Récit lovacraftien

de Image de profil de "Hallbresses ""Hallbresses "

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Il est de mon devoir de prévenir mon suzerains de ce qui est advenu. Même si je ne suis plus en mesure d'écrire par moi même, j'ai pris le soin de dicter ce récit de sorte que vous soyez informé des faits tels que narrés par celui qui a pu tout voir, du moins dans la mesure du possible.

Sa venue fut dès l'origine annoncée par une série d'anomalies qui s'amplifiaient progressivement. Moi et mes hommes, nous fumes à l'origine peu attentifs à ces signes, mais avec du recul, je n'ai plus aucun doute sur le fait qu'ils annonçaient sa venue.
Nous commençâmes à noter les anomalies à peu près un an avant son arrivée. Les civils nous faisaient part de soucis étranges. La première chose qu'ils remarquèrent fut d'abord que les fruits pourrissaient trop vite. Aussitôt ils soupçonnèrent un acte de sorcellerie. Moi et mes soldats considérions alors ces plaintes comme stupide, jusqu'à ce que l'on constate le phénomène par nous même. Un fruit à peine mûr devenait mou et flasque en à peine quelques minutes après qu'on l'ait cueilli. Les civils locaux prétendaient y voir quelque acte de sorcellerie, et ils nous sommaient, moi et mes hommes, d'enquêter.
Je l'avoue avec honte, aucun d'entre nous ne prit l'affaire au sérieux. Pour ma défense, je suis d'avis que dans tous les cas nous n'aurions su éviter la tragédie qui s'est finalement abattue sur nous.
D'autres phénomènes auraient pu attirer notre attention. On nous rapporta la naissance d'un mouton à deux têtes. La chose peut parfois arriver, mais le pire est lorsque nous trouvâmes un cochon affreusement malformé. Celui ci était un mâle, mais pourtant il avait des pis, dont trois d'entre eux s'allongeaient et se recourbaient comme les bras d'une pieuvre, frétillants lentement comme animés d'une vie propre. Le groin du cochon s'était mué en mufle, et son œil gauche lui jaillissait de la tête et bougeait au bout d'une sorte d'antenne semblable à celle d'un escargot. L'animal avait des pattes atrophiées et se déplaçait avec peine en rampant sur le dos. La vue d'une telle horreur en fit vomir plus d'un. Cette énorme masse de chair et de graisse marquée par des difformités monstrueuses avait de quoi vous crisper l'estomac pendant une semaine. Mais le pire n'était pas tant l'énormité de ces difformités, que le discours de l'éleveur qui nous assurait, les larmes aux yeux, que sa bête n'était pas née ainsi, que le cochon était tout à fait normal, puis que progressivement son corps avait muté.
Bien évidemment, j'ordonnais que l'on brûle immédiatement cette horreur, et je conseillais à l'éleveur de surveiller ses autres bêtes et d'être prêt à les abattre pour le cas où il s'agirait d'une maladie infectieuse.
Nous ne reçûmes guère d'autres rapports concernant des animaux mutés, mais il arriva plusieurs fois à mes hommes d'apercevoir des carcasses brûlées que l'on avait mal dissimulées, et chaque jour j'apercevais de petites colonnes de fumée s'élever des fermes avoisinantes. Et chaque fois que l'on s'enquérait s'il y avait incendie chez eux, les fermiers nous boutaient dehors avec des excuses empressées. Ils ne voulaient pas que j'ordonne l'abattage de tout leur bétail, et je n'avais pas l'envie d'insister en la matière.
