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Nicolas Haarman

Lausanne.
Nicolas Haarman

Je suis dans le train, assis face à une fille. Je suis en train de manger une banane et boire un jus de fruits. Il est sept-heures trente du matin. Je vogue vers une journée de travail alimentaire. Une routine bien huilée.
Rien de bien extraordinaire en soit. Je ne suis pas le seul.
Elle, elle dévore un croissant au chocolat. Nous sommes côté fenêtre. Nous observons les décors de notre routine défiler.
Au moment où je la regarde dans les yeux elle fait de même. En une fraction de seconde nous retournons au décor. Comme si le fait d'entrevoir nos âmes à travers nos yeux était de trop. Par timidité? Par conséquences sociales ? Par l'envie de stagner dans notre confort usuel?
Je n'ose pas trop la détailler, cela me semble violent. Pourtant j'en ressens une envie incontrôlable.
Alors mes yeux ricochent sur les reflets de la vitre, se baissent et remontent, esquissant des gestes qui tentent maladroitement d'être naturels. Que cela doit être gros me dis-je.
En la détaillant comme je peux, quelque chose se réveille en moi, une envie que je croyais disparue.La nécéssité de lui parler. Car elle est belle.
Elle est petite, brune, porte des lunettes, un chemisier à pois, et un jean.
Mais je vois sa beauté dans sa manière qu'elle a de porter son croissant à la bouche,dans ses gestes délicats, empruntés. Dans ses mouvements qui semblent épouser le rythme de la vie à la perfection.
De la délicatesse, trop rare.
Tant d'harmonie dans tout cela. Et je suis le seul spectateur. Je m'estime privilégié.
Je descends au troisième arrêt. Peut-être descend-t-elle au prochain?
Je n'ai jamais abordé une inconnue dans les transports publics. D'abord parce que cela me semble agressif. Ensuite parce que si j'étais une fille je ne pense pas que je réagirais positivement.
Alors je m'imaginais un scénario. Je lui dirais: "Bonjour, je m'appelle Nicolas et vous ?"
Après avoir eu son nom avec un peu de chance, je lui dirais: "Voulez-vous jouer avec moi?"
"Jouer à quoi?" me répondrait-t-elle.
"Retrouvons-nous lundi prochain à 18H par hasard à tel bar en nous inventant des prénoms et vies complètement imaginées. Jouons à être autres. Imaginons nos rêves et racontons-les-nous à l'un l'autre."
Je trouvais l'idée excitante et attirante.
Perdu dans ces réflexions, et au moment où je m'apprêtais à prendre mon courage à deux mains, les portes du train s'ouvraient et je la vis s'échapper à mes divergences. Sans un regard en arrière.
Depuis, j'espère la re-croiser un jour. J'espère pouvoir lui proposer de se rencontrer sans être nous-même.
Afin de pouvoir jouer et s'évader. Et renaître.

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Nicolas Haarman

"Je ne sais plus quand cela a commencé à devenir ingérable. Je me souviens surtout qu’au début c’était pas par goût de la chose.
Plutôt dans un esprit de suiveur.
Dans un bon vieil esprit stupide de vouloir prouver à d’autres que j’étais capable de faire partie de la meute.
Car quand on a 14 ans dans les années 90 on a besoin d’une meute.
Un groupe, des gens à qui se rattacher en dehors de la sphère familiale.
C’est vital dans ces années où l’ennui primait sur toute chose quand on était jeune.
Pas d’internet les minos, pas d’exutoire pour passer le temps.
Et peut-être était-ce tant mieux.
Enfin, nous avions tout de même la lecture, les rumeurs, les films VHS, les clips sur MTV, et l'envie de faire beaucoup de conneries.
Les premiers émois sexuels via canal+ chaque premier samedi du mois ou M6 en fin de soirée.
En groupe car forcément un seul des potes avait l’abonnement.
Je vous dis pas la gêne et le côté glauque de ces réunions. Mais sûrement le savez-vous. Sûrement ceux et celles de ma génération ont communié via ces mêmes canaux.
Cependant il y avait aussi une certaine innocence qui à mon sens s’est évaporée de nos jours.
Bref, je m’égare.
