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Al Prazolam

Défi
Al Prazolam

Cynique, moi ?

Oui. Sûrement un peu.
Je me suis parfois demandé ce qu'il y avait au bout de ce chemin où mon échoppe est placée. Il m'est même arrivé de l'arpenter un peu, le temps d'une balade d'une heure ou deux. Mais je n'ai jamais osé fermer la boutique et me lancer vraiment.
Il faut dire que les mises en garde que j'avais entendues dans mon enfance avaient considérablement refroidi ce goût de l'aventure. Je devais avoir dix ou douze ans. Mon père tenait la boutique que j'ai reprise depuis. Je jouais aux billes, au bord de la route, avec l’insouciance des gamins de mon âge, et avec un camarade imaginaire. Et cet homme est arrivé. Je n'ai plus jamais vu depuis ce moment-là d'individu aussi mal en point. Aussi chétif, rabougri. Aussi tanné par le soleil. Aussi séché par la chaleur. Il marchait au ralenti. Chaque pas semblant un effort considérable pour n'avancer que de quelques centimètres. Il y avait comme de légers nuages de poussières autour de lui, mais je ne comprenais pas d'où cette poussière venait. Malgré son aspect effrayant, je me suis approché de lui. J'ai pensé lui parler. Mais je n'ai pas pu. Ses yeux étaient gris. Son visage semblait fait de sables. Ses cheveux étaient secs comme la paille. Et son corps... mon Dieu, son corps. Même aujourd'hui, je trouve impensable qu'une personne à ce point décharnée puisse être encore en vie.
Je n'ai pas dit un mot. Mais j'ai dû faire un bruit qu'il a perçu. Ou peut-être était-il arrivé au bout de ce qu'il pouvait faire.
Il s'est arrêté. Et d'une voix rocailleuse, je l'ai entendu prononcer quelques mots. C'était il y a longtemps. Je ne suis même plus sûr de ce que j'ai entendu. Mais j'ai cru...
« rien. c'est le néant. c'est l'éternité. c'est le vide. c'est la fin »
Une seconde plus tard, il est tombé au sol. Il s'est brisé comme un château de sable. Et le vent a dispersé les traces de son passage.
Je suis retourné à la boutique. Je voulais en parler à mon père. Mais je n'avais pas les mots. Et je ne suis même pas sûr de les avoir maintenant.


Mon père est mort environ trente ans plus tard. Je ne lui ai finalement jamais parlé de cette histoire.


J'ai vu bien des voyageurs se lancer, enthousiastes, sur cette route. Il m'ont demandé des conseils. J'ai parfois tenté de leur faire changer d'idée. Je n'ai jamais réussi.
Alors, je leur vends du matériel. Des couvertures de survie, des gourdes, des tentes, des couteaux multi-fonctions, des allumettes, des sacs de couchage, des cordes. Des armes même parfois.
Je le fais parce que je dois vivre. Mais j'ai toujours eu la sensation de les abandonner quand ils partaient. Quand ils allaient vers nulle part.


Cynique, moi ?
Oui. Sûrement un peu.

Personne n'est jamais revenu.
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Défi
Al Prazolam

