pas ce qui se dit. Jojo, m’apostrophe : « Maître ! » Parce que certains m’appellent maître, c’est un jeu de mots en rapport avec ma profession et mon nom. Maître CORBEAU, maître d’école… Pigé ? J’en vois qui me prennent pour un demeuré, là-bas, au fond de la classe.

Je continue, Jojo me dit que les deux types cherchent une ferme isolée pour un week-end, genre logis pour recevoir des dames. Si je veux me faire un petit supplément ? Je réponds, faut voir… Les deux types terminent leurs bières et me disent qu’ils m’attendent dehors, dans leur voiture. Je bâcle la partie en train, ce qui n’est pas bien difficile, Étienne, comme d’habitude m’a déjà pris trois pions de plus, et je sors. Les types sont à fumer dans leur Mercedes grise. Je m’approche, le conducteur baisse sa vitre, me demande si c’est loin. Je leur dis de me suivre, et le cortège se met en branle, à petite vitesse. J’aime pas obliger les gens que je guide à jouer les pilotes de formule 1. 

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