Un tombereau d'emmerdes

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Quand j'ouvre la porte de mon appartement, une forte odeur de renfermé m'attrape les narines.

Ce coup de téléphone avait laissé en moi comme un poids, un malaise. J'avais le pressentiment que cette affaire allait nous dépasser, qu'on finirait aux archives à trier des microfiches avant qu'un début de vérité ne soit dévoilé.

La première chose que j'ai faite en arrivant chez moi a été de descendre les stores, tirer tous les rideaux. Reconstruire ma bulle. J'ai verrouillé la porte en tournant les serrures à fond, vérifié que toutes les fenêtres étaient correctement fermées. Puis j'ai tenté de dormir.

Il est quatre heures trente. Impossible de trouver le sommeil.

Évidemment.

Je me lève, prends une douche et m'habille. Je fais le point. Notre seul témoin est un guetteur de quinze ans qui dit avoir vu un homme aux yeux clairs, vêtu de noir, au pied d'une tour de vingt étages, vers quatre heures du matin. Le tout dans un ghetto où les trois quarts des lampadaires sont cassés. Et la piste continue sur une affaire vieille de vingt ans. Le premier mot qui me vient ? Fragile.

Cet informateur... Quel que soit le moyen qu'il a utilisé pour nous joindre, il a dû s'arranger pour ne pas pouvoir être pisté. Impossible de le contacter : l'appareil ne répondait plus. Quelque part, ça me rassure. Ce doit être quelqu'un de prudent.

Voilà ce qui danse dans ma tête douloureuse pendant encore une heure au milieu de la nuit. Finalement, après un second Doliprane, je me résous à retourner au bureau. Je suis fourbue, courbaturée. Mon corps me supplie de m'allonger et de fermer les yeux, de me détendre. Mais c'est pour moi quelque chose d'inconcevable encore. Je pense à ce gosse... Lounes. Une vague de tristesse m'emporte loin, très loin de cette réalité morbide, au dessus du gris des tours, de la crasse, des crachats et des lois de la cité, des lois de la police. J'ai envie de prendre avec moi tous les Lounes du monde. Et je m'écrase sur le bitume noir de la réalité.

Le portable posé sur ma petite table en verre se met à vibrer. Ça fait un bruit d'enfer. Mon ventre se tord.

« Lande ? Je sais déjà ce qu'il va m'annoncer. Lande, t'es là ? C'est Félange.

  • Lounes.
  • Comment tu... Ouais, c'est le gamin. Je... je sais pas comment te dire ça, mais... C'est un tombereau d'emmerdes, qui nous attend. Le gosse... on l'a retrouvé par terre, devant le local. Il... »

Je coupe mon téléphone.

La route est bien trop longue par cette nuit pluvieuse. Les roues de ma vieille Citroën glissent dangereusement sur le macadam luisant. Du calme... ça ne sert à rien de risquer l'accident. Je prends le temps de stabiliser ma respiration, quelques secondes pour que mon rythme cardiaque redevienne régulier. Voilà... Détends-toi...

Tu auras les idées plus claires.

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