Veni, Vidi, Crevi.

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[réponse au défi "Rencontre avec l'histoire" Lancé par Elodie Magueich]

Résumé : Et si je me retrouvais à discuter avec Jules César, le jour de son assassinat ? Petit voyage dans le passé, l'histoire de vérifier qu'on ne nous apprend pas des conneries à l'école. Certifié historiquement exact ! :p

Ides de Mars, 44 avant J.-C

 Les dalles étaient encore luisantes d’humidité, par ce frais matin de Mars. À l’ombre du théâtre de Pompée, parmi la foule des badauds, un homme marchait d’un pas décidé. Drapé d’une toge immaculée, à la pourpre brodée de fil d’or, il avait l’assurance tranquille de ceux qui dirigent le monde. « Comme quoi, cette journée n’a finalement rien d’exceptionnel », pensa-t-il avec un sourire. Les augures s’étaient trompés : ce n’est pas aujourd’hui que mourra l’immense César.

— Yosh Jules !

Le vieil homme tourna la tête, se retrouvant nez à nez avec un homme barbu à la tenue atypique.

 — Plait-il ?

 — Ah ouais pardon, AVE ! répondit l’étranger en esquissant maladroitement un salut romain.

L’édile soupira, agacé.

 — AVE, ignorez-vous donc à qui vous vous adressez ?! Je suis Caïus Julius Caesar, Pontifex Maximus, Dictatorium Perpetua, Triomphateur des Gaul…

 — Ouais ouais c’est bon, je sais qui t’es !

César toisa son interlocuteur avec mépris.

 — Si vous savez qui je suis, alors vous ne devriez pas me faire perdre mon temps !

 — Bah, pas la peine de vous presser, vous allez bientôt mourir de toute façon !

César fronça soudain les sourcils. « Mais ce n’est pas vrai ! Qu’est-ce qu’ils ont tous avec ça ?! » pensa-t-il, sérieusement irrité.

 — Tiens donc, et comment le savez-vous ?

 — Eh bien figurez vous que je viens du futur ! De deux mille ans dans le futur pour être exact.

 — Du futur ? C’est parfaitement absurde ! siffla-t-il en serrant les dents.

 — Absurde ? Vous venez bien de désigner Octave comme votre successeur non ?

César resta interloqué. « Comment peut-il le savoir ?! J’ai rédigé mon testament dans le secret le plus absolu ! » rumina-t-il en tentant de garder son calme. Il jeta un œil aux alentours, à la recherche de gardes pour se débarrasser de cet impudent.

 — Quel est votre nom ?

 — Moi c’est Arnaud, répondit l’étranger

 — Et d’où vous vient cet accoutrement ridicule ?

 — De Kiabi, ou Devred… je ne sais plus. Bref, vous me croyez maintenant hein ?

 — Admettons, et après ?

 — Ben après vous allez mourir mon vieux, répondit Arnaud en haussant les épaules. Il y a tout un tas de mecs qui vous attendent là-bas, ajouta-t-il en désignant la curie de Pompée.

Pendant ce temps, dans le monument susnommé, plusieurs sénateurs piaffaient d’impatience. Assis sur les stalles, ils complotaient à voix basse.

 — Mais où est-il bon sang ?!

 — Je ne sais pas, ce satané connard devrait déjà être ici ! pesta Cassius.

 — Brutus, tu as les poignards ?

Le jeune Brutus baissa les yeux, gêné.

 — Euh… je n’ai pas réussi à les faire rentrer.

 — Mais c’est une blague ! jura Trebonius.

 — Les licteurs m’ont dit qu’ils n’avaient pas le choix, une histoire de vigipirate, ou un truc du style…

 — Et avec quoi allons-nous le tuer ? Avec nos mains ?!

 — VOUS ALLEZ BIEN TROUVER OUI.

 — Euh… vous êtes qui vous ?

 — JE SUIS LA MORT, NE FAITES PAS ATTENTION À MOI.

Au même moment, sur le parvis, César et Arnaud continuaient leur conversation atypique.

 — Alors, pourquoi êtes-vous là ?

 — Eh bien je veux vérifier comment vous êtes mort. Là d’où je viens, on débat encore sur ce sujet !

« Les gens parleront toujours de moi dans deux mille ans ? » s’étonna César, ravi. Il prit un ton solennel.

 — Ainsi il me faut y aller. Si les dieux le veulent, je serai le plus grand souverain que Rome ait jamais connu !

 — Ouais, ne vous faites pas de fausse joie quand même hein…

Rabattant un pan de sa toge sur son épaule, César salua l’étranger d’un geste sec, avant de reprendre sa route vers la curie. « Quelle perte de temps ! Cet imbécile a de la chance que je me sois séparé de ma garde ! » pensa-t-il, aigre.

 — Ah au fait ! s’écria Arnaud, loin derrière lui.

 — Quoi encore ?! pesta César.

 — Marc Antoine va se faire Cléopâtre !

Le vieillard, hors de lui, hurla à travers la place : « Casse-toi d’ici pauvre con ! ». Il lui fit un geste obscène, et disparut entre les massives colonnes de marbre.

« Eh ben, quel caractère de merde ! » pensa Arnaud, laissé seul devant le majestueux édifice. « Bon, je fais quoi moi maintenant ? ». Le jeune homme sortit un ouvrage de sa poche, La vie des douze césars, qu’il feuilleta rapidement. « Merde, il va falloir que je rentre là-dedans si je veux voir quelque chose. Enfin si Suétone dit vrai… ». Il allait se mettre en route, quand un cri aigu retentit soudain dans le Champ de Mars. Tous les regards se tournèrent vers la curie de Pompée.

 — Mais bon sang ! Rattrapez-le bande de crétins ! brailla Cassius.

César, empêtré dans sa toge, sortit du monument en courant comme un dératé. Il hurlait d’une voix de castrat, pourchassé par une dizaine d’individus brandissant… « Mais qu’est-ce que c’est que ça ?! » se demanda Arnaud, en retenant un rire.

 — DU SALSUS

Arnaud sursauta. À sa droite venait d’apparaitre la camarde, dont la faux et la tenue d’ébène ne semblaient pas le troubler outre mesure.

 —    Du quoi ?

 — DE LA SAUCISSE SÈCHE, C’EST LA SEULE CHOSE QU’ILS ONT TROUVÉE DANS LE SÉNAT.

Arnaud, consterné, leva les yeux au ciel en secouant la tête.

 — Eh ben, c’est pas top prestige la mort de César… il s’est bien foutu de notre gueule le Suétone.

La toge en travers du visage, César se dandinait ridiculement sur l’esplanade, tel une piñata que venait frapper des dizaines de saucissons. Alors qu’il hurlait de plus belle, il trébucha sur une marche, bascula en avant et se brisa le cou sur le piédestal d’une statue.

 — AH, C’EST MON MOMENT ! déclara la Mort, guillerette, en allant à la rencontre du chiffon humain qui gisait à terre.

Arnaud soupira.

 — Bon sang, personne ne me croira sur ce coup…

Le jeune homme pianota sur sa montre, eut un dernier regard pour l’auguste serpillère, puis disparut dans un éclair de lumière.

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