Je vous ai dit tout à l’heure que les premiers essais de la fameuse fusée Véronique avaient eu lieu à Suippes. Suippes dans la Marne. Petite commune riante, ville de garnison, pas loin du camp d’entrainement de Mourmelon, célèbre pour avoir abrité un certain adjudant il y a quelques années. Maintenant, il est logé gratuitement par l’Etat entre 4 murs. À cette époque-là, point d’adjudant Chanal et aucune disparition de jeunes appelés du contingent. Encore que, je n’en sais rien et je pense que les archives de l’époque ont dû bruler dans un lancement de fusée raté.

Le sujet n’est pas là, mais bien sur Véronique. Véronique à Suippes, c’est un peu comme Martine à la montagne ou à la mer. Assez improbable. Surtout au vu des premiers résultats. Voyez plutôt :

• C’est prêt Paulo ?
• Ouais, c’est bon !
• T’as mis l’acide nitrique ?
• Oui, j’ai mis l’acide nitrique dans le réservoir auxiliaire.
• Parfait, t’as mis le kérosène aussi ?
• Oui, j’ai mis le kérosène dans le réservoir principal !
• Bon, ben tu peux y aller, Paulo.
• Ok, j’y vais, dit-il en s’éloignant du pas de tir.
• Ben y s’passe rien ?
• Ben que veux-tu qu’y s'passe ?
• Ça devrait décoller...
• Ça risque pas, j’y ai pas mis l’feu.
• Ben pourquoi t’as pas mis l’feu, Paulo ?
• Juste parce que tu m’as dit d’y aller et que tu m’as pas dit de mettre le feu.
• Putain mais t’es con quand même…. Quand je t’ai dit d’y aller, c’était d’aller y mettre le feu ?
• Ah non Mossieu, c’est pas la même chose entre y aller et mettre le feu !
• Mais si c’est pareil, putain, t’es vraiment un abruti !
• C’est pas parce que tu es chef ici qu’il faut me parler comme ça !
• Dis donc, justement parce que je suis chef, je te parle comme je veux !
• Ah oui, tu le prends comme ça ?
• Oui, je suis chef et je le prends comme je veux.
• Ok, et ben tu vas te démerder tout seul avec ta fusée pourrie.
• Comment ça elle est pourrie ma fusée ?
• Oui, tu vas voir elle ne va même pas décoller, ça va être un pétard mouillé.
• Eh ben reste et tu verras ce qui va se passer.
• Oui, je vais rester juste pour me marrer.
• Rigole, rigole, on verra bien qui rira le dernier. Quand j’aurai ma photo dans le journal demain, c’est toi qui vas faire une tête de six pieds de long.
• Si tu as ta tête dans le journal ça va être comme comique du jour.
• Attends un peu tu vas voir ce qui va se passer !
• J’attends, t’en fais pas, je veux assister à ton « triomphe » à ce lancement du siècle.
• Ça vient, ça vient.
• J’parie que tu ne sais même pas où il faut déclencher la mise à feu
• …
• Eh ben… et qui c’est l’abruti ?
• Bon ça, va…. J’suis désolé, mais tu peux me montrer où il faut déclencher ?
• S’il te plait…
• S’il te plait quoi ?
• S’il te plait, est-ce que tu peux me montrer où il faut appuyer pour déclencher le lancement…
• S’il te plait Paulo, peux-tu me montrer où déclencher le lancement ?
• Là, espèce de burne, sur le bouton rouge avec écrit « déclenchement" dessus.
• Ah oui, je l’savais.
• Ben oui, c’est ça… Alors t’appuie ?
• Ecarte toi, c’est plus prudent.
• Oh, t’as pas confiance, tu crois qu’elle ne va pas s’envoler directement vers les cieux, ta jolie fusée ?
• Si, mais on ne sait jamais quand même...

Et Paulo s’écarte prudemment. Maurice appuie sur le bouton : rien ne se passe. Maurice appuie plus fort : toujours rien.

Maurice prend un marteau et tape sur le bouton : on entend un petit « pschit », la fusée décolle de trois mètres, retombe sur Maurice et l’aplatit comme une crêpe.

• Je l’savais bien que c’était une fusée de merde… mais il ne veut jamais m’écouter, marmone Paulo en se roulant une clope ….