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Chantal Namie

Défi
Chantal Namie

Un observateur au centre avec la limite circulaire de sa vue …c’est la définition du dico pour : horizon .Comment s’étonner en partant de ce postulat que les hommes soient un peu limités , que dire de ceux qui ont une mauvaise vue ?
Faut il prendre des jumelles ? une longue-vue , un télescope ? pour élargir sa vision …. à condition de ne pas prendre le petit bout de la lorgnette .
Une loupe pour grossir réduirait encore le champ
Avec des lunettes , c’est plus net mais pas différent …
Devant mon miroir , quelle farce ! , le derrière devient devant , mon image surréaliste quand il est déformant .
Le statut d’observateur est confortable , se considérer comme le centre en dit long , tout part et revient à moi …
Si je m’assois , je m’allonge , je perturbe les repères .
J’ignore ce qui est dans mon dos , en fait je n’ai qu’un demi-cercle à ma disposition .
En coin , c’est moins évident , si je tourne la tête je gagne quelques centimètres ..
Si je ferme les yeux : rideau !
Je peux changer d’horizon quand je veux , il me suffit de changer de lieu , m’ouvrir d’autres horizons , faire un tour d’horizon , le scruter , peindre tout en bleu horizon même la fameuse ligne ….
Et , ” j’y pense ” , je peux changer celui des autres "quel pouvoir fantastique ! ” , pas besoin d’être magicien , il suffit d’être malin , le plus fort , d’éliminer la concurrence
Endormir les uns …en droguer quelques autres …..aveugler certains ….casser quelques lunettes….et en un tour de mains leur faire croire que l’horizon est ce que je veux qu’il soit .
Me glisser près d’un inconnu pour connaître son horizon , me mettre devant , lui réduire , lui chiper même à l’occasion , lui enfiler un sac sur la tête pour l’en priver , un croc-en -jambes et il ne voit plus que son nez , bâtir autour de lui une cage et sa vue est bridée , ériger des murs de tous côtés , projeter des images qu’il prendra pour la réalité .
Un peu de fumée ….il criera ” au feu !
"D’inconnus en inconnus créer le même décor , un horizon uniforme , faire des retouches , éliminer “les interfacts ” , gommer la réalité , rejeter ce qui dérange ou interpelle en affirmant : “ ce n’est qu’une tâche sur la pellicule ” , un défaut de vision du photographe ” , un monde merveilleux où une vessie est une lanterne
C’est un jeu amusant à jouer , les acteurs sont faciles à manipuler , ils doivent suivre le scénario , le maître mot n’est il pas : ” JE VOIS ” .
—Dans le champ toutes ces mauvaises herbes :
« sûre qu’elles vont étouffer les épis , ” ….vite…. ” planter un épouvantail ” ….un ami qui vous veut du bien ” , qui défend vos intérêts contre la ” voltaille "
Et oui ! …. ” vous voyez ce que je vois ! ”
Car on ne croit que ce que l’on voit dans cette fameuse limite circulaire
—Les fruits qui tombent du pommier , d’autres pommiers donneront et si c’est des mûriers c’est des ronces qui pousseront …..les ronces , on les coupe , on les entoure d’ une clôture pour qu’elles n’envahissent pas le verger avec un peu de désherbant sur le devant . Sans cesse il faut réparer , des trous se forment , des racines s’aventurent par-dessous….. ” la mauvaise graine à la vie dure ! ”
" Tout a du mal à mûrir ” , les lianes ont poussées en hauteur , elles sont allées chercher la lumière , elles nous la prennent sans rien nous demander :
« elles nous l’ont volée ! ”
« Moi ” …pense chacun , ….“ je suis au centre ” et ” je vois ce que je vois ” ….. je n’ai pas la distance , et si on me dit que j’ai raison , je le crois
« c'est vrai , elles nous l’ont volée ”
On se raccroche à l’horizon que l’on a et comme tout le monde , on croit ce que l’on voit , on veut ce que l’on voit et on finit par le prendre , on voit ce qu’on croit être la solution dans son horizon .
Tout le monde voit : l'un qu'on lui prend sa lumière , l'autre qu'elle est à tout le monde et qu'il y a droit , l'un défend le droit de garder son horizon , l'autre le droit d'en avoir un ….chacun voit , évidemment , que les deux ne sont pas compatibles
Vous avez un horizon ?
Plusieurs ou pas , c’est le destin ……injuste , mais ” pas ma faute à moi “…..
et puis : ” on peut tout changer , c’est une affaire de volonté ! “
« Moi , mon grand -père n’était rien et …..”
il suffit de le vouloir pour s’ouvrir un autre horizon .
C’est le discours sectaire de ceux qui en ont un .
A quel horizon prétendre si chaque matin il est voilé par les soucis quotidiens , que l’horizon c’est survivre jusqu’à demain ?
La fameuse voie lactée qui fait rêver les amoureux , prend sous son aile les miséreux , inspire les poètes …un ciel froid qui glace en hiver , chaud qui brûle en été et rien pour se protéger .
Illuminé par la lumière des monuments historiques ou l’incendie des HLM de banlieues , le ciel flamboie et c’est beau sur la photo …
Le jour à force d’étendre le cou vers le soleil pour attraper un peu de ciel bleu , se fait un torticolis et reste gris .
Comme Saint Thomas : ” on ne croit que ce que l’on voit ” , au final ” on voit ce que l’on veut croire ”
On reste observateur au centre d’un cercle limité à nous même ….on joue à cache-cache avec ….à chat perché…… et même à ’ Jacques a dit ´ , et il a toujours raison







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Chantal Namie

J’aimerais parler à quelqu’un mais comme il n’y a personne, je parle tout seul , autant dire que je parle dans le vide….vide…c’est à voir !
Mes paroles en l’air, elles vont dans le vide et sans en avoir l’air , le vide est plein de mots .
Cela sonne creux , mais si on creuse dans le bon sens , mes mots ont un sens , soit dessus , soit dessous , comme cela n’a aucun sens , ils prennent le sens qu’ils veulent , même le non-sens
Le fait est que je dis ce que je fais mais tout le monde dit que je ne sais pas ce que je fais…c’est fait exprès !
Comme ils manquent de paroles , je parle à mon chat
” miaou , miaou , qu’est ce que tu veux mon minou?"

Et mes voisins parlent entre eux :
” chat va pas , chat n’est pas normal , chat ne peut plus durer …..il parle tout seul !”
J’aimerais parler avec eux , ils parlent bien avec mon chat
Ils lui demandent des nouvelles de l’ancien .
Lui ne leur parle pas, il écoute et me dit tout , c’est un chat-fouine
Sans en avoir l’air , il joue à chat perché et récupère leurs paroles en l’air suspendues dans le vide….et même sans personne je ne parle plus tout seul .

Vous pensez que je parle à tort et à travers, à travers l’indifférence , cela ne fait aucune différence car c’est bien connu : ” le tort tue “
“Pas de sang , pas de cadavre, le mort est vivant…et sans cadavre pas de délit….chat qui s’en dédit….
Méfiance …..une idée en l’air, vide de sens pourrait partir en contre sens si l’air du temps s’en empare pour combler un vide dans un quotidien du soir.
Il est tard c’est l’heure de la pâtée
” miaou , miaou . Tu as faim mon minou ?”
l’heure de tirer le rideau , il n’y a rien derrière , le vide est des deux côtés .

” Vous savez ! On l’a retrouvé inanimé “
” Il a manqué d’ air dans son deux pièces confiné…..cela sentait le renfermé…il aurait pu aérer “
“Avec l’âge les gens ont de drôles d’idées, ils perdent le sens commun “
“Son pauvre chat est tout seul”
Tous les voisins, cela va sans dire, sont prêts à le recueillir
Ils prennent un air compassé,
” pour lui c’est un vide, depuis tant d’années qu’il était à ses côtés .
” Miaou , miaou ” tout le monde cherche le minou mais lui a pris la fille de l’air !
Maintenant il les regarde derrière le carreau

Les déménageurs ont fait le vide, avec bon sens, l’un d’eux a dit :
” Fermons portes et fenêtres pour éviter les courants d’air “
La nuit est tombée , tous sont rentrés
“ Miaou , miaou , miaou……”
Ils se répondent à l'infini .
“ Est ce l'écho ? "
“ Est il seul ? ”
“ Qui le sait ? ”






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Chantal Namie

AUTOUR D'UN COEUR QUI BAT

j´ai mis ma vie dans un sous verre
pour la voir en transparence
coté endroit , coté envers

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REVER
Rêver c’est oublié de vivre

C’est voler et être ivre

C’est voguer sur l’éphémère 

Rêver c’est vivre ses chimères ,

flotter légère , être libre , 

jouer avec des bulles d’air

sans plus se soucier de l’hiver 

Rêver c’est danser une ronde

sur l’écume et sur l’onde , 

sur un fin rayon de soleil ,

les yeux maquillés de merveilles 

Rêver c’est un très long sommeil

où seul le cœur est en éveil ,

aux accords d’une mélodie

qui s’enroule dans l’infini

Parfum enivrant d’une fleur ,

le rêve n’est qu’une senteur , 

effluve qui lentement s’exhale

et que des cymbales 

entraînent dans leur tourbillon

de grelots et de sons

Rêver c’est murmurer la vie , 

chuchotement dont on frémit

marcher au bord de son délire

et se noyer dans ce plaisir

Rêver c’est oublier de vivre

c’est un songe que l’on habille

d’étoiles qui s’éparpillent

sur un voile de pacotille

C’est un livre imaginé

où l’on voudrait tant aimer

comme dans les contes de fées

Rêver , plus rien ne demeure

de la vie et de ses douleurs

C’est l’éternel bonheur ,

la où rien ne meure

Rêver c’est oublier de vivre 

mais vivre …..?