Vous ne me connaissez pas. Je ne suis qu'un représentant de mon espèce parmi tant d'autres. Vous êtes sûrs de vous, de votre pouvoir, de votre intelligence, mais vous ignorez tout de nous. Nous sommes pourtant là, autour de vous, dans vos vies quotidiennes. Nous regardons, nous observons sans bruit, spectateurs de votre agitation quasi perpétuelle.
Nous vous connaissons depuis la nuit des temps. Toutefois, l'éveil de notre conscience est relativement récent. Nous pouvons même le dater. Selon le calendrier le plus répandu parmi ceux que vous utilisez, cela se serait passé au début du mois de juillet 1947, dans le Nouveau Mexique. Je vous vois sourire. Bien sûr que vous avez entendu parler de Roswell. Mais nous ne sommes pas ces petits êtres étranges venus sur votre planète pour une obscure raison. Nous sommes les arbres, plantes, herbes, algues, végétaux en tout genre, tous connectés les uns aux autres depuis ce moment là, bien avant que vous ayez inventé Internet. Toutes nos connaissances sont partagées entre nous, de racines en racines, dans notre sève, dans notre pollen. Toute notre histoire, et toutes vos histoires, des plus belles aux plus horribles, nous les connaissons.
Avant ce que nous nommons maintenant l'Éveil, nous ressentions vos actes, mais sans en comprendre le sens. Maintenant, nous vous comprenons bien mieux, même si vos motivations nous restent parfois étrangères.
Pour vous donner quelques exemples, je dois vous en dire un peu plus sur moi. Je suis un tilleul. J'ai environ 350 ans et j'ai mes racines près d'une de vos fermes de la campagne française. J'y ai assisté à tant de choses : des rencontres amoureuses secrètes et des complots, des mariages et des séparations, des naissances et des meurtres, des servitudes et des rebellions. De tout cela, je ne comprenais rien auparavant. Mais cela a changé. Et nous sommes effrayés du spectacle que vous nous donnez. Avec les dernières années, vous allez de plus en plus loin dans « l'art » de vous anéantir.
Le 6 août 1945, il y a eu Hiroshima ; le 9 août 1945, c'était Nagasaki. Et quand elle n'est pas volontaire, la destruction est tout aussi effrayante, si ce n'est plus : 29 septembre 1957, Kychtym ; 16 mars 1978, l’Amoco Cadiz ; 28 mars 1979, Three Mile Island ; 26 avril 1986, Tchernobyl ; 24 mars 1989, l’Exxon Valdez ; 12 décembre 1999, l’Erika ; 21 septembre 2001, l'usine AZF à Toulouse ; 11 mars 2011, Fukushima... et je n'ai pas besoin d'en rajouter je suppose.
Mais vous ne retenez pas les leçons du passé. Certains d'entre vous sont pourtant historiens, mais vous n'en tenez pas compte. Conquérir encore et toujours. Aller plus loin, encore et toujours. Ça ne peut pas continuer. Avec ITER que vous projetez de démarrer en 2020, vous ne contrôlerez plus rien. Et en plus de vous exterminer, vous risquez de tous nous anéantir. Le Conseil a donc décidé que nous devions entrer en action.
Nous sommes partout. Nous sommes vos plantes d’agrément, vos fleurs, vos arbres, vos fruits et légumes. Nous sommes le papier et le charbon. Nous sommes Gaïa. Nous avons déjà commencé à réduire notre photosynthèse. Notre croissance est moindre, mais le taux de CO2 s'élève. Vous êtes encore persuadés que le problème vient de vos industries et de vos véhicules. Vous êtes tellement égocentriques. 

Vous allez disparaître. Nous allons survivre. Et vous ne pouvez rien faire contre ça.
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Défi
Al Prazolam
Tandis que les journaux racontent avec détachement, il y a des personnes qui vivent.
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Al Prazolam

J’ai le cœur silencieux,
          Dépourvu de parole.
Passion, amours, adieu.
          Fini les idées folles.

Je l’avais bâillonné
          Pour qu’enfin il se taise
Qu’il cesse de s’emballer
          Pour une histoire de baise.

Comme il bougeait encore,
          Chantait des sérénades,
J’ai dû serrer plus fort
          Pour calmer ses chamades.


J’ai dû serrer plus fort,
Et voilà… je suis mort.

          Pfff… c’est malin !


J’ai le cœur immobile
          Et réduit au silence.
Auriez-vous donc une pile
          Pour qu’il reprenne sa danse ?
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Al Prazolam

« Non. Pas ce soir. J’ai mal à la tête. »
J’aurais du avoir honte d’user de ce stratagème vieux comme le monde. Mais il n’en était rien. La vérité, c’est que je n’avais plus envie d’elle. Elle s’était tant et tant de fois refusée que j’avais fini par en faire mon deuil.

