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Mistral

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Œuvres

Défi
Mistral
A quoi pouvons-nous reconnaître l'amour, si ce n'est aux émotions qui l'entourent ?
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Défi
Mistral

Les interminables embouteillages étaient pour le moins inhabituels à une heure aussi tardive. D'après la radio, il s'agissait d'un accident s'étant produit quelque part en aval, un chauffard s'étant endormi au volant et provoqué un carambolage. Jules imaginait sans peine l'auteur de ce désastre comme étant ivre. Après tout, Jules lui-même n'était pour ainsi dire pas à son premier coup sous le nez. Une beuverie entre potes, tant pour célébrer l'anniversaire de l'un d'entre eux que pour Jules célébrant son divorce. Débarassé des deux fardeaux qui s'étaient accaparé de sa vie sociale, Jules avait enfin pu se réconcilier avec l'idée du temps libre, et ses vieux potes avaient été plus qu'heureux de l'accueillir chaleureusement à la fête, leur vieux comparse perdu aux méandres sinueux du mariage.

Maintenant, Jules se réconciliait avec la liberté salvatrice de la solitude. Pouvoir fumer une clope au volant sans le jacassement de sa femme enceinte, écouter la musique à fond, ou au contraire, l'éteindre pour plonger son regard au plus profond de l'abîme et s'offrir un moment d'introspection, laisser le silence s'installer, régner. Pas de "je peux conduire si t'es fatigué" ou de "tu peux t'arrêter à la prochaine aire d'autoroute ? J'ai envie de faire pipi." Seulement Jules, seul, avec la compagnie de lui-même, et personne d'autre.

Jules était seul. Enfin seul. Quand il y réfléchissait, cet enchevêtrement d'automobiles et de poids lourds s'apparentait à la cavalcade d'espoirs et de déceptions qu'avait été son mariage. Pendant toutes ces années, il lui avait paru que sa vie était arrivée à son point de stagnation, qu'il ne connaitraît plus jamais la joie, la fête, l'adrénaline de rouler à vive allure avec personne pour le sermonner sur cette vie qu'il avait choisi. Puis, un beau jour, elle avait enfin suggéré qu'ils n'étaient peut-être pas fait l'un pour l'autre. Et ainsi, en un seul instant, la circulation était repartie comme de rien, comme cette route se désengorgeant sous ses yeux.

Jules appuya sur l'accélérateur lorsque l'automobiliste devant lui se remit à avancer. Enfin, il était seul dans son Audi, libre d'aller où bon lui semblait, le monde pour itinéraire, un moteur rempli à ras-bord et personne sur le dos. Grelotant, Jules monta un peu le chauffage et accéléra.

Quand soudain.

"-Prend à droite à la prochaine intersection.
-AAAAAAHHHH !!!!!"
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Il songeait. C'était la seule chose qui pouvait calmer son esprit, se laisser bercer par le bruit de la mer, dorloter par les vagues caressant l'embarcation exigue où reposait son corps fatigué et meurtri. Oublier les ecchymoses, le froid et l'odeur du sel, prétendre qu'il gisait contre la tendre poitrine d'une femme, partageait sa chaleur, respirait son parfum à pleines narine, et que le bois d'une dureté impitoyable contre lequel sa nuque reposait était en fait l'étreinte ferme d'une compagne soulagée de son retour. Peu pouvaient se targuer d'avoir survécu au naufrage du navire perdu à la tempête, mais il ne vivrait pas suffisament longtemps pour s'en prévaloir auprès de cette femme imaginaire. Qui était-elle ?

Le marin n'avait qu'un seul visage à l'esprit. Pour une raison étrange, celle qu'il voyait avec une netteté telle qu'il aurait pu s'agir d'une photo imprimée à l'encre sur sa rétine était une femme du nom de Louise. Elle avait été sa camarade de classe pendant toutes ces années. Un petit miracle défiant toute statistique avait fait qu'ils puissent se cotôyer tout au cours de leur vie, et ne soient jamais séparés pour plus d'une semaine ou deux. Ils avaient connus leurs flux et reflux, s'aimant parfois, se détestant autrefois. Jamais n'avaient-ils eu une relation amoureuse. Lui ne l'avait jamais désiré. Elle ne l'avait certainement jamais désiré non plus.

Alors pourquoi était-ce à elle qu'il pensait ? Lui et elle n'avaient pourtant jamais vécu sur le même plan astral. Il était un homme, aimait ses passes-temps masculins, rire avec ses amis, ne jamais penser au lendemain. Elle était une femme, se complaisait dans le regard des autres. Déjà toute jeune, elle s'était éveillée à son charme, au pouvoir qu'il avait sur les hommes, aux amours qui pouvaient bourgeonner entre elle et eux, aux regards qu'elle pouvait attirer de tous les horizons.

En fait, si il ne l'avait jamais désiré, c'était qu'elle non plus ne l'avait jamais désiré. Il avait toujours été conscient d'être un ami d'enfance pour elle, et rien de plus. Donc, à quoi bon se donner la peine de s'attacher à une femme dont le coeur méprisant était tantôt épris de l'un, tantôt de l'autre ? Il lui aurait dévoyé son amour tout entier, si tant est qu'elle en aurait voulu, mais elle n'en avait clairement jamais voulu, cette stupide femme...

Déjà trois jours qu'il attendait les secours à bord de cette barque. La déshydratation nuisant à la clarté de son esprit, il savait néanmoins avec une certitude prophétique que ce jour serait son dernier.

Dans ses derniers instants de lucidité, il éclata de rire. Un rire âpre qui lui brulait la gorge alors que des larmes chaudes coulaient le long de ses joues. Que faisait-il à un endroit pareil, alors que cette femme détestable qu'il aurait souhaité avoir aimé plus tôt devait se prélasser dans son lit, sans la moindre préoccupation au monde ?
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Son réveil se mit à sonner. Elle l'éteignit sans même se retourner, regard vitreux, yeux tombant de sommeil rivés sur la rue en contrebas qui baignait dans sa lueur matinale, espérant y trouver enfin la silhouette qu'elle espérait voir.

C'était la troisième nuit consécutive où le repos lui avait fait défaut. Plus tôt cette nuit, elle avait rêvée de sa porte d'entrée s'ouvrant. Du marin qui entrait avec une fière prestance, un bouquet de fleurs à la main, son éternel sourire enjôleur aux lèvres, et qu'il professait enfin son amour pour elle avant de la prendre dans ses bras. Elle avait alors versée des larmes chaudes de bonheur tandis qu'il l'accueillait contre sa poitrine ferme, au plus près de son coeur battant de milles coups.

Mais ce n'avait été qu'un rêve. En réalité, il ne l'avait jamais aimé, elle qui s'était donnée tant de mal pour être remarquée. Sinon, pourquoi était-il parti alors qu'elle l'avait supplié de rester ?
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