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docgrosb

Défi
docgrosb

Dring ------Dring------Dring!
 
 " Qu'est ce qui se passe? Je suis où?" 
Ces mots rompent le silence et accompagnent la sonnerie "vintage" qui le réveille en sursaut.
En plus du son, le portable vibre, agité sur la table de nuit comme un poisson hors de l'eau. Au dehors, la ville ne dort que d'un œil au rythme de ses oiseaux de nuit. Il est minuit. Il regarde l’écran : c'est un appel de sa messagerie.
 
"Vous avez un nouveau message. Jeudi à zéro heure une :
- Vous allez mourir ce matin."
 
Encore à moitié endormi, il distingue le ton saccadé d'une voie féminine enregistrée, comme celle des GPS de voiture. Il appui sur la touche 2 :
 "Message supprimé".
 
Il s'assoie sur le bord du lit et regarde par la fenêtre les arbres du square ployer sous le vent. Il se demandait quand cela arriverai. C'est donc demain!
Il ne trouvera plus le sommeil cette nuit, il le sait. Il se rallonge et fixe l'obscurité de sa chambre. Des lignes lumineuses ondulent sur les murs sombres comme des aurores boréales; sans doute a t il changé de position trop vite. Le phénomène de tachypsychie, de « pensée rapide » s'installe, il en a l'habitude : au seuil de la vigilance, entre veille et sommeil, les idées s’enchaînent à toute allure, mêlant rêves et souvenirs en d'improbables associations. Dans cet ensemble surréaliste, un sourire aux lèvres, il glisse à travers sa nuit hachée jusqu'au réveil de 6h.
Une douche bien chaude pour laver son esprit des dernières visions tenaces, un saut dans ses habits préparés la veille, un café noir et quelques biscottes. L’habitude.
Le voilà prêt à affronter le grondement de la ville qui s’éveille.
Il jette un dernier coup d’œil par sa porte entrouverte, un regard volé sur l'intérieur de son appartement à presque vide, mutique, qui disparaît déjà.
 
Ce chemin qui l’emmène à son bureau il le connait par cœur. Même aveugle il trouverait sa route : le trottoir glissant où l’on respire toutes ces odeurs désagréables, passage devant le kiosque à journaux, bouche d'entrée du métro, escalier menant dans cette seconde ville souterraine, accrochée comme une ombre à son modèle, couloir à droite, escalier à gauche, le rugissement du train qui ralenti dans le brouhaha des anonymes. Un "clac" suivi d'un roulement, la porte de la rame s'ouvre. A contrecœur on se serre les uns contre autres. La porte se referme. Petite sirène puis roulis des wagons ondulant comme un serpent dans un terrier de souris. Plusieurs stations plus loin après 15 minutes qui paraissent une éternité: il descend. Marche rapide pour s'extraire de ce monde pavé de faïences blanches, aller chercher la lumière, l'oxygène en surface, comme un plongeur en apnée qui remonte respirer.
 
La première image qui lui apparaît une fois sortie c'est cet immeuble dans lequel il travaille. Ce matin le soleil jette ses rayons et fait briller les fenêtres des derniers étages qui se détachent sur ce ciel bleu limpide. 
Il à l'air moins vide cet immeuble aujourd'hui. Hall d'entrée, salut de la tête presque imperceptible au vigile, ascenseur, 7 eme étage, ding la porte s'ouvre.
 
Il arrive à son bureau après être passé devant la secrétaire tirée à quatre épingles, un casque sur la tête, saluant mécaniquement les arrivants tout en répondant au téléphone. Il pourrait bien s'agir d'un automate auquel on change la tenue chaque jour.
 
Installé à son bureau il allume son ordinateur. 18 mails non lus. Des requêtes de ses supérieurs, du genre « à faire aujourd’hui pour hier » : il à l'habitude.
Un mail reçu d'un destinataire inconnu : "Vous allez mourir ce matin." Un sourire amusé sur le visage, il sent un léger frisson le parcourir, comme de l’excitation, de l’impatience.
Il ouvre un nouveau message et commence à écrire. Après un début tâtonnant, la cadence de frappe augmente, les mots jaillissent le long de cette route imaginaire : cerveau - nerfs - muscles - doigts - clavier - écran.
Quelques lignes closent par des points de suspension. Il valide l'envoi différé de ce mail à l'ensemble de son carnet d'adresse. Il regarde la porte de son placard légèrement entre-ouverte, une sangle de sac à dos dépasse. Il est prêt!
 
10h30 : l'heure de la pause café! Tous ses collègues s'agglutinent autour de la machine, même le mannequin d'accueil qui a tout de même gardé son casque! Carte magnétique autour du cou, tous habillés en blanc, noir ou gris, ils s'empressent de prendre leur gobelet de café. Se souviennent-ils encore du vrai goût du café?
 
Affairés à échanger des banalités sur la météo ou les premières pages des journaux gratuits qu'ils ont lus en venant, ils ne s'aperçoivent pas qu'il s'en va. Il prend l'escalier et descend vers le hall. Il passe la porte-tambour et allonge le pas en direction de la station de métro. En chemin il admire le ciel bleu et s'enivre de lumière. Le train est presque vide et semble sautiller sur les voies. Il l'emmène à l'aéroport. Arrivé à destination, Il fait face au grand tableau lumineux des vols au départ. On dirait un feu d’artifice dans un ciel d'été. Il ferme les yeux, respire profondément. Il regarde sa montre. Il sait que son message est envoyé à l'instant même à tous ses contacts ; ponctualité de l'informatique.
 
"Bonjour à tous,
 
Excusez-moi pour cette défaillance, mais je n'y arrivais plus.
Ces quotidiens copier-coller, cette vie dépourvue de sens, cet état de prisonnier volontaire : c'en était trop.
J'ai besoin d'espace et de liberté.
Ne vous inquiétez pas pour moi, je trouverai un meilleur chemin...
 
Sylvain"
 
En pièce jointe sa lettre de démission et une adresse de boite postale pour y envoyer son dernier salaire.
 
Il est aisé d'imaginer l'agitation dans l'entreprise, la ruée vers son bureau, la découverte de l'inquiétant mail reçu sans destinataire, les milles interrogations qui fusent dans toutes les têtes : Il ne s’est pas suicidé quand même? Pourtant il n'avait pas l'air dépressif? T’as déjà parlé avec lui toi ? Au fond on ne le connaissait pas Sylvain?...
 