Ce qui nous inquiéta davantage, moi et mes hommes, fut ce qui suivit la découverte faite par un de mes soldats alors qu'il patrouillait sur un sentier. Il nous ramena un petit cadavre putréfié, vraisemblablement celui d'un nouveau né, sans doute abandonné ainsi. L'infanticide n'était pas une rareté dans nos contrées, et tout en nous désolant du sinistre destin réservé par une mère à la chair de sa chair, nous nous apprêtions à l'enterrer sobrement avant de passer à une autre affaire; lorsque, le soldat l'ayant ramassé attira notre attention sur un point précis du cadavre. En effet, si l'on écartait les lèvres du nouveau né, on pouvait voir des dents, ce qui en soit est anormal, mais ce n'étaient pas n'importe quelles dents, le nouveau né avait de véritables crocs acérés comme des pointes de flèches. Ses dents étaient disposées en rangées successive sur tous les bords de sa bouche, et le fond de sa gorge recelait quelque chose que je préfère ne pas évoquer tant cette image effroyable m'est douloureuse à revoir.
Nous brulâmes le corps, en priant pour qu'une telle chose ne se reproduise jamais. Mais ce fut hélas insuffisant.
À peine quelques jours plus tard, nous fûmes convoqués par des civils qui vinrent jusqu'à moi pour réclamer que je vienne mener une enquête chez un docteur du voisinage. J'y allais avec quelques hommes, croisant les doigts pour que ce ne soit pas ce que je pensais.
Hélas j'avais vu juste. En arrivant, on m'exposa l'affaire. Une jeune femme venait d'accoucher. On ne lui avait rien laissé voir et on l'avait placée dans une salle voisine pendant que le docteur me montrait le nouveau né.
Il me fallut une seconde pour comprendre. Alors que la partie droite du visage était bien celle d'un nouveau né normal, toute la gauche de sa tête semblait venue d'un autre monde. On eut dit une tête géante d'oiseau, il en avait tous les détails, le bec atrophié, le duvet d'oisillon, et un œil d'oiseau qui me regardait fixement.
C'est alors que j'ai pour la première fois perdu le contrôle de moi même. Je poussai un hurlement tandis que ce regard affreux pénétrait mon âme. Je saisis le nouveau né, et, sans accepter de le tenir une seule seconde entre mes mains, je le jetai dans l'âtre.
La suite de l'incident fut compliqué, car il fallut expliquer à la mère ce qui s'était passé. Bien entendu, elle ne voulut pas croire ce qu'on lui disait sur son enfant. Pourquoi y aurait elle cru? Mais je n'ai aucun regret d'avoir commis ce geste, et je constatai sur le moment qu'aussi bien mes hommes que les civils approuvaient. Au fond je leur ôtais un poids, et c'était là précisément le geste qu'ils espéraient que j'aurai le courage de faire.
Cette affaire passée, nous pûmes nous détendre. Aussi subitement que les mutations étaient apparues, un esprit artistique élevé s'empara des environ. Maintenant je crois savoir que cela aussi était un présage de sa venue, mais sur le moment nous fûmes abasourdis d'apprendre que notre région si recluse et perdue venait subitement de donner le jour à de grands artistes. Partout nous pouvions voir des poètes déclamer leurs écrits avec une ardeur qui transportait leurs auditoires, des peintres s'affairant à leurs toiles dont la beauté et la subtilité nous coupait le souffle, et même un sculpteur au talent inégalable qui travaillait à une vitesse incroyable pour tailler des statues abstraites d'une beauté et d'une grâce splendide.
Nous étions un peu détendus, mais toujours hantés par ces affaires de nourrissons mutants. Toutefois, le devoir nous appela bien vite, car des bagarres éclatèrent simultanément dans chaque auberge de la région. Mes soldats durent plusieurs fois ramener l'ordre entre des hommes qui se battaient férocement à coups de poings. Jusque là, rien d'anormal. Mais lorsque nous interrogions les bagarreurs sur le motif de leurs disputes, ils ouvraient la bouche et ne disaient rien, ils nous regardaient l'air hagard avant de reconnaître qu'ils n'avaient aucune idée de ce qui les avait poussé à se battre.
Je sais que ça aussi, présageait sa venue. Pourtant, comment aurait on pu savoir? Les hommes se battaient toujours dans les auberges.