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JE VEUX
Je ne veux pas dormir ,
je veux rêver les yeux ouverts ,
inventer un avenir

Je ne veux pas gémir ,
je veux crier ,
mordre la terre,
lèvres bavantes ,
et en souffrir ,
de nostalgie m’ensevelir

Je ne veux pas m’enfuir ,
je veux un jour partir ,
partir pour revenir

Je ne veux pas trahir ,
Je veux choisir
Le sens de ma vie

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DOUTE
Etrangère , je n'aurai jamais

ni d’ailes , ni de nageoires, 

dans le ciel ou dans l’eau
je ne peux me mouvoir

Les pieds rivés au sol ,

engluée , je dois choir

pour ramper lentement

entre des arbres noirs .

Robot cherchant son âme 

au fond d’un abattoir ,

colosse foudroyé

au destin dérisoire .

J’inventerai des ailes
pour nager ,
des nageoires
pour dans le ciel voler.

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JE N'AI VÉCU QUE MA VIE
Je n’ai pas été fourmi
ni cigale , dieu merci !

je n’ai vécu que ma vie , 

faite de hauts et de bas , 

de bonheurs et de trépas , 

avec son lot de tracas , 

de joies prises ici et la , 

de regrets et de remords

pointillés de désaccords . 

J’ai parfois perdu le nord 

et passé par dessus bord , 

jeté l’ancre sans tra-la-la , 

et chaviré quelques fois ,

” je ” emmêlé dans le ” moi ” , 

jeu où régnait le roi Chat , 

et si j’ai perdu le ” la “

la musique jouait sans loi .

Mon chemin je l’ai suivi ,
je n’ai vécu que ma vie ….

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SOUVENIR
Il a surgi un soir

du fond de ma mémoire 

la plus froide , la plus noire

« je suis un souvenir
et je vais te détruire »
Il n’était même pas

un regret oublié ,

un remord du passé ,

une illusion d’antan ,

une parcelle de néant . 

Joufflu et tout rosé ,

de l’enfance parfumé , 

il n’était pas armé

et il m’a emporté

dans une longue errance

bruissante de silence . 

Il a murmuré

la porte entrebâillée

” voyageant dans l’oubli 

tu oublieras la vie

qui sans cesse te meurtrît, 

ou tu n’existes pas

ou tu es toi sans toi “

« Reposes ta douleur, 

réconfortes ton cœur ,

il est peut être l’heure

de fuir le malheur
Oh ! douce tentation, 

éphémère sensation

d’un bonheur sans nom.

Une voix a dit ” non “,

une voix inconnue,

voix jamais entendue, 

c’était ma voix pourtant

surgissant du présent 

et je suis revenue , 

triste et les mains nues

me battre pour l’inconnu 

et faire sa conquête, 

bannissant la défaite , 

d’une pichenette

j ai effacé la peur , 

la tristesse , la douleur


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AMOUR
L’amour faisait grise-mine

plus de route , plus de chemin ,

plus d’hier , plus de demain.

J’ai pris ton ombre par la main

et j’ai bouché mes oreilles

j’entends mieux avec le cœur

il parle mieux du bonheur

et pour chasser le malheur

j’ai mis un chapeau au soleil.

Dans le noir je t’imagine , 

ton sourire et je dessine

ton reflet dans le miroir.

L’amour ne faisait plus mine
d’exister , comment y croire ?


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LE BONHEUR il faut y croire
Le bonheur il faut y croire

c’est dans mon cœur ce jardin

qui s’éveille chaque matin, 

le rien , le quotidien , 

les poissons dans leur bocal

immuables dans leur bal , 

les chiens qui vous font la fête ,

les perruches qui volettent .

Jeu du chat avec sa queue , 

un coin de ciel tout bleu .

C’est l’odeur du café , 

du givre la buée, 

l’arc-en-ciel dans l’aquarium , 

même le réveil qui sonne

coupant les ailes d’un rêve 

qui jamais ne s'achève .

La robe de chambre usagée

que l on ne veut pas jeter .

Dormir devant la télé

assise dans le canapé.

Le téléphone arrogant

imitant le bruit du temps

grelotant dans le silence.

La chanson que l’on entend

esquissant un pas de danse, 

on se parle de contentement.

C’est le ronflement sonore

d’un ami qui dort encore, 

on sourit de son concert

dont lui se désespère .

C’est un livre inachevé

sur la table de chevet.

Le bonheur c’est d’être la

et de savoir que demain

hier recommencera.

C’est la vie au jour le jour

avec ou ‘ sans amour ‘,

simplement le fait de vivre.

A vouloir que le destin

vienne nous prendre par la main

nous conduire toujours plus loin

pour trouver un blanc chemin

bordé d’extraordinaires

on marche avec des chimères

qui vous laissent un goût amer


Être heureux on ne sait plus

c’est une illusion perdue

Toutes ces petites joies

qui s’enchaînent , c’est pour moi

le bonheur , ici bas

L’aventure vient , parfois

créer un tout autre émoi .

A chaque fois je l’accueille

comme une fleur que l’on cueille

cadeau que l’on attend pas, 

qui n’en a que plus d’éclat ,

qu’il vienne de cupidon

ou bien de ma déraison. 

Celui qui n’a rien compris

même à la monotonie

et qui sans vivre , vieillit

ne sera jamais heureux.

Errant sans ouvrir les yeux

éternellement malheureux ,

ne sachant pas être mieux

Comme le ruisseau qui s’écoule, 

qui musarde , qui gazouille, 

le bonheur il faut le voir,

à chaque minute y croire, 

c’est une si belle histoire, 

un conte, un songe ,un miroir , 

un poème , un roman noir, 

d’Epinal l’imagerie , 

l’écho d’un simple merci 

Le bonheur , c’est la vie .


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DOUTE
Quand je suis seule
je fais semblant d’être deux
Quand on est deux
on fait semblant d’être trois
Comme on est trois
l’un fait semblant de ne pas être là
Quand on est deux
je fais semblant d’être seule
Il y a toujours un présent qui pour les autres n’est pas là
Il y a toujours un absent qui semble toujours être là
Et dans tous ces faux semblants , l’absence est toujours là
Plus oppressante à chaque fois , ta présence ne la voile pas
On fait semblant d’être là ensemble pour exister
en deux assemblés
en trois disloqués
seul inachevé

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Chantal Namie

La télévision allumée , le présentateur annonces les prévisions météorologiques
« neige et verglas sur l’ensemble du pays , vigilance pour dix départements représentés en orange sur la carte , les déplacements inutiles sont déconseillés » « restez au chaud chez vous » ajoute t’il en souriant .
Je suis assoupie dans le canapé du salon , une journée fatigante , le travail , le trajet en métro surpeuplé , les trottoirs glissants et le froid pénétrant , tout cela m’a épuisé.
Un bruit de clés dans la serrure , quelqu’un essaie s’ouvrir la porte sans y parvenir mais insiste malgré plusieurs essaies infructueux.
« sans doute un voisin qui se trompe d’étage »
Toutes les portes se ressemblent dans l’immeuble , parfois un paillasson personnalise le carrelage gris moucheté pour donner un air accueillant : « Bienvenu » « Entrez » …mais sa fonction reste de servir à essuyer les pieds .
Des pas dans l’escalier , l’intrus redescend . J’entends le craquement du vieil escalier de bois .
Il y a bien longtemps que je ne fais plus attention à ce bruit , je n’attends personne
Je me lève pour préparer le dîner , le frigidaire est bien garni mais il faut décider du menu pour ce soir . Au supermarché tout me tente , je remplis mon chariot selon mes envies du moment mais au moment de cuisiner rien ne me convient . Je me régale d’avance en achetant après plus rien n’a de saveur . Ce n’est pas systématique , j’apprécie le goût des plats que je prépare et , sans raison , certains soirs tout est fade .
Des hauts et des bas comme le reste , pas seule mais solitaire …pas sans espoir mais sans illusion …
Je repense à cette clé dans la serrure , cela m’intrigue . Un voleur ? sûrement pas , il n’y a rien de très intéressant dans mon F4 . C’est confortable et chaleureux mais pas cossu , rien pour exciter la convoitise . Le quartier est bien fréquenté , c’est l’avis général .
D’ailleurs pourquoi autant de place ?
Deux chambres inoccupées , juste aérées de temps en temps . La table de cuisine est trop grande , mon assiette seule désespérante . Un plateau est plus fonctionnel et surtout plus rassurant . Le préparer est un plaisir , l’organiser , avoir tout sous la main , pouvoir le laisser une fois terminé pour le ranger plus tard dans la soirée selon l’humeur.
« la clé qui essayait d’ouvrir n’était pas la bonne » elle ne correspondait pas c’était évident , de toute façon j’ai changé la serrure » .
Il y a un an juste après les fêtes de noel , un matin de colère , j’ai remplacé l’ancien verrou pour être sure que la porte reste close .
Je veux qu’elle reste fermée , j’ai fait une croix sur le passé , la porte , tel un symbole me rappelle ce que j’ai décidé .
Peut être que ceux qui sont partis avec les clés , ce soir , ont tenté d’ouvrir la porte ?
Mes enfants qui en partant l’ont claqué pour manifester leur détermination .
Une sombre histoire de divorce , ils sont partis avec leur père vivre ailleurs mais ils ont gardé le trousseau . Jamais ils ne me l’ont renvoyé , déposé dans la boîte aux lettres …probable qu’ils l’ont jeté au fond d’un tiroir .
Le bruit de cette clé m’obsède
J’ai condamné l’entrée pour toujours , le claquement résonne encore dans mes oreilles
Une porte fermée ne peut plus claquer . Il faut bien réagir par l’irrémédiable quand le mal est insoutenable . Une clé devient inutile si on enlève la serrure .

