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Jean Anders

Marly (57).
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œuvres
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Œuvres

Défi
Jean Anders

Laissant nos parents affairés à ouvrir tiroirs et placards de la salle à manger, avec ma soeur jumelle Elsa nous nous dirigeâmes sans hésitation vers l’escalier. Une fois les trois étages gravis, nous nous retrouvâmes devant cette petite porte en bois dont l’accès nous avait toujours été proscrit. Comme tout enfant face à l’interdit nous avions tenté à plusieurs reprises d’y pénétrer, mais notre grand-mère devait disposer d’un sixième sens. A chacune de nos nombreuses tentatives, nous l’entendions nous interpeler :
- Que faites vous les filles ?
- Rien Mamie, nous jouons dans l’escalier.
- Vous savez que je ne veux pas que vous alliez dans le grenier.
- Oui Mamie, répondions nous en coeur, les yeux remplis de déception et de stupéfaction.
Comment avait-elle pu entendre, trois étages en contrebas, ce que nous manigancions ?
Le ventre noué, Elsa légèrement en retrait, je restai comme hypnotisée devant cette porte, peur de braver l’interdit, et excitée de pénétrer en ce lieu pour lequel notre imagination n’avait cessé de bouillonner ces vingt dernières années. Elsa me fît sortir de mes songes et torpeurs en lançant sur un ton empreint d’agacement « Qu’est ce que tu attends ? Ouvre la porte. » D’une main malhabile je fis tourner la grosse clef de fer blanc déjà engagée dans la serrure, entendis le pêne se dégager de son logement, puis tournai la poignée. Je poussai cette porte en chêne massif avec délicatesse, laissant une douce lumière hivernale inonder la cage d’escalier.
Une fois dans la place, nos quatre pieds sur le plancher en bois d’un gris délavé, nous fûmes interloquées par la propreté des lieux. Bien qu’il s’agît d’un grenier il n’en avait que le nom et ressemblait bien plus à un bureau mansardé qu’à l’idée que nous nous en faisions. Une part de magie disparut avec l’absence de poussière et de toiles d’araignées, néanmoins le mystère de cette pièce restait entier. Elsa m’invita d’une petite tape sur l’épaule à entrer plus en avant, ce que je fis. La surface du grenier, séparée en son milieu par une étagère métallique, n’excédait pas une vingtaine de mètres carrés. Sur ses rayons étaient méticuleusement alignés une cinquantaine de cahiers marqués en lettres capitales de la mention « comptabilité ». Le contraste était saisissant entre les deux zones. D’un coté un majestueux bureau en bois sur lequel trônaient un bloc note, quelques stylos alignés et une lampe de lecture, ainsi qu’un beau et large fauteuil en cuir. Quant à la seconde partie, juste derrière l’étagère, une simple table en formica flanquée d’une chaise au même design, sur laquelle s’amoncelaient feuilles, cahiers, boites à archives jaunies, pots à stylos …
Pendant qu’Elsa farfouillait les tiroirs du grand bureau, je contournai l’étagère, attirée par une photo noir et blanc, légèrement jaunie par le temps, accrochée dans un cadre en verre juste au dessus de la table. Elle représentait deux couples et un nourrisson emmailloté. De suite, je reconnus papi et mamie déployant un large sourire et tenant l’enfant dans leurs bras. Elle avait dû être prise à l’époque de leur mariage, car ils avaient approximativement le même âge que sur les photos disposées sur le buffet de la Salle à manger où on les voyait poser à la sortie de l’église. Quant à l’autre couple, je ne me souvins pas les avoir aperçus dans les albums photos que nous montrait mamie.
Je la décrochai du mur, retirai le carton au dos et y trouvai une inscription manuscrite à l’encre noire : « 3 juin 1968. De gauche à droite : Pierre et Marie LASAILLE, enfant LASAILLE, Yvette et Jacques RENOIR ». Sur l’instant cette inscription me permit juste de connaître le nom de ce couple, Pierre et Marie LASAILLE, jusqu’à ce qu’une feuille pliée en quatre s’échappe d’entre la photo et la vitre. Je la saisis, l’ouvris et y découvris un acte de naissance : « Le vingt mai mil neuf cent soixante huit à vingt trois heures cinquante quatre est né(e) Yves LASAILLE de sexe masculin à Montpellier (Hérault). Délivré conforme aux registres, le 22 mai 1968. » Le cadre m’en tomba des mains, vint heurter le plancher et la vitre se brisa en plusieurs morceaux. Alertée par le bruit Elsa se retourna, me regarda d’un air réprobateur et m’interpella :
- Fais attention ! Mamie va savoir qu’on …
Elle ne finit pas sa phrase, mit un temps d’arrêt, l’air grave et attristé, puis continua.
- Que c’est-t-il passé ?
- Viens voir, j’ai trouvé un truc chelou.
- Qu’est ce que c’est ?
- Je crois que papa a été adopté !
- Qu’est-ce que tu racontes ?
- Je te jure, regarde ça.
Elsa se rapprocha de moi, pris l’acte de naissance, le lut, et éclata de rire.
- Uniquement parce que ce bambin a le même prénom que papa tu t’imagines que c’est lui ? T’es sérieuse là ?