Les choses empirèrent. Six mois avant son arrivée, les fruits pourrissaient si vite qu'ils n'avaient pas le temps d'être cueillis. Nous trouvions des fruits pourris encore accrochés aux arbres.
Bientôt, chaque semaine environ, un homme nous ramenait un cadavre de nouveau né mutant abandonné dans les bois. Nous nous empressions de les brûler tout en priant pour qu'il n'y en ait plus d'autres, mais on en trouvait constamment, même sans les chercher. Je n'ose imaginer combien de ces monstruosités ont vu le jour durant cette période. Celles que nous trouvions ne devaient être qu'une infime fraction du total. Nous vîmes des choses qu'aucun homme ne devrait voir. Certaines fois les mutations semblaient bénignes, comme un nouveau né avec des cheveux ou des poils pubiens, mais nous en vîmes avec des membres supplémentaires, des griffes d'animal, des langues fourchues, ou même ce qui nous semblait être des cornes. Et je n'évoque ici que ceux dont encore je dispose du vocabulaire pour décrire leurs mutations. Certains étaient purement et simplement difformes, avec des membres atrophiés et d'autres hypertrophiés, des rides et des écailles, des plumes et des excroissances osseuses jaillissant de leur chair. Toujours nous les brulions pour qu'il n'en reste aucune trace.
Dans le même temps, les élans de violence se firent partout grandissants. Des personnes étaient atteintes de folie furieuse. Nous trouvâmes un père et son fils, s'étant tout deux égorgés l'un l'autre avec des couteaux de table, sans raison apparente. Nous pendîmes une femme que l'on avait vu dévorer son propre nourrisson. Et une jeune fille que tous pensaient pourtant très gentille fut prise d'une folie furieuse, massacra sa famille et parvint à s'enfuir. Elle avait déjà égorgé trente personnes quand nous parvînmes à l'abattre d'une volée de tirs d'arquebuses alors qu'elle allait nous échapper. De même, deux de mes soldats se disputèrent pour une partie et de carte, et l'un des deux saisit son poignard et creva les yeux de son camarade. Au moment où je faisais pendre le coupable, je comprenais que tout cela ne pouvait pas être naturel. Mais jamais je n'aurai pu imaginer ce qui arrivait sur nous.
C'est à ce moment là que commença à se répandre l'épidémie. Une étrange peste qui n'était apparue que dans la région. Les médecins parvenaient à la guérir, mais difficilement, et ne pouvaient pas soigner tout le monde. Moi et mes hommes nous ne fûmes heureusement pas touchés par la maladie. Sans doute parce que notre caserne était à l'écart des villes. Toujours est il que de nombreuses personnes périrent des suites de cette maladie, et leurs corps meurtris se retrouvaient, décharnés et grisâtres, s'empilant dans les fosses communes.
C'est le moment où l'inspiration des artistes commença à montrer ses aspects malsains. Avec un entrain exécrable, les poètes se mirent à chanter les louanges de cette pestilence, trouvant dans les symptômes de cette maladie une forme poétique qu'ils affectionnaient. On pouvait les voir se rassembler dans les fosses communes ou dans les chambres des mourants, s'amusant à faire des vers en contemplant la mort des hommes. Parfois l'un d'entre eux tombait malade, et devenait ainsi le nouveau jouet de ses compagnons. Les peintres nous peignaient des toiles ou l'on voyait des rues brillantes décorées de guirlandes de cadavres. L'un de ces peintre m'adressait même une lettre où il précisait que ces morts atroces étaient la plus pure source d'inspiration qu'il lui ait été donnée de voir et réclamait que j'ordonne de laisser les cadavres des pestiférés dans les rues pour les décorer. Inutile de dire que j'ai aussitôt brûlé cette lettre, et qu'en retrouvant le coupable je me suis appliqué à proprement le rosser à coups de poing. Quand au sculpteur, si talentueux et si inspiré, il n'en pensait pas moins que les peintres, et maintenant, trouvant entre la pierre et les morts un lien symbolique et visuel évident, il cessa tous ses autres ouvrages qu'il jugeait désormais trop classiques et se mît à ne sculpter que des visages décharnés défigurés par la peste. Au lieu de magnifiques sculptures abstraites, il ne représentait plus que la plus affreuse des vérités. Chacune de ses création était maintenant hideuse, mais pourtant parfaite dans sa représentation. D'une splendeur macabre, elles étaient en elles même horrifiques. Mais l'artiste ne s'en arrêtait pas là, car il prenait aussi un malin plaisir à représenter en sculpture des personnes existantes mais saines, et à représenter ce à quoi elles ressembleraient atteintes de la maladie. C'était frappant de réalisme, et pourtant si horrifique.
C'est vers cette période également que nous avons vu des changements d'une autre échelle. Des nuages s'amoncelaient dans notre ciel et prenaient des teintes étranges. Nous vîmes un nuage rouge sang se déplacer au dessus de la région, mais il changea plusieurs fois de couleur, passant au vert, au bleu, au rose ou au violet. Naturellement, les accusations de sorcellerie allèrent bon train. J'ai moi même été forcé de mener des investigations sur plusieurs sages femmes des environs. De ces enquêtes je ne garde pas un grand souvenir tant ma mémoire a été balayée par les événements qui ont suivi. Toujours est il que nous ne trouvâmes rien de concluant, et que je me refusais à exécuter une doctoresse en période d'épidémie sans preuves irréfutables. Tout porte à croire que ce n'était pas la bonne piste.

