Là où naît la colère

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Perdues dans la brume du soir, les lumières de la ville éclairent le fleuve qu'elles longent comme un serpent luminescent. Quelques joggeurs nocturnes courent sans but sur la levée. Leurs silhouettes se perdent dans l'obscurité des berges.

Peut-être l'un d'entre eux disparaîtra ce soir ?

Voilà le genre de pensée qui me traverse en ce moment. Je dois dire que mon pessimisme s'est accentué depuis que je suis ici.

Je suis arrivée là un peu par défaut.

Pour rester proche de la capitale, trop chère. Parce qu'on y est à cinq heures de tout, pratique pour visiter la famille ou les amis. Et parce qu'il s'y trouvait une opportunité de quitter enfin mon ancienne vie. C'est la ville du non-choix, celle des gens qui ne tranchent pas. Il y flotte une espèce d'inconsistance, d'abdication face à la réalité des choses. Pas étonnant que j'atterrisse ici, tout compte fait.

Postée sur mon balcon, j'apprécie l'air du soir qui lèche ma joue maintenant engourdie. Il fait bien trop chaud dans cet appartement. Une histoire de chauffage collectif mal réglé. Je tire une dernière bouffée de ma cigarette bientôt complètement consumée. Une fumée dense et bleue s'enfuit, un peu de ma respiration embuée s'y mélange. L'hiver est précoce.

Je rentre et me prépare une tisane. Je veux faire du bien à mon corps tendu par des séances d'entraînement trop rapprochées. J'allume la bouilloire et attends l'ébullition. Ma tasse fumante à portée, je m'installe devant mon ordinateur et lance une série policière. Elle a beau être ma préférée du moment, je suis trop fatiguée pour suivre l'intrigue pourtant prenante de ce nouvel épisode. Anesthésiée par la chaleur de mon plaid, je sombre dans un sommeil agité.

Les vibrations de mon téléphone me réveillent.

« Lande ? C'est Félange. Désolé de te déranger, mais on a un problème. Il s'est passé un gros truc cette nuit. Ramène toi, je t'envoie l'adresse par texto. »

Il raccroche. Je n'ai même pas eu le temps d'en placer une. Il est cinq heures trente.

Je sens mon portable vibrer à nouveau dans ma main.

Quand on l'appelle, le chien obéit.

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