Flânerie parisienne

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Rendez-vous à 17h35.

Je n'ai pas eu cours de l'après-midi, je suis restée chez moi à manger des céréales en robe et collant et à regarder un film avec Jesse Eisenberg. Je me dis que j'ai le temps, j'habite à côté du musée, je n'ai qu'à mettre mes chaussures, à enfiler mon manteau, ziou en quinze minutes c'est fait, j'y suis. Alors je mets de la musique, je danse, je chante, je m'amuse, je me regarde, me maquille, fais une natte, bois de l'eau, change la musique, rebois, rouge à lèvres, flûte, encore soif, j'aime pas la musique, oh ça va, j'ai le temps. (Je vais pleurer, j'aurais dû acheter cette fichue glace qui me faisait de l'oeil) Mince, je suis en retard. Pas grave, le RER, hop en deux minutes c'est bon. Timing mal calculé. Je rentre dans un RER, le mauvais. Je rate le coche. À nouveau.

Finalement, je prends le bon. J'essaie d'envoyer un SMS désolé, pas de réseau. Je cours, je me dépêche. J'arrive avec deux ou trois minutes de retard. Il n'est plus là. J'attends. Lui envoie un message. Je me dis qu'il m'a peut-être posé un lapin pour me mettre en colère et que je ne lui adresse plus la parole. Je trouve que c'est pas stupide comme technique, que c'est vrai que ça me mettrait en colère si c'est le cas, que je ne voudrais plus lui parler. J'attends, quand même. Il ne reçoit pas mes messages. J'essaye de l'appeler, rien. Il fait froid, il commence à pleurer, pleuvoir, pardon. Soudain, des nouvelles. Il était parti. Il est au métro Rue du Bac. Je me dis que c'est pas cool d'être parti comme ça. Que la rue du Bac, c'est sympa. Alors je lui dis que je vais le rejoindre. J'y vais. Rue du Bac. Des policiers me barrent le chemin. Embrasse-moi idiot passe à la radio. J'arrive enfin, je le cherche, ne le trouve pas. Coup de fil, métro Rue du Bac, pas dans la rue du Bac. Je suis perdue, il pleut, j'ai mon parapluie, ma musique dans les oreilles. Métro Solférino. Ok, ça me va, je vois où est la rue Solférino, je m'y rends. Une fois dans la rue, je ne vois pas de métro. Je me sens très stupide et désolée de le faire attendre. Désolée d'être aussi nulle et de le faire courir par un temps pareil, de lui montrer que je suis vraiment bête. Je dis à l'autre con que je suis perdue et que je suis très bête, il répond que je dois regarder sur mon GPS, pfff, je l'ignore. Mentalement, je revois un arrêt de métro, pas loin. Je vais dans la direction que me donne mon cerveau, je le vois l'arrêt. À deux pas de la rue Solférino, je suis persuadée que c'est le bon. Bah non, c'était l'Assemblée Nationale. Là, je suis complètement désespérée, c'est la honte. Il va me prendre pour une abrutie, être fâché de ma bêtise, de lui avoir fait perdre du temps.

Il me dit de ne pas bouger, qu'il me rejoint. Il n'a pas l'air fâché, juste un peu fatigué de mon manque d'orientation. Il pleut. Ma sœur m'envoie un message, je dois lui répondre. MPL m'a envoyé trois messages, je les ignore, ne les lis même pas : j'ai rendez-vous avec Paul, MPL va attendre, pour une fois. Paul arrive, grand, sans parapluie. Il n'est pas du tout fâché, de bonne humeur, ça me rassure. Je sais pas ce que je lui raconte comme bêtise, je fais un truc impoli en me servant de mon téléphone devant lui. Sauf que si je ne réponds pas à ma sœur, elle va m'appeler et là ce sera encore plus impoli. J'expédie des messages simples, correct, et hop, je range mon téléphone. Entre temps, on a avancé, rue de Bourgogne, Palais-Bourbon. Il s'arrête sous la porte d'une galerie, je lui dis que voyons, il ne peut pas faire ça, que ça fait clochard. Il se rend compte que c'est allumé, qu'il y a des gens, il revient vers moi, me dit que s'il fait clochard alors que c'est clochard de luxe ! Ca me fait rire, je pense qu'il a raison, on continue. Je lui propose de se mettre sous mon parapluie, il prend ça comme une demande de se rapprocher de moi, s'éloigne. Je lui dis que ma sœur aime aussi la pluie, que mon ancien petit ami aimait la pluie et ne supportait pas non plus les parapluies. Il me raconte une idée pour draguer les filles, un peu folle comme astuce, je ris, je me sens bien, le monde autour n'existe plus que par sa beauté. Une bulle est créée. Il commence à être trempé, je ne veux pas qu'il soit malade, lui repropose mon parapluie. Il m'avoue qu'il n'aime pas être mouillé par la pluie, prend littéralement mon parapluie, c'est moi qui commence à être trempée. Pas pour longtemps, il m'abrite. Je récupère le parapluie, mais il est trop grand, je n'arrive pas à nous abriter tous les deux. Je me sens bête. Il continue à me parler, je ris, je ris, j'admire Paris, les rues, l'ambiance, la pluie, je l'écoute, je ris.

Il essaye de me faire parler, je n'y arrive pas. Je ne sais pas parler. Ça me met un peu mal à l'aise, il se remet à parler, à rire de ce que j'essaye de lui dire avec mes trois mots qui se baladent en duel. Je le fais rire, mais rire ! Alors je ris aussi. On arrive à l'esplanade des Invalides, il m'entraîne sous un arbre. On se regarde, on rit, on explose de rire, on se dit qu'on est vraiment con, il parle très fort, j'ai l'impression que tout le monde nous entend. Mais par ce temps, il n'y a personne, et puis même, il n'y a personne tout court quand je suis avec lui. Il ne fait plus très jour, je devine la Tour Eiffel, c'est beau. Il me demande de croiser les bras, une analyse à la Adrien, ça me fait un peu rire mais j'avoue en être un peu lasse. Il me demande de retirer mes lunettes, je dis non, que je suis amorphe sans, que je suis moche sans, que non, il m'a déjà vu avec des lunettes de soleil peu flatteuses, que c'est suffisant. Il insiste. Je ne peux pas résister, je les enlève. Il s'exclame que je devrais mettre des lentilles, que je suis beaucoup plus jolie sans. Je lui dis que non, c'est pas vrai. Je ne lui dis pas que j'aime mes lunettes, que je trouve que ça me donne un petit air d'écrivain, que quand je ne les ai pas, je ne peux pas m'empêcher de faire le geste de les remonter. Il garde mes lunettes quelques minutes, j'essaye de le regarder avec intensité, comme si j'y voyais quelque chose. Je pense à MPL qui dit qu'il voit des « boules de Noël » sans ses lunettes, j'aime cette métaphore, j'hésite à lui dire puis je me rétracte, c'est pas de moi et ça me fatigue de penser à MPL. Je ris, il rit, il me redonne mes lunettes. Dit que oui, ça se voit que je suis bigleuse sans. Comme son papa. C'est une des rares fois qu'il me parle de son papa alors j'écoute attentivement.

Il prend son sac, sort deux livres de la Pléiade. Il veut me faire la lecture, me demande ce que je choisis entre Saint Augustin et Cioran. Je dis aucun.

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