Chapitre XXIII - Samein Na Landið

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- Kurô !

A travers la débandade et les salves de coups de feu, un démon furie blanche se redresse derrière eux, les domiant de toute sa hauteur. Les traits tirés de son visage se détendent en voyant Hotsuki saint et sauf. Et ainsi, pour la première fois, il voyait la fameuse pyromancienne. Il la détailla quelques instants, tout comme Yuki observait avec stupéfaction le double de Shirô.

Le corps massif de leur sauveur est en partie recouvert d'une fourrure laiteuse, ses mains griffues dégoulinent de sang. Samein Na Landið, au bout de son bras gauche, en est également maculé, il goutte au sol.

Kurô Whiteheart s'avance devant Hotsuki et Yuki, l'air grave.

Deux imposantes cornes en forme de spirale trônent sur sa tête. L'une d'entre elles semble étrangement directement ressortir du casque osseux qui couvre la partie droite de son visage. Le guerrier se tient d'ailleurs voûté sur ses deux pattes, elles aussi griffues. Une queue hérissée d'excroissances osseuses fouette l'air derrière lui, et ces pointes hérissées se propagent d'ailleurs sur toute sa colone vertébrale. Ses longs cheveux d'argent forment une crinière, pareille à celle d'une hyène autour de lui. Elle court sur ses épaules, dans son dos, se prolonge sur ses clavicules.

- Hotsuki, Yuki ! Vous n'avez rien !

Il se jette presque chez eux, évitant au passage des balles d'arquebuse. Kurô les dévisage quelques instants, reprenant son souffle, et vérifiant que tout allait bien pour eux. Ils semblent perdus, en état de choc. De la haine déborde dans leurs yeux, de la tristesse crispe les traits de leurs visages.

" Kurô ... Le sang de ton sang ..."

Le démon revient à la triste réalité.

- Où est mon frère ?!

Il saisit la pyromancienne par les épaules, plantant son sabre au sol près d'elle. Kurô la secoue légèrement, cherchant à la faire réagir. Il la dévisage, le regard pressant.

La pyromancienne baisse les yeux, paniquée, n'osant pas répondre à ce démon qu'elle devine être le jumeau de sang de son ami. Elle ne peut plus dire un seul mot, accablée par le chagrin, la colère et la sidération.

Le démon bleu fit un signe de tête envers la furie, désignant plus loin le corps inerte de leur compagnon.

Kurô se retourne, préparé au pire. Hélas, il a à peine le temps de s'approcher du sang de son sang, qu'un projectile, plus gros que les autres, atterit de leur côté. Une petite fiole de verre s'écrase sur le sol, suintant une sorte de fumée jaunâtre. Le guerrier se fige, son sang se glace.

" Un coup de l'alchimiste ! "

- Reculez, vite !

La furie blanche saisit immédiatement ses deux compagnons par le col et détalle du plus vite qu'il put, les traînant sur quelques mètres.

La bombe explose.

Mais étonnemment, le souffle chaud ne vient pas leur brûler le dos, et la déflagration tonitruante ne les rend par miracle pas sourds. Bien au contraire, ils semblent protégés par un champ de force.

La furie blanche se retourne, distinguant une grande silhouette armée à travers les débris, la poussière et les cadavres.

- Pheles ! On les retient, barrez vous !

Samuel fait barrière de son pouvoir pour leur ouvrir un passage.

En effet, le jeune homme les avait entourés d'un champ protectueur magnétique. Le bras levé derrière lui, le colosse bien bâti, avoisinant le mètre quatre vingt dix, maintient sa main gauche bien droite, sans prêter attention à ses compagnons.

Il lui fallait également gérer les arrières de Yann, aux prises avec les soldats au corps à corps.

Le sang pur, de son côté, fait le ménage. Pareil à un ouragan, il fauche avec une rapidité hallucinante les troupes de l'Empire. Les balles d'arquebuse sifflent à ses oreilles, le frôlent à chaque instant. Mais il parvient, sans doute par miracle, à toutes les éviter. Armé seulement d'un poignard, il se faufile entre chaque homme, derrière chaque épaule, dévie chaque canon, et ajuste chacun de ses coups à la perfection.

