La très probable histoire de Louise

de Image de profil de TerrienneTerrienne

Avec le soutien de  bertrand môgendre 
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La chambre de Louise était illuminée par le soleil matinal. C'était une bien jolie chambre, malgré la pagaille clairement revendiquée jusque sous son lit. Ses parents n'avaient jamais réussi à la lui faire ranger, pas même une seule fois. Au moins ont-ils pu lui apprendre à mettre ses déchets à leur place : dans la poubelle toujours pleine à craquer.

Louise avait toujours considéré le rangement comme une notion secondaire, une perte de temps. La propreté, d'accord. Mais quel intérêt à passer des heures et des heures à ranger une chambre, alors qu'il faudrait recommencer la semaine suivante ? Ce n'était pas comme si ça servait à autre chose que contenter ses parents… Elle préférait largement jouer au foot. Et puis, son bazar représentait fièrement sa personnalité : des baskets ayant perdu leur moitié depuis longtemps, un ballon de foot recouvert de fausses signatures de footballeurs connus (Marin était très fort à ça), mais surtout, des livres d'aventure ; ces derniers débordaient de sa trop petite bibliothèque et occupaient la moindre parcelle de place encore libre dans la chambre pourtant spacieuse. Oui, celle-ci collait précisément au caractère de Louise.

Quand elle se réveilla, à huit heures tapantes ce samedi, elle sourit à la vue de son capharnaüm aux tapisseries rose à fleurs. Elle sentait que cette journée serait parfaite, et le début des vacances y était en partie pour quelque chose. Quelques minutes plus tard elle déboulait dans la cuisine, bousculant un peu Ian, son père qui préparait le petit-déjeuner avec une démarche de zombie grincheux. Ses cheveux bruns en pagaille et ses énormes cernes, caractéristiques de la personne ne dormant pas assez pour un humain normal, rappelaient tous les jours à Louise que le sommeil, c'est bien.

- Coucou papa ! lança-t-elle en lui claquant un baiser bruyant sur la joue, sentant la douceur de sa barbe mal entretenue sur ses lèvres, t'as vu comme il fait beau dehors ? Ça te dirait d'aller te balader un peu, aujourd'hui ?

- Gnééééé...

Louise leva les yeux au ciel. Son père n'avait pas encore pris son café, elle n'aurait donc pas d'autre réponse possible avant un bon moment. Aussi continua-t-elle de parler dans le vide sans se soucier plus que ça de savoir si on l'écoutait, ni de la tentative maladroite du papa-zombie pour mettre en route la machine à café.

- Je suis trop contente d'être en vacances d'été ! J'ai hâte d'être à ce soir, surtout ! J'espère que vous avez préparé un beau gâteau pour mon anniversaire, douze ans, ça se fête, non ?! Vous avez pensé à inviter El et Marin? En fait c'est pas grave, je vais aller jouer au foot avec eux de toute façon. Et puis je vais faire un effort ce soir, je vais mettre la robe jaune que maman et toi m'aviez achetée, ça devrait vous faire plaisir, elle n'est jamais sortie de mon armoire...

Tout en continuant de parler, Louise engloutissait son bol de céréales à la vitesse de la lumière. Le temps qu'elle finisse, son père avait réussi à faire son café et le posait maladroitement sur la table. Après avoir débarrassé son petit déjeuner et fait sa toilette en quatrième vitesse, elle sortit en trombe de la maison.

Dès qu'elle arriva dehors, Louise s'arrêta un instant pour savourer les rayons du soleil à peine sorti de son sommeil. Il avait plu toute la semaine. Elle s'éloigna dans la rue d'un pas lent, finalement plus si pressée.

Tout en marchant entre les pâtés de maisons de la petite ville de Querencroûte, Louise réfléchissait : Elle aurait douze ans à minuit ce soir et elle ne savait toujours pas ce qu'elle allait faire de sa vie ! Pour la plupart des enfants, à cet âge-là, on avait tout le temps de réfléchir à l'avenir. Mais Louise rêvait d'aventure, de mystères et de trésors à découvrir. Elle voulait tout faire, tout voir du monde, accomplir des choses exceptionnelles et être une héroïne, et parfois elle avait l'impression de perdre son temps à aller à l'école, se nourrir, se laver… tant d'années perdues selon elle, qui auraient pu être mises à profit pour autre chose de plus intéressant… comme partir à la recherche de Superman ! Il pourrait peut-être lui apprendre comment sauver le monde et devenir une légende...

