Suivez, soutenez et aidez vos auteurs favoris

Inscrivez-vous à l'Atelier des auteurs et tissez des liens avec vos futurs compagnons d'écriture.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
Image de profil de null

L'Apachos

L'Apachos
La fille du Volcan est un prototype de polar dans l'Athènes classique (Vème siècle avant J.C.). Sombre et crasseuse, la cité, pourtant au sommet de sa gloire au lendemain des guerres médiques, est le théâtre de multiples assassinats nimbés de mystère.
19
19
82
84
L'Apachos
Entre expérimentation des rêves et divagation psychédélique, Processions suit l'errance d'un garçon anonyme à travers les paysages désertiques, hantés par des figures prophétiques et des rituels incompréhensibles, indices d'une initiation mystique. Des images l'obsèdent : ses sens en alerte le guident et l'égarent.
2
4
40
19
Défi
L'Apachos


 Une chaise grinçait.
 Non pas qu’il fût à ce point froussard, mais l’idée qu’un homme s’y était installé lui avait maintes fois traversé l’esprit. Et pourquoi maintenant ? Quelques objets décident de faire du bruit une fois la nuit tombée, et pas avant. C’est comme ça. La logique du monde ! À croire que tout est fait pour vous empêcher de fermer l’œil. Il se retourna dans son lit et remonta sa couette jusqu’à son cou en jetant un regard à la fenêtre.
 Des branches plus maigres que des bras de nymphe s’y balançaient et hurlaient au vent, sans que cessassent les grincements. Une forme se dérobait sur le mur en face, dessinant des courbes et des membres entrelacés. Des paroles lui revinrent : « Vous vous écoutez bien, mais trop, Trevor. », et des images, toujours les mêmes. Une semaine plus tôt, l’assemblée avait mis à mal ses nerfs : « Vous devriez laisser votre siège à quelqu’un de plus jeune. » Perverse sollicitude. L’ancienneté justifierait-elle son évincement ? Il passa une main sur son front, couvert de sueur, et grogna quelque chose sur son lit, dur comme du bois. Ses poils se hérissèrent, et un vent glacial s’échappa des volets écartés. Il mit pied à terre pour les refermer, écartant d’un geste pressé les rideaux éclairés par la Lune. Ce fait décomposait les formes ; et des ombres volatiles glissaient sur les murs comme des spectres danseurs.
 Elle ne grinçait plus.
 Enfin il pouvait s’allonger et attendre qu’un rêve le saisisse de ses bras. Ses pieds nus avaient inscrits la chaleur du parquet, singulière, mais si bonne. Étiré ; penché ; il sentit enfin son étreinte chaleureuse mais, songeant encore à ses démons, ne pouvait l’accueillir pleinement : « Cessez d’insister ». Il voulut déglutir, mais une boule dans sa gorge grossissait avec les minutes. Recroquevillé, il tenait pour responsable sa barbe frottant l’oreiller : « Regardez-vous, bientôt sénile ! ».
 Plus un bruit.
 Étrange comme les pensées peuvent tout effacer. Il devrait tout rejeter, et diriger ses envies vers d’autres horizons – une autre passion l’envahit. Ce jeune homme du conseil aux yeux plus brillants que des saphirs, sa peau, pas encore entachée par des mains étrangères ou son labeur. Idée idiote, mais parfaite pour trouver le sommeil. Coulé dans son matelas, il sentait ce corps jeune et vigoureux grimper sur le sommier. Sans taire une vaine jalousie, il sentait la silhouette se blottir contre lui : « Vous pourriez recevoir de la visite. » avait-il entendu ce matin. Quelle importance ? L’entendre respirer, souffler dans son cou – n’était-ce pas son droit ? Ces longues années de solitude pesaient sur son corps vieillissant qu’une rêverie seule permettait d’oublier. S’oublier en commun, d’ailleurs.
 Son lit grinçait.
 Sa grâce figurée l’émerveillait encore. Il aurait pu se noyer dans ses lèvres à peine rosées par la candeur des premiers jours. À quel point la jeunesse s'épanouit-elle dans les bras d'un autre ? Il croyait y retrouver la sienne, si tendre.
 Un objet froid glissa sur son torse, gonflé de désirs inavouables, écorchant d’un trait son cœur affaibli : « Adieu ». Si près à présent. Si froid. Glaçant. Si beau. Ce visage cherché dans l'obscurité d'un songe ne pouvait qu'être un masque ? Aucune importance, puisqu’il expirait bientôt. On ouvrit la fenêtre. Plus un bruit. Plus un souffle.
3
2
2
2
Défi
L'Apachos

 La grande reine Athalie s’avance dans la chambre, drapée dans la soie, les perles, ses billes de plomb qui s’entrechoquent dans un bruit de clochettes. Elle se rappelle d'un songe ; faut-il jamais s'inquiéter d'un songe ?
 Un glas d’outre-tombe l'enchaîne ; sa mère apparaît, moins somptueuse, surgie de la pénombre vaporeuse. Sa voix s’élève vers les cieux, sépulcrale, une poudre vermeil dissimulant son âge et coutournant ses paupières où se devine l'étendue de sa tristesse. D’une main, elle désigne la fenêtre, au dehors du palais : le temple du dieu d’Abraham menaçant sa fille d’être saisie. L’impiété est condamnée ; sa défaite imminente plane comme des nuées au-dessus du royaume de Juda, effondré, quand viendra le fils de David, porter un coup final ; sa dague sertie d’un crâne de rubis aux yeux incrustés d’améthystes. Baal tombera. Son empire s'effondrera avec elle. Ces mêmes joyaux, qu’elle avait portés jusque dans sa couche, entre ses seins et son flanc battu, se briseront au pied des remparts. Environnées de malheur, ces images l’accablent, l’assaillent, l'entretiennent. Son cœur bondit dans sa poitrine. Quand elle s'avance enfin pour saisir la main de sa mère, l’enlacer, celle-ci tombe en poussière ; un sac de chair, informe et sanglant, que des chiens se disputent, mordent, arrachent, réduisent en lambeaux, rongeant ses os, ruisselant dans son esprit comme des grêlons, écarlates, acérés. Les mots pleuvent comme des morts sur la rive du Jourdain. L'ombre s'étend dans la chambre, puis s'éteint.
3
3
0
1
Vous êtes arrivé à la fin
0