Pluie battante

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Il rit, ne s'attendait pas à cette réponse. Ça me rappelle trop les lectures de MPL, je ne lui dis pas. Il rit, me dit si, quand même. Je ne connais pas Cioran, réponds Saint Augustin. Il dit que c'est parce que je connais pas Cioran, il a deviné. Je tiens le parapluie, il me dit de faire attention à la pluie, qu'il tient à ses livres. Je le comprends, je fais de mon mieux, je n'ai pas envie que ses livres soient abîmés. Je ne suis pas très douée, il redresse plusieurs fois la barre. Il me demande si j'ai de la lumière sur mon téléphone, j'allume la lampe. Il tente une lecture, je ris, beaucoup, il rit, nous rions. Il essaie de continuer à lire, ça parle de suicide, on rit, on rit, on rit, on rit. À la fin, il me tend le livre, me dit que c'est pour moi. Je suis encore dans la bulle de rire, je comprends pas tout. Finalement, on se remet à parler, là, sous la pluie, sous l'arbre, sous le parapluie. Il prend un air sérieux, dit qu'il faut qu'on arrête de se voir, de jouer. Je dis qu'on passe simplement du temps ensemble. Il garde son air sérieux. Je n'aime pas quand il prend son air sérieux, même si c'est charmant. J'ai toujours peur que ce soit la dernière fois. Il nous donne un dernier quart d'heure. Je pense à MPL, qui faisait ça, lui aussi, sans doute un éclair de tristesse passe dans mes yeux. On parle, il se demande d'où je sors, si je suis précoce ou vraiment conne. Je dis que je ne sais pas non plus et que je me pose la question. Il rit, il se posait la même question à mon âge, ce n'est pas bon signe pour moi, je finirai au musée, comme lui. Je dis que c'est justement ce que je veux faire, aller au musée, y travailler. Ça le fait rire, il se demande où j'ai foiré mes études. Je lui raconte que pour le moment, je ne vois pas où. Mais que dans le fond, je suis sûrement plus abrutie qu'intelligente. Il est d'accord. On rit. Il rapproche son visage du mien, je l'éloigne. Il me dit de lui faire confiance, qu'il ne m'embrassera pas. Je résiste, lui fais confiance. Il ne m'a pas embrassé.

Il reprend un air sérieux, me dit qu'il faut que je sorte avec des garçons de mon âge. Pas possible, ils sont trop bêtes et me trouvent moche de toute façon, depuis un bail. Il me raconte que petit, jusqu'à 6 ans, il était beau et blond. J'ai envie de lui dire qu'il est toujours beau, mais je me tais. Il bouge de l'arbre, on avance sous la pluie, sur le terrain un peu sablonneux. J'ai de l'eau qui commence à arriver dans mes chaussures, je me maudis d'avoir mis une robe, des collants et ces chaussures. C'est bien simple, dès que je fais un effort pour être plus jolie, il y a toujours un détail qui me rend ridicule. On marche, on parle, on rit. Il s'arrête sous un arbre, me dit qu'il faut que je parte maintenant. Ou que sinon, il m'embrasse. J'hésite, m'éloigne un peu de lui mais reste. Il ne m'embrasse pas. On reste ensemble, on traverse pour aller sur un trottoir, il s'arrête sous une porte, une dame veut entrer, il court un peu dans la rue, je ne peux pas courir, alors espère qu'il va s'arrêter. Il s'arrête deux ou trois enjambées plus loin, sous une porte de garage. Je le rejoins, lui propose mon parapluie, à nouveau. Il refuse. Je m'aperçois que mon parapluie fuit. On avance, il voit la bouche de métro, m'avait prévenu que nos chemins s'arrêteraient là. La fin approche donc.

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