- Regarde la photo et l’inscription au dos.
- Oui, je vois quatre adultes et un enfant dans les bras de papi et mamie ? Tu n’as jamais porté dans tes bras un enfant ? Tiens celui de Christelle, la collègue de maman. C’est pas pour autant que tu l’as adopté ?
- Regarde de plus près l’inscription au dos de la photo.
Elsa la prit des deux mains en soupirant.
- Regarde, ne vois tu pas que le nom LASAILLE à coté du prénom Yves a été griffonné à l’encre bleue pastel, et notre nom de famille RENOIR a été rajouté au dessus ? Avec le temps l’encre bleue a dû s’estomper.
Elsa écarquille les yeux.
- Oh putain ! Tu as raison.
Oh oui, j’ai raison, me disais-je dans ma tête, mais une voix intérieure me disait que je me trompais. Mamie et Papa n’auraient pas pu nous cacher ce secret.
- C’est pas possible, il doit y avoir une explication Elsa.
- Tu as raison, descendons rejoindre papa et maman et parlons leur.
- Maintenant ? Le jour de l’enterrement de mamie ? Tu as perdu la tête.
- Tout va bien les filles ?
Papa se tenait dans l’embrasure de la porte, les tempes argentées illuminées par un rayon de soleil. En choeur on lui répondit :
- Oui papa, tout est ok.
Lorsque son regard bleu se posa sur la photo qu’Elsa tenait entre ses mains il sourit et ajouta :
- Vous avez trouvé des photos ? Je peux les voir ?
Nous étions toutes les deux tétanisées à l’idée qu’il découvre notre trouvaille.
- Euh ! Ce n’est rien papa. Juste un portrait de papi et mamie.
- Je croyais qu’elles étaient toutes dans les albums du salon. Montre voir !
En s’approchant d’Elsa, il vit les débris de verre au sol et nous fit une moue réprobatrice.
- Vous ramasserez le verre avant de partir les filles.
- Oui papa.
Lorsque je lui répondis cela, je ne parvins pas à éviter les trémolo dans ma voix et il s’en rendit compte. Il nous jeta un regard, celui qu’il a lorsqu’il comprend que ses deux filles chéries lui cachent une bêtise.
De sa voix grave et sévère il ordonna :
- Donnez moi de suite ce que vous cachez dans votre dos ! Toutes les deux !
Elsa lui tendit la photo, tandis que je lui remis d’une main hésitante l’acte de naissance. Il regarda longuement la photo, en fit de même avec l’inscription au verso, puis lut et relut l’acte de naissance. Au fur et à mesure qu’il découvrait les documents son visage se décomposait. Ses yeux passaient sans cesse de l’un à l’autre, puis se plongeaient dans ceux d’Elsa, revenaient à la photo, puis dans les miens, comme s’il cherchait une réponse dans nos regards. Il saisit la chaise en formica par le dossier, l’écarta de la table et se laissa choir dessus. Une longue minute se passa sans que nous bougeâmes ne serait-ce qu’un cil lorsque d’une voix désolée, mon père rompit le silence en prononçant ces mots à plusieurs reprises : « C’était donc vrai. »
- Qu’est ce qui était vrai papa ? repris-je, désireuse de comprendre.
- Oui papa, qu’est ce qui était vrai ? appuya Elsa.
- Je devais avoir quinze ans, seize tout au plus, lorsque j’ai surpris vos grand-parents se disputer dans leur chambre. J’étais assis sur la dernière marche de l’escalier donnant sur le second étage. Il était question de vérité, qu’il devait savoir, qu’il avait le droit de savoir. Elle ne cessait pas de répéter au milieu de sanglots que c’était leur devoir de le lui dire. Votre mamie ne cessait de lui dire qu’un enfant devait connaître sa vie, de sa naissance jusqu’à sa mort, mais votre grand-père lui a demandé de promettre de ne jamais dévoiler leur secret.
Ses yeux bleus étaient désormais estompés par le rouge de ses paupières. Il nous prit dans ses bras, nous serra très fort contre lui jusqu’à ressentir les battements de son coeur et nous dit : « Je vous aime mes chéries ».
- Nous aussi papa.
- Oui, nous aussi on t’aime papounet.
- Le soir où j’ai entendu ces propos, je n’ai pas voulu croire qu’il s’agisse de moi dont il était question. J’ai très certainement dû enfouir ce souvenir au plus profond de mon être, pour l’oublier ,par peur peut-être, jusqu’à ce jour.
- Oh, on est vraiment désolées papa.
- Vous n’y êtes pour rien mes trésors. Mamie a dû souffrir bien plus que je ne souffre en promettant à papi de ne rien me dire, même après sa mort. Mais vous savez les filles, je n’éprouve aucune rancoeur, haine, ou autres sentiments de ce genre à leur égard, ni envers mamie, ni envers papi. Ils m’ont aimé, là est l’essentiel pour un enfant.
- On a eu notre dose d’émotion pour aujourd’hui, ne pensez vous pas ? Allons rejoindre votre mère au salon. Elle doit nous y attendre.
- Tu as raison papa, descendons, lui répondis-je en lui tendant la main.
Elsa en fit de même, nous sortîmes et je refermai cette porte en chêne, laissant derrière elle sur le sol une vitre brisée, celle-là même qui cachait un secret depuis si longtemps.
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Jean Anders
Petit poème.
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Jean Anders