Il tranche des gorges comme on trancherait de l'andouille, fait craquer les os comme on casserait des noix, brise les articulations comme on romperait du pain. Sans aucun effort, le vampire au sang pur moissonne ses ennemis, n'utilisant même pas son énergie magique.

" La Faucheuse vient faire les moissons. " Pense Shaîtana en contemplant au loin le massacre de ses hommes.

Dans le regard des soldats, le détermination se transforme rapidement en peur viscérale. Quelques uns tentent d'éviter la mort en essayant de fuir, mais rien n'y fait. Un solide coup de coude bien placé à la base de la nuque les fait s'effonder avant même qu'ils ne s'en rendent compte.

La danse mortelle du vampire n'a pas échappé au regard affuté du colonnel. En quelques minutes, la guerrière a enrigistré le pattern des mouvements de l'adversaire, certes très rapide, mais peu inventif.

Shaïtana esquisse un sourire satisfait, arme son arquebuse, s'agenouille pour mieux viser la petite furie à une cinquantaine de mètres devant elle. Dans la lunette de son arme, la silhouette de Yann se dandine sans faire de pause. Elle oscille entre l'angle de tir et la petite croix au centre de son objectif.

" Allez ... Fais moi voir ta frimousse, sale petite fouine ... "

A côté d'elle, Ludwig se concentre sur le sol, une craie à la main, un sac de toile près de lui. Il note fébrilement sur le sol ses calculs, se formules quantiques pour préparer son plan. Le colonnel n'a aucune foutre idée de ses intentions pour la suite des hostilités, mais elle fait confiance au Dauphin.

Son oeil se reconcentre sur sa cible.

" Maintenant ! "

Elle tire. Le recul de son arme manque de lui déboîter le bras, lui fait quelques peu perdre l'équilibre. La jeune femme s'appuie contre le sol dallé pour ne pas tomber. Le bruit tonitruant de son arme lui fait siffler les oreilles quelques secondes, elle n'a qu'une sensation semblable aux bruits sous l'eau.

Au loin, elle voit la silhouette du vampire voler contre le mur du fond de la salle, s'effondrer contre celui ci.

- Yann !

Samuel cesse immédiatement son champ protecteur et se précipite vers son compagnon, affalé contre le mur du fond de la salle. La balle l'a touché à la clavicule, et le sang du vampire a giclé contre les blocs de granit.

Un rapide dignostic à vue lui indique qu'il n'a rien de bien grave. Sa blessure se refermera d'elle même, trop petite pour réellement mettre en danger le vampire. Son compagnon le saisit par les épaules et le traîne sur quelques mètres, à l'abri des tirs ennemis.

" Je l'ai eu. "

Shaïtana jubile. Une ordure de moins ! Un sourie satisfait lui fend le visage alors qu'elle se relève, époussetant son veston et rangeant son arquebuse encore fumante.

- Mon colonnel, je vous prierai de sonner la retraite dès que j'aurai achevé ma formule.

Ludwig s'était relevé à son tour, l'air de plus en plus grave. Il range son matériel dans sa besace, désamorce son condensateur. Le déclic de la pompe fit frissonner la guerrière.

- Qu'allez vous faire, Votre Majesté ?

Le dauphin ôte ses gants de soie, les range conscienscieusement dans ses affaires. Les yeux de son acolyte s'attardent quelques instants sur les pentacles tatoués sur les paumes de ses mains, sur les deux aimants greffés au coeur de ses paumes et quatre de ses dix doigts. Ils activent, en joignant les deux mains ou les doigts, le pouvoir colossal de l'Alchimie.

Le jeune homme vient se placer à équidistance des huit gargouilles qui gardent la salle.

- Je vais faire s'écrouler le plafond de la trésorerie.

" Pardon ?! "

Les yeux ronds du colonnel suffirent à convaincre Ludwig de lui fournir plus d'explications.

