Un bien drôle de choix

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Nous parlons de nos études. Je lui dis que je suis en classe prépa, que j'étudie aussi un peu le Mandarin. Il me félicite pour mon parcours brillant. Lui est en Droit et Sciences Politiques, à cheval entre Londres, Paris et l'Italie. Il vit à Milan la plupart du temps. Je suis ébahie. Quelle vie ! Je n'en reviens pas. Nous discutons, de Noël, des réunions de famille, de la nouvelle année qui approche. Je prends des minutes interminables pour lui répondre, ayant peur de faire une faute d'orthographe, une faute de grammaire ou de syntaxe. J'essaie aussi de faire quelques effets de styles, pour lui montrer que je suis une littéraire, une vraie. Lui me répond en quelques secondes, parfaitement, sans l'ombre d'une hésitation. Je décèle cependant quelques fautes, un -s au lieu d'un -t à la fin d'un verbe, mais comme il parle italien et anglais à longueur de journée, ce sont sûrement des fautes d'étourderies (et il est quand même près d'une heure du soir, le jour de Noël). Il me dit qu'il va dormir, qu'il est épuisé. Je n'ose pas lui souhaiter bonne nuit, alors écris simplement "à bientôt". Il m'envoie un petit message le lendemain, vers midi. Nous discutons encore un peu. Il me propose de boire un café en sa compagnie. On fixe une date approximative, je n'ai pas mon emploi du temps, lui non plus. J'espère que ce sera le 27 décembre, le 27 est un nombre qui marque ma vie. Finalement, ses grands-parents veulent le voir alors on décale. Un soir, on s'écrit qu'on se voit le lendemain. Il me dit que ce n'est pas possible le matin, qu'il a quelque chose à faire avec sa famille.

Je commence à me demander s'il ne se fiche pas de moi. Je ne supporte pas ça. Mais comme il est charmant dans ses mots, je lui laisse une dernière chance. On fixe le café pour le 2 janvier. Cette fois, c'est sûr, il me l'a promis. Je lui laisse le choix du lieu, je pose l'heure. Le café est romantique, dans les beaux quartiers, bon choix. Je m'habille de façon sobre, même pas en robe (j'aurais sûrement dû, j'ai des jambes fuselées sublimes, avec des collants par cette saison, cela aurait été plus éblouissant). Je porte un jean slim, un haut noir Inès de la Fressange, avec un joli plissé sur les manches, des bottes en daim avec un noeud. Une vraie Parisienne.

Comme toujours, j'arrive en avance. Alors je fais des tours, je me promène. Je ne veux pas avoir à choisir la place. Je passe devant le café, toujours en avance, je regarde par la verrière, et merde, je croise son regard. Il est en train de s'installer. Je continue, fais demi-tour, le rejoins. On se fait la bise, il tire délicatement ma chaise. Il est magnifique. Magnifique. Brun, grand, fin, terriblement irrésistible. Le garçon arrive peu après, prend nos commandes. Sans regarder la carte, je demande un café, comme toujours. Louis la lit attentivement. Lève ses yeux et demande un verre de vin rouge. Je ne comprends pas ce choix, il est à peine 15 heures. Bon, je ne dis rien, l'écoute. Je suis très timide alors je ne parle pas. Louis évoque son passé, sa famille, ses grands-parents, ses études, son souhait de venir se poser à Paris, ses amis. Même si c'est moi qui l'ai abordé et que je déborde de choses à lui dire, j'écoute sagement. Je n'ai jamais su parler. Jamais. Je dis des choses stupides, ridicules. Je suis pitoyable. On dirait une potiche. Et pourtant, je le regarde avec des yeux qui comprennent. A peine le café posé devant moi, il me propose une balade après. Je saute de joie intérieurement, je préfère tellement les balades aux cafés.

Louis boit son vin rouge, en regardant la place, en regardant mes bottes, rarement mes yeux. Mes yeux effleurent sa silhouette svelte, ses poses mélancoliques. Je l'écoute, de sa voix sourde. Nous terminons nos boissons. Il m'invite, paie par carte. Mais une pièce tombe et le garçon la donne à Louis qui lui redonne. Je n'ai jamais compris ce geste, tout comme le vin...

On sort, l'air frais nous fait du bien. Il fait beau dehors. C'est encore la magie de Noël. Nous flânons à travers les rues. J'ai envie de courir avec lui, d'aller au bout du monde. Mais je suis encore plus insignifiante qu'avec Paul. Avec Paul, au moins, je n'avais pas trop peur de parler, je n'avais pas peur de me mettre à sourire bêtement, je n'avais presque peur de rien. Paul me regardait avec bieveillance, je savais que je lui plaisais. Avec Louis, je me sens toute intimidée, j'ai peur de faire quelque chose de travers, de lui faire peur, qu'il me trouve trop folle pour lui. Alors je ne fais rien d'autre que de sourire, de prendre un regard compréhensif et de dire quelques mots mesurés. Nous apercevons la Tour Eiffel, elle est belle. C'est lui qui décide de là où nous allons, je ne fais que suivre. Il connaît le quartier, moi pas. Soudain, nous arrivons à un arrêt de métro, Trocadéro. Il me dit qu'il doit rentrer. Je ne sais pas quelle ligne prendre, il me prend pour une pauvre provinciale. Mais sur le moment, je ne fais pas attention à tout ça. Sur le moment, il est juste le gracieux danseur qui nous fait virevolter, celui qui veut que j'arrive à bon port. Il part en me donnant sa carte de visite, en me faisant la bise (j'espérais tant un baiser), et lance, en allant rejoindre son métro "Envoie-moi un message, j'y répondrai !". Je ne supporte pas cette phrase. Et pourtant, je repars le sourire aux lèvres, persuadée d'avoir trouvé mon prince charmant. C'est lui, Louis, et personne d'autre.

Je rêve de lui envoyer ces quelques mots :

Louis, ne me laisse pas à mon pauvre sort mais tire plutôt les cartes de la fortune. Choisis un carreau, un cœur, un trèfle, ou un pic. Qu'importe si je suis ta Dame, ton unique.

mais n'en fais rien.

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