Un ange passe

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Lounes est là, étendu sur le sol détrempé, entouré de policiers qui s'affairent dans un macabre ballet nocturne. Les habitants sont descendus et assistent aux opérations avec dans le regard quelque chose d'une colère froide.

Comment peut-il en être autrement ? Ils nous ont tous vus courser le gosse dans toute la cité, ils nous ont vus l'immobiliser, le plaquer au sol, lui passer les menottes. Et quelques heures après avoir quitté le commissariat, on le retrouve là, les bras en croix, couvert de sang et les yeux vides. À moitié emmailloté dans une bâche en plastique, il regarde le ciel comme un ange déchu. Mais le ciel est bien trop loin.

On ne s'attarde pas sur les lieux. La tension est palpable. Le corps est emmené, et tout le monde repart sans demander son reste. Quelques personnes sont interrogées. Certaines ont entendu une voiture - une berline noire - et le claquement du coffre d'où on a probablement tiré le corps de Lounes. D'autres on vu une silhouette s'affairer et déposer un gros paquet sur le sol. Ce sont les premiers travailleurs du jour qui ont donné l'alerte...

Et voilà.

Nul doute qu'après ça, tous les guetteurs de la cité vont bien la boucler pour un long, très long moment.

De retour au bureau, le chef nous convoque en urgence. Lafarde a la gueule des jours calamiteux.

« Très honnêtement, je m'attendais à de meilleurs résultats. Je n'ai eu que de bons échos de vous, Lande. Mais là, je ne comprends pas. Faut me le dire, si cette affaire est trop lourde pour vous.

  • Je...
  • Et vous, Félange... Enfin, à quel moment exactement avez-vous arrêté d'être un bon flic ? Que vous interrogiez sur le fil un mineur dans le cadre d'une affaire comme celle-là, passe encore. Mais que vous le laissiez repartir la fleur au fusil sans le raccompagner, c'est juste de la connerie.
  • C'était pour éviter les provocations, chef. Et pour préserver le gamin. Ça aurait pu... »

Il réalise la bourde qu'il est sur le point de commettre, et se tait. Mais nous avons tous fini la phrase pour lui, dans notre tête.

Ça aurait pu mal tourner pour lui.

« Écoutez... Pour le moment, j'ai pas d'autres effectifs pour vous remplacer. En somme, je suis bloqué avec vous deux. Alors vous avancez. Vite. »

Félange et moi échangeons un regard. Nous tirons probablement les mêmes conclusions : nous sommes en sursis. À la première occasion, nous sautons tous les deux. Lafarde nous invite à prendre congé.

« Et ne me déclenchez pas de nouvelles révoltes des banlieues, s'il vous plaît. Je pense que certaines personnes n'apprécieraient pas. À commencer par Montanet. »

Il faut reprendre depuis le début. On a certainement raté un truc chez Rochard. L'assassin avait récupéré les portables et le disque dur, mais ce vieux militant sexagénaire devait encore utiliser le papier. Peut-être que notre tueur avait oublié un classeur ? Un fichier subtilement dissimulé qui serait passé sous sa couverture radar ? D'insignifiantes notes ?

Les premières fouilles n'ont pourtant rien donné. Mais j'ai l'intuition tenace qu'il reste quelque chose là-bas. Je proposai à Félange d'éplucher ce qu'il restait du double meurtre de 1997, pendant que je visitais à nouveau l'appartement des Rochard.

« D'accord. Mais prends une voiture banalisée. » Voilà un élan de bienveillance que j'apprécie. « Et si tu peux trouver quelque chose à bouffer... »

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