Je me rappelle ma première cuite. 14 ans chez un certain Samuel en Tunisie.
J’étais très mal entouré. Ces idiots m’avaient préparé un « cercueil ». En gros ils ont pris chaque bouteille du Bar et m’en ont versé un peu de chaque dans un verre; et « cul-sec! » on m’a dit.
Et forcément à 14 ans on roule des épaules, on veut faire le fier. Alors "bottoms up" donc.
Mon estomac a très peu apprécié. Le tapis du salon encore moins.
Je me remémore encore penser pendant que mon monde tournait tel des derviches sous Ecstasy, vais-je survivre? Cela va-t-il finir? Plus jamais ça.
Et en effet je suis depuis allergique à tout spiritueux. Donc un mal pour un bien quelque part.
Mais quand j’y repense, mon premier contact avec LA substance, j’avais 10 ans, et cela venait de ma famille: « vas-y goûte le vin tu vas voir », « essaie la bière », avec comme mantra et motif éducationnel de signifier que:
« il faut lui faire goûter tôt comme cela il sera dégoûté ». Venait la cigarette ensuite: « Si, si fais-le fumer, essaie petit tu verras comme c’est ignoble ».
Et pendant ce temps, ça se marrait, ça se tapait sur les cuisses pendant que tu passais du rose au jaune puis au bleu en crachant tes poumons.
Et puis on me dit, c’était un autre contexte, c’était pas le même monde, blablabla.
En attendant cela ne m’a pas empêché de retomber dedans plus tard.
Mais un nota bene important: j’ai choisi toutes mes actions. Même si j’ai été influencé.
Mais ces même personnes qui prônaient cette éducation, étaient celles qui donnaient le pire exemple.
Je m’égare, je m’égare.
Il est difficile de comprendre d’où viens une maladie. Il faut remonter le temps et tenter de comprendre à partir de quel moment c’est devenu un problème.
A partir de quel moment on a fait un choix de continuer dans cette voie et pas une autre.
Car il est trop facile de se poser en victime. Comme disait mon frère: à partir du moment ou tu te poses en victime, tu as déjà perdu . Meilleur conseil jamais reçu."
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Nicolas Haarman


Mes grand-parents ont acheté une maison dans le midi, plus précisément près de Bormes-les-mimosas, dans un domaine privé appelé le Gaou Bénat.
A cette époque je n’étais pas encore né. Je l’ai découverte bien plus tard dès ma naissance, car c’est l’endroit ou nous allions passer toutes nos vacances d’été.
L’endroit était idéal. Proche de la mer, complètement privatisé (gardiens avec guérite, épicerie fine, cabanon de location d’optimistes, cours de natation). J’ai d’ailleurs appris à nager avec le père d’un garçon qui allait par la suite devenir un de mes meilleurs amis.
La maison s’appelait le « dauphin blanc », elle se situait sur un flanc de colline, entourée de pins et d’arbres fruitiers. Le premier étage contenait deux chambres, un salon avec cheminée et une cuisine. Le Rez-de-chaussée était principalement voué à la vocation dortoir. Une grande pièce composée de cinq lits, une chambre « rouge » qui faisait écho à une chambre « verte » localisée au premier.
On les nommaient ainsi car elle étaient tapissées de papier peint avec une végétation dite jungle et une autre dite rouge.
A 7 ans après avoir passé une nuit dans la chambre « verte », s’est déclenché un cauchemar récurrent en moi qui allait durer une année. Un an à refaire le même cauchemar. A hurler dans mon sommeil, à faire réveiller les deux niveaux de la maison. Je suis encore aujourd’hui incapable de vous résumer ce cauchemar. Les rares fois où j’ai tenté de l’expliquer ce fut un échec car plus je mettais de mots sur cette expérience, plus l’on me prenait pour un fou. C’était des sensations d’oppression. Pas d’images gore, pas de cliché, juste une sensation de vitesse et d’oppression.
Alors on m’a bien évidemment fait voir des psychologues pour enfant, fait suivre une thérapie, mais rien n’y faisait. Le cauchemar revenait toutes les nuits. Usant la patience de mes proches.
Je précise que le cauchemar en question a débuté dans cette maison mais a continué à me suivre après nos vacances dans des endroits totalement différents de son origine.