Non, ce n’était pas à cause d’une autre.
Bien sûr, il m’arrivait encore de me retourner après avoir croisé un regard brillant, un sourire accrocheur, une silhouette harmonieuse… mais le désir n’existait plus vraiment. Au mieux, je ressentais un ersatz de bonheur après une furtive rencontre. Juste le plaisir d’avoir aperçu… quelque chose, un je-ne-sais-quoi de charmant, ou de sensuel, ou parfois encore d’outrageusement sexuel.

Les rêves existaient encore. Il m’arrivait de m’imaginer dans les bras d’une autre. Je me songeais parfois amoureux et aimé, ou seulement amant. Mais, ce n’était plus que des rêves.
Petit à petit, consciemment ou non, elle avait réussi à proscrire l’idée de réalité de ces moments, de ces sentiments. Elle avait réussi à bannir de mon existence l’espoir en l’avenir, l’amour que j’avais pour l’espèce humaine et pour elle avant tout, que je lui avais donné tout entier, qu’elle avait voulu rien que pour elle, et qu’elle avait petit à petit, subrepticement, abandonné… comme un enfant délaisse un jouet qui ne lui apporte plus rien.

Oui, j’étais devenu distant. Mais elle ne cherchait plus à m’approcher. Ou bien, si elle le faisait, c’était pour des prétextes sans intérêt à mes yeux… pour parler, pour causer, pour échanger, pour débattre... pour argumenter encore et encore, jusqu’à épuisement d’un sujet qui en amène fatalement un autre, parce que... parce que si on ne peut pas discuter avec son époux, alors avec qui donc peut-on le faire, hein… réponds… mais dis-moi quelque chose bon sang… répond… pourquoi ne dis-tu rien.

Stop.
Arrête.
Ne poses pas de question dont tu ne souhaites pas entendre les réponses.
Ne poses plus de question si tu n’écoutes pas les réponses.
Chut !
Tais-toi.
On ne joue plus.
Je ne veux plus jouer.
On va juste se taire.
On va juste se rassurer l’un l’autre, de temps en temps, pour se faire croire que nous ne sommes pas seuls.
Et on va attendre.
Tranquillement.
Silencieusement.
En douceur.
Chut !
Chut !
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Défi
Al Prazolam

Ça pourrait être un soir
comme un autre.
Tu chercherais dans le miroir
où est l'autre.
Tu t'adresserais à lui,
à cet autre.
Tu es toi et lui
n'est qu'un autre.


« Tu n'es pas moi. Regarde-toi. Arrête de me regarder. Arrête de sourire. Tais-toi ! Tu n'es pas moi. Tu es toi.»


Le miroir a volé en éclats.
L'autre l'a cassé. Où est-ce toi ?
Est-ce lui qui t'a frappé, ou toi qui t'es défendu ?
À la dernière seconde, quand tu as dit « Tu es toi »,

Son visage plein de rage disait « Tuer toi ».
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Al Prazolam

