Déflagrations

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« Écoutez, on a plus de trace de votre relais depuis qu'il nous a amené la lettre. L'enveloppe était ouverte, ça veut dire que... »

Swann avait connaissance de notre rendez-vous. Il a forcément dû faire parler José. Je plante mes yeux dans ceux de Yanis.

« Il n'est pas loin. Je le sens. »

Mes intestins se crispent, mon ventre devient dur, minéral. J'attrape mon portable.

« Allo ? Inspecteur Lande, matricule 1574376. Demande renforts en urgence au café l'Entre-temps, XIII ème arrondissement, rue de la Butte Aux Cailles. J'ai un témoin à pro... »

J'ai à peine le temps d'entendre les cris qu'une détonation assourdissante me vrille les tympans. Yanis est projeté contre le mur du fond, mon bras gauche est déchiré par une lame de plomb. Notre sang emmêlé éclabousse la peinture claire de l'Entre-temps. Par réflexe, je m'accroupis et bascule notre petite table carrée derrière laquelle je me planque, extirpe péniblement mon Sig de son holster. J'ai l'impression que ça me prend une éternité.

L'homme qui a tiré depuis la porte d'entrée approche rapidement. Je surgis de mon abri, le braque. D'un bond, il se réfugie derrière le comptoir. Extrêmement rapide. J'ai à peine le temps de faire feu ; ma balle se fiche dans le lambris qui éclate dans une pluie d'échardes acérées.

Les derniers clients se faufilent vers la sortie. Je ne quitte pas le comptoir des yeux, qui dépassent à peine de mon rempart de fortune. Où est-il ?

Un silence de mort règne maintenant dans le café. Au loin, j'entends les sirènes de la police approcher. Mais elles ne me rassurent pas... Soudain, ce que je redoutais s'enclenche.

L'homme habillé de noir surgit du comptoir. Il engage un tir de barrage. Bordel, mais quelle arme utilise-t-il ? Ma table est criblée de plombs, certains traversent le bois et se fichent dans mon dos. Je hurle, projetée vers l'avant, le torse rabattu sur mes cuisses. Je porte une main à l'arrière de ma tête. Le type me surplombe. Je me retourne à moitié allongée, le braque. Il hésite.

Nous restons quelques secondes - une éternité - à nous regarder. Ses yeux sont d'un bleu acier, j'y vois briller un instinct de mort. Swann. Il porte un bonnet noir, je ne vois pas sa cicatrice. Son fusil à pompe équipé d'un silencieux est pointé sur mon front. Mon corps est parcouru d'électricité, mon ventre me fait mal, mon dos est en charpie ainsi que mon bras gauche qui peine à supporter le poids du pistolet. Je tremble.

Il sourit.

Les sirènes sont proches, elles sont là. Je vois les lumières danser à travers la vitrine... Ça crie, on hurle des ordres. Swann détourne légèrement le regard. C'est ma chance. Je tire.

Il est touché au bras. Son arme dévisse, il reprend le contrôle. Je roule sur mon côté gauche, évite in-extremis une nouvelle décharge de plomb. Mon corps plein d'endorphine hurle de douleur.

Les premiers policiers déboulent dans le café, deux balles passent à quelques centimètres au dessus de ma tête. J'entends derrière-moi une ultime détonation. Quand je me retourne, le visage de mon informateur a disparu dans une bouillie d'os, de sang et de cervelle. Une silhouette noire s'évanouit par la porte de service.

Tenue en joue par mes collègues, j'obtempère avant de décliner mon identité.

Et je fonds en larmes.

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