Ce curieux mail retrouvé dans sa messagerie, oiseau de mauvais augure ou blague stupide surprendra tout le monde mais Sylvain, lui, l’attendait. Il y a 6 mois son quotidien gris, mécanique et déshumanisé a fait une pause dans les bras de Louise, lors d’une semaine de congés. Une rencontre imprévue au jardin botanique où sylvain va se ressourcer sous les marronniers et les platanes centenaires, des regards timides, des échanges de banalités, mais comme une évidence cette attraction, quelque chose de magnétique. Puis la découverte de l'autre loin des convenances, de la morale, sans retenue. Une plongée sincère dans cette relation amicale agréable vite devenue plus intime. Une nouvelle bulle de liberté où ils ont construits ce troisième être, bien plus riche que la somme de leurs individualités. Deux âmes sœurs esseulées, errant à travers le monde qui se retrouve par la magie du hasard. 
 
Cette expression "vous allez mourir ce matin" est la sienne, chuchotée sur l'oreiller dans la douceur de leur dernière nuit ensemble : 
 
"Un matin Sylvain tu vas mourir, j'en suis sûr! Pas mourir au sens où tu l'entends mais mourir comme le ferait une chenille dans sa chrysalide, comme le phénix de la légende qui s'éveille de ses cendres pour une nouvelle vie. Tu te lèveras comme d'habitude et  tu trouveras ton quotidien étriqué, tu étoufferas comme à court d'oxygène. Ce jour là tu accepteras ta nature profonde qui cherche à percer à travers les conventions pour vibrer en harmonie avec le monde.
Ce jour là je serai libre moi aussi, libre pour toi, libre d'écouter le chant du monde à tes côtés. 
Laisse-moi juste un peu de temps. Tiens-toi prêt et si tu le souhaites nous partirons ensemble. Nous vivrons tous les deux dans le présent, pleinement conscient, comme réveillés après des années de léthargie."
 
Elle est parti au petit matin alors qu'il dormait encore, sans mot, sans adresse ni numéro où la joindre.
 
Envahit par des vagues de colère, d'incompréhension et de tristesse, il a mis du temps avant de faire le calme en lui. Puis progressivement une sérénité, une confiance c’est imposée. Il a voulu croire en elle, croire en son message plein d'un espoir de fou. Il a préparé son sac à dos avec tout l'inconnu possible et l'a gardé dans son bureau jusqu'à ce jour.
 
Assis devant le tableau lumineux, sylvain visite le monde : Denver, Mexico, Londres, Le Caire, …Il devine à droite une silhouette, encore lointaine. Une femme, qui porte un gros sac à dos de randonnée. Elle se rapproche mais devient floue. Les yeux de Sylvain s’emplissent de larmes qui coulent sur ses joues et contournent de chaque côté le coin de ses lèvres étirées en un merveilleux sourire.
Quelques formalités d'usage (enregistrement, bagages, sécurité) et ils s'assoient dans  l’avion
A l'heure prévu l’oiseau de métal s'envole direction la liberté. Sylvain regarde sa montre une dernière fois avant de la ranger devant lui dans le filet porte-revue. Il n'en aura plus besoin.
Sa vie ne sera plus rythmée par un réveil, une montre ou une horloge mais par les battements de cœur qu’il perçoit dans la main qu’il serre.

 
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Défi
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Après 3 heures d'un voyage en pointillés, à somnoler dans mon siège, j’arrive à destination. Je récupère mes affaires. La porte du train s’ouvre. Le hall de gare sent déjà bon l'iode . Des "tableaux cartes postales" au mur étalent les clichés des bords de mer. Je sors de la gare et me dirige à pied vers la plage.
Je traverse ces quartiers résidentiels remplis de maisons de vacances majoritairement vides en cette fin septembre. Je les regarde et rêvasse,  de ce temps des vacances d'été à la belle époque, les dames élégantes en chapeau, les messieurs moustachus en costumes fumant de petits cigares.
Ces maisons élégantes, d’un autre âge gardent toutes ce parfum d’autrefois, de ces riches parisiens venus quelques semaines en vacances en bord de mer emmenant tout leur quotidien luxueux avec eux. 
Devant moi une ruelle sombre dévoile la promenade puis la mer au delà. Bien sûr ce front de mer renferme moins de charme que ces maisons bourgeoises, défiguré par de grands immeubles géométriques, mais tout de même, quelle plage ! Ce croissant de plusieurs kilomètres étalé la devant, bercé par les vagues et les marées !
Je cherche mon hôtel dans lequel je vais rester ce week end.  Je le trouve avec une « vue imprenable sur la grande plage » comme le précisait le site de réservation.
Après avoir récupéré les clés de ma chambre et déposé mes affaires, je redescends au bar de l’hôtel pour me délasser un peu.
L’endroit est situé juste à côté de la grande porte d’entrée vitrée. La décoration « marine » fait voyager, des répliques miniatures de grands voiliers, des tableaux de nœuds, des  reproductions de cartes marines, etc… 
Confortablement installé dans un fauteuil club je jette un œil alentour. A ma droite un couple d’octogénaires prend le thé, lui plongé dans le journal du jour et elle un sourire aux lèvres tournant sa petite cuillère dans sa tasse pour y mélanger le sucre, regardant son mari avec tant de tendresse. Devant un moi un homme d’affaire seul, aveuglé par son I-phone, un verre à whisky vide devant lui, ne prêtant aucune attention à la superbe vue par la baie vitrée.
Enfin à ma gauche un homme d’une trentaine d’année, écrivant sur un bloc note à en-tête de l’hôtel. Son visage est si maigre! Ses pommettes saillantes aiguisées surplombent deux joues creuses qui soutiennent de fines lèvres trop claires. Son blouson un peu large s’affale comme épuisé sur ses épaules. Ses gestes sont lents. Il écrit péniblement, appliqué comme un écolier. Il regarde de temps à autre autour, le regard vide, semblant chercher quelque chose qu'il ne trouve pas.
Il parait perdu là dans cet hôtel, comme un enfant qui a perdu sa mère dans un centre commercial bondé, comme un Robinson tout juste débarqué de son île déserte, qui se heurte violemment au mouvement étourdissant de la civilisation.
Je commande au serveur mon péché mignon: « Un chocolat chaud s’il vous plait! ».
Apportée sur un plateau, tel un bijou précieux, une grande tasse couronnée de mousse laisse échapper ce délicieux parfum de cacao!
Je ne peux m’empêcher de regarder ce jeune homme. La tasse d’expresso devant lui est encore pleine et ne fume plus, sûrement froide et servie depuis un bon moment.
Arrivé en bas de son bloc note, il pose son crayon. Méticuleusement il arrache de fines bandes de papier et les porte à sa bouche, enroulées. Il les avale, une à une, sans se presser, le regard toujours aussi triste après les avoir mâchonnées sans plaisir. Entre chaque rouleau, il ferme les yeux quelques secondes, comme pour se concentrer sur ses sensations.
Sa feuille d’écriture « engloutis », il recule sa chaise et laisse lourdement tomber se mains sur ses cuisses. Ses yeux brillent. Je distingue sa pomme d’Adam monter et descendre comme s’il avalait encore ses petits rouleaux.
Il reste un instant dans cette position, paralysé. Son regard se perd dans le hall. Une larme perle sous son œil droit.
Il se lève sans toucher à sa tasse, laisse quelques pièces sur la table et part vers la grande porte de verre. Courbé tel un vieillard, il sort de l’hôtel ne prêtant aucune attention à ce qui l’entoure. Il traverse la route sans modifier son allure ni vérifier qu’aucune voiture ne risque de le percuter. Il part alors à droite pour suivre la promenade le long de la plage. Ses mains plonge dans ses poches de pantalon trop profondes, son visage fait face à la mer et au soleil de cette fin d’après-midi qui caresse presque l’horizon. 
Ahuri, il continue son chemin. Je le perds de vue.
Curieux cet individu ?!
Je ferme les yeux pour accueillir les derniers rayons de soleil rasants qui traversent la baie vitrée . Rassasié de cette douce lumière, je rouvre les yeux et remarque que l’homme à laissé le bloc note de l’hôtel sur sa table. Je m’interroge : pourquoi mangeait-il ce qu'il écrivait? Que pouvait-il bien écrire?
Je règle ma consommation et m’approche de la table à l’expresso froid.
La lumière à jour frisant fait apparaître des reliefs sur le bloc note, les sillons des écritures de ce jeune homme. Je me saisit du crayon de bois juste à côté et grise la surface du papier.
Sous mes yeux des lettres bien tracées, des mots  renaissent en négatif. 
Alors que je les lis, la lumière semble décroître, plus vite encore. Le bar, le hall de l'hôtel disparaissent autour de moi. Je suis debout au milieu de nulle part, ce papier grisé sous les yeux. J’ai froid et me sent seul. 
Les mots s’organisent en courts textes poétiques :
 