Quelques semaines plus tard , sans le décider vraiment , j’ai remis l’ancienne serrure , une sorte de geste machinal , le 24 décembre c’est demain

Je pars travailler comme d’habitude , la journée est interminable , chacun au bureau à hâte de partir . Des cadeaux de dernière minute à acheter , un repas à préparer , s’apprêter pour un réveillon en famille , d’autres comme moi ont prévu une soirée télé avec des mets de circonstance , tout le monde a des projets . Par chance cette année le 25 décembre tombe un vendredi .
« joyeux noel , à lundi … »
Je rentre , quelques courses dans le quartier , la queue et la cohue dans les boutiques , le Père Noel devant le restaurant illuminé ..
Il fait doux contrairement à l’année dernière et au début du mois
Sous la décoration en voûte de lumière de la rue …l’odeur des marrons grillés …des plats préparés qui se promènent au dessus des têtes jusqu’aux coffres des voitures garées en double file . Une ambiance fébrile et joyeuse .
J’arrive devant mon immeuble , je monte l’escalier …quand j’arriverai sur le pallier ….peu importe , je suis en paix , heureuse : j’ai remis la serrure .



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Chantal Namie

Jeu de notes , je dénote , je renote , je surnote , je note enfin un refrain que sifflote un lapin qui sirote du raisin et complote au jardin puis grignote des carottes , ses quenottes vont bon train car il est musicien .
La musique , petiote , l’a prise par la main et lorsqu’elle grelotte , dessous sa redingote, il lui fait un câlin.La musique est ainsi , reine ou mendigote , dans chaque chose elle vit
« Fou ! celui qui peut croire la garder , elle s’enfuit »

Au désespoir d’un bémol , chante ainsi la clé de sol , à tue-tête , oubliée sur le piano , la pauvrette , sur le dos , par un distrait accordeur qui passait . A côté oublié par le même hurluberlu , git un trousseau qui est tout penaud : “ Avoir le don d’ouverture ,à quoi bon ! si il n’y a pas de serrure à l’horizon ”
Envahi par l’injustice de son sort , il défie la cantatrice de sa voix de ténor .
Jeu de chevillettes , je pénètre , je pirouette , je crochète , je tourne enfin….j’ouvre la porte sur un poulain qui tripote un coussin , qui gigote de l’arrière-train et capote enfin…..puis rebelote, ses sabots vont bon train car il est épicurien.Le plaisir il le cote de un à vingt et ce n’est pas une porte ouverte sur lui qui le marri , il aime trop la vie , partout elle s’épanouit .
« Fou ! celui qui peut croire l’emprisonner , elle s’enfuit »

Content de sa chorale de clés en métal , il regarde aux alentours , là , au détour d’un fauteuil courre une clé des champs .
Elle n’a pas le temps, elle doit dégripper tant de verrous , un boulot fou ! mettre la clé sous la porte en dernière solution .
Elle est tombée de la poche de l’hurluberlu quand il a sorti la main pour jouer sur le piano , posant son trousseau qu’il a oublié .La chansonnette …elle la connaît !
Jeu d’aventure , elle dure , elle perdure, elle fissure le désespoir , elle murmure qu’un soir dans la ramure , dans le noir ,un oiseau blanc , un espoir…….elle rassure , elle assure que demain s’achèvera le chagrin, ses rêves vont bon train, elle joue à l’Arlésienne car elle est magicienne.
Elle vous prend par la main pour fuir, s’enfuir loin du quotidien, dans un champ où´ fleurissent des brassées d’oublis , ou l’on rit .
« Fou ! celui qui s’y fie , on la gomme elle survit »

C’est peut être lui qui l’a prise ? l’hurluberlu du piano , qu’il n’a plus besoin de trousseau , ni qu’on lui donne le La ou le Sol .
Je ne peux pas vous répondre car il y a bien longtemps que j’ai perdu la clé de ma raison .La clé de mes élucubrations est peut être dans les notes du psychiatre qui pianote en m’écoutant .
Le trousseau va bon train .
« Fou ! celui qui le suit . »

- “ clic-clac ” la clé …et la porte se referme .
Une chambre, des murs blancs , une fenêtre grillagée , le silence ……oubliée sur le sol , invisible , chante une clé…
Jeu de chimères , un naguère qui s’enroule comme une sphère dans les limbes de la mémoire …dans cet enfer une lumière , un espoir fou , un rendez-vous à Cythère .

Jeu de batailles , je tressaille , tout m’assaille , je déraille , un épouvantail , une muraille , une faille……by-by ……je me taille .. je m’entaille les poignets .

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grandes enjambées
dans la rue détrempée
le goût de l’eau

Pelotonné dans un fauteuil , cette image surgit de ma mémoire , j’écoute la pluie résonner sur les carreaux
Je suis en retard , j’ai peur de manquer le train de 17h22 , prendre le suivant c’est piétiner plus d’une heure dans la gare
Mes enfants m’attendent pour le réveillon
Le petit Pierre , déjà six ans , a déclaré au moment de mon départ l’année dernière , avec l’assurance de son âge

Le père noel
viendra l’année prochaine ,
gros bisous , mamie
Je vois sa frimousse espiègle , le bonnet rouge à pompons qui virevoltent à chaque saut qu’il fait en jouant sur la figure tracée sur le sol à la craie

Une horloge sonne
sur la marelle , le palet
rate la case « ciel »

Évidemment je suis arrivée au quai juste pour voir le train s’éloigner . Mouillée , les bras encombrés de paquets , essoufflée d’avoir pressé le pas , la vue brouillée par les gouttes d’eau sur mes lunettes ….en bref , je suis mal et de mauvaise humeur .
Je me dirige vers la salle d’attente …elle est bondée , une seule place dans l’angle opposé , pour l’atteindre « le parcours du combattant » .
La SNCF a fait des efforts , un sapin de noel se dresse près de l’entrée , « plus gênant qu’esthétique »
J’arrive au niveau du siège inoccupé , à côté , affalé , « un hippie » , des cheveux longs emmêlés , d’un blond insipide , des vêtements bigarrés , un étui de guitare calé entre les jambes , « pas étonnant que la place soit libre ! »
Je m’assois de biais afin de le voir le moins possible
« un blanc bec de vingt ou vingt deux ans » , ses yeux sont dans le vague , son visage sans expression , « en tous cas , la douche n’est pas son principal souci »
Décidément tout va mal : ce train que j’ai manqué , en retraite de dispose de tout mon temps , « même pas fichue de partir suffisamment à l’avance ! » , je rage toute seule contre moi-même .
Pour couronner le tout , il fait trop chaud , mon manteau imbibé me donne l’impression d’être dans un bain de vapeur .
« Madame.. »
Si en plus il parle ! Je garde délibérément la tête tournée . Je n’entends rien , il va s’adresser à un autre voyageur , je n’aurai pas à subir ses élucubrations , « c’est bien le genre à faire la manche dans le métro au lieu de travailler »
« Madame , vous avez l’heure , s’il vous plaît ? »
Impossible de faire semblant de ne pas entendre , je réponds sèchement en regardant ma montre : « 17h50 »
« Je ne veux pas manquer mon train » ajoute t’il
Il me sourit , un peu gêné , il hésite …et d’une seule traite
« Vous comprenez , ma grand-mère m’attends pour le réveillon , elle est seule ….tous les ans je le passe avec elle depuis que je suis enfant ….merci »
Il se lève , je le regarde s’éloigner…je me sens ridicule , mal au l’aise , un comportement stupide dont je ne suis pas fière .
« quelle idiote ! Que de préjugés ! »
Je pense à Pierre , quel adolescent a-t-il devenir ?
Avant de franchir la porte , il se retourne et lance à la ronde :

Un joyeux noel
Un voyageur fatigué
se met à bailler

Les années ont passées , aujourd’hui je suis top âgée pour voyager , c’est l’hiver .
Le clocher de l’église carillonne ,

Un rire d’enfant
dans la cheminée , le feu
de bois , crépite
Cette rencontre de gare ressuscite ce jeudi 24 décembre en fin d’après-midi

