God Damn Gravity

2 minutes de lecture

[En réponse au défi "Et là, il tomba..." lancé par ' "Thomas Foster" (Renard hirsute) ]

Résumé : la loi de la gravité est dure mais c'est la loi.

La mission était pourtant fort simple : quitter l’école, aller au marché, acheter des chouquettes, revenir, et se bâfrer entre copains. Arnaud avait accepté la mission avec plaisir, alléché par la perspective de ce petit déjeuner salvateur, et curieux de visiter les nouvelles halles de la ville. Il était aussi très heureux de quitter enfin cet interminable cours d’art appliqué, dont le professeur probablement défoncé lui donnait du « génie » à chacun de ses gribouillages idiots, tout en conspuant le peu de travail sérieux qu’il faisait.

 En traversant l’infâme imbroglio de rues sales et mal foutues, le jeune homme pestait contre la circulation anarchique du centre-ville. Il avait déjà hâte de partir d’ici. « J’espère que mes impôts ont été bien utilisés, cette fois ! », songeait-il comme tout Béarnais radin, perpétuellement stupéfait de la créativité des urbanistes locaux en matière d’absurdités architecturales. Il arriva sur la place de la République.

 Face à l’hideuse médiathèque vert kaki se dressait un vaste édifice rectangulaire, moderne, recouvert de bas en haut par de spectaculaires baies vitrées. « Aaaaah, ça ! ça a de la gueule ! » s’exclama Arnaud, agréablement surpris du résultat. Il y avait beaucoup de monde ce mercredi-là, jour de marché, et sa curiosité était piquée au vif. Enjoué, il trottina jusqu’à l’entrée en observant attentivement la construction. « Eh ben ! Pour une fois qu’ils font bien les choses ! ». Il n’avait pas remarqué la stupidité de cet escalier qui se terminait en une fine marche de quelques centimètres à peine. Et là, il tomba…

« O Fortuna » se déclencha immédiatement dans la tête d’Arnaud, musique de circonstance annonçant le triste crescendo à venir. Au ralenti, il bascula en avant, jurant dans toutes les langues qu’il tuerait un jour le concepteur de cet escalier débile. Autour de lui, les gens ne réagissaient pas encore, à peine surpris de voir un imbécile tomber depuis plusieurs minutes. Le jeune homme s’emmêla les jambons, gagnant de la vitesse à l’approche de la double porte vitrée dans laquelle il pouvait observer ses yeux exorbités.

 La musique accéléra. Pris de panique, le cerveau d’Arnaud envoya aux bras l’ordre de se sacrifier pour sauver le reste. Avec un magistral doigt d’honneur neural, ceux-ci choisirent plutôt de s’étendre perpendiculairement au corps, envoyant la tête en première ligne. « MEEEEEEEEEERDE ! OUVRE-TOI PUTAIN DE POOOORTE ! » cria le jeune homme, toujours au ralenti. Ses genoux touchèrent brutalement le sol, puis il s’écrasa avec violence sur la porte vitrée, les bras en croix. La musique fut brutalement interrompue par le bruit sourd de son crâne frappant le verre, qui fit preuve d’une remarquable résistance.

 La vitesse redevint normale. Des dizaines de badauds se tournèrent vers la source de ce tintamarre, et sourirent à la vue du christ d’opérette qui s’étalait lamentablement devant leurs regards amusés. Une vieille dame s’approcha de la porte, qui s’ouvrit enfin. Arnaud termina sa chute, devenant le triste tapis d’entrée de ce nouvel édifice. La grand-mère enjamba la croix flasque sans un mot, et repartit à ses courses.

Arnaud ne trouva jamais de chouquettes dans le marché.

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