Bond dans le temps. Des années ont passées et j’ai à peu près 10 ans. Nous continuons à revenir touts les étés dans cette maison, bien qu’à chaque fois je refuse de dormir dans la chambre verte. Je loge du coup avec mes frères dans la pièce dortoir.
Ma grand-mère avait un chien. Un teckel à poil longs, très hargneux et absolument antipathique. Il n’aimait pas du tout les enfants. Et surtout il était constement sur le qui-vive. Lorsque des invités, ou des voitures ou autres passaient à une centaine de mètres, il aboyait sans cesse comme si l’on envahissait son espace. Un petit roquet. Mais avec une ouïe et une capacité à la haine, chaque crissement de gravier un étage plus haut, chaque odeur suspecte détectée, il se mettait à aboyer en furie.
A 10 ans, nous avions entendu des histoires sur cette maison. Nos parents y étaient venu faire la java avec leurs amis. Et ma mère me raconta que lors d’une soirée, un bon ami à eux était descendu au Rez-de-chaussée pour y aller chercher une de ses affaires. Il y es remonté ensuite pâle comme un cadavre en disant : « J’ai vu! J’ai vu ! » avant de perdre conscience.
Encore aujourd’hui et après maintes interrogatoires, il ne veut pas en parler. J’ai essayé de lui poser la question bien des années plus tard mais rien n’y fait. Le regard se ferme et la limite est franchit.
Pour en revenir au roquet, un soir, nous étions touts réunis dans le salon. Pas de télé, chacun valait à ses occupations: lecture, jeu de cartes, mots-croisés. Bref avant internet. Il me faut préciser que la maison est faite en pierres du midi. Pas de bois donc.
Soudain nous entendons des craquements. Sonores, bien distincts. Réguliers. Dans les murs. Comme si l’on grattait la pierre. Le chien était au milieu du salon et ne faisait pas un bruit. Il avait les yeux grands ouverts, les oreilles couchées comme exprimant de la peur. Mais il n’aboyait pas. Il ne bougeait pas. Je crois que c’est là que je me suis rendu compte que cette maison n’était pas net.
Une année plus tard, mes grand parents ont fait venir des sourciers, des croiseurs de cheveux, pour tenter de conjurer ces craquements. Qui devenaient réguliers, Mais toujours le même jour: le dimanche. Finalement, au fur et à mesure le phénomène s’est éteint. Et le chien avec.
Re-bond dans le temps. J’ai 16ans. Je travaille dans l’épicerie du domaine à vendre des fruits et légumes.
Mes grands-parents s’absentent pendant un mois et je me retrouve seul à garder la maison. J’ai oublié de vous parler de la pièce la plus importante de la maison: La chambre indépendante. Située au bas des escaliers du premier étage avant de mener au rez-de-chaussée. Elle est individuelle et comporte une salle de bains avec douche et lavabo.
Une nuit, je suis réveillé par le bruit de la douche. Pas un mince filet d’eau non, une douche ouverte à fond. Je me lève, un peu embrouillé, il est 3 heures du matin. J’allume la salle de bains. La douche tourne à plein régime, le pommeau fixé. Il y a deux robinets: le rouge et le bleu que l’on tourne pour ouvrir ou dans un autre pour fermer l’arrivée d’eau. Je ne comprends pas comment il est possible que cela arrive. Prudemment je vais pour tourner les robinets dans le sens inverse pour arrêter l’eau. Ils sont fermés.
La douche crache de l’eau en puissance alors que les robinets sont fermés. Je décide de les ouvrir pour les refermer ensuite en me disant c’est un problème de tuyauterie.
Premier essai, rien ne fonctionne. Je jure et recommence. La douche s’arrête.
Je vais me recoucher. Et là après tant de thérapies et tant de temps, je refais le cauchemar que j’avais eu lorsque j’avais 7 ans dans cette chambre verte.
Mon coeur battant à tout rompre, je décide daller dormir sur un matelas de fortune devant l’épicerie de mon employeur. Et ce durant tout le reste de l’été.
Je ne suis jamais revenu dans cette maison par la suite, même en ayant eu l’occasion.