Assis sur le parapet, à tes côtés
Le soleil comme compagnon,
la mer pour décor.
 
Ce matin, j'ai vu la couleur du vent,
entre gris, blanc et bleu,
qui glissait sous tes yeux
 
La mer s'étale inlassablement sur le sable endormi,
et redessine à chaque instant
la ligne de notre présent
 
Les vagues se jettent autour du rocher,
Les nappes d'écumes se rejoignent et s'étreignent,
Nos deux mains qui se serrent.
 
Ces petits poèmes, à la façon d'« haikus » sont les fragments d’une vie à deux, d’une vie passé. Peut être s'agit il de ce bord de mer d'ailleurs.
Le dernier haiku me dévoile l'être cher associé à ces souvenirs:
 
Au hamam,
la vapeur qui fleure bon s'élève,
puis ruisselle sur ton corps alangui.
Si belle sur ces faïences bleues marine,
je t'aime Caroline.
 
 
Cette vie appartient au passée. Une rupture? Un décès ? La marche du temps a brisé cette mélodie disparue, dont les ombres sont dévoilées ici.
Je me plais à penser qu'en mangeant ces bouts de présent, il souhaitait les revivre, les déguster une dernière fois, les graver à jamais dans sa mémoire, au plus profond de son être.
Toutes mes pensées orientées vers lui, je quitte l'hôtel et profite d'une promenade de fin de journée. Arrivé au bout de la plage je m'enfonce derrière les dunes sur un mince sentier. De jeunes trembles aux feuilles brillantes s'organisent en petits bosquets denses répartis le long du chemin. Le vent souffle et anime toutes ces feuilles.
Je m'arrête et écoute cette jolie musique. A mon tour je me risque à me perdre complètement, sincèrement dans ce moment présent. En une respiration, en un souffle, je déclare tout bas :
 
A l’abri, derrière les dunes,
des arbres dansent dans le vent,
Des soupirs s'échappent, vers la lune
Un inconnu pleure dans la forêt d'argent.
 
 
 
 
 
 



 
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Défi
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Tes yeux sont si profonds que je ne les voyais pas
Noirs et insondables dirigés vers un autre que moi.
Pourtant sous ce front fier, dans ces billes sombres
De la rigueur, de la droiture
sans noirceur ni ombre.
Je ne les voyais pas, par censure,
par interdiction  de » convoiter »
comme cela est dit dans les textes sacrés
 
Tes yeux sont si profonds que je les ai trouvés !
J’y ai lu la souffrance quand je m’y suis attardé.
Apeurés, rougis, usés, remplis de larmes séchées.
Un ouragan dans ta vie a laissé sur tes cils ses embruns.
Venu du néant, il a tout détruit et tu n’y pouvais rien
Ta tristesse m’a écrasé le cœur, m’a fait voir des ténèbres,
Je me suis senti tomber à mon tour
J’ai jeté un lien.
C’était ma main,
Qui d’instinct,  serra la tienne.
 
 
Tes yeux son si profonds que je les ai vu renaître
L’hiver en est parti.
Un jeune et beau soleil
éclaire ta nouvelle vie.
un monde plein de merveilles
t’est aujourd’hui promis.
Ce souffle du printemps passe à travers toi,
puis longe notre lien
et poursuis sa route
sur les lignes de ma main,
et court, court encore en direction de mon cœur.
 
Tes yeux sont si profonds qu’ils m’ont regardé
Comme une nouvelle aube sur ma destinée
Ils ont percé les barrières de mon cœur,
Comme une feuille sous le vent, tout mon être a frémi
sous ce joli regard ami, sans heurt,
ma citadelle est tombée
Devant toi, toi si belle ennemie.
 
Tes yeux sont si profonds que j ‘ai osé leur parler
Drapé de toute ma peur, mais néanmoins serein.
Je tenais mon cœur nu, plus du tout protégé,
et je te l’ai offert, l’ai posé dans tes mains.
Tu l’a accueilli par de tendres mots chuchotés 
Et l’a mis à côté du tiens tout affolé.
De leurs battements synchronisés sont partis milles fusées ,
qui changèrent la nuit noire en un merveilleux décor
comme un paradis multicolore.
 