- Les gargouilles munies de récepteurs radar de la salle sont à portée d'ondes électromagnétiques. La puissance du signal électrique que je vais leur envoyer vas faire sauter leur système, provoquer une surtention et ainsi entraîner un énorme choc électromagnétique dans toutes les voûtes porteuses de la salle, déja fragilisées par les précédents chocs.

- Mais …

Au loin devant eux, un autre individu, bâti comme une armoire à glaces, s'avance à la place du vampire. C'est celui qui créée les champs de force.

- Faites moi confiance. Ils sont fait comme des rats.

Le grand sabre de l'ennemi dégainé, laqué de noir, apparaît dans la vision périphérique des deux compagnons.

Le regard acier impérial de Ludwig traverse Meisterhart de part en part. Elle ne peut que se plier à la volonté du dauphin, qu'elle sait vouloir être juste. Elle baisse la tête, en signe d'approbation.

Ludwig joint ses deux mains.

Les aimants rentrent en contact, ferment le circuit électrique.

Le dauphin sens l'énergie de son condensateur remonter dans son bras, courir le long de son échine. Elle fait grésiller les os et les articulations de son bras droit, arrive, fulgurante dans la paume de sa main. La décharge est imminente.

- MAINTENANT !

Le colonnel sonne la retraite. Une sirène assourdissante résonne dans tous les sous sols du palais.

Yuki et ses compagnons se bouchent les oreilles, grimaçant au son dégagé par l'ennemi. A peine eurent ils le temps de se relever, qu'un souffle électromagnétique fait vibrer l'air tout autour d'eux. Il est si fort qu'il fait bouillonner chacune des cellules de nos compagnons.

Kurô s'arrête net dans sa traversée de la pièce, sentant venir le danger. Il se retourne, aide Yann, sévèrement touché par la balle d'arquebuse, à se relever. Sa blessure fume alors qu'elle se guérit lentement.

Samuel, fermant la marche, a tout vu des plans de l'ennemi.

- Les gars, ils ont fait sauter le toît ! Barrez vous !!!

Alors qu'il termine sa phrase, d'énormes fissurent se mettent à serpenter le long des colonnes de la salle, des craquements résonnent tout autour d'eux, un bruit sourd s'élève du fond des entrailles du palais.

- Sam ! Dépèche toi ! Hurle Kurô à son compagon.

La furie amorce un mouvement vers lui, confiant le corps du vampire qu'il traîne à Hotsuki.

- Dégagez, je les retient !

Sam se place face à son ennemi, formant un champ de force au dessus de sa tête. La femme au loin s'est enfuie avec tous les gardes restants, il ne reste en face que l'alchimiste.

Derrière lui, Hotsuki, Kurô, Yann et Yuki détallent comme des lapins. Ils réussiront à s'échapper sans plus de casse.

Il place son sabre, Shirakosaku, devant son visage, le tranchant face à son ennemi. Samuel lance un dernier regard au loin, vers le corps inerte de Shirô. Il s'adresse doucement à lui, marmonnant dans son bouc.

- Ce n'est pas grand chose, mais je te souhaite quand même un doux repos dans les bras de Drann ...

Samuel ferme les yeux, se concentre sur son objectif. Autour de lui, son environnement se floute, les grondements de la salle qui s'effondre se taisent. Sam se retrouve maintenant seul contre son ennemi.

- Approche un peu ...

Plus loin en face de lui, Ludwig se concentre également. Par Solaris pourquoi donc cet hérétique reste-t'il planté là, sans rien faire ?! Les blocs de pierre qui tombent sur lui semblent retenus par des champs de force, et se brisent à quelques centimètres de sa tête.

" Ils vont finir par s'en sortir vivants s'il reste à les couvrir avec sa magie protectrice ..."

Le dauphin décida d'entammer le combat. Il ne doit pas y avoir de survivant.

Le jeune homme se campe sur ses appuis, fait monter une nouvelle fois une décharge d'énergie dans son bras droit. Il s'élance au pas de course vers son ennemi. Ses foulées, fluides et pressantes, eurent vite fait d'amener son corps à portée de son ennemi.

