Les gardiens...

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Florent est un petit gars de la campagne, un peu solitaire. Il habite dans la ferme à l'entrée du village, "l'ancien battoir" comme c'est écrit au dessus de la porte de la grange. Il vit seul avec ses parents. Derrière chez lui, un verger planté de pruniers où circulent quelque moutons nonchalants sépare leur maison des bois tout proches. Il aime s'y promener dans ces bois. Ses bois! Il aime sentir les parfums propres à chaque saison, entendre les chants d'oiseaux au printemps, voir briller les yeux des animaux dans la nuit. Le sentier qui longe sa maison, grimpe sur la colline : c'est la "charrière" comme disent les vieux du village. En quelques centaines de mètres, elle mène en plein cœur des bois où un ancien village aujourd'hui en ruine disparaît un peu plus chaque année. Il ne reste qu'une maison debout, enfin, les murs surtout car le toit s'est effondré et les poutres à terre à demi pourries sont recouvertes par les ronces. Devant cette maison on distingue encore un petit banc de pierre, vestige du temps où la vie n'était pas qu'à l'intérieur des foyers mais aussi sur leur seuil. Florent s'y assoit souvent pour examiner les trésors glanés dans la forêt. En ce lieu, Il rencontre tous les jours un autre petit gars le petit pierre ou "pierrot" comme il se nomme lui même, qui aime aussi la tranquillité des bois.
Cette ruine est leur terrain de jeu. Pierrot habite le village situé de l'autre côté, enfin c'est ce qu'il raconte. Il aime farfouiller autour des ruines et à partir de ses trouvailles inventer des histoires avec Florent, des histoires pleines de magie, peuplées d'êtres merveilleux qui vivent cachés sous notre nez au milieu de la nature. Pierrot a les cheveux roux un peu longs et toujours en bataille, tellement qu'ils dépassent de son bonnet façon "Robin des bois" et lui cachent les oreilles. 
La première fois qu'il l'a rencontré, Florent a parlé de Pierrot à ses parents. Il s'est rendu compte qu'il ne connaissait que son prénom; en même temps c'est bien suffisant quand on est enfant. Le père de Florent peine à identifier de quelle famille il est issu. Mais il y a tellement d'enfant dans le village d'à côté qu'il ne peut pas connaitre tout le monde. 
Un jour comme un autre, la journée passée à chercher des "trésors" autour des ruines, Florent avoue à ses parents qu'il lui arrive parfois d'entendre d'étranges bruits là bas, comme si le vent qui souffle à travers les arbres lui parlait. Il jurerai entendre des murmures, des conversations. Ses parents lui expliquent que c'est sûrement son imagination. Bien décidé à prouver ses dires, il les emmène dans l'ancien village et leur demande d'écouter attentivement. Mais rien! rien d'autre que que le vent dans les branches, des battements d'ailes d'oiseaux, et le tapis des feuilles qui crissent sous leurs pas. Pierrot n'est pas là non plus.Les parents soupçonnent leur fils de s'imaginer tout cela pour remplir son quotidien de voix et d'amis imaginaires. C'est souvent le cas des enfants solitaires. Tant que cela ne prête pas à conséquence ce n'est pas grave, autant lui laisser son jardin secret.
Déçu, Florent repart dans la forêt après dîner, pour se prouver à lui même qu'il ne rêve pas. Il trouve Pierrot assis sur ce qui fut le pas de la porte de cette maison. Il lui raconte sa venue avec ses parents, et sa déception de n'avoir rien entendu.
Pierrot le rassure : "moi aussi j'entends ce dont tu parles, je le ressens, je le devine, je suis convaincu que ces bois recèlent plus qu'ils ne laissent à voir.Les adultes, les autres gens, les autres enfants n'entendent pas tout cela, ils n'entendent pas mais pourtant, nous nous entendons. Nous les entendons tous!"
Étonné par cette révélation mais ravi d'avoir trouvé oreille plus accueillante, Florent se sent rassuré. Il ne cherche pas à comprendre davantage à qui ce "les" fait référence.Il rentre chez lui, en sautillant, heureux d'avoir été compris par quelqu'un, après avoir promis à Pierrot que cela serait leur secret à tous les deux. Alors que Florent a presque disparu au bout du chemin, une bourrasque de vent, inattendue en ce soir d'été si calme, parcourt les sous bois et les ruines. Pierrot debout sur le petit banc de pierre en perd son chapeau, ses cheveux roux s'épanouissent dans le vent laissant apparaître deux jolies oreilles pointues. Ses yeux plissés brillent d'une malice, d'une intelligence qui n'est pas celle d'un enfant.
Cela fait bien longtemps qu'il n'avait pas rencontré quelqu'un comme ce petit Florent, quelqu'un "d'éveillé". La dernière fois ce devait être du temps de l'arrière grand père de Florent. Toutes ces années n'ont pas marqué son visage qui reste celui d'un enfant, seul cet éclat dans ses yeux trahit son grand âge. Il sourit aussi simplement que Florent tout à l'heure. Des bruits surgissent des alentours et s'accentuent. Pierrot attend de la visite. Le soleil descend sur l'horizon, les sous bois sont plongés dans la pénombre, entre chien et loup comme on dit ici. La fenêtre de sa chambre ouverte, Florent est entre veille et sommeil. Il distingue à peine, derrière le murmure du vent, le crépitement d'un feu, quelques notes de musique, provenant d'une veillée secrète; celle des gardiens des villages perdus, qui dansent à la lisière du monde.
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Les gardiens...Chapitre6 messages | 8 ans

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