Tes yeux sont si profonds que j’ai peur de les perdre.
Après l'éclair et le bruit se dissipe la fumée,
Réapparaît alors la réalité tout autour
Qui ne peux s’imbriquer ;
Avec cette liberté, avec tout cet d’amour.
Du rêve ou de la raison, qui lancera le dernier son ?
 
Tes yeux sont si profonds qu’aujourd’hui je m’en souviens encore
Quand parfois au coin du feu
mon regard se perd,
dans les flammes,
oranges, rouges et bleues,
je me sens heureux
et chéris le mystère,
d’avoir rencontré cette femme,
qui m’a ouvert les yeux.
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Défi
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C’est un beau temps de juin,
le soleil s’étire tout là haut
parmi les nuages,
début d’été bien sage.

Je me mets en chemin
pour te revoir enfin.

Ton bureau bien en ordre,
assise à contre jour,
tu es là,
devant moi,
les cheveux bruns lâchés
sur un élégant chemisier.

J’ai tenté de m’approcher,
de venir à toi,
par la main... par la voix
mais tu m’as arrêté.

Un sourire figé,
les yeux grands ouverts,
si sombres,
sans l’éclat ni le pétillant d’hier,
Rien qu’une ombre.

Ton regard a changé :
deux trous noirs.
Je n’y ai rien discerné.
Soudain le cauchemar :

le froid sur mes épaules,
les mains qui tremblent,
le cœur qui tambourine,
une douleur exquise,
un cri dans ma poitrine.

Juste avant le naufrage
brillant comme le verre
je jette une bouteille à la mer :
"Sois heureuse" ai-je dit.

De mes mains tremblantes et maculées,
J’ai tenté de cacher ma plaie.
Je suis parti.

Ce beau ciel de juin,
prit des airs de toussaint.
Comme le dit Lamartine
sans toi Perrine
tout est dépeuplé.

Je ne saigne plus aujourd’hui,
il ne reste qu’une cicatrice vive
dans ma poitrine.
En malade entêté
je refuse de guérir.

Pourtant, chaque jour je m’obstine,
je cherche à t’oublier,
sans succès.

La douceur de mes larmes
est tout ce qu'il me reste,
pour me rappeler
ce charme qui m'a envouté :
ton infinie tendresse.

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Défi
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 …Huit, sept, six, cinq. Je vous l’avais dis, il fallait pas hésiter à mettre la dose ! Ça ne fonctionne pas sur moi votre produit. Je le savais bien. Une vielle grand-mère de la campagne comme moi, qui a vécu à la dure depuis si longtemps, c’est pas quelques gouttes de votre liquide blanc qui va m’assommer !
Tiens il n’y a plus personne? Et les tuyaux, le masque à gaz et tous ces toubibs qui marchaient partout? Ils sont où ? Tous disparus !?
Et je suis où là ? Il fait drôlement bon ici. Et je n'ai plus mal, je n’ai plus froid comme tout à l’heure sur la table. C’est étrange ça, c’est comme si je flottais. Oh là là ! Ma pauvre Marcelline ! Mais si ça se trouve tu y es passée !
Et ben, c’était ta première opération : une prothèse de hanche! Il a fallu attendre d’avoir 86 ans et de glisser dans la cour de la maison pour découvrir l’hôpital pour la première et la dernière fois !
Il a dû y avoir un problème? Mon vieux cœur qui a dû lâcher ? Ou alors ils se sont trompés dans les doses, c’est déjà arrivé ça, ils l’ont dit au journal !
En tout cas ça ne ressemble pas à ce qu’on nous apprenait au catéchisme :
pas de nuage, pas de belle porte dorée et pas de bon dieu barbu. Rien de tout ça.
C’est un charmant endroit ici, de belles collines bien vertes coiffées de bois de frênes, une rivière qui serpente dans la vallée, quelques maisons avec la cheminée qui fume : on se croirait au village.
Oh mon dieu ! Mais, j'y pense, ils ne sont pas au courant ?
 
Mon Pierre dans la salle d'attente qui  patiente la tête pleine de soucis : qui va l’aider à gérer la maison ?
Et les filles qui ont déjà bien assez de difficultés avec leur travail de bureau à la ville, si stressées qu'elles sont!
Et ma petite fille, ma jolie, ma douce Mathilde, et nos chocolats chauds à l’heure du goûter pendant les vacances, et nos promenades dans la campagne! Qui va lui apprendre le nom des fleurs, des arbres et des oiseaux maintenant?
Je n’ai pas eu le temps de leur dire au revoir, de les préparer à mon absence, de leur donner un dernier sourire pour qu’ils le gardent tout près du cœur pour se souvenir de leur vielle Marcelline.
 
Si il y a une vie après la mort et qu’on y est tout seul, loin de ceux qu’on aime ça ne vaut pas le coup. 
 
 
- «Ne t’inquiète pas Marcelline, tu n’es pas seule ici »
 
Mais c’est toi papa ? Et derrière toi c’est … Maman ? Et tous ces gens qui sortent du bois par le sentier là bas ? Mais alors tout le monde est là ?
 
- « Oui. Tout le monde est là. En réalité tout le monde a toujours été là avec toi sans que tu t’en rendes compte, présent en toi, relié à toi de façon imperceptible. Finalement plutôt que de dire nous sommes là il serait plus juste de dire on est là, un et une infinité en même temps. Nous nous croyons isolés et seuls, individus indépendants cherchant notre chemin dans la vie mais ce n’est qu’une illusion. Nous ne formons qu’un tout indivisible, comme un réseau immense qui rayonne du passé à l’avenir reliant tout le monde, constituant un être unique.
 
Ton mari Pierre, tes filles et ta petite Mathilde font partis de toi et tu fais partis d’eux.
Cette « fin » que tu viens de vivre ne vous sépare pas.»
 
 
 
Les médecins s’affairent en tous sens et tentent de réanimer cette vielle dame qui à fait un arrêt cardiaque pendant l’induction anesthésique. Après plusieurs dizaines de minutes d’effort, les visages se tournent vers la pendule du bloc opératoire. Il est 9h17. C’est fini.
L’anesthésiste note ses observations dans le dossier médical. Un drap recouvre déjà le corps inanimé de Marcelline.
En sortant du bloc ce médecin expérimenté, proche de la retraite, explique à un vieux monsieur et à ses deux filles « l’accident » en terme simple.
Il est calme, plein d'humanité et de réassurance. Il l'a déjà fait tellement de fois dans sa carrière. 
 