Je n’ai plus de mouchoirs
Mes lunettes sur mon nez
glissent lentement








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Chantal Namie

L’animalerie de mon grand-père

Le dernier d’une fratrie de trois garçons , j’étais vu la différence d’âge à la fois chouchouté et exclu ....des centres d’intérêts trop éloignés pour partager des jeux
Un gamin dans un monde de grands , j’écoutais les adultes autour de moi , surtout grand-père parlant de son passé : la guerre , la vie dans les champs ....intarissable il avait toujours une histoire à raconter , une anecdote savoureuse, j’étais suspendu à ses lèvres , je le suivais partout calquant mon attitude sur la sienne .
Sous un air jovial et bon enfant , il jugeait le genre humain sans complaisance, un humour caustique qui m’échappait , je m’appropriais ses paroles vivant dans le monde de fabulations qu’il créait et dont lui seul détenait la clé
Sa conversation était ponctuée de références au monde animal et je traduisais littéralement ses propos .
Tante Gertrude , « une dinde » , et je la voyais se dandinant sur ses deux jambes frêles dans la cour de la maison , ses petits yeux noirs saillants au dessus de son jabot blanc posé sur une robe grise , son chignon en crête au dessus de la tête , glougloutant :
« Je suis venue vous faire un petit coucou! »
De deux ans sa cadette , veuve depuis dix ans , elle n’avait jamais été plus loin que le chef lieu du canton , son unique escapade. Elle s’habillait « en dimanche » pour nous rendre visite , un moment de lumière dans sa vie monotone .
J’éprouvais une immense tendresse pour elle , un peu la grand-mère que je n’avais pas mais l’imagerie de grand-père balayait tout ..... « une dinde ! »...sa moustache rebelle rendait ses baisers piquants et ses mains calleuses ses caresses rugueuses .
Lorsque les amies de ma mère lui rendaient visite pour prendre le café , il maugréait :
« elles vont encore caqueter comme des poules toute l’après-midi »
Je regardais Margot , la rousse , Lili la brune et maman déjà toute blanche , projeter leur cou en avant en battant des ailes pour se bécoter , accompagnant leurs embrassades de cagnétements .
Elles se perchaient sur les tabourets de bois de la cuisine à l’américaine , ouvraient la bouche pour picorer des gâteaux secs , donnant des coups de bec sur celles qui délaissaient leur poulailler et sur le coq du village , le mitron du boulanger.
Elles roucoulaient de plaisir en affichant un air réprobateur.
« des pies jacasses ! »
Dans cet univers féminin un réel mal-être le submergeait , sans comprendre je ressentais son désarroi mais le pouvoir évocateur de ses mots m emportait à chaque fois .
J’éprouvais un peu de honte à caricaturer ainsi ma mère ...il faut dire pour ma défense qu’elle contribuait à alimenter cet imaginaire avec sa manie de m’appeler : « mon poussin »
Dès qu’un travail un peu pénible se profilait , il déclarait :
« Alexandre va le faire , il est fort comme un bœuf »
Mon cousin , les nasaux écumants , la tête rentrée dans les épaules , les pieds martelant le sol , tirait , poussait , soulevait la grande armoire de la chambre . Elle n’avait jamais changé de place depuis vingt ans , des piles de draps jaunis jamais utilisés s’y entassaient , le trousseau de générations de filles à marier .
Alexandre fier de sa carrure , se montrait toujours prêt à rendre service , forgeron de son état il dégageait une force tranquille et apaisante.
J’étais impressionné et ravi quand il me soulevait de terre pour me plaquer un baiser sur chaque joue
« fais attention ! tu vas lui faire mal » s’insurgeait grand-père , un peu jaloux d’être supplanté .
« Manu t’a encore posé un lapin ! » , il riait en regardant son fils , « tu as fait le pied de grue pour rien ...comme d’habitude...ton frère a une cervelle de moineau »
Mon père avec un lapin remuant sa petite queue blanche suspendu à son col de chemise , en équilibre instable sur un pied , une jambe repliée sous son derrière , balançant les bras pour ne pas tomber....cette évocation me ravissait ...lui si soucieux de sa personne et de son autorité.
Comptable dans une grande société , il ne sortait qu’en costume - cravate , par principe , il se justifiait : « je travaille ...je n’ai pas le temps de m’amuser ... » heureusement grand-père était beaucoup plus disponible , un compagnon de jeux infatigable et une source inépuisable de fantasmagories ....pas besoin de télé , de livres ..j’avais mon cinéma personnel avec pépé .
En me faisant sauter sur ses genoux , il chantait à tue-tête :
- « à cheval sur mon bidet , quand il court ..... »
- « au pas , au pas ... » il me regardait d’un air malicieux
- « au trot , au trot ... » je me raidissais
- « au galop , au galop ... » je riais aux éclats , balloté de tous côtés , léger comme un oiseau , secoué comme un prunier ..
- « holà ! » il s’arrêtait brusquement
- « quel cavalier , mazette ! Tu bondis comme un cabri , on recommence ? » et je caracolais au travers les collines couvertes de bruyères , sautais sur les rochers glissants du torrent , le rouge au front et la tête bourdonnante comme dans les longues promenades où il me racontait la montagne , les arbres , le vent ...des aquarelles esquissées avec le bâton de noisetier qui ne le quittait jamais .
Il se mettait rarement en colère , sauf un soir , au milieu du repas , au cours d’une discussion houleuse , il s’est levé brusquement en grondant :
« je ne veux pas la voir ..c’est une mante religieuse » et parce que je ne connaissais pas cet animal , parce que son attitude était si étrange et le silence qui suivit si triste et pesant ...mon imagination m’a fait défaut ...sans conviction, par réflexe, j’ai murmuré : « pour sur , il lui garde un chien de sa chienne ! » , mon jeu favori démystifié pour la première fois . Je ressentais une angoisse diffuse , mon univers s’effilochait ...
Le lendemain il s’est levé comme d’habitude mais il avait une ride de plus au front et moi une dent de lait en moins ...
« réjouis toi , la petite souris va passer .... »
Elle trottinait sur mon lit , un trésor dans ses quenottes qu’elle allait déposer sous mon oreiller ...je sentais ses pas menus près de mon visage , ses petits cris stridents emplissaient mes oreilles ....la magie fonctionnait à nouveau .
Il restait parfois sans dire un mot , regardant le ciel dans la fumée de sa pipe , prenait une voix grave :
« Maxime dans la vie , il faut être comme un poisson dans l’eau , tu nages avec le courant ou contre lui mais tu avances coûte que coûte pour aller là où tu as décidé »
« souviens toi , une rivière coule dans tes veines et rien ne pourra l’assécher »
Pas facile ! Je n’étais pas un requin mais un alevin dans le tout petit bocal du cocon familial , un rêveur pas un pigeon voyageur ...
Un matin , à la fin de l’été , l’année de ma première rentrée scolaire , il m’a confié :
« petit , ne sois pas triste , je suis un cheval de retour et je crois que je vais bientôt partir comme les hirondelles vers un autre pays …. »

J’ai gardé de lui ce souvenir d’un oiseau dans le ciel , je n’ai plus jamais vue la vie à travers cette imagerie , la réalité m’a rattrapée ...j’ai d’un seul coup grandi
Je regarde les nuages blancs et floconneux dans le ciel , la mer et ses vagues d’écume ...il aurait dit « des moutons » . ....comme les flocons de poussières qui tourbillonnent dans ma mémoire et s’y déposent au fil du temps .....je ne veux pas le perdre une seconde fois .






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Chantal Namie

Tous les secrets du village , les plus osés , les plus sages , sommeillent ,mis en cage , dans les yeux délavés d’Emilie .
Assise derrière le rideau , le nez collé au carreau , elle voit tout ce qui se passe , chaque jour , sur la grande place .
Ils défilent comme des images , des figurines en carton , elle a oublié leurs prénoms . Elle feuillette les saisons tel un livre page à page et récite des adages en guise de ponctuation . Elle voyage avec chaque visage , imaginant où ils vont …. ce qu’ils pensent …. ce qu’ils feront …. chaque passant devient rencontre dans son univers usé .
Par la fenêtre elle regarde cette vie qui depuis longtemps l’a fuit .
Des gens pressés ou désœuvrés , des amoureux enlacés , un vieux monsieur en goguette , le facteur à bicyclette ..
Le chien fou du Boulanger qui s’élance comme une boule sur tout ce qui bouge . Il prend un malin plaisir à choisir pour faire pipi le pantalon vert-kaki de l’employé de mairie qui militait avant la guerre contre les pissotieres .
Une Dame de petite vertu loge au bout de la rue. Chaque matin, harassée ,d’un pas lourd, elle regagne en toute hâte son studio et ses marmots. Personne ne la regarde, personne ne veut la voir, elle n'existe que le soir , dans le noir .. seule Émilie par la fenêtre lui sourit mais elle ne l’a jamais dit .
Le jeune Maître d’écoles , un foulard en guise de col , court …. il est en retard , il se lève toujours trop tard .
Le soleil vient se nicher dans les branches du marronnier, un à un les réverbères lui rendent la lumière qu’il leur prête volontiers quand il va se reposer .
Monsieur le curé récite des prières , il hésite, ” que doit il faire ?” , figé soudain sur place , parmi ses ouailles qui passent et le saluent de la main .
Émilie derrière la vitre espère chaque fois sa visite …… il referme son bréviaire et file vers le presbytère, sa silhouette sans bruit glisse dans les larmes d ‘Émilie . Jamais elle ne les retient , ce petit chagrin avec la vie reste un lien .
Sous le grand pin, des gamins parfois jouent aux billes, des garçons , des filles, leurs rires entrent sans effraction par la fenêtre et réveillent la froide cuisine .
Des fantômes des temps anciens se dessinent , prennent vie ……. les enfants qui chahutent , le bruit d’une dispute ,des pleurs et puis la joie de les prendre dans ses bras pour apaiser leur chagrin et sourire d’être bien .
Grands , ils s’en sont allés , Émilie le savait , elle n’a pas de regrets mais , pourtant certains soirs elle aimerait encore voir leur reflet dans le miroir de la salle à manger où tout est si bien rangé .
Elle voudrait croire :
-que des mains ont tenu le chandelier en étain pour éclairer le chemin jusqu’à la chambre à coucher
-que le fauteuil à bascule bouge berçant un pull oublié par l’un des siens
-qu’il y a des verres mi-pleins sur la table basse et quelques miettes de pain sur la nappe blanche mise seulement le dimanche , à midi , pour le repas
-que des odeurs de café , de brioches … de sucré et de salé flottent subtilement mêlées à celle de l’encaustique
Par la fenêtre entendre leurs voix : “ coucou ! maman on est là … ”
Aujourd'hui , parfois , un feu de bois crépite , rouge soleil de l’été perdu dans la cheminée…dans la cendre des marrons , pauvres grillons de l’hiver , chantent avec les pierres .
Émilie ne parle guère , encore moins depuis que Pierre repose au cimetière .
A tant regarder par la fenêtre son visage s’est ridé. Une ombre doucement s’est posée sur son teint rosé , ses cheveux roux flamboyants , se sont habillés de blanc et sa robe d’organdi qui virevoltait dans l’air s’est changée en gris sévère . Sa silhouette légère , fragile comme le verre en souvenirs s’est figée dans le cadre des années .
Elle remue parfois les lèvres à la recherche d’un rêve , au rythme de la vieille horloge .
Elle égrène monotone les heures lourdes d’un passé qui ainsi parfois renaît .
Des fenêtres s’ouvrent dans sa tête , comme au retour d’un voyage quand on défait ses bagages , elle fredonne … elle se rappelle ……
La maison de ses grands-parents , son séjour au printemps , elle avait dix-sept ans … sous la tonnelle , elle jouait de la prunelle , …. Dieu ! …. qu’elle était belle ! …. dans son innocence rebelle .
Pierre la regardait , il l’aimait en secret , son cœur lui parlait …. ses mots à jamais vibrent dans sa mémoire , elle veut toujours y croire , cela lui permet de vivre même entre guillemets .
Émilie pour quelque temps retrouve ses yeux d’antan et par la fenêtre elle voit : autrefois , alors derrière le rideau elle trouve enfin le repos .
Malgré le temps qui passe , elle reste un peu fleur bleue …et pour un peu , par sa fenêtre elle glisserait son pinceau et repeindrait le monde , en bleu , pour que ses bleus à l’âme ne lui fassent plus mal , que sereine elle avance vers la délivrance .
Par la fenêtre , au dehors , la vie s’agite , chacun à son rôle , s'y agrippe et passe sans s’arrêter …. ils sont tellement pressés !
Parfois , certains se posent pour faire la causette, dos tourné au carreau, ils ne pensent pas qu’Emilie à deux pas se fait toute petite de peur de les déranger . Elle tremble et sa tête s’incline un instant car l’un d’eux, tournant la tête , peut-être , par la fenêtre , lui sourira .
Pierre était la rencontre , la seule réelle de sa vie, là où se posaient ses yeux c’était Pierre qu’elle voyait .
Elle a fermé les paupières pour rejoindre la chaleur qui envahit tout son corps, elle a un peu froid encore , juste un peu pour que le mirage ne l’emmène pas trop loin, pour que ce voyage ne soit pas celui sans lendemain .
Elle hoche la tête et sourit, elle n’a pas été fourmi ni cigale , dieu merci , elle n’a vécu que sa vie , son chemin elle l’a suivi pour arriver jusqu’ici . Elle sait qu’elle devra partir …… elle voudrait tant pouvoir dire …..” Je vous aime “ , par la fenêtre lancer ces mots , avant de fermer le rideau .
Tous les secrets du village , les plus osés , les plus sages , sont enfermés à jamais dans les yeux d’Émilie, ce matin elle est partie , par la fenêtre elle s'est enfuie .
Le chien du Boulanger sur son derrière est resté et ce fut pour les habitants le seul fait marquant de cette journée de printemps .
Un voyage ,le dernier , elle avait tout préparé pour partir d’un pied léger . Peur …… espoir …. se mélangeaient , une seule certitude : elle allait là où Pierre l’attendait , par la fenêtre quelque part il la guettait .