J’ai appris bien après que mes grands-parents l’avaient acheté pour une bouchée de pain. L’histoire retiendra que le fils du propriétaire qui leur avait vendu s’était donné la mort dans la maison. Ils l’on sut par la suite mais l’on caché. Le morts n’aiment pas être oubliés.
Je pourrais vous raconter d’autres anecdotes bizarres, sur mes expériences dans cette demeure, mais s’il y a une chose dont je suis convaincu, c’est que les endroits de vie réverbèrent les tragédies des vivants.
Et que si on est hypersensible comme moi. On les prend de pleine face.
Cette histoire est authentique.
Romancée, certes, mais les faits peuvent être corroborer par de nombreux témoins.
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Nicolas Haarman

L'arbre se rapproche. Mais les sons font de même. Il re-double d'efforts. Il trébuche, manque de s'écorcher, son coeur martèle l'écoulement de son sang dans ses veines. Il est devenu tambour battant. Il appelle la vie quand la mort le suit.
Plus que cent mètres. Ses jambes s'enfoncent dans la boue du bayou. Il s'accroche à son couteau et tente de défricher la nature qui s'oppose à lui. La nature jadis si généreuse semble lui tendre un piège. Il serre les dents, il ira jusqu'au bout. Il a fait une promesse.
ça y est il a atteint l'arbre. Mais la première branche est à trois mètres. Le grondement de la haine se rapproche. Le tambour devient grosse caisse, tout s'accélère: il s'agit de prendre la meilleure décision. Contourner l'arbre et continuer? Ou le gravir tel une montagne incertaine?
Il se retourne pour la première fois sur ses pas et entrevoit des formes spectrales, l'enfer déchainé, qui lui fonce dessus.
Ce sera donc l'arbre, plus le temps de tergiverser.
C'est un arbre ancien. Il est immense. Il a vu les premières générations d'esclaves, il en verra d'autres. Mais à cet instant, il est source de salut. Il est source de vie. Car son feuillage obscurcit le ciel et toute vie au-delà. C'est une cahette, un abri, un refuge.
Il observe furtivement son écorce gigantesque, elle lui semble saigner. Ou pleurer. Un encouragement de plus pour y grimper. Il se dit qu'il ne doit faire qu'un avec lui. Qu'il lui faudra adopter un pas sûr pour y monter sans encombres. Ne pas réfléchir. Fermer les yeux et avoir la foi.
Que lui reste-t-il d'autre?
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Nicolas Haarman

"Encore une. Une nuit blanche à attendre les premiers rayons. c’est quand même particulier une nuit blanche.
Tout le monde doit en avoir vécu. Au moins une. Pour différentes raisons j’imagine. Certaines joyeuses, d’autres malheureuses.
Une nuit sans dormir. Avec la fatigue qui frappe doucement à la porte quand viens le moment ou tu croyais que cela n’allait jamais arriver.
Ma nuit blanche était voulue et joyeuse. Enfin, je crois.
C’était une de ces nuits qui commence par un apéro en début de soirée. L’air était doux et le mois d’août tirait sa révérence en nous gratifiant d’une sérieuse baisse de température. Nous nous sommes retrouvés avec 2 amis de longue date. L’ambiance était chaleureuse. Les verres tintaient, les serveuses valsaient et la cacophonie environnante nous enveloppait comme un cocon.
Nous nous étions retrouvés dans, il paraît, l’un des plus vieux restaurant de Lausanne.
Il est étrange de revoir des personnes que l’on a pas vu depuis un certain nombre d’années.
Le pas est timide au départ. L’hésitation est de mise. Puis la mémoire agit. Et parfois il semble qu’hier devient aujourd’hui et que le temps se rembobine. Des images reviennent, des sons, des couleurs, des idées, des rires, des regrets, des victoires. Et tout redevient facile. On se serre dans les bras, on se fait la bise. On cherche dans le regard de l’autre celui qu’on a perdu de vue.
Nous étions bien."
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Nicolas Haarman

"J’ai revu Paris. Il y avait longtemps que je n’avais pas reniflé ces odeurs.
Quand on remonte sur Paris on remonte vers notre histoire. Celle des hommes et des femmes. Il y a un je-ne-sais-quoi qui vous prend au tripes. Un peu comme quand on sort d’un avion sur le continent Africain. Une bouffée de temps passé. Beaucoup d’énergies qui se mélangent et pénètrent l’âme. Une réverbération qui s’insinue sous les os, qui fait vibrer la chair.