Tiens on dirait l'hôpital? Me voilà encore changé d’endroit, d'un coup ! Et ils ont tous disparu!? C'est décidément bien étrange cette vie de mort !
Mais on dirait le médecin qui me causait quand j’étais sur la table, il doit annoncer mon décès à Pierre et aux filles. J'ai tellement mal pour eux. Que c'est dur de voir les gens qu'on aime souffrir sans pouvoir apporter du réconfort.
Et voilà, il est déjà reparti. Une famille effondrée de plus, une vielle morte parmi tant d'autres! Qu'est ce que ça peut bien lui faire à lui? Il s'en fiche et passe à quelqu’un d’autre et hop !
Regardez le donc ! Le voilà qui rêvasse en regardant par la fenêtre, pas plus remué que ça par l'annonce qu'il vient de faire!
 
 
Laissant la famille à sa peine et à son deuil débutant, l'anesthésiste sort dans le couloir direction la prochaine opération.
Il s'arrête un instant devant les fenêtres qui donnent sur les jardins de l'hôpital. Un ciel bleu, quelques cumulus de beau temps, des passereaux qui pépient au dehors et la vie partout.
 
Mais on dirait qu'il regarde vers moi ? Ohé! Non il a pas l'air de me voir. Il sourit avec les yeux qui brillent ? Il va pas pleurer quand même. Je suis qu'une vielle dame, il vaut mieux que ça arrive à moi qu'à une petite comme ma Mathilde, c'est déjà plus dans l'ordre des choses!
Allez, on se secoue docteur ! Il y a plein de gens qui ont besoin de vous !
 
Même après toutes ces années, après tous ces morts côtoyés, ce n'est pas devenu une routine. Il sent l'émotion qui croise son cœur. Il laisse passer cette ombre à travers lui, comme la brume du matin qui dépose en passant quelques gouttes sur ses yeux.
Il adresse un sourire plein de tendresse à ces nuages là dehors qui s'éloignent lentement, comme il le ferait à un ami qui s'en va pour un long voyage et qu'il n'est pas sûr de revoir un jour.
 
Au revoir Marcelline.
 

 
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Il m’arrive parfois, quand l’ennui vient me voir,
lorsque je me sens seul, en proie au désespoir,
de caresser ma main de la pointe de mes doigts.

Lentement je parcours ma peau en tout sens,
les lignes, les pulpes, les éminences.
Doucement renaît alors
Un fantôme du passé.

Ce sont ses doigts fins qui me parcourent ainsi?
Ou est-ce moi qui redessine sa ligne de vie?

Je poursuis cette danse en fermant les yeux.
Alors je laisse aller les images
et sans peine je retrouve l’endroit mystérieux
où avec soin j’ai gardé son visage.

Sous mes doigts en mouvement,
Elle ressuscite:
sa démarche vive et assurée,
emprunte d'hésitation quand son coeur est troublé,
ses gestes précis et maîtrisés,
que j'ai vu faillir de tendresse sous un ciel d’été,
ses tenues sages, souvent sombres,
qui orientent mon regard vers son visage lumineux, loin des ombres,
ses cheveux bruns aux reflets d’argent,
son front lisse que mes lèvres effleuraient
ses yeux noirs, son regard brillant,
ses pommettes généreuses bien vite empourprées,
enfin ses lèvres magnifiques ,
tel un fruit bien mûr,
délicieuses confitures
que j'espère déguster,
dans l’ivresse d’un baiser.