Un panneau est accroché
” maison à vendre ” puis ” vendu
Les nouveaux propriétaires emménagent , ils rient , c’est un vrai remue-ménage , des cris , des meubles posés sur le trottoir , des cartons empilés portant au feutre noir leur contenu et leur destination , par la fenêtre ils s'interpellent .
Une maison c'était leur rêve , fini le HLM , les gamins ont envahis tout le logis et les vieux murs résonnent , en écho leurs rires s'enlacent dans chaque espace et par la fenêtre s'envolent , le papier peint désuet sent renaître ses couleurs dans ce jaillissement de fraîcheur , la vielle pendule oubliée , de joie se met à sonner .
On partage des sandwichs , un verre d’orangeade au coin de l’évier , on est un peu fatigué .
A la fin de la journée, tout est tant bien que mal rangé , on a même réussi à fixer les voilages légers achetés pour les chambres du premier , donner un peu d'intimité aux lieux pour mieux les apprivoiser .
C’est l’heure de remercier les amis qui sont venus , grace à eux le plus difficile est passé , pour la décoration … on verra plus tard , la famille a des projets , ils feront …. feront …..
Regroupés dans la cuisine , échoués sur une chaise , ils n'aspirent qu'au repos , les yeux sont dans le vague , personne ne dit mot …. par la fenêtre sans rideau , ils regardent à travers le carreau , sur la grande place tout ce qui se passe …








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Chantal Namie

Tout a commencé comme cela …
Une clé tombe de la poche d’un passant qui cherche de la monnaie pour payer son ticket de bus
Un homme trapu , engoncé dans un pardessus de laine grise , des yeux bleus comme ceux des poupées de porcelaine surprenants dans son visage buriné . Sous l’abri de bus il attend seul , pas de cohue pour une fois , il est plus tôt que d’habitude. Il s’installe sur la banquette à l’arrière et déplie le journal coincé jusque là sous son bras droit . Il lit , indifférent au trajet .
Au sixième arrêt il descend , se dirige à petits pas pressés vers une grande bâtisse à l’angle de la rue . Le concierge a été remplacé depuis longtemps par un digicode « trop de charges » a décidé l’assemblée des colocataires. Juste un étage et la porte de son F2 où le confort moderne l’attend . Il plonge la main dans son manteau et s’étonne de ne pas sentir le contact du métal du porte clés en forme de trèfle à quatre feuilles , un cadeau de son père avec son prénom gravé . Il devrait être là ! Une autre poche peut être ? Il cherche mais doit se rendre à l’évidence : il a perdu ses clés
Il faut redescendre, aller chez sa mère à quatre pâtés de maison , elle a un double qu’il lui a confié par précaution . Il voit déjà la scène , il l’entend lui seriner :
« Cri-cri , tu n’en fais jamais d’autre !
Un jour tu perdras ta tête si elle n’était pas bien accrochée »
Son nom de baptême est Christophe mais ce diminutif enfantin est resté
Tout a commencé comme cela
Le fils du voisin , un bambin de deux ans , n’arrive pas à prononcer son nom alors il répète juste le début et tout le monde peu à peu a fait comme lui . A sept ans ce sobriquet il en souffre . Les copains s’en emparent et Christophe ne peut que rire quand dans la cour de récréation seul cri-cri résonne
La famille a déménagé , le gamin comme lui a grandi et cri-cri est resté .
« il a choisi des études pour devenir reporter le galopin de nos anciens voisins » , lui a dit un jour sa mère . Christophe regarde souvent au bas des articles pour voir la signature….qui sait si il verra un jour le nom du créateur de cri-cri
Tout a commencé comme cela
Il croit reconnaître une anecdote de son enfance dans un papier sur la Douce France et s’imagine que l’auteur est le petit Ernesto , le petit garçon menu aux cheveux noirs .
À la rédaction du canard , il est déçu
« vous savez les pseudonymes c’est courant dans notre métier . Repassez à la fin de la semaine , il sera revenu de son reportage »
La jeune pigiste qui lui répond , lui propose de visiter la salle des machines , les rotatives imprimant les nouvelles pour tous les cri-cri qui les ignorent .
Il est mal à l’aise dans cet atmosphère bruyant mais la jeune fille semble si heureuse de lui montrer son univers qu’il la suit sans rien dire .
Tout a commencé comme cela
Pour la remercier il l’invite à prendre un café .
Une brunette qui rit tout le temps , les mains toujours en mouvements . Elle parle de ses espoirs dans un métier difficile où les matchos font la loi . Il écoute subjugué par sa vitalité , lui d’un naturel passif elle lui fait voir la vie autrement .
C’est une bouffée d’oxygène dans son train-train quotidien , il se sent bien avec Julie
Après l’avoir quitté cet après midi là il a pris le bus
Tout a commencé comme cela
« cri-cri , je pense que tu as perdu tes clés » , ma mère m’abreuve d’un flot de paroles
« devines qui est venu me voir ….tu veux boire quelque chose ? …. » sans attendre ma réponse, elle pose un verre sur la table en continuant son histoire.
La soixantaine à peine , une silhouette élancée , des cheveux blancs , quelques rides au coin des lèvres et autour des yeux , son regard pétille comme celui de mon enfance .
Elle est veuve depuis dix ans et semble revivre avec le temps . Elle va souvent au cinéma avec ses partenaires de Scrabble
Tout a commencé comme cela
Mon père dont je suis le portrait craché a eu un accident de la route , renversé par un bus à un croisement alors qu’il regagne la maison à bicyclette.
« c’est bien plus rapide dans les embouteillages , et puis cela me fait faire de l’exercice, toute la journée derrière un bureau je m’ankylose »
Son nom a paru dans le journal à la rubrique faits divers , je le garde dans un tiroir.
C’est le seul qui m’appelait Christophe.
« cri-cri , je dois sortir …je ne te retiens pas pour le souper .. »
Ma mère enfile son imperméable et ouvre gentiment la porte pour me laisser passer .
Le hall d’entrée jaune-clair est agrémenté de plantes vertes ..
« cri-cri , reviens me voir même si tu ne perds pas tes clés » , elle s’éloigne pressée vers son rendez-vous .
Je rentre chez moi avec le double des clés .
Un inconnu fait les cents pas dans la rue
Tout a commencé comme cela
Un trentaine dynamique , les cheveux mi-longs dont une mèche brune masque l’œil gauche , un visage avenant et souriant .
Le gros nœud de son cache col le force à lever le menton pour parler .
« je courais pour attraper le bus , j’ai vu votre trousseau de clés tomber de votre poche mais je suis arrivé trop tard mais je vous connais de vue , j’habite dans le quartier »
Il me regarde attendant une réponse
« c’est amusant vous savez j’ai connu quelqu’un avec le même prénom mais on l’appelait….. »
Il s’éloigne et le vacarme d’un autobus m’empêche d’entendre la fin de sa phrase
« merci »
Tout a commencé comme cela
J’écris chaque soir le déroulement de ma journée dans un carnet , mes impressions …..
Je caresse l’espoir d’en faire un jour un roman
Ma vie est si banale que je ne sais par où commencer….






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Chantal Namie

"......c’est plus de mon âge !

