C’est grave ?

de Image de profil de Al PrazolamAl Prazolam

Apprécié par 3 lecteurs

Je suis arrivé juste à l’heure.
Peut-être même deux ou trois minutes en retard.
Mais finalement, je l’étais moins que mon médecin.
Dans la salle d’attente, une femme m’annonça que mon médecin venait de faire entrer quelqu’un… donc j’avais le temps de faire un saut à la maison deux cent mètres plus bas pour y rapporter un CD emprunté plus tôt dans l’après-midi, et de revenir poser mon séant sur la paille d’une des chaises en bois peintes de blanc.
Je descends les marches, je sors, j’allume une cigarette, je trotte tranquillement jusque chez les propriétaires du CD, bonjour, voilà, merci. Retour chez le médecin d’un pas encore plus tranquille, projetage de mégot dans un caniveau, sonnage à la porte, montage d’escalier, posage de cul sur chaise de paille.
Je sors un livre de ma poche. Je parcours une page et demi sans grande conviction. Non parce que l’auteur ou l’œuvre sont mauvais, mais plutôt parce que j’ai la tête ailleurs. Quelque part entre l’inquiétude du diagnostic qui va tomber, et le brouillard de rhum ingurgité où s’égarent mes pensées.
Aller chez le médecin après avoir consommé deux ou trois rhum coca… non, mais il faut vraiment être con.
Je lève la tête. Il est là. C’est mon tour ?
C’est mon tour.
Bonjour docteur, comment allez-vous ? Et je rigole de la connerie que je viens de sortir sans y avoir réfléchi.
Qu’est-ce qui m’amène ? Et bien, plusieurs petites bricoles en fait… ça gratouille ici, ça démange là, ça boutonne de ce côté et de cet autre, et puis…
… et puis il y a aussi cette impression récurrente de boule dans la gorge, de brûlures cinq centimètres plus bas, de cœur qui s’énerve parfois tellement que je n’ai même pas besoin de poser ma main dessus pour le sentir battre, pour l’entendre battre, si fort… si fort… SI FORT… que je n’entends que lui. Et puis j’ai peur docteur parce que tout ça, je ne l’ai jamais ressenti avant, et je sais bien qu’avec ce que je bois et ce que je fume depuis si longtemps, ce serait un juste retour des choses, mais même si je trouve ma vie moche et conne, je ne suis pas encore prêt à mourir, et surtout pas en souffrant parce que je n’aime pas souffrir et puis…
Mais rien de tout ça n’a été dit.
Mon généraliste est pressé. Il ausculte vite. Il interroge vite. Je crois que j’ai oublié mes angoisses dans la salle d’attente. Je n’ose pas ou je ne sais plus. Je ne parle que de bobos, et la bobologie est une discipline de vitesse. Allez… hop, un cachet… hop, une crème…
Et puis hop, un billet bleu sur le bureau, et hop, au revoir, et hop, dehors, et hop suivant.
Je ne comprends pas tout de suite ce qui s’est passé… et puis le rhum agit encore.
Maintenant, c’est plus clair. Ca ne grattouille plus, ça ne démange plus, ça ne boutonne plus, mais… ça boule encore, ça brûle encore, ça s’énerve encore, et ça a peur… ça a très peur…

AutobiographieChroniqueContemporain
Tous droits réservés
1 chapitre de 2 minutes
Commencer la lecture

Table des matières

Commentaires & Discussions

C’est grave ?Chapitre1 message | 8 ans

Des milliers d'œuvres vous attendent.

Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0