Dans ce mince espace d’air,
à nouveau mon coeur bat,
elle est là comme hier,
quelque part sous mes doigts.
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Défi
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Florent est un petit gars de la campagne, un peu solitaire. Il habite dans la ferme à l'entrée du village, "l'ancien battoir" comme c'est écrit au dessus de la porte de la grange. Il vit seul avec ses parents. Derrière chez lui, un verger planté de pruniers où circulent quelque moutons nonchalants sépare leur maison des bois tout proches. Il aime s'y promener dans ces bois. Ses bois! Il aime sentir les parfums propres à chaque saison, entendre les chants d'oiseaux au printemps, voir briller les yeux des animaux dans la nuit. Le sentier qui longe sa maison, grimpe sur la colline : c'est la "charrière" comme disent les vieux du village. En quelques centaines de mètres, elle mène en plein cœur des bois où un ancien village aujourd'hui en ruine disparaît un peu plus chaque année. Il ne reste qu'une maison debout, enfin, les murs surtout car le toit s'est effondré et les poutres à terre à demi pourries sont recouvertes par les ronces. Devant cette maison on distingue encore un petit banc de pierre, vestige du temps où la vie n'était pas qu'à l'intérieur des foyers mais aussi sur leur seuil. Florent s'y assoit souvent pour examiner les trésors glanés dans la forêt. En ce lieu, Il rencontre tous les jours un autre petit gars le petit pierre ou "pierrot" comme il se nomme lui même, qui aime aussi la tranquillité des bois.
Cette ruine est leur terrain de jeu. Pierrot habite le village situé de l'autre côté, enfin c'est ce qu'il raconte. Il aime farfouiller autour des ruines et à partir de ses trouvailles inventer des histoires avec Florent, des histoires pleines de magie, peuplées d'êtres merveilleux qui vivent cachés sous notre nez au milieu de la nature. Pierrot a les cheveux roux un peu longs et toujours en bataille, tellement qu'ils dépassent de son bonnet façon "Robin des bois" et lui cachent les oreilles. 
La première fois qu'il l'a rencontré, Florent a parlé de Pierrot à ses parents. Il s'est rendu compte qu'il ne connaissait que son prénom; en même temps c'est bien suffisant quand on est enfant. Le père de Florent peine à identifier de quelle famille il est issu. Mais il y a tellement d'enfant dans le village d'à côté qu'il ne peut pas connaitre tout le monde. 
Un jour comme un autre, la journée passée à chercher des "trésors" autour des ruines, Florent avoue à ses parents qu'il lui arrive parfois d'entendre d'étranges bruits là bas, comme si le vent qui souffle à travers les arbres lui parlait. Il jurerai entendre des murmures, des conversations. Ses parents lui expliquent que c'est sûrement son imagination. Bien décidé à prouver ses dires, il les emmène dans l'ancien village et leur demande d'écouter attentivement. Mais rien! rien d'autre que que le vent dans les branches, des battements d'ailes d'oiseaux, et le tapis des feuilles qui crissent sous leurs pas. Pierrot n'est pas là non plus.Les parents soupçonnent leur fils de s'imaginer tout cela pour remplir son quotidien de voix et d'amis imaginaires. C'est souvent le cas des enfants solitaires. Tant que cela ne prête pas à conséquence ce n'est pas grave, autant lui laisser son jardin secret.
Déçu, Florent repart dans la forêt après dîner, pour se prouver à lui même qu'il ne rêve pas. Il trouve Pierrot assis sur ce qui fut le pas de la porte de cette maison. Il lui raconte sa venue avec ses parents, et sa déception de n'avoir rien entendu.
Pierrot le rassure : "moi aussi j'entends ce dont tu parles, je le ressens, je le devine, je suis convaincu que ces bois recèlent plus qu'ils ne laissent à voir.Les adultes, les autres gens, les autres enfants n'entendent pas tout cela, ils n'entendent pas mais pourtant, nous nous entendons. Nous les entendons tous!"
Étonné par cette révélation mais ravi d'avoir trouvé oreille plus accueillante, Florent se sent rassuré. Il ne cherche pas à comprendre davantage à qui ce "les" fait référence.Il rentre chez lui, en sautillant, heureux d'avoir été compris par quelqu'un, après avoir promis à Pierrot que cela serait leur secret à tous les deux. Alors que Florent a presque disparu au bout du chemin, une bourrasque de vent, inattendue en ce soir d'été si calme, parcourt les sous bois et les ruines. Pierrot debout sur le petit banc de pierre en perd son chapeau, ses cheveux roux s'épanouissent dans le vent laissant apparaître deux jolies oreilles pointues. Ses yeux plissés brillent d'une malice, d'une intelligence qui n'est pas celle d'un enfant.
Cela fait bien longtemps qu'il n'avait pas rencontré quelqu'un comme ce petit Florent, quelqu'un "d'éveillé". La dernière fois ce devait être du temps de l'arrière grand père de Florent. Toutes ces années n'ont pas marqué son visage qui reste celui d'un enfant, seul cet éclat dans ses yeux trahit son grand âge. Il sourit aussi simplement que Florent tout à l'heure. Des bruits surgissent des alentours et s'accentuent. Pierrot attend de la visite. Le soleil descend sur l'horizon, les sous bois sont plongés dans la pénombre, entre chien et loup comme on dit ici. La fenêtre de sa chambre ouverte, Florent est entre veille et sommeil. Il distingue à peine, derrière le murmure du vent, le crépitement d'un feu, quelques notes de musique, provenant d'une veillée secrète; celle des gardiens des villages perdus, qui dansent à la lisière du monde.
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Je suis là depuis longtemps, moi qui orne si bien les bords de cette étendue d'eau, laissant tomber mes rameaux nonchalants qui troublent le miroir de l'eau, miroir dans lequel regardent tous les amoureux éblouis par le regard de l'être désiré, assis juste à coté.
Je suis planté sur cette langue de terre, cette presqu’île qui fait sailli dans le lac, comme un « bout du monde ». Je regarde l'ouest où chaque soir le soleil me gâte en parant le ciel de milles teintes à mesure qu’il s'évanouit sous l'horizon.
Et ensuite c’est le spectacle : le balai des étoiles dans le ciel clair où, parfois la « diva-lune » vient faire son numéro, plus ou moins dévêtue.
 
En ce jeudi soir d’août, je me laisse aller, ni triste, ni pleureur.
Mes branches ondulent et dansent dans la douceur du soir.
Deux inconnus cheminent autour du lac, non loin de moi. Ils discutent, hésitant dans leurs pas. J’en ai vu des centaines comme eux. Ils viennent s’assoire sous mes branches bienveillantes, comme à chaque fois.
Leurs regards se cherchent, se fuient, rayonnent tout autour.
Je suis convaincu de lire là les signes de l'amour et devine aisément l’issu de ce joli rendez vous.
 
Mais non, rien !
Pas de bras qui s’enlacent, pas de mains qui s’effleurent, ni baisers, ni pleurs. Tant de pudeur dans ces attitudes, qui témoignent pourtant d’une belle complicité.
 
Ils s'en vont souriant, peut être un peu plus près l'un de l'autre. De tout mon être d’arbre centenaire, témoin privilégié de ce moment, je veux jouer au destin et tenter de les rapprocher encore un peu, juste quelques centimètres et leurs épaules se toucheraient, leurs mains oseraient.
 
Mais que faire, moi qui ne peux bouger, figé dans mon armure d’écorce et de bois?
Ils s'en vont. Je n'ai rien pu faire.
 
Les deux inconnus en fuite, s’arrêtent, se retournent et devinent les initiales enlacées, qu’ils n’ont pas gravées sur moi pour toujours.
Ces deux cœurs ont leurs vies sages, mariés, rangés avec des enfants sans doute. Je sais qu’il leur manque l’essentiel, ce frisson qu’ils sont venus chercher à mes côtés.
 