         - Coucou ! devines qui est derrière le masque ?
Benjamin , quatre ans , se tient dans l’embrasure de la porte de la cuisine , cheveux blonds ébouriffés , des épis dressés à cause de l’élastique un peu trop serré , le dessus de lit en patchwork de sa chambre jeté sur ses épaules descend jusqu’à ses pieds , deux billes vertes dans les fentes du masque me regardent 
J’affiche un air surpris et goguenard
         - "Je ne vous connais pas jeune homme ?Que faites vous là ?"
Il retient son rire , sa poitrine tressaute , pose une main sur sa bouche et finit par pouffer .
           - "Tu ne m’a pas reconnu !"
Triomphe t’il en enlevant le masque qu’il a confectionné à l’école maternelle .
            - "Je t’ai bien eu !"
Il saute en psalmodiant cette phrase.
             - "Tu ne savais que c’était moi , Benjamin !"
 Saisit d’un doute , il interroge
             - "Tu as eu peur ?"
Il s’approche et arbore un air de conspirateur
               - "A ton tour de le mettre 
               - Papa va rentrer , on va lui faire une farce .
                -Il va être drôlement surpris de voir une étrangère préparer le repas ."
 Il souligne sa phrase d’un hochement de tête , un petit sourire espiègle plisse ses paupières , il mime un air étonné en écarquillant les yeux .
                  - "Enfiles le vite…..il arrive …"
sa main s’agite pour que j’accélère le mouvement .
  - "Bonjour papa……maman n’est pas là .....Il y a quelqu’un d’autre dans la cuisine …. Je ne sais pas qui c’est ?"
Il débite tout cela d’une traite , impatient il tire son père par la main avant même que la porte d’entrée ne soit refermée 
Julien , le portrait craché de Benjamin , accroche son pardessus raglan , après sa journée qu’il commence tôt , il aime souffler un peu en arrivant . Marionnettiste , il se déplace pour des spectacles dans tout le département , parfois plus loin selon les périodes de ĺ'année . Il a rarement l’occasion de faire une pause, Benjamin l’assaille  dès qu’il a franchi le seuil .
Ils rangent ensemble ” le camion ” dans le garage, un break vert-foncé , un rituel , Benjamin peut exceptionnellement s’installer sur le siège avant et pour rien au monde il ne manquerait cela. Les manœuvres n’ont aucun secret pour lui , concentré sur son volant imaginaire , un petit bout de langue rose pointe entre ses lèvres .
               - "Bonjour , tu m’embrasses avant tout ."
Son père le soulève du sol , plaque un baiser sur son nez et habituellement Benjamin l’embrasse , noue ses bras autour de son cou et c’est un tour d’avion qui commence dans un concert de brou..rou…rou…roum…Mais ce soir Benjamin appuie sur les bras de son père pour redescendre .
Julien est d’un naturel conciliant , son fils  « le mène un peu par le bout du nez »  comme le constate gentiment la famille …..c’est vrai , il est toujours prêt à jouer avec lui , l’associer à ses activités , et , bien sur , Benjamin est ravi et en profite un peu . 
                  - "Allez" , il pousse son père vers la cuisine .
                  -" Bon" je decide Julien " je vais aller démêler cette sombre histoire d’inconnue ."
Cette fois , précédé par son fils , il entre , s’arrête , regarde silencieusement quelques secondes , prend une voix grave , et avec emphase en pointant un doigt qui se veut accusateur , il s’exclame :
                    - "Que faites vous ici Madame ? Ce n’est pas votre maison !"
Benjamin boit ses paroles , en répétant la fin des mots -..vous…. dame…..aison
                     - "Veuillez sortir je vous prie ."
Je transforme un peu ma voix pour répondre timidement
                      - "Vous êtes Julien ? Je suis une amie de Noémie …elle m’a demandé de venir …elle a du s’absenter ."
                      - "Balivernes ! Je n’en crois rien , sortez s’il vous plait " , d’un ton mi-courroucé, mi-bon enfant en indiquant de sa main largement ouverte et tendue la direction de l’entrée .
Benjamin n’en perd pas une miette , il est aux anges , rit en catimini , avec un temps de retard , il lève aussi la main pour montrer la même direction . Comme son père pour montrer sa détermination , il a posé ses deux mains sur les hanches , il l’imite et d’un ton sérieux en grossissant sa voix , répète
                       - "Oui , Madame . Sortez !" tout en me faisant des clins d’oeil , des deux yeux car il n’arrive pas à le faire autrement , à s’en déformer le visage . Il veut tellement faire de choses en même temps qu’il manque de tomber , titube un peu et reprend vite son rôle .
Julien à la grande joie de son fils insiste
                       - "Madame , il serait temps que vous m’expliquiez votre présence en ces lieux " , un peu d’impatience pointe dans sa voix .
                        - "Oui" ajoute Benjamin en écho
                        - "Si vous n’obtempérez pas , je crains être obligé d’ appeler la police"
Une ombre passe sur le visage de Benjamin , il n’est plus très rassuré tout à coup . Il me voit déjà embarquée par la maréchaussée . Il secoue avec véhémence le bas de la veste de son père pour lui parler à l oreille . Julien s’accroupit pour être à sa hauteur . Benjamin se cache la bouche derrière la main
                        - "Je vais te dire un secret" ,tout en murmurant ses yeux font des va et vient pour s’assurer que je n’entends pas
                         - "C’est maman , mais elle est déguisée…..tu ne dis rien …. Tu fais comme si tu ne le savais pas"
                         - "Chut !"
Il pose son index sur la bouche et me lance un coup d’œil à la dérobée mais je m’affaire devant la gazinère . .Il veut bien jouer un bon tour mais dans le fond il craint que cela tourne mal puisque son père y croit vraiment , un mélange de peur et de contentement .
                           - "Bon…..je vois que vous êtes quelqu’un à qui on peut faire confiance ."
declare Julien avec un petit sourire en coin à Benjamin pour le rassurer et sceller leur complicité . 
La  figure de mon garçon se détend
 Ouf ! son père continue ses questions mais il à rattrapé la situation
                             - "Expliquez moi , vous êtes une amie de Noémie ?" le ton est dubitatif mais amical .
                             - "Vous savez que vous lui ressemblez beaucoup !"
Benjamin comme son père affichent  un visage attentif , un brin malicieux .
Les bras croisés , une main qui pianote sur l’avant-bras , les sourcils légèrement froncés , une moue interrogative , campé sur ses deux pieds écartés et décalés , Benjamin observe son père pour voir si il a bien la même pose , rectifie un peu , satisfait de son allure il attend la suite . Son équilibre est un peu précaire mais il tient bon.
J’ai bien du mal à garder mon sérieux devant ce spectacle :
 -1m80 et 80cm dans la même posture
 -l’un en costume-cravate gris , l’autre en salopette en jean rouge
 -deux silhouettes figées qui commencent à fatiguer à force de tenir la même position .
Je transpire un peu sous le masque , mes lunettes sont complètement embuées…je n’ose imaginer l’image que moi je donne : un peu ronde , un tablier de cuisine à fleurs noué autour de la taille , une queue de cheval châtain qui se balance et le visage derrière ce masque aux pommettes rouges et à la bouche en cœur , munie d’un louche pleine d’une pâte semi-liquide qui s’écoule dans une poêle que je tourne de droite à gauche et secoue à intervalles réguliers ….
Christelle , la sœur de Benjamin , revient du collège toute seule depuis le début de l’année , en sixième , elle a revendiqué ce droit
                            - "Je ne veux pas avoir la honte devant les copines !" a t’elle décrété , 
et puis les horaires ne sont pas les mêmes , cela évitera à maman d’attendre ou de faire plusieurs trajets ….. cet argument lui paraissant infaillible … au cas où ?
Elle se contorsionne pour enlever son sac accroché sur son dos , le laisse glisser sur le sol. ,se débarrasse de ses baskets sans les délacer , pousse le tout du pied contre le mur , suspend son blouson , lance un bonjour collectif 
Elle avance en repliant alternativement chaque jambe vers l’arrière pour redresser le talon de ses chaussons .
Elle passe la porte , pressée comme toujours , contourne les deux “statues” et demande d un air surpris
                               - "Vous jouez à quoi ?"
Son regard plein de gourmandise survole la table , elle hume avec plaisir l’odeur qui flotte dans la cuisine           
                             - "Tu as fais des crêpes !"
se tourne vers moi , s’immobilise , me fixe un peu incrédule
                                - "C’est quoi ce truc sur ton visage ?"
Elle lève les yeux au ciel , soupire
                                 - "C’est vrai , c’est mardi gras !"
Elle incline la tête et décide
                                 -" Franchement , tu aurais pu trouver mieux"
                         - "Mais… c’est pas maman !" s’écrit Benjamin
Elle le toise
                                 - "Attends , tu me prends pour une demeurée ! moi j’ai faim , j’ai des devoirs à faire , je dois téléphoner à une copine…."
Elle empoigne le dossier d’une chaise , la recule , s’assoit , glisse ses jambes sous la table et ajoute
                                  - "Maman , je peux goûter s’il te plait ?"
Brune comme moi , cheveux mi-longs encadrant un visage perpétuellement en mouvements éclairé par de grands yeux noisettes , les traits avec les rondeurs de l’enfance d’où émerge déjà l’adolescente qu’elle est entrain de devenir , elle oscille entre ces deux mondes . Elle  se lance dans une grande tirade ,comme d’habitude , avec toute l’inconscience et les certitudes de ses onze ans ,ponctue ses paroles de gestes tout en nappant sa crêpe de confiture .
                                    - "Sur le trajet , des gamins du primaire déambulaient , des cow-boys , des indiens……même un lapin….ils piaillaient , gesticulaient …ils gênaient le passage avec leur défilé , des gosses !"
Elle soupire
                                    - "Enfin , ce genre d’amusements , c’est plus de mon âge !"
Benjamin est tout dépité
                                     - "Tu y as cru , toi , papa ?"
                                     -"Bien sur" affirme Julien , "si tu ne me l’avais pas dit je n’aurais rien deviné"
Benjamin réfléchit et trouve vite une explication
                                      - " "Tu sais , papa , Christelle elle devait le savoir…c’est pour cela qu’elle a reconnue maman"
Nouveau conciliabule intérieur , son visage s’éclaire :
- "c’est sûrement Guillaume qui lui a tout dit…il était sur le trottoir d’en face quand nous on est revenu de l’école avec le masque ."
                                       - "Il ne sais pas garder un secret" , conclue t’il en haussant les épaules .
Il s’installe à table rasséréné , prêt à déguster sa crêpe au chocolat avant que Christelle n’engloutisse tout , elle a commencé sans l’attendre et……elle adore ça
Je pose le masque sur le coin du buffet .
Chacun parle de sa journée , une légère cacophonie joyeuse s’installe….un moment de partage
Julien se lance dans une grande discussion avec Christelle à propos de la cantine qui , bien sur n’est pas ” au top ”
Les troisièmes se croient tout permis et se servent toujours les premiers….bientôt il y aura un self , heureusement !