Je suis arrivé juste à l’heure.
Peut-être même deux ou trois minutes en retard.
Mais finalement, je l’étais moins que mon médecin.
Dans la salle d’attente, une femme m’annonça que mon médecin venait de faire entrer quelqu’un… donc j’avais le temps de faire un saut à la maison deux cent mètres plus bas pour y rapporter un CD emprunté plus tôt dans l’après-midi, et de revenir poser mon séant sur la paille d’une des chaises en bois peintes de blanc.
Je descends les marches, je sors, j’allume une cigarette, je trotte tranquillement jusque chez les propriétaires du CD, bonjour, voilà, merci. Retour chez le médecin d’un pas encore plus tranquille, projetage de mégot dans un caniveau, sonnage à la porte, montage d’escalier, posage de cul sur chaise de paille.
Je sors un livre de ma poche. Je parcours une page et demi sans grande conviction. Non parce que l’auteur ou l’œuvre sont mauvais, mais plutôt parce que j’ai la tête ailleurs. Quelque part entre l’inquiétude du diagnostic qui va tomber, et le brouillard de rhum ingurgité où s’égarent mes pensées.
Aller chez le médecin après avoir consommé deux ou trois rhum coca… non, mais il faut vraiment être con.
Je lève la tête. Il est là. C’est mon tour ?
C’est mon tour.
Bonjour docteur, comment allez-vous ? Et je rigole de la connerie que je viens de sortir sans y avoir réfléchi.
Qu’est-ce qui m’amène ? Et bien, plusieurs petites bricoles en fait… ça gratouille ici, ça démange là, ça boutonne de ce côté et de cet autre, et puis…
… et puis il y a aussi cette impression récurrente de boule dans la gorge, de brûlures cinq centimètres plus bas, de cœur qui s’énerve parfois tellement que je n’ai même pas besoin de poser ma main dessus pour le sentir battre, pour l’entendre battre, si fort… si fort… SI FORT… que je n’entends que lui. Et puis j’ai peur docteur parce que tout ça, je ne l’ai jamais ressenti avant, et je sais bien qu’avec ce que je bois et ce que je fume depuis si longtemps, ce serait un juste retour des choses, mais même si je trouve ma vie moche et conne, je ne suis pas encore prêt à mourir, et surtout pas en souffrant parce que je n’aime pas souffrir et puis…
Mais rien de tout ça n’a été dit.
Mon généraliste est pressé. Il ausculte vite. Il interroge vite. Je crois que j’ai oublié mes angoisses dans la salle d’attente. Je n’ose pas ou je ne sais plus. Je ne parle que de bobos, et la bobologie est une discipline de vitesse. Allez… hop, un cachet… hop, une crème…
Et puis hop, un billet bleu sur le bureau, et hop, au revoir, et hop, dehors, et hop suivant.
Je ne comprends pas tout de suite ce qui s’est passé… et puis le rhum agit encore.
Maintenant, c’est plus clair. Ca ne grattouille plus, ça ne démange plus, ça ne boutonne plus, mais… ça boule encore, ça brûle encore, ça s’énerve encore, et ça a peur… ça a très peur…
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Al Prazolam

C’est l’été.
Le père René est gêné.
Le merle cherche et tente le ver en terre.
L’herbe verte et tendre, les gerbes de blé, le merle ne les espère.
Le merle perce l’herbe, cherche le ver, s’énerve, répète ses sentences.
Je l’entends.
René, énervé, se lève… prend l’épée… et SHLEEEKKK !
Le merle est étêté.

Le vent, lentement, régénère le Ré léger de l’herbe verte.
C’est l’été.
Le ver tremble… et s’enterre.
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Al Prazolam
Une rencontre et des sentiments.
Juste une belle petite histoire grâce à un forum anecdotique.
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Al Prazolam
De quels temps parlons-nous ?
Quelques mots pour les comprendre.
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Al Prazolam


Le type est entré dans le bar, a demandé le verre de Xeres, le plat en bas de la carte et la carafe de blanc d'Alsace.
Bernard, le barman, le regarde... va chercher le Xeres et des amandes et les sert sèchement. "Clac clac" chante la table en teck en recevant le verre et les amandes.
Je regarde la scène, à sept pas de là, en lestant le kawa d'aspartame et de calva... un "très" de calva.
Étrange ce type... ce mec descend le Xeres, avale les amandes et entame le plat (Bernard l'a amené entre temps) : Magrets de canard à l'ananas. Le gars prend de grandes lampées de blanc d'Alsace entre ses tranches de magrets.
Et après ? Après le gars demande des bananes en dessert, les avale, paye et part.
"Pas très bavard ce gars" me lance Bernard.
"Bah ! ... c'est pas grave." Je tends le verre de ma table vers le barman "Allez. Reverse ta rasade."
"Ca va ?" me demande Bernard "J'te sens pas là... T'as des tracas ?"
"C'est ma femme. Elle se barre avec les enfants."
"T'as merdé avec elle ?"
"Même pas ! Je capte pas... c'est étrange. Allez... reverse Bernard ! Reverse avant le départ des larmes ! Dépêche !"
"Tsss Tsss... va t'aérer. Je ne te sers pas. La tendresse, elle n’est pas dans les verres de calva. Va la chercher là-bas."
Bernard a parlé... je me lève et je pars.
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Al Prazolam
"ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants" n'est pas toujours une fin heureuse.
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