Et puis passé la Gare de Lyon on la cherche des yeux, dans le taxi ou Uber, on la guette: la Dame de Fer. Finalement on l’entrevoit, fière, symbole trop souvent réduit à une attraction touristique, mais tellement présent dans nos coeurs.
Mon fils la découvrait pour la première fois, et je m’étonnais de ma facilité à en être autant émerveillé après l’avoir côtoyé de si nombreux moments. Les étoiles dans ses yeux, son cri: « Papa regarde! La Tour Eiffel! ».
Majestueuse, tel un roc, un pilier, un phare dans la nuit des vivants.
Les bruits succèdent aux odeurs, une agitation permanente, une altération de sons propre aux métropoles dantesques. De la vie. Aux concerts de klaxons viennent les diatribes des chauffeurs, les demandes d’inconnus, les mêlées de circulation qui s’entrecroisent et au milieu la lumière. Permanente.
Le désordre est délectable, les différences sont complémentaires. La lumière se fond dans l’ombre et cette dernière nous renvoie son éclat.
Paris nous avale de sa beauté, pont après pont, quai après quai, à travers les ruelles, devant ses pierres éternelles. Nous sommes arrivés. Nous avons rendez-vous. Mais avant nous inspirons et tentons de la contenir, cette ville lumière, quand bien même nous devrons la recracher de peur d’étouffer. Car il est souhaitable de la goûter et non la dévorer.
Nous expirons donc et tentons de reprendre notre souffle. Suivent les dédales, le bruit des valises, les escaliers antiques, et la finalité de notre destination. La véritable raison de notre venue.
Car oui Paris nous sommes venus rendre hommage à une nouvelle venue. A une de tes filles. Elle vient de naître, elle porte en elle l’amour d’une famille comme tant d’autres, mais à nos yeux elle est unique. Comme tant d’autres.
Nous venons lui dire que l’on sera là pour elle, quoi qu’il arrive, comme tant d’autres.
Elle est l’avenir, elle est l’amour. Mon fils et moi entrons dans l’appartement. Nous sommes impatients de la voir et la cherchons des yeux. Nous venons rencontrer celle qui a et va changé bien des vies: Roxane.
Elle ouvre les yeux, nous regarde. Nous plongeons les nôtres dans les siens, miroir. Elle soutient notre regard l’air de dire: « C’est quoi la Tour Eiffel à côté de moi? ».
Comme elle a raison. Comme elle a raison…"
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Nicolas Haarman

La démarche est hésitante, l’oeil est imbibé, les couleurs se mélangent.
Quelle heure? Quelle rue? Quelle ville? Où sont mes compagnons de fortune? Suis-je sur le bon chemin? Certainement pas. Le monde tournoie, et je tourne avec lui. Trop vite. Beaucoup trop vite. Je crie des mots, je crache du sang. Je me concentre sur mes pieds. L’un après l’autre. Pas à pas.
C’est ça, pas à pas. Les lumières de la nuit m’aveuglent, les enseignes et les néons se dédoublent.
Je cherche une embrassade, un réconfort, mais je suis à la traîne. Il me faut suivre le rythme. Ce n’est pas fini.
Le gosier a toujours soif.
Une soif sans fond, comme un puits. Elle me guette cette soif, elle me connait bien. C’est ma plus vieille amie. Et ma pire ennemie.
Finalement j’atteins un port. Je hurle de pouvoir amarrer ma vieille carcasse. On me chasse en prenant bien soin de me remettre une maigre pitance. Il faut fermer voyez-vous. Comme je les comprends.
La soif s’apaise le temps d’un instant furtif. Et elle revient. Au galop.
Toujours plus, il en faut toujours plus. Cette âme et ce squelette ne sont jamais rassasiés.
Dans la rue Sainte-Catherine, je quitte le perroquet bourré (cela ne s’invente pas), et j’erre.
J’ai des pentes rousses à grimper. Des pentes d’espoir et de communion.
Des pentes de savoir et d’erreurs en futur.