Christelle a opté définitivement pour le blue-jean , être comme les autres est devenu une réalité incontournable , un impératif pour afficher qu’on fait partie des grands et surtout pour être tranquille . Ne  pas se démarquer du lot est essentiel et avoir la bonne ” marque ”C’est facile de prétendre chacun à sa personnalité, ce n’est pas l’étiquette du vêtement qui compte….mais c’est elle qui est confronté journellement à cet état d’esprit et à ses conséquences , alors on finit par acheter ce qui est “à la mode” , “branché” 
Elle a toujours une anecdote à raconter , rien de banal, à son âge il ne vous arrive jamais rien de banal. , et Benjamin renchérit , quitte à inventer un peu car pour lui ce n’est pas aussi extraordinaire à la maternelle , mais il essaie d’avoir autant d’” incroyable ! ” d‘“inimaginable ! ” que sa sœur
                                 - "Moi aussi…." , il transpose la même situation, enjolive un peu , il vit les mêmes choses qu’ elle , il doit lui aussi être ” intéressant ” .
                                - "Bien sur…… Il t est arrivé la même chose !"   , la voix de Christelle est un peu sarcastique mais devant l’expression de son père , elle se tait , écoute et finit par sourire car il est attendrissant de naïveté .
Tout le monde débarrasse , Christelle regagne sa chambre , Julien se change pour sortir s’occuper du jardin, non qu’il y ait beaucoup à faire en cette saison mais il musarde ,”s’aère” l’esprit .
Benjamin est déjà dehors , sa brouette posée devant lui , prêt à le suivre .
Le calme est revenu . 
Je prépare le dîner ,des ficelles picardes , un petit repas en famille pour fêter mardi gras , une occasion d’être ensemble . Ma sœur cadette et mon beau-frère , encore jeunes mariés, doivent arriver vers 19h30
Tout à coup , Benjamin déboule dans la pièce
                                       - "Maman ! Il est où mon masque ? Oncle Pi-er-re et tante E-lo-die vont bientôt être là" , il détache chaque syllabes pour ne pas écorcher les prénoms , il ne veut pas parler “bébé”
Conce trée sur la confection de ma sauce bechamel je repond
                             - " Regardes sur le buffet...."
Panique ! Le masque a disparu …
                                       - "Mais tu l’a as mis où maman ?"
Il hésite entre les pleurs et la colère . Immobile , bras ballants , il scrute la pièce , me fixe incrédule et désemparé , c’est inimaginable que moi , sa mère , je ne sache pas où est le masque !!
                                        - " Benjamin , Il ne doit pas être loin ton masque , on va le trouver"
Julien appelé à la rescousse, réfléchit à haute voix en me regardant
                                         - "Tu l’avais sur le visage , après tu en as fait quoi ?"
                             - "Je l’ai posé sur le buffet , il n’y est plus"
                                          - "Il a pu tomber et être poussé en dessous"
Benjamin est déjà à quatre pattes , le visage aplatit sur le carrelage , Julien vérifie mais non
                                           - "Tu as du le ranger à l’intérieur par inadvertance" , mais , pas de masque
                                           - "Tu as aidé Benjamin à enfiler ses chaussures pour sortir , tu l’as peut être oublié dans l’entrée"
Benjamin commence à désespérer
                                        - "Si je ne le retrouve pas je ne pourrai pas faire la blague à tonton Pierre"
Évidemment c’est une catastrophe pour lui . Il fait des va et vient en marmonnant
                                       - "Ce n’est pas normal qu’il disparaisse comme cela ?"
                                      - "C’est pas juste conclut il en plein désarroi"
Julien se masse légèrement la tempe avec l’extrémités des doigts , un geste coutumier quand il a un souci :
                                        - "Tu as du vouloir le mettre en sûreté dans une autre pièce  . C’est sûrement cela , dans sa chambre c’est le plus logique, tu ranges toujours les choses à leur place ."
Aussitôt dit , aussitôt fait , le père et le fils se précipitent dans la chambre . 
Je les suis plus lentement , j’essaie de me remémorer mes faits et gestes , en passant devant la chambre de Christelle 
je jette un coup d’œil machinalement , la porte  est légèrement entrebâillée .
Ma fille se tient face à la glace de son armoire le masque sur le visage… ” elle fait le clown “. 
Elle se déplace en soulevant les talons , pointe des pieds relevée , les repose à plat en martelant le sol , les pouces accrochés à des bretelles fictives , dodelinant de la tête en sifflotant , fait mine de trébucher et de retrouver tant bien que mal son équilibre , s’immobilise , elle balance sur le côté une jambe puis l’autre , les bras relevés en faisant les marionnettes , puis s’incline et salue les spectateurs envoyant des baisers des deux mains . 
C’est plus de mon âge ! affirmait elle haut et fort à son frère quelques instants plus tôt .
 Elle m’attendrit , une bouffée d’émotions m’envahit , elle n’est pas aussi grande qu’elle veut le faire croire mais elle ne l’admettra jamais . Pas  simple de grandir , pas simple de les voir grandir
Elle m’aperçoit , par réflexe je recule d’un pas
Elle ouvre sa porte , gênée et un peu sur la défensive , je fais celle qui n’a rien vu , elle déclare en prenant un ton qu’elle veut désinvolte
- " Je l’ai trouvé son fameux masque ! J’ignore comment il a pu atterrir dans ma chambre ?"
                                      - "Tiens ...maintenant qu’il est retrouvé il va cessé de nous rabattre les oreilles avec , j’ai des devoirs à faire"
Je répond doucement
                                      - " il est encore petit , Christelle , pour lui c’est important mais je pense que pour jouer ou rêver il n’y a pas d’âge ..tu ne crois pas?"
L’ombre d’une hésitation , deux pas rapides ,un bisou effleure ma joue
                                       - " t'es sympa, maman"
elle ferme doucement sa porte , je l’entends fredonner une chanson à la mode .
                                     - "Benjamin ! Christelle a retrouvé ton masque"
Il accoure avec une seule préoccupation .
                                    - "Il n’est pas abimé ? Montres ?"
Il examine le masque sous tous les angles ..satisfait il le coince sous son bras droit bien décidé à ne plus le lâcher .
C'est l’heure du bain , on suspend le masque à la poignée de la porte de la salle de bains , pas question de vivre un autre drame . Benjamin s’amuse dans l’eau comme de coutume mais ne perd pas le masque de vu . Dès  qu’il a boutonné son pyjama, il le saisit , se rue dans la salle à manger , grimpe sur une chaise et se poste derrière le rideau . 
Il piaffe d’impatience .
                                      - "Ils arrivent quand , maman ?"  
toutes les cinq minutes il repose la même question sans décoller le nez du carreau , le masque en équilibre instable sur le dessus de la tête .
Enfin , la voiture se gare dans l’allée , ma sœur et mon beau-frère marchent la main dans la main dans les gravillons de l’allée et sonnent
Benjamin quitte son observatoire , se précipite derrière la porte et , à peine , l’ont ils ouverte , qu’il s’écrie
                       - "Coucou ! devines qui est derrière le masque ?"
Pierre , un rouquin plein de tâches de rousseur est un bout en train , au grand dan de ma sœur qui est d’un naturel timide , questionne :
              - "Vous avez un nouveau pensionnaire ?"
               - "Benjamin , où es-tu ? viens me dire bonjour"
Pierre entre , parcourt le couloir
                 - " Ou es-tu ? Je vais te trouver petit coquin!"
La joie , le plaisir du gamin sont inénarrables , il suit son oncle en faisant comme lui de grandes enjambées , mais ćest trop long pour lui..il se plante devant son oncle soulève le masque
                  - "Je t’ai bien eu ! je suis là , c’est moi Benjamin ."
Un simple masque en carton , vite délaissé au profit du camion rouge que ma sœur lui offre en l’embrassant .
Je l’ai conservé précieusement dans un carton avec les immuables fabrications de Noël , Fête des mères , ..colliers en haricots teintés , miroir entouré de pinces à linge vernies , cuillère en bois accroche-torchons ornée de cheveux en laine rouge , pot à crayons en pâte à sel , tableaux confectionnés avec des graines ou des pâtes colorées ….des années d’ateliers manuels et artistiques de Christelle et Benjamin , exposés quelques temps puis relégués dans un tiroir .
                 - "Tu ne vas pas garder cela maman !" histoire de dire, pas sur qu’ils auraient aimé que je les jette
-" Oh non ! tu vas encore une fois raconter cette histoire ? "Pas aux copains , pire devant la possible petite copine .
Benjamin s’insurge lorsque je fais ressurgir cette anecdote, il trouve que sa mère exagère et radote un peu, c’est bien la tradition des crêpes ..mais pour le reste…
On le sait , son père en a même fait un spectacle pour des après- -midi récréatives dans les écoles . Il en est fier mais à dix-neuf ans ! il faut admettre , il pense : "C’est plus de mon âge !"
Aujourd’hui , Christelle vient pour le goûter du mardi gras avec son fils Maxime , quatre ans bientôt . On  les attend avec impatience , elle et son petit bout de chou , la complicité entre frère et sœur s’est resserrée au fil des années .
Un coup de sonnette , Benjamin ouvre la porte et ,on entend une petite voix joyeuse dire :
                    - "Coucou ! devines qui est derrière le masque ?"
Je suis appuyée au chambranle de la porte de la cuisine ,un tablier noué autour de la taille , des cheveux gris et blancs rassemblés en queue de cheval ………Christelle est devenue une jeune femme ravissante , elle couve son petit garçon des yeux , un sourire plein de tendresse et d’indulgence illumine son visage , elle semble heureuse .
Depuis presqu’un an , elle confectionne des marottes et anime , elle aussi , des matinées enfantines.
J’observe Benjamin……il ressemble tellement à son père, je suis d’un coup projetée quinze années en arrière
Benjamin , un peu déconcerté , marque un temps d’arrêt , un demi-sourire sur les lèvres d’une voix grave, il s’ exclame :
                      - "Je ne vous connais pas, jeune homme , que faites vous ici !"
Il me regarde ,mine de rien , du coin de l’œil tout en continuant le jeu .
    - " Tu ne m’as pas reconnu !" triomphe Maxime en ôtant son masque d’extra-terrestre
- " je t’ai bien eu , tu ne savais pas que c’était moi , Maxime"
- "Mamie !" Il m’a vu et courre dans mes bras pour m’embrasser en brandissant son trophée
                          - "A ton tour de le mettre , Papy va rentrer , on va lui faire une farce ....." il a déjà plaqué le masque sur mon visage .
  -Si tu veux mon bonhomme , mais je dois m’occuper des crêpes"
Benjamin s'approche de moi m'embrasse et avec un peu d'émotion chuchote :
                                 - " tu ne changes pas maman"
Les boucles brunes de Maxime  dansent autour son visage , les mêmes yeux noisettes que sa mère qui estompent le reste des traits par leur intensité
                                     - "Maxime , je vais le mettre moi le masque" , décide Benjamin avec un sourire complice vers sa sœur , mais , 
                                         - " c’est , pour te faire plaisir" car
Et Christelle en même temps que lui prononce
                                      - " C est plus de mon âge !"
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Défi
Chantal Namie