Le temps a passé. Je garde de ce moment, une jolie carte postale qui fait battre mon vieux cœur d’arbre un peu plus vite. Le jour où quelqu’un décidera que je suis trop vieux, qu’il est temps de me couper, c’est à eux que je penserai. Mon bois crépitera dans l’âtre et laissera échapper une belle fumée blanche vers le ciel, qu’apercevront peut être ces deux cœurs perdus du bout du monde.
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“ ♬ Sur les trottoirs je pense à toi, sur les boulevards je pense à toi, …♬ “
Encore cette chanson à la radio : cinq, dix, vingt fois par jour! Comme si ce n’était pas déjà assez dur de ne plus penser à elle!
Il fait encore bon en cette fin d’après-midi, Florent roule la fenêtre ouverte depuis plusieurs heures avec pour seul objectif de quitter la ville. Il n’a qu’une une idée en tête : voir la mer.
Sur le siège passager des lettres froissées, éparpillées par l’air qui souffle dans l’habitacle, certaines écrites de sa main mais non envoyées et d’autre reçues et lues au moins cent fois. Sur la banquette arrière quelques affaires dans un maigre sac de voyage.
Septembre ne semble pas vouloir abandonner, l’été s’accroche encore. Il roule sans hâte, sans but, hypnotisé par les lignes blanches qui défilent. L’air qui glisse sur son visage, sèche ses larmes et sature ses oreilles; ainsi entend il moins ce qui passe à la radio. Toujours un hameçon, toujours quelque chose qui ramène à la surface un souvenir enfoui de Perrine qu’il souhaite oublier. Des chewing-gums qui collent au quotidien, aux lieux, aux musiques, aux objets. Tout est teinté d’elle, sent comme elle, porte comme un morceau d’elle.
“J’ai arrêté de t’attendre”, lui a elle écrit. Elle s’est avouée qu’il n’y avait pas de bonheur possible dans la lassitude. Alors elle a regardé autour d’elle, a vu ces regards insistants, comme d’autres soleils qui brillaient aussi... et elle s’est dit pourquoi pas.
Florent n’avait que son chagrin, sa peine, sa douleur, pour lutter; rien de valable à opposer à la chaleur d’un bel astre tout neuf.
Chaque jour il se demande pourquoi! Pourquoi ne s’est-il pas décidé avant, pourquoi ne pas avoir mis fin plus tôt à son précèdent couple inconsistant et vide depuis tant d'année, pourquoi avoir nié cet élan si évident du cœur. Il a fini par ouvrir les yeux, accueillir enfin ses sentiments pour Perrine, mettre fin à cette union en lambeaux pour la rejoindre... mais il était trop tard. Il s’est retrouvé seul sur le quai, le train était parti sans lui. On ne peut remonter le temps. Il a alors abandonné le combat, s’est laissé aller, en chute libre, happé par sa tristesse.
Ce soir après le travail il est repassé chez lui prendre quelques affaires et est parti comme ça, sans raison, sans autre but que celui de voir la mer qui s'étale quelque part au loin, à la fois permanente et changeante pour y perdre son regard, y déposer ses larmes et son cœur en morceau et peut être y trouver le repos.
Le jour décroît de plus en plus. Il est réduit à une pâle lumière grise au-dessus des arbres de la forêt. La route n'est maintenant plus qu'une une mince langue de bitume sombre. Une sonnerie le sort de ses pensées. Il est sur la réserve, plus d'essence. Ou trouver une station dans un endroit pareil? Il ne sait pas où il est. Il aperçoit alors une faible lueur au loin. Sans doute un hameau ou une maison isolée: peut-être y trouvera-t-il de l’aide. A mesure qu’il s’approche se dessine comme une petite cabane, porte et fenêtres grandes ouvertes diffusant leur lumière dans la nuit. Juste devant 3 poteaux rouges surmontés de disques lumineux, à côté un panneau plus en hauteur portant un cheval ailé. Il ralentit et se gare devant l'une des pompes. Il coupe le moteur. Il reste assis ses mains toujours sur le volant. La satisfaction d’avoir évité la panne s’estompe vite. Il s'égare à nouveau dans ses pensées, Pégase lui ramenant le visage de celle qu’il aime et tente d’oublier.
Un homme portant veston et cravate sort de la boutique. Cet élégant pompiste semble venir d’un autre temps. Il saisit le pistolet et fait le plein sans y avoir été invité.
Son travail accompli, le vieil employé s’essuie les mains et s’approche de la fenêtre du conducteur. Il aperçoit un jeune homme affalé sur son siège, immobile, le visage si triste.
Florent se rend compte de cette présence et tourne la tête. Il voit alors cet homme, le visage usé par les années avec dans le regard une étrange lueur. Certains regards ont ce don de nous parler plus justement qu’un beau discours, de toucher notre âme plus sûrement que les mots.

Tu penses sans cesse à Perrine n’est-ce pas? Tu te demandes bien comment faire pour continuer?
Ces propos sortent Florent de sa contemplation, comme une douche froide qui réveille d’un coup.
Je n’ai pas de réponse à t’apporter Florent, pas de réponses à ces questions qui tournent dans ta tête. Ce qui est sûr c’est que traîner ton chagrin de la sorte ne te mènera nulle part. Tu finiras par être toi aussi en panne, par t'éteindre.
Florent écarquille les yeux et reste sidéré par ces propos si personnels.
Tu l’aime plus que tout, je le sais bien, comme si ta vie n’a été qu’une trajectoire continue jusqu’à cette soirée de juin, cette table vert anis sur ce petit balcon où vous avez lu l’un dans l’autre pour la première fois. Elle fait battre ton cœur à chaque seconde. La lune apparaît et son visage éclaircit la nuit, une traînée d’avion dans le ciel et se dessine tes rêves de voyage avec elle, un bras de rivière qui s’écoule en douceur et tu revis un de ces rares moments en sa compagnie…
Il te reste deux choses aujourd’hui : ton amour pour elle et tes mots. Alors utilise-les. Préserve l’amour que tu lui portes, comme une carte postale de vacances. Ne l'abîme pas, ne l’altère pas avec des mensonges, des suppositions qui t’aideraient à alléger ton chagrin.
Tes mots, si tendres, si pleins d’amour pour elle, dépose les dans des lettres, dans tes carnets, fais les danser sur la musique de ton cœur, rends les magnifiques.
Alors l’inestimable cadeau que tu as reçu d’elle restera vivant en toi.
Garde cela précieusement comme une lanterne par une nuit de tempête car personne ne sait ce que l’avenir réserve. Sois sûr d’une chose : un petit coin de ciel bleu nous attend tous quelque part.


Incapable de sortir un mot, Florent ne réussit qu'à tendre un billet tiré de sa poche. Le vieil homme lui sourit, d’un sourire portant toute la douceur d’une vie, fait non de la tête et s’éloigne lentement.
Florent repart, droit devant lui, sur cette route inconnue, dans ce rêve éveillé sans comprendre exactement ce qui lui arrive.
Dans son rétroviseur il voit le vieil homme déposer son veston à côté d’une des pompes et rentrer à pas lent, le corps voûté, dans la petite boutique. Tout devient flou, lointain, la lumière projetée sur la route s’estompe pour finalement disparaître, avalée par la noirceur de la nuit.
L’image de cette personne étrangement familière s’efface déjà. Il ne lui reste en mémoire que ce prénom, brodé en belle lettre ronde sur la poche du veston: ”Florent”.