Des pentes qui seront plus faciles à dévaler par la suite, avec ma soif.
Et je concilie jalousie et envie, et je réunis amour et désir, et je fais le trait d’union entre moi-même et mon image dans le regard des autres.
Les poids se sont envolés, les masques se sont brisés, on peut tout dire au risque de tout meurtrir.
Je grimpe la pente.
Elle est solide, et la gravité accueille mes relents. Une halte place Colbert.
Inspirations, expirations.
Direction le nid. Encore faut-il se repérer parmi ses sons et ces images qui se mélangent.
Ne comptons pas sur la clarté quand il faut dix fois revérifier notre position de stature.
Debout, donc. Rester debout.
Le sirènes passent, les jeunes chiens de nuit aboient des appels. Faut-il éviter? Ou se faire éviter? Je ne sais plus. Je ne sais rien. Je ne sais plus.
Altercations embrouillées, coups reçus ? Ou échangés?
Je grimpe.
Je cherche mon lit. Il ne sera pas place Bertone, mais je m’en rapproche indubitablement.
La rue De Nuit s’ouvre à moi et j’entrevois la fin: l’atterrissage en douceur sur un matelas moelleux, l’extinction des feux.
La pente est grimpée, les défis relevés, mais elle est toujours là.
La soif.
Elle me laissera un court répit avant de revenir m’aiguillonner, avant de me dire: "on n’en a pas fini garçon. On a pas fini de valser, on a pas fini d’explorer."
Alors soit.
Alors, assis sur mon canapé, les neurones en fusion, je me dis: "allez! Une petite bière avant d’aller se coucher."
Que voulez-vous ? Elle est ma compagne, elle est ma némésis. Et elle ne supporte aucune incartade.
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Nicolas Haarman

"Il est assis sur la colline, il contemple la ville.
L’air est frais pour un mois de mai. Il est 20H et les gens doivent être chez eux en train de ressasser leur journée.
Ou alors il fêtent et s’enivrent dans quelque troquet de la vieille cité.
Ou peut-être errent-ils en quête d’un abri douillet afin d’échapper quelques heures au froid mordant que la vie ou leurs choix leur ont donné.
Ils ou elles cherchent un réconfort, une épaule, une oreille, un toucher.
Ou bien un exutoire pour tout évacuer.
La nuit est porteuse. Elle porte les esprits à s’affranchir des interdits du jour: ne pas sortir du cadre, s’effacer, obéir, sans cesse re-serrer le masque de nos êtres pour paraître civil.
La nuit délivre et enferme selon le chemin que l’on prend. Mais n’est-elle pas belle la Lune? Il la préfère au soleil tant elle l’invite à devenir autre que lui-même. Le soleil irradie tout et affiche nos faiblesses et nos forces. Nous cachons les premières dans le nocturne.
Il est assis sur la colline. Il sent le vent qui anime ses narines.
Il ressent les brins d’herbe qui chatouillent et animent ses sens.
Il pense au milliers de personnes qui ne savent pas ou peu qu’ils, elles, sont uniques. Uniques en tout. Tant de visions différentes du monde et de la vie.
Il a le vertige.
Il repense à ses certitudes et s’aperçoit que plus il avance sur la route plus il en perd, comme des kilos en trop.
De fait il voyage plus léger et cela lui fait peur.
Il faut chercher le beau dans tout.
Soulever la peau des choses.
Délicatement si possible.
Chaque instant où l’on peut dire:
« je suis bien, là, maintenant » est une victoire.
Il cherche ces instants tous le jours.
Il ne croit pas au futur et au passé.
Seul compte le présent, tandis qu’une libellule vient fredonner autour de lui pour le ramener de ses pensées.
Il regarde sa ville. Elle est pourrie mais il l’aime.
C’est la sienne.
Il a décidé d’y poser ses valise il y a longtemps.
Il en a vu des pays.
"Mais là , sur cette colline, il se sent bien. Il se sent entier.
Alors il se déshabille, emmagasine les sensations de son corps nu sur l’herbe fraîche, ferme les yeux, et il n’oublie pas de se répéter qu’il faudra à nouveau trouver la force d’aimer lorsque le soleil le retrouvera de ses rayons dorés, inéluctables, le frappant de la plus sincère des vérités."
