K, rencontre

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Et voilà, mon histoire avec Paul s'est achevée. MPL va avoir son enfant. Son enfant. À lui. À lui et jamais à moi. À elle et jamais à moi. J'ai des devoirs à faire, en Lettres. Je dois lire des tragédies. Je ne peux pas ficher Cinna. C'est trop dur pour moi. Je ne peux pas m'apitoyer sur ma rivale, même si le nom est le seul point commun : c'est déjà trop. J'ai les entrailles déchirées, la seule personne avec qui je me sentais bien dans ce monde est perdue. Mon seul échappatoire réside dans mon nouveau plaisir : faire des courses. Acheter n'importe quoi à grignoter, remplir le réfrigérateur, surveiller les cuissons.

Aujourd'hui j'ai fait des courses.

Je viens de découvrir un nouveau caissier. Un jeune homme, un peu rond, sans lunettes, un léger bouc, des cheveux en bataille en haut. Un sourire et des yeux pétillants. Un caissier qui me dit bonsoir, qui me sourit, qui me demande si j'ai besoin un sac. Très gentil, charmant. Alors je sors des courses heureuse. Souriante. Il a quelque chose de gracieux. J'y retourne quelques jours après, encore lui. Il me dit bonsoir, me sourit, et me regarde avec ses yeux si gentils, si bienveillants, des yeux d'enfant. Je souris, sous le charme.

Quelques jours après, j'y retourne. Je me sens bien en allant le voir, j'oublie MPL, j'oublie Cinna, j'oublie les pleurs d'enfant que je verse, les pleurs d'enfant qu'il va devoir consoler. Encore mon caissier, dès que je le vois, je souris. Je reste dans le magasin aussi longtemps que d'habitude (j'aime regarder les produits), quand je vais à la caisse, il est encore charmant. Il me demande « Comment allez-vous ? », je dis « Très bien, merci, et vous ? », avec un grand sourire, enchantée. Il me répond avec un sourire qu'il va bien. Et il me propose un sac, je dis oui, merci. Il me souhaite une bonne soirée, je souris et je quitte le magasin, me retournant pour le voir une dernière fois. J'y retourne, quelques jours après. Il est là, je souris. J'ai passé une journée sombre mais le voir me sourire me redonne une joie de vivre. Je virevolte dans le magasin, je me demande quoi acheter. Quand j'y vais, je ne sais jamais avec quoi je vais repartir. Une surprise, à chaque fois. Là, je dois prendre du pain, du jambon, rien de très glamour. Je ne cuisine pas. Je ne sais pas faire et j'ai peur de faire une bêtise. Il me sourit, ses yeux sont toujours aussi beau. Il n'est pas le plus beau mais il est charmant. Il me demande comment je vais, je dis que je vais très bien et vous. Il me demande si je veux un sac, je dis oui, merci. Et en remontant chez moi, je me dis que j'ai envie d'y retourner. J'y retourne, quelques minutes après. Il est toujours là. Mais il y a beaucoup de monde alors sa caisse est pleine, il dit gentiment que la caisse d'à côté est libre. C'est la vieille mégère. Alors je suis comme une enfant, ça me fait bouder. Quelques jours après, j'y retourne.

Il est là. Il me sourit, il est toujours aussi adorable. Il me demande comment je vais. Il me propose un sac. Je dis oui, comme à chaque fois. Et je rentre chez moi. Je me rends compte que j'ai oublié quelque chose, du beurre, sans doute, je prends un sac en plastique et j'y retourne. Le sac est dans ma main, discret. Il me dit « Vous aviez oublié quelque chose ? » avec un sourire, je dis oui. Il me demande si je veux un sac, je dis que non,merci, je l'ai dans la main, avec un sourire. Il sourit. Je rentre chez moi. Quelques jours après, j'y retourne. Toujours avec plaisir.Entre temps, la scène précédente s'est répétée plusieurs fois, sans le sac dans la main. Là, j'y retourne, j'achète de la viande,je suis prête à cuisiner. Je n'ai pas de sac, je demande à payer par carte, comme toujours. Pendant que je fais mon code, il me demande si je veux un sac. Je dis oui, s'il vous plaît, merci. Et je le vois mettre mes courses dans le sac. Je suis touchée parce que déjà avant, il me l'ouvrait, chose que ne faisait jamais la vieille mégère qui me tendait violemment le sac. Je suis touchée, je le regarde les yeux pleins de reconnaissance (je ne supporte pas mettre les affaires dans le sac, j'ai toujours beaucoup de mal), de surprise et je suis vraiment touchée par cette attention. Je le remercie comme une enfant, et lui très gentiment, très spontanément, très discrètement dit « Merci à vous ! ». Nous sourions. On se dit au revoir et je rentre chez moi avec ma viande.Et je cuisine. Et puis ensuite, j'ai envie de faire de la semoule. Je me dis qu'en plus, il verra que je ne suis pas si mauvaise cuisinière. Mais il n'est pas là. Alors je fais mes courses et je rentre. Une autre fois, j'y retourne et ne le vois pas. C'était juste le lendemain. Et je le retrouve.