Ludwig tend le bras vers Samuel, touche la paume de sa main de son index et de son majeur. Les aimants greffés dans ses doigts ferment le circuit électrique.

La décharge d'énergie part dans les airs.

- Meurs !!!

Leurs deux regards acier se croisent, se jaugent quelques instant. Une même volonté de fer se lit dans le gris princier des yeux des deux hommes.

Le souffle électomagnétique fuse en direction de Samuel. A peine une fraction de secondes s'est écoulée entre le tir et le point d'impact.

Le plafond s'effondre au dessus de leurs têtes.

***

- SHIROOOO !!!

- Yuki, calme toi ! je t'en prie ...

Kurô et Hotsuki eurent toutes les peines du monde à retenir la jeune femme de se ruer dans les décombres du palais.

Ses yeux remplis de haine et de regrets ne cessent de déverser des flotsde larme, son teint rougi par le chagrin trahi sa détresse, ses cris de rage percent le ciel et font hululer les chouettes aux

alentours.

- Lâchez moi !

La pyromancienne assène un violent coup de poing à son compagnon aux cheveux bleu. Il lâche sa prise et s'étale au sol, un filet de sang sortant de sa bouche. Le choc lui a ouvert l'intérieur de la lèvre.

La jeune femme se dégage les bras de ses deux bourreaux, se précipite vers les ruines encore fumantes du palais au loin, à quelques centaines de mètres. Elle trébuche, épuisée par les évènements, s'écrase au sol.

" Putain ... "

Yuki reste étalée sur le ventre quelques secondes, épuisée et perdue. Ses ongles grattent rageusement la terre stérile de laa carrière sous ses doigts. Des pas se rapprochent petit à petit d'elle, s'arrêtent à sa hauteur.

- Yuki ... Nous venons à peine de nous rencontrer ...

Kurô se penche doucement vers la pyromancienne. Ses grandes mains pâles viennent lui caresser affectueusement le dos, et le démon s'agenouille près d'elle, de la peine plein le coeur.

- J'aurai préféré que ce soit mon frère qui fasse nos présentations .... Mais les Douze en ont décidé autrement.

A la simple mention de Shirô, Yuki se mit à sanglotter de plus belle, frappant le sol de son bras biomécanique.

- Nous aurions tous aimé lui dire au revoir dignement, je sais. Nous aussi ...

La douce chaleur dégagée par sa main fait se calmer les sanglots incontrôlables. Yuki se relève péniblement, tremblant des pieds à la tête. Le démon blanc se redresse à son tour, contemplant l'horizon violacé par les premières lueurs du jour.

" Personne n'a pu le ramener ... Je n'ai même pas pu épargner son corps ..."

Des bras consolateurs viennent l'aider à se relever, l'enserrent affectueusement.

- Hots ... Tsuki ... Gémit-elle.

Le démon ne put soutenir le regard de son amie. Des larmes montent dans ses yeux, il s'effondre.

Prince d'Opale la prend dans ses bras, dépassé. Il ne sait plus quoi dire, quoi faire, et se laisse tomber à genoux, contre son amie. Un flot de larmes vient tous deux les noyer, unissant leur peine.

Ils avaient besoin d'eux, mutuellement. La perte de leur compagnon leur transperce le coeur et la tête, et seule cette étreinte, aussi futile puisse-t-elle être, les réunit dans la douleur.

Au loin, la silhouette poussiéreuse de Samuel Blake apparaît dans les décombres. Il traîne avec lui les trois paquetages de ses comagnons, oubliés auparavant dans les caves au sous sols du plalais de Naoki.

A bout de forces, couvert de coupures et d'ématomes, le colosse barbu se laisse tomber lui aussi contre un tas de débris, s'allume une cigarette à la cerise, contemplant le ciel de Körangar à travers la fumée fruitée de sa clope.

- Kurô ...

Le démon tourne la tête et l'interroge du regard.

- On rentre maintenant.

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