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Joie: Entrevoir ton sourire plein de promesses. Y répondre et accrocher le wagon.
Joie: la main de mon fils dans la mienne. Même si elle brûle d’amour et qu’il lui faut la lâcher. (Ta main est trop chaude!)
Joie: Aider quelqu’un au hasard et lui redonner confiance aux autres.
Joie: ce coucher de soleil sur le Léman et se donner un instant l’idée d’être éternel.
Joie: observer ce que les autres ne voient pas et le garder pour soi.
Joie: vibrer en coeur lors d’un concert, quand la musique s’envole avec toi et nous.
Joie: les femmes évidemment.
Joie: les hommes également, par moments.
Joie: tomber pour mieux se relever.
Joie: se dire que rien n’est acquis et que tout est à découvrir.
Joie: ma fratrie, mes modèles, ma famille, qui me donne forces et vies.
Joie: Rien n’est fini, tout commence.
Joie: ces regards échangés, et nos actes manqués.
Joie: surmonter mes peurs et les dompter.
Joie: accepter les échecs et les enterrer.
Joie: te dire je t’aime et le penser.
Joie: déterrer les échecs et les analyser.
Joie: voir un autre faire ce que tu n’as osé.
Joie: se souvenir du passé et avancer.
Joie: Aimer à en avoir le coeur crevé.
Joie: sentir l’air du temps et composer.
Joie: ouvrir les vannes et se sentir quand même submergé.
Joie: Oser dire ce que l’on voudrait cacher.
Joie: aller vers l’autre et embraser.
Joie: ne plus savoir quoi écrire tellement nous en sommes embrassés.
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Nicolas Haarman

Il est assis. Le souffle court. Haletant, il observe à la ronde mais sa vision se brouille. Il se concentre sur son ouie. Il les entend. Ils aboient. Ils le cherche. Il faudra repartir, vite. En a-t-il la force?
Il ferme les yeux. Il pense à sa vie. Trop longtemps il a plié l'échine, trop longtemps il a ouvert ses mains aux autres. Et pour quel résultat? Se retrouver pourchassé dans ces bayous de Louisiane. Comme une bête de somme.
Dans sa main un couteau. Dans sa tête un renouveau.
Vaut-il mieux vivre trente minutes de liberté pour mourir ensuite? Ou quarante-cinq ans d'esclavage à appeler cela une vie?
Il a choisi la liberté. Peu importe les conséquences.
Ses pieds saignent, son dos est marqué et ses muscles sont fébriles. Pourtant il va devoir continuer, jusqu'au bout s'il le faut.
Il se re-concentre. Il voit au bout du marais un grand arbre. Tellement grand que le soleil s'efface à sa vue.
Il se relève. Il a un objectif. Monter en haut de cet arbre. Sous la canopée, il est en danger.
Autant mourir en pleine lumière ou peut-être être sauvé.
Il reprend sa course en claudiquant, il se jure que les chiens ne l'auront pas. Il se jure que l'arbre l'attendra. Accélérer, plus vite, plus vite, plus vite.
Les aboiements se font plus proches, il entend le vent apporter certaines voix. Des voix hélas trop familières. Des voix de haine. Des voix de douleur.
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Nicolas Haarman

Au moment où j'écris ces lignes, j'en suis à ma cinquième bière de la soirée. Je précise que ce sont des canettes de 50cl. Donc cela nous fait 2,5 litres de houblon, levures et calories. Et je ne compte pas celles de la journée. Ha oui! il y a de l'eau aussi. Histoire de se rassurer dans la lâcheté.
L'on dirait que j'en suis fier. Mais peu trop s'en faut.
Mon organisme a besoin de cette substance, mon esprit a besoin de cette auto-destruction.
Car il s'agit bien de fuir.
Fuir les victoires manquées, fuir le regard des autres qui assassinent au quotidien.
Echapper à l'ignorance et à l'outrance.
S'en aller lorsqu'un possible devient envisageable et possiblement accompli.
Le bonheur me fait peur. La réussite m'encombre.
Le malheur et l'échec me semblent infinimment plus attirants car plus facile.
Car le sujet est la facilité, et s'y complaire.