Devant moi, un monsieur, qui achète pleins de fruits et légumes. Sans doute déconcentré par mon minois, mon caissier fait sans exprès s'ouvrir une boîte de tomates cerises. Je passe, il est un peu encore sous le coup mais me sourit. Je me dis qu'il ne faut pas lui donner de faux espoirs, que je l'aime beaucoup, qu'il est charmant, mais que je ne dois pas trop lui montrer comme il me plaît parce qu'il ne se passera rien entre nous. Alors quelques jours après, décidée à être aimable mais pas emphatique, j'entre dans le supermarché. Je regarde les caisses, le vois. Je fais mes courses, vais à la caisse. J'ai un visage plus fermé, mais toujours aimable. Sauf qu'il me regarde avec des yeux encore plus charmant que d'habitude, un grand sourire. Alors je fonds et je me mets à sourire, riant presque. Conversation habituelle. Et là, samedi, j'y vais. Je fais mes courses, passe en caisse, rien qu'en me voyant arriver son visage s'illumine. Conversation habituelle, je sais qu'il s'appelle K parce que son nom est écrit sur le ticket de caisse. Mais je fais comme si je ne savais pas, et de toute façon, la conversation s'en tient aux formules de politesse, teintées d'enthousiasme, de jeunesse, de pétillement. Un des responsables passe, toujours gentil avec moi, mais gentil courtois, attendri, pas gentil comme le pétillement des yeux de K. Bref, il passe, me salue, me dit tout ravi qu'il est en week-end, je réponds que c'est super. Il interpelle l'autre responsable en face, lui dit qu'il est en week-end. Un dialogue entre eux s'instaure, sur le mode de l'humour, ils se taquinent et ça me fait rire. K est en caisse, il veut prendre part à la discussion et dit « Ah, mais finalement, il n'y a que moi qui travaille le week-end ici ! ». Les deux lui répondent « Eh bien K, on ne t'a pas parlé ! », ça me fait rire et je m'en vais. Je sais qu'il travaille le week-end et que le dimanche matin c'est ouvert. Alors hier, j'y retourne. Je le vois, conversation presque habituelle. « Comment allez-vous ? Très bien, merci, et vous ? Ca va. *Oh * Je travaille même le dimanche quoi. *Oh *Mais je suis en avance aujourd'hui. », je ne comprends, réponds que c'est super. On se dit au revoir.

Et aujourd'hui Lundi. Je ne l'ai pas vu. Tant pis, tant mieux, sinon ça va être trop flagrant qu'il me plaît. Même si ça doit sûrement déjà se voir clairement. Mais il est gentil, charmant, irrésistible. Je ne sais pas si un jour il va me proposer d'aller boire un verre. Je ne saurais pas quoi répondre, s'il le faisait. Dire oui et prendre le risque de passer pour une jeune fille facile. Ou alors refuser, regretter de perdre l'occasion de faire connaissance de façon officielle avec K. Mais si je dis oui, ça veut dire que je dis oui à l'idée de boire un verre. Et boire un verre avec un mec, c'est premier rendez-vous. Et après, c'est galère pour moi de partir. Surtout si je le vois à la caisse. Bon, je vais réfléchir. Prendre mon shampooing d'abord. Non, avant boire de l'eau et manger de la semoule. Et après shampooing et Verlaine, pour changer de la tragédie...

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