Comment on devient (presque) malhonnête. (5)

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Il a rentré son cabriolet dans le garage et il est partit faire le plein de la 4 L à Hirson. Il sera de retour ce soir, qu'il m'a dit. J'espère…Putain de gamin…Tiens, j'y repense…Moi aussi je dois faire un petit voyage par la forêt. Pour Mille cinq cent sacs, et lui, combien il touche, ce petit con, pour se payer une bagnole comme ça. Faudrait peut être que je revois mes tarifs.

Vendredi, à trois heures quarante deux, j'ai regardé mon radio réveil, j'entends le bruit caractéristique du moteur de la 4 L. J'ai eu du mal à m'endormir hier soir. Je dis un ouf ! Mentalement. On se refait pas, quand on a des mouflets, on est père pour la vie. Enfin, moi, je suis comme ça. Donc, je me lève, il est devant la porte, mouillé comme un chien qui rentre de vadrouille, les cheveux collés au front. C'est bon, qu'il dit. Je lui réchauffe un café au micro-onde. 
J'en prends une goûte pour l'accompagner. "Raconte !" Il se lance dans l'Iliade et l'Odyssée tout à la fois. Le camion s'est embourbé, ils ont dû casser une barrière fermant un chemin à canassons, Ils se sont perdus à la sortie d'un village belge, bref, ils ont mis plus du double de temps que prévu. Au retour, alors que le camion filait sur les nationales en direction de la Hollande, tranquille, c'est la 4 L qui est tombé en rade. Il s'était arrêté devant un snack de nuit, la batterie  à rendu l'âme, impossible de démarrer, et personne pour pousser. Le barman voulait pas sortir de sa cage, rapport aux agressions qu'auraient subi des collègues à lui le mois dernier. "J'ai dû acheter une batterie neuve dans une station ouverte la nuit. Heureusement elle n'était qu'à un kilomètre du snack." – "T'as pas payé en chèque ?" – "Ils ont pas voulu. J'avais assez d'euros sur moi." Manquerait plus qu'il laisse des traces de son, de mon, passage en Belgique ce petit con. Bah ! La jeunesse, l'inexpérience, je pardonne, du moment qu'il n'y a pas eu matière à m'inquiéter, je veux dire à me faire soupçonner par la maréchaussée. "Tu veux te coucher ? Ta chambre est toujours à toi, t'as pas besoin de te faire inviter, tu viens quand tu veux." – "Il faut que je rentre, j'ai pas téléphoné depuis hier soir. Le beau-père m'a dit : pas de coup de fil, sauf flics ou mort d'homme, ou perte du matos." Je le raccompagne, pendant qu'il démarre son cabriolet je rentre la 4 L. J'ai plus sommeil, j'allume l'ordinateur et je tape le compte rendu de la nuit avant que tout ça me sorte de l'esprit. Bon, je sens que mes yeux se ferment, je retourne au lit. 

Samedi, mon radio réveil me vrille les oreilles dans un flash brutal. Huit heures, je n'ai pas envie d'infos, j'appuis sur le bouton stop. Les aventures du grand me reviennent d'un coup. J'enfile un sweat et le jean qui traîne par terre, saute dans mes chaussons. Tiens, il faudrait que j'en achète des neufs, ceux là sont troués côté pouce gauche. Pourtant je fais gaffe à garder des ongles coupés ras. Bon, c'est pas de ça que je voulais parler. Je me précipite vers la grange. Ca, je m'en doutais, la 4 L est couverte de merde. Les traces des pneus font un tapis de boue depuis la cour. Je sors la bagnole, pour nettoyer. Je jette un regard sur ma limousine, non je rigole, c'est pas une Rolls. Tiens, il faudrait que je démarre le tracteur, depuis le temps qu'il n'a pas tourné. Il pourrait servir pour ma ballade en forêt. Une heure après, j'avais tout remis en ordre, je m'apprêtais à me servir une collation bien méritée, mon père m'appelle au téléphone. "Allô ! Marius !" – "Oui ! C'est toi papa ?" C'est lui, pourquoi il m'appelait à cette heure, je sais qu'il se lève tôt, mais il ne téléphone jamais avant midi. Une vieille habitude, il aime traîner le matin à bricoler, ou il part aux aurores tremper ses hameçons dans l'eau glacée du ruisseau qui serpente dans la vallée au sortir de la forêt. "Dis donc, fils, la 4 L, tu n'as jamais changé l'immatriculation ?" Ben, non, pourquoi faire que j'aurai dépensé un centime pour ce vieux clou ? Lui-même l'avait acheté d'occase, pour ses promenades en campagne et les petits travaux comme rentrer du bois ou aller chercher des parpaings. Après, quand il avait laissé tomber, à cause de l'âge, tous ces travaux, et comme c'est moi qui m'en occupais à sa place, j'en avais hérité. "Les gendarmes m'ont appelé, il y a quelques minutes. Ils veulent savoir ce que je faisais cette nuit, en Belgique." Merde ! Ca tournait vinaigre, l'épopée du grand. "Qu'est-ce que tu leur as dit ?" – "Que je dormais, et que la bagnole devait en faire autant, vu que tu la laissais dans le garage, sauf pour les travaux en été, et comme on est en plein hiver…"

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