Il est tellement aisé de baisser les bras, il est tellement doux de se vautrer dans l'impuissance.
Je suis menotté à mon amour et il me le rend mal. A coup de gorgées spasmiques.
Dans une litanie de regrets et d'espoirs tressés.
Je vais sûrement en ouvrir une sixième.
Celle de trop.
La cannette qui me chuchotera: "Je suis celle qui vient avant la septième."
Mais alors le sommeil s'emparera de moi avec ses bras musclés qui me diront que mon corps aura atteint ses limites et qu'il me faudra dormir désormais.
Et je rêverais de la dixième en outrepassant la neuvième.
Car mon puits est sans fin. Car ma soif est inassouvie.
Je tente de contrôler le monstre mais au moment où je l'observe furtivement sur mon épaule, il rebondit dans mes reins.
Il m'échappe tel un rêve que l'on voudrait ré-animer.
Il y aura donc une sixième.
Elle est là, dans ma main.
Elle va faire "Pssschhht" comme le bruit de mes songes envolés au petit matin.



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Nicolas Haarman


J’aimerais: revoir les couchers de soleil de Djibouti, où le soleil prend les couleurs de l’infini.
J’aimerais: ne jamais avoir trouvé le dragon caché dans les collines parfumées de Chine et repasser devant cette grotte où un bonze et un tigre me scrutent de leur intemporalité.
J’aimerais: continuer à échanger des frites contres des autocollants paninis de Michael Jackson à Cotonou à travers le grillage et encaisser les sourires ravis.
J’aimerais: retrouver mon berger allemand, Gipsy, mon frère qu’on a lâchement abandonné, qui est mort, puisse-t-il me pardonner.
J’aimerais: dire merci à celui qui nous a tout donné en nous construisant des jouets en bois de palmier car j’étais trop occupé à être petit. Arcs, flèches, courses poursuite entre les bananiers.
J’aimerais: revoir les marées basses de Somalie, quand les trous d’eaux nous permettaient d’échapper au soleil de plomb sans se faire croquer par les squales.
J’aimerais: re-caresser les raies de Maskali, chasser le crabe, et grimper les palétuviers. Sauter dans la mangrove et ré-entendre les tonnerres de rires de ma fratrie.
J’aimerais: revoir le sourire de ce dauphin qui m’a suivi longuement de tous ses cliquetis.
J’aimerais: reprendre dans mes bras Mounir et Fateh qui n’avaient rien mais m’ont tout donné à l’usine Nestlé en Tunisie.
J’aimerais: dire à ma prof d’espagnol d’Alger qu’on n’abandonne pas ses élèves de peur d’être tuée et qu’on peut en être marqué.
J’aimerais: dire à Serge et Diouf merci de m’avoir protégé contre les français racistes de l’internat des 3 vallées, sans vous j’aurais été bien plus miné.
J’aimerais: reconstruire le temps autour d’une chicha au café des nattes.
J’aimerais: ne pas avoir pris autant de gifles et qu’on m’accepte pour ce que je suis. Et non pas pour ce que l’on voudrait que je sois.
J’aimerais: dire à toutes celles et tous ceux à qui j'ai fait du mal que c’était pas pour rien et que cela m’a servi à être meilleur aujourd’hui.
J’aimerais: revoir les paons en roue libre du jardin des Sardin. Leur dire qu’à Lyon j’y ai trouvé ma deuxième famille.
J’aimerais: dire à toutes celles et tous ceux qui m’ont fait du mal que c’était pas pour rien et que j’en ai grandi.
J’aimerais: déambuler à nouveau dans le petit bois du Lycée Cailloux en tirant sur mes 20 Mars, à refaire le monde avec mes srab de l’époque.
J’aimerais: refaire le mur à minuit pour la promesse d’un baiser jamais échangé.
J’aimerais: refaire 1000 Km en bus en sacrifiant un loyer pour une chica qui m’avait ensorcelé. Alcoy, Plaza de Dins, mon coeur s’emballe à ta pensée.
J’aimerais: être moins con mais peut-être que cela s’arrange avec les années.
J’aimerais: pouvoir dire aux gens que je les aime mais devront-ils l’accepter?
J’aimerais: effacer le j’ai aimé pour dire j’aime.
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