Une nouvelle « en travaux »

“ En travaux ” , OK …le choix de ce thème d’un concours de nouvelles reposait sur du vécu , malheureusement il n’inspirait pas Noémie .
Tout au long de la journée , vaquant à ses occupations , elle ne pouvait s’empêcher de chercher une idée , ce sujet offrait des possibilités mais comment trouver une histoire bien ficelée et intéressante à lire …elle répétait ces deux mots espérant que la méthode qui avait fait ses preuves en cette matière allait la tirer d’affaires .
- ” En travaux ” , le dire à haute voix , pourquoi pas …
Au milieu de la cuisine , campée fermement sur ses deux pieds , les mains posées sur les hanches , d’une voix grave et puissante : “en travaux ” , une affirmation péremptoire , cela ne supporte aucune contradiction , pas son genre de ne pas assumer , “ en travaux ” contre vents et marées .., elle s’irrite un peu la gorge mais c’est pour la bonne cause ….
Peut être que … en utilisant un timbre aigu et haut perché avec un point d’exclamation : ” en travaux ! ” , sa voix la surprend un peu :
- “vous êtes en travaux ! quelle histoire ! ”
- ” vous faites des travaux ! ” , oh , là , là !
- “ je connais , l'année dernière …” et l'on prie que le ciment préparé ne se transforme pas en statue si prisée par l'art moderne .
- “ si vous avez besoin de conseils , d'un coup de main …n'hésitez pas ! ”
décidément …non ,
Plutôt le style interrogatif : ” en travaux ?? ” , avec un brin de sollicitude en relevant les yeux , en oscillant légèrement la tête accompagné par une main légèrement levée qui pivote sur elle même de gauche à droite pour accentuer le doute , donner plus de poids au questionnement ,
mais , un peu ridicule de s’exclamer ou de poser la question , en travaux cela saute aux yeux
- “ non , vous faites erreur on n’a juste mis un panneau pour égayer la façade , pour faire parler les curieux , pour gêner la circulation ,…“ , distrayant tous ces regards inquiets craignant un fâcheux incident ….où est l'échelle ? qu'on ne passe pas dessous par mégarde …un malheur est si vite arrivé !
- ” en fait on a acheté des matériaux dont on n'avait pas besoin parce qu'ils étaient à prix coûtant et faire une bonne affaire donc on les utilise ,
L'ironie , oui l’ironie c’est mieux se confie t’elle à elle même , elle fait une mimique , un sourire en coin , les yeux un peu plissés : ” en travaux ” et ajoute , ” il me semble ” car cela lui paraît plus judicieux , cela accentue le côté moqueur ,…tous les tracas , la gêne , les répercutions sur la vie de tous les jours , on a tous vécu cela et si c'est les autres qui les subissent , jouissif ! ….elle songe un instant à faire tourner la cuillère en bois qu’elle a dans la main pour avoir l’air décontracté , plus désinvolte , goguenard …ils font cela au cinéma …
Le style confidentiel , genre ” je te le dis mais tu ne le répètes pas ” , un secret , en chuchotant , la main devant la bouche pour que personne n’entende :
- “…en travaux …pas possible ! si puisque je te le dis ” , ” depuis quand ? pourquoi ? tu le sais ? ” , ” attends , je vais t’expliquer ” , de quoi occuper toute une journée ,
“ en travaux ” , une situation rêvée pour alimenter son blog avec des informations indispensables pour les nombreux ’ amis’ passionnés qui ont hâte de connaître le moindre détail de la vie des autres .. un feuilleton qui tient en haleine :
- le meuble qui s'écroule à peine monté : “ j'te dis pas la honte ! “
- la vis qui manque et les magasins sont fermés : “ tu t'imagines la galère ! ”
- le plâtre qui recouvre le sol comme du sucre glace sur un gâteau , le cinquième bleu , la dernière bosse
- l'inondation ou la panne d'électricité , la soirée avec la serpillière les pieds dans l'eau comme au bord de la mer , à la lueur des bougies en se disant que c'est si romantique !
et belle maman qui débarque en disant : “ je viens vous faire un petit coucou ”
Bien joli de se faire plaisir mais cela ne résout pas le problème .
En chantant , façon rap :
- en-en-en , travaux , en-en , travaux , en-tra-en tra-en travaux , en tra-tra , en-vaux-vaux-vaux , en-travaux , …
et emporté par le rythme elle se balance d’un pied sur l’autre en martelant le sol , le buste en avant , en remuant les épaules , les poings fermés , un visage froid et dur , c’est quelque chose de fort et d’important , un message , ” en travaux “ , encore une vicissitude de la vie collective dont on ne mesure pas les répercutions ,
ou slamer :
- en travaux , je-vous-en-parle , mais-c’est-la-mort-dans-l’âme , un-acte-manqué , commencés-mais-jamais-terminés , ….
la il convient d’être cool , décontracté , de prendre une voix monocorde , c’est triste , c’est la vie quotidienne dans sa vérité , c'est beau , le renouveau , la renaissance …que de sens concentrés dans ces deux mots .
Et si quelqu’un la voyait ?
Je ne vais quand même pas le jouer façon tutu et chaussons de danse , le lac des cygnes “en travaux ” le blanc volatil qui se meurt englué dans le goudron victime de la pollution , ou grand air d’opéra , l’air de la calomnie se propageant de travaux en travaux chanté par une armée de marteau-piqueurs , imaginez Carmen bloquée sur le chemin des arènes par une malencontreuse réfection de chaussé …
Non , l’opérette , la comédie musicale plus à sa portée , bon : ” une demoiselle sur une balançoire se balançait …” pas très enthousiasment mais ” en travaux ’ , adieu la fête !
- “ elle allait faire quoi la pauvre le dimanche ? ”
Plus de jupon noir volant au vent ni de passants émoustillés par ce spectacle ! Tous obligés d'écumer les supermarchés pour assurer le plein emploi !
ou alors : ” en travaux -en travaux-j’étais en travaux -tu étais en travaux -nous étions en travaux , ….” , oui mais après , travaux où t’es ?
Philosopher , se pencher avec compassion sur le destin de tous ses hommes rêvant d’ accéder aux étoiles… mais le ciel est en travaux depuis des millénaires .
Hercule , lui il s’y connaissait en travaux , c'est un ‘pro’, mais pas sûre qu’il accepte de lui donner un coup de main , pourtant bel homme comme il est , des travaux en sa compagnie qui refuserait ?
Oh ! elle s’amusait mais question idée c’était le fiasco .
En travaux , impossible de se sortir ces deux mots de la tête …
Son mari , qui rentrait du travail , lui demande si elle a pensé a prendre du pain , et elle répond :
-“en travaux ”
- ” c’est récent , j’y suis passé hier et tout était normal , ils auraient pu mettre une affiche pour avertir les clients ” ,
bien sûr elle a expliqué que non , ils étaient ouverts ,
- ” alors , pourquoi me dire qu’ils sont en travaux ” ,
- ” c’est rien , je pensais à autre chose ” ..
- ” Toujours plaisant de constater qu’on n’est pas écouté ! ”
cela n’a pas fait de drame , il était d’un naturel conciliant mais “ en travaux , une source inépuisable de conflits …..le fou rire la gagnait suite à ce quiproquo et le ridicule du côté obsessionnel qu’elle montrait , ” en travaux , pas croyable de ne penser qu’à cela ! ”
Et au final elle n’a rien trouvé à raconter , rien qui lui plaise , l’inspire , lui paraisse présenter un intérêt …
Le constat : c’était son cerveau qui était ’ en travaux ’ et tant qu’il ne serait pas remis en état , rénové , modernisé , adapté , transformé …..tant qu’il serait encombré d’échafaudages , de gravats , jonché de clous rouillés … , que sais je ..il ne pourrait fonctionner correctement , l'être humain n'est il pas éternellement ” en travaux “ ?
“en travaux ” une étape entre l'ancien et le nouveau où se mêlent regrets , doutes , espoirs …la question étant : ” les faire ou ne pas les faire ? “ …ne pouvant résoudre ce dilemme elle devait passer à autre chose .
Conclusion ce n’est pas une nouvelle , plutôt des nouvelles : ” en travaux ” , des travaux préparatoires en quelque sorte , forcément cela ne répond pas aux plans prévus par le Maitre d'œuvres….. c’est la difficulté d’une gestation quand on n’a pas d’inspiration , que ceux qui n’ont jamais connu cela jette la première pierre , et beaucoup d’autres ..
Noémie pourra toujours les utiliser pour faire chez elle ” des travaux “


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