Il s’agit d’une voiture à pédale pour enfant, un présent de mon parrain. Elle était de couleur vert foncé et arborait deux rétroviseurs extérieurs. Je n’ai plus souvenance de l’occasion pour laquelle il me l’a offerte, mais les souvenirs induits sont ancrés à tout jamais dans mon esprit.
A cette époque, je ne devais pas avoir plus de six ans. Je l’utilisais de temps à autre dans la maison, mais le plus souvent à l’extérieur, dans le jardin. Un matin d’été ensoleillé je décidais de faire une promenade à bord de mon bolide. La porte de la cave grande ouverte, debout sur la marche, mon regard pouvait embrasser le jardin dans sa globalité. De mon promontoire je pouvais admirer les arbres fruitiers et apercevoir les rosiers grimpants en limite de propriété, l’objectif de mon « road trip ». Je me sentais tel un seigneur admirant son fief depuis les hauteurs de son château, prêt à s’élancer à bord de son char pour découvrir les terres inconnues de son royaume.
Mon terrain de jeu était divisé en deux parties de surfaces égales, séparé en son milieu par une haie de laurier. La première partie était composée d’une grande terrasse ombragée collée à la maison, bordant une pelouse à l’anglaise arborée de deux pommiers, d’un cerisier et d’un mirabellier. De l’autre côté de la haie se trouvait le potager. Dans ce dernier, mes parents y cultivaient fruits et légumes, tels que pommes de terre, haricots, salades, carottes, tomates, oignons, ciboulette, persils, fraises…
Une fois au volant et les premiers coups de pédales donnés, une longue traversée de cette étendue d’herbe commençait. Les quatre roues étroites peinaient à se mouvoir, gênées par la surface terreuse aux multiples aspérités et la présence d’herbes trop hautes pour leurs tailles. Je devais m’y prendre à plusieurs fois, donner des coups de reins pour impulser le mouvement, voire descendre de mon siège et pousser l’auto. La vision lointaine des roses multicolores me donnait du courage et je n’hésitais pas à me servir en fruits tiédis par les rayons du soleil pour me gorger de sucre et de vitamines. Je n’étais pas très grand vu mon âge, mais les branches généreuses et surchargées m’étaient facilement accessibles.
Au bout d’un certain temps, qui me parut être une éternité, j’étais venu à bout de cette traversée et me postais tel un conquérant à l’entrée du potager matérialisée par une large ouverture dans la haie. C’était ma haie d’honneur.
Le potager était constitué de quatre parcelles, toutes délimitées par de petites bordures formant des allées, mes routes. Mon imagination se mettait à dessiner des virages, des pentes, des stations-service, des maisons et d’immenses champs cultivés. Je prenais un plaisir incommensurable à pédaler au volant de ma voiture, fier de conduire comme papa et d’être le seul à en avoir une parmi tous les enfants du quartier. Fierté que je gardais bien au fond de moi, non pas de peur de devoir la prêter, mais par humilité. Je filais telle une fusée à travers les carottes, j’effleurais au passage les feuilles de salade, je m’enivrais de la menthe poivrée mêlée au jasmin, oubliant les mètres parcourus et me retrouvant sans m’en être aperçu bloqué par une clôture, bien après les plants de rosiers. J’étais arrivé au point le plus éloigné du jardin, là où le feuillage des arbres empêchait tout contact visuel avec la maison.
Je passais en l’espace de quelques secondes d’une situation de conquérant à celle d’un naufragé esseulé. Mes forces m’avaient abandonné, mon courage s’était évaporé, remplacé par la peur et l’angoisse de ne pas pouvoir revenir sur mes pas. J’appelais pour que l’on vienne à mon secours, mais en vain. Mes parents étaient partis remplir le garde-manger tandis que mes frères étudiaient dans leurs chambres. Les larmes me montaient aux yeux accompagnés de lourds sanglots. Comprenant que rien ni personne ne viendrait à mon secours, j’abandonnais ma voiture verte, et traversais le jardin désormais devenu sombre pour retrouver le réconfort de ma chambre et surtout celle de mon doudou.
Quelques jours plus tard, mon père me questionnait quant à cette voiture verte embourbée au fond du potager.
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Listes

Avec Laissez-nous rêver ! Réflexions autour du scénario et de la construction du récit...
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