Le dernier mois avant son arrivée, tout s'accéléra. Les fruits pourrissaient à vue d'œil. Ils pourrissaient si vite qu'ils explosaient sur leurs branches en lançant des miasmes partout. La folie s'empara de la ville. Les poètes enlevaient des enfants pour leur inoculer la peste, ressentant dans la putrescence et la mort une exaltation poétique au delà de toute définition. Les peintres s'ouvraient les veines et traçaient des toiles avec leur sang pour essayer d'atteindre la perfection absolue. J'ai fait pendre le sculpteur après qu'il ait tenté de couler un homme vivant dans un moule en cire. Partout, le bétail mutait. Tous les enfants nés ce mois ci durent être brulés à la naissance, j'ai même vu un enfant qui parlait dans une langue étrange quelques minutes après être né. Les bêtes devenaient folles; les chiens mordaient leurs maîtres, les moutons s'enfuyaient et s'éparpillaient, les bovins s'entretuaient; mais le pire ce fut encore les hommes.
Chaque jour était marqué par quelque meurtre. Les frères et les amis de longue date s'étripaient entre eux sans aucune raison. Nous étions constamment sur le pied de guerre, faisant chaque jour quelques lieux pour aller fusiller quelque bande de psychotiques devenus fous qui tuaient tout le monde sur leur passage. Étrangement, moi et mes hommes étions assez peu touchés par la folie ambiante, et nous étions devenus assez vite les seuls capables de protéger les honnêtes gens des déments qui les assaillaient de toute part. Mais nous n'avons pas du les protéger au final.

FantastiqueHorreurDéfiLovecraft
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En réponse au défi

récit lovecraftien

Lancé par "Hallbresses "

Quand on y réfléchit bien, H.P Lovecraft est très fort: il parvient avec des tournures de phrases alambiquées à vous décrire une créature tout en spécifiant qu'elle est indescriptible. Cela me parait un excellent exercice d'écriture.

Pas besoin forcément de vous inspirer du mythe lovecraftien et de ses créatures, je vous demande simplement pour ce défi d'écrire une histoire comportant des événements surnaturels et où vous devrez à un moment nous décrire une créature qui par essence est indescriptible. Vous pouvez bien évidemment utiliser des expressions tordues pour décrire cette chose sans la décrire. Toute l'idée est de nous transmettre la sensation d'horreur et de démence absolue qui se dégage de la forme indicible de l'atroce abomination imaginée par votre esprit.

J'attends de vous d'être intéressants et originaux, faites moi frissonner d'horreur à la vision effroyable de bêtes tentaculaires de démence et de contradictions gigotantes dans toutes les dimensions de l'espace en éparpillant leurs immondes stries corruptrices et autres miasmes frétillants dans les délires courbés d'une imagination décadente.

Bref, à vos plumes!

Commentaires & Discussions

PrémicesChapitre1 message | 4 ans
Les spires du chaos se déchirent dans un râle d'agonieChapitre0 message
NoteChapitre0 message

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