Louise, adoptée à l'âge de deux ans, n'avait aucun souvenir de ses origines, et ne voulait rien savoir. Plutôt que d'apprendre qu'elle était rescapée d'un pays ravagé par la guerre et la pauvreté ou que ses parents biologiques étaient morts lors d’un accident de voiture, elle préférait imaginer qu'elle avait été déposée par des extra-terrestres dans le but d'infiltrer les terriens, ou bien que Dumbledore viendrait la chercher quand elle serait en âge de faire de la magie. Bon, pour la lettre de Poudlard, il était un peu tard maintenant, mais elle gardait secrètement espoir. De toute façon, jamais la réalité ne serait aussi belle que ce qu'elle pouvait créer dans sa tête, donc autant imaginer de jolies choses... Et puis, elle aimait ses parents, et ne voulait pas entendre parler de gens qui l'avaient abandonnée, même contre leur gré. Sa famille avait accepté sa décision... et le temps finit par emporter le sujet avec lui. En repensant à tout ça, elle se dit qu'elle avait de la chance. Ses parents adoptifs étaient des gens merveilleux, et elle n'aurait pas voulu d'une famille différente.

Louise, perdue dans ses pensées, faillit dépasser la petite maison de briques roses. Elle frappa à la porte en bois, qui s'ouvrit sur une jeune fille au visage souriant. Louise et Elena étaient les meilleures amies du monde depuis qu'elles avaient joué ensemble pour la première fois à la garderie. Louise, avec ses cheveux noirs bouclés en pagaille lui descendant dans le bas du dos, sa grande taille, sa peau sombre, son air confiant, presque hautain malgré le sourire toujours accroché à ses lèvres, et sa posture énergique (vous n'aviez jamais vu quelqu'un avec une posture énergique, hein ?), avait presque l'air d'une adulte sûre d'elle et bien dans sa peau. Ses grands yeux perçants, son nez droit ne laissaient pas du tout paraître un léger penchant pourtant rêveur et à côté de la plaque... Quant à Elena, elle était une jeune fille au teint rose parsemé de taches de rousseur, aux fins cheveux roux et aux yeux gris que Louise connaissait par cœur. Elena ne partageait pas du tout la passion de Louise pour l'aventure et le surnaturel, mais elle était super forte pour marquer des buts, ce qui était pour son amie une qualité in-dis-pen-sable pour survivre dans ce monde cruel qu'est l'enfance.

- Ça te dit d'aller jouer au foot ? Marin nous attend au terrain !

- Attends, je demande à maman ! MAAAMAAAAAN ! JE PEUX ALLER JOUER AU FOOT AVEC LOU ?

- Tu reviens avant midi ! répondit une voix étouffée.

Les deux jeunes filles s'en allèrent en riant.

Arrivées au terrain de foot de la ville, c’est-à-dire l’énorme pelouse du (trop ?) généreux Monsieur Pichet, un vieux monsieur un peu gâteux et cuisinant les cookies comme personne, elles se firent gronder par Marin, un petit blond aux yeux noisette rêvant de devenir Zlatan depuis la première fois qu'il avait touché un ballon. Pour atteindre son but, il avait déjà établi un plan détaillé de sa vie avec les objectifs à atteindre. Le premier était d’avoir la plus grande collection de timbres au monde (allez savoir pourquoi). En tout cas, il avait déjà « emprunté » les collections de quelques voisins trop peu méfiants et avait commencé à piocher dans celle de la mère de Louise, bien sûr pas vraiment au courant. De toute façon, son air angélique lui donnait le droit de faire toujours tout ce qu'il voulait.

