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Je pénètre dans l'appartement comme dans un mausolée : avec crainte et déférence. Ça sent le cuivre, une odeur acide qui me vrille les intestins. Dans la chambre des Rochard, le lit, les draps et un pan de mur sont encore tapissés de rouge. Dans la pièce à côté, là où dormait leur petite fille, le tableau est sensiblement le même.

Sans doute le tueur ne s'attendait pas à la trouver ici. Dans sa frénésie, sa peur peut-être, il l'avait liquidée comme les deux autres. Ou alors, elle avait été pour lui un cadeau appréciable : la tuer renforçait la puissance de son message.

Un petit bureau trônait dans un coin de la chambre des Rochard. L'ordinateur avait été emmené par les collègues de la Scientifique, ne restait que quelques documents administratifs sans grand intérêt et une photo dans son cadre. On pouvait y voir cinq jeunes gens en uniforme sourire au photographe. Service militaire. Le cliché devait dater, je ne reconnaissais pas Rochard.

Je repassai méticuleusement par toutes les pièces de l'appartement. Au bout d'une heure-et-demie, je dus me résoudre à la déception de ne rien trouver d'autre que quelques journaux, des partitions de piano, six gros classeurs où s'entassaient vieilles factures, bulletins de salaire, déclarations d'impôts, loyers... Des choses très communes qui ne serviraient plus à personne.

Je pianotai sur mon téléphone.

« Félange ? Lande. Rien ici. Et toi ?

  • Les dossiers parlent peu... On dirait que l'enquête a été bâclée, à l'époque. On a juste un rapport d'autopsie, celui de Malek Hassaoui, la plus jeune des deux victimes. Il était encore mineur. Il marque une pause. Les photos sont... sales. Ça ressemble aux blessures des Rochard, je dirais que c'est le même calibre. Mais on a toujours pas de retour du légiste.
  • OK. Je rentre. »

Je sors de l'appartement et descends l'escalier plongé dans l'obscurité. L'éclairage est en panne. En bas je vois de faibles rayons lécher le carrelage du hall, les rares qui percent encore l'étendue grise du ciel de novembre. Un comité d'accueil m'attend à la sortie. Ils sont quoi... sept, huit ? Une profonde angoisse s'empare de moi.

« Qu'est-ce que tu fais encore là ?

  • Laissez-moi passer.
  • T'as intérêt à trouver. On commence à perdre patience, ici. »

Un silence de mort s'installe. Un autre prend la parole :

« Ça vous dérange pas trop, de laisser les gamins se faire buter ?

  • Faites gaffe parce qu'à ce rythme, il vous en restera plus beaucoup à tabasser.
  • Laissez-moi... »

J'essaie de forcer le passage, mais ils resserrent les rangs. Un homme s'avance vers moi. Jeune. Je le reconnais. C'est le type avec qui Lounes discutait au local quand on est venus rendre visite à José. Juste avant que l'ado ne prenne la fuite.

« Les meurtres... ça vient pas de chez nous. C'est pas un gars d'ici. J'espère que vous savez au moins ça.

  • On sait. Lounes... Il nous a mis sur la voie. Il n'avait jamais vu cet homme auparavant. On avance... doucement. Mais on avance, mentis-je. »

Puis j'ai fait quelque chose que normalement, on ne doit jamais faire. Je leur ai promis qu'on trouverait l'assassin.

Je leur ai promis qu'on lui ferait payer.

Et j'ai pu partir.

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