Il se réveille assez tôt, dans sa chambre d'hôtel face à la mer. Il allume la radio et ouvre les rideaux. Le lever de soleil est magnifique : un ciel clair comme du cristal, une mer calme aux teintes incroyables. Cela ressemble au premier matin du monde.
Les paroles d’une chanson à la mode se répandent autour de lui.
Tout en fermant les yeux, il sourit. Il tend les bras comme pour accueillir un être cher que l’on retrouve après une longue absence.
“ ♬ Sur les trottoirs je pense à toi, sur les boulevards je pense à toi, …♬ “
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La nouvelle année arrive avec ses bonnes résolutions

qui comme plein d'ampoules s'allument dans le cerveau,
faisant remonter au grand jour les rêves endormis.

Étouffés par la vie quotidienne, ces rêves s'épanouissent au début d'année,
un bel oiseau qui étend ses ailes, les pattes au bord du nid, prêt à s'envoler.
Certains réussiront, d'autres échoueront pour retenter leur chance
l'année prochaine.

D’où peux bien provenir cette énergie qui dort le reste du temps,
qui se réveille en plein hiver, saison du calme et de l'inertie?
Est ce un code, inscrit dans le grand livre de l'inconscient collectif?
Est ce une pause, un moment de lâcher prise?
Ce besoin de changement, de nouveauté
qui s'éveille à la nouvelle année
fait sans doute partie
du grand cycle de la vie,
comme après l'hiver viendra le printemps, puis l'été.


Que souhaiter pour cette nouvelle année? 



Plus  d'authenticité dans sa vie.  
Retrouver la lente valse du temps
qui tourne au ralenti
toujours à trois temps,

l'entendre dans le rythme du cliquetis
des touches sur lesquels j'appuie,
Fuire la folie furieuse des soldes, des "sous"
du "dieu économie".

Retrouver son essentiel, son soi, son tout
Dans son être, son foyer, sa famille.


Oui je pense que ce serait,
Non! Ce sera
quelque chose dans ce gout là.
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Trois mois auront suffi, pour me perdre, pour m’égarer, pour chercher un logement, un nouveau foyer, un lieu sûr qui finalement n’était qu’une menace, comme un danger imminent, comme une erreur, une réflexion de travers qui aboutit à l’exact opposé de ce que je voulais. Mais au fond qu’est ce que je souhaitais?
Trois mois totalement fous, dénués de raison, hors du temps, à vivre en marge, à regarder la vie passer, sans volonté, ni ambition, ni désir, jusqu’à accoucher de quelque chose d’informe, de bien pire : finir seul, abandonné, emprisonné, dans cette maison morte, le regard errant par la fenêtre, impuissant, à te regarder partir.

Le temps piétine,
de fleurs en fruit.
Ton coeur loin d’ici.

Trois mois suivirent, remplis d’une souffrance inouïe, dans un monde sans toi, héritage maudit, dépeuplé, sans repère, à chercher en vain, un signe du quotidien, une habitude, un lieu, une musique , une photo, un projet de voyage, ...un lien vers la vie. Tu étais partout mais nulle part à la fois, seulement dans mes larmes, dans mes regrets, dans cette blessure vive, soigneusement entretenue par mes soins. Je souhaitais sortir de cette forêt si dense à l’aide d’une machette affutée mais je n’avançais guère; ce fut mes chairs, mon coeur et tout mon être que je scarifiai, que je lacérai à grand coup de tristesse.

Les feuilles tombent.
Le froid mord.
Un coeur glacé s’arrête.

Trois mois enfin pour renaître et repartir en quête. Je revois ton cou si fin, dégagé par une queue de cheval; cette grâce naturelle, me rappelle la douceur de tes mains. Je te vois comme étincelante, heureuse dans ta nouvelle vie, qui te fait briller comme jamais.
Dieu que tu es belle!
J’aimerai tant passer ma main dans ta nuque et sentir ta peau, ta peau douce, parfumée, délicieuse, si agréable sous mes lèvres, sentir les muscles de ton cou s’assouplir laissant ta tête s’incliner, s’abandonner dans le creux de ma main. Alors de mon pouce j’ajouterai une caresse comme une ponctuation qui signerait, qui sublimerait cet instant.
La suite je ne l’écris pas car aujourd’hui elle n’a pas de forme. Je ne fais que la désirer, intensément. Mais le rêve a ses travers, je ne le sais que trop bien.
Rêver trop fort, trop loin c'est risquer d’enfermer un nuage qui ne demande qu’à voler librement, qu’à s’épanouir, c’est contraindre une plante à fuir le soleil.
Je m'arrête donc là, sur la caresse dessinée par ce mouvement lent, si lent, interminable, comme figé dans le temps.
Je laisse ce moment en suspens, je reprends le chemin de la vie me faisant la promesse de reconquérir ce rêve, de finir de dessiner cette tendre esquisse, cette danse amoureuse de ma main, de mes doigts, de mon coeur près du tiens.

Arrosée de larmes.
une graine délaissée frémit,
Mon coeur au printemps
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On ne peut l’attraper, 
on ne peut la saisir,
seulement la ressentir
puis la laisser aller.
 
Toujours en mouvement, 
comme le temps qui s'écoule,
indéfiniment
 
Un automne triste, un hiver tout gelé 
puis la fête du printemps,
et le sublime été .
 
Elle entre par l'oreille
toute sage
et en moins de trois secondes,
nous inonde, 
et fait vibrer
notre être tout entier,
 
 
Le pied frappe la cadence,
Le cœur suit le tempo,
frémissant sur la mélodie,
la mémoire se réveille
et ouvre sa vielle boite à chapeau,
laissant échapper,
les douceurs endormies
du temps passée.
 
Souviens-toi 
ce violoncelle désespéré,
Dès les premières notes lancées,
les larmes coulaient
sur ta figure.
Mon dieu comme c'était dur
de vivre cette rupture,
 
 
Souviens-toi de cet air
quand tu étais petit, 
le goût de la semoule au lait
pleine de sucre vanillé,
le parfum de maman, 
assise à tes côtés
 
Souviens-toi de cette chanson
qui sentait bon le sel,
la mer, les vacances d'été,
ce merveilleux soleil.
 
Souviens toi de cette balade,
en si belle compagnie,
son parfum envoûtant
la douceur
de sa peau bronzée
le goût de ses lèvres 
si longtemps désirées
 
La musique
sera toujours là 
quand tu en auras besoin.
Elle saura t'accompagner,
vers tes cartes postales
vers tes madeleines cachées
que tu gardes à l'abri
loin des yeux indiscrets,
le vrai cœur de ta vie.
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