Une fois la colère de Marin passée (j'en ai marre, vous êtes toujours en retard !), les trois enfants jouèrent au foot avec l'énergie de la jeunesse, et le semblant de jeu se transforma en véritable match lorsque d'autres gamins du village les eurent rejoints, attirés par le bruit et le beau temps. Il y avait Doria, une peste notoire aussi grande que Louise et au regard d'un bleu glacé, mais que tout le monde acceptait par politesse malgré son caractère et son rictus perpétuellement supérieur. Louise détestait Doria depuis aussi longtemps qu'elle adorait Elena, et c'était parfaitement réciproque. Pedro était tout l'inverse, un modèle de bonté aux yeux foncés, tout comme sa jumelle Rose, venue ce jour avec son plus beau maillot de foot. Rose et Pedro étaient aussi les deux seuls cousins de Louise, qui les considéraient comme les cousins les plus cool de la terre, malgré leur principal défaut qui était, selon elle, de se laisser marcher dessus par Doria. Il y avait également Chelsea et Malek, qui avaient le grand avantage d'avoir tous les deux pour grand-père Monsieur Stephen Pichet, qui avait d'ailleurs disposé sur une table de pique-nique une superbe fournée de cookies pour les enfants (bien sûr, les cookies n'ont pas duré très longtemps et les petits joueurs avaient tous le tour de la bouche un peu chocolaté). Aïna Terano, la fille unique du maire de Querencroûte, était également venue avec son ballon tout neuf que personne n'osait toucher (le papa d'Aïna était très strict, le perdre ou le percer serait une catastrophe pour tout le monde), et Jérémy, le deuxième meilleur footballeur de la ville après Louise (selon le classement de cette dernière) était arrivé en dernier. La pelouse de Monsieur Pichet était le rendez-vous incontournable des jeunes Querencroûtiens.

Louise courrait derrière le ballon, déterminée à marquer le but qui allait visiblement changer sa vie. En effet, c'était Doria la gardienne adverse, et Louise tenait toujours très à cœur de la rétamer dès qu'elle en avait l'occasion. Soudain, quelque chose l'arrêta net. Plus précisément, ce quelque chose était sorti de terre et lui avait attrapé le pied, la faisant s'écrouler face contre pelouse avec assez de force pour entendre sa mâchoire craquer et sentir un goût de sang sur sa langue. Sonnée, elle se releva tant bien que mal, les enfants courant vers elle, peu habitués de voir Louise s'emmêler les pieds.

- Tes parents t'ont pas appris à marcher ? ricana Doria.

Elena ne perdit pas de temps pour défendre son amie :

- Tu es plus mauvaise au foot que mon petit frère, et lui ne sait même pas encore marcher !

La jeune fille lui lança un regard furibond mais ne répliqua pas. Marin et Elena emmenèrent Louise sur un côté du terrain, perplexes de la voir fouiller le sol du regard comme si elle avait perdu un objet précieux.

Tandis que les enfants se disputaient pour rééquilibrer les équipes après le départ d'Elena, Marin et Louise, cette dernière racontait à toute vitesse ce qu'il s'était passé à ses deux amis. Elena n'en crut pas une miette :

- T'as rêvé, c'est impossible !

- Désolée Lou, mais Elena a raison, t'es tombée vachement violemment aussi, ça a dû te sonner.

- Je sais ce que j'ai vu.

Louise était très déçue que ses amis ne la croient pas. Elena était gênée et Marin préféra changer de sujet.

- Au fait El… t'as pas de petit frère !

- Ah oui ! s'exclama Elena en éclatant de rire, mais cette pimbêche ne le sait même pas, vous avez vu la tête qu'elle a fait ? C'était tellement drôle ! J'aurais bien voulu la prendre en photo et la poser sur ma cheminée !

- J'imagine très bien un joli cadre avec des dessins de crottes dessus.

Elena et Marin regardèrent Louise avec des yeux émerveillés.

- Lou, t'es un génie.

- Je sais ! répondit celle-ci fièrement avec un grand sourire.

D'un accord tacite, les trois copains décidèrent de laisser de côté cet épisode et de retourner jouer avec les autres. Malgré tout, Louise était ailleurs et n'arrêta pas d'y penser. Ce qui était sorti de terre et lui avait attrapé le pied… ce ne pouvait être qu'une main.

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