Chapitre XXI - La Prophétie perdue

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Ludwig arriva dans les quartiers de Shaïtana une dizaine de minutes plus tard. La jeune femme et ses soldats montaient déjà un rapport concernant le sujet évadé. Vraisemblablement, l'incident semblait très récent.

Il se pencha immédiatement vers les traces de sang qui rampaient sur le sol de pierre. Le dauphin prit la peine d´enfiler un gant de soie avant de toucher les traces noires du bout de ses doigts. Il sortit de sa sacoche une petite pipette, un cotton et de l'alcool à 90. Il entreprit ensuite d'imbiber le cotton de ce sang si noir, avant de l'introduire dans le contenant de verre. Ceci fait, il versa par la suite très précisément dix gouttes d'alcool, soit dix millilitres de liquide dans le tube à essai. Il le referma sous le regard éberlué des soldats, n'ayant que rarement vu le dauphin pratiquer son art devant leurs yeux.

Mais pourquoi Sa Majesté ramassait-il le sang putride de ce prisonnier ? La raison est bien simple. Obtenir une analyse très rapide de sa composition. Une légère pointe de satisfaction au fond de sa poitrine, il sortit à nouveau de sa besace une petite fiole de verre. A l'intérieur de celle ci,une poudre blanchâtre. A l'aide du bec verseur de la fiole, il en verse quelques cristaux à l'intérieur de la pipette.

Ludwig agite quelques peu la fiole. A l'intérieur, la solution ainsi obtenue se mit a briller d'une lueur bleutée. Un soupir d'emerveillement parcouru le cercle qui s'était formé autour de lui.

Le dauphin se relève, et range la fiole dans un portoir de cuir a l'intérieur de sa besace.

- C'est bien du sang de ghoule. La Limazurine a parlé. Je vous propose donc de suivre ces traces et de retrouver cette créarure, mon colonnel.

Shaïtana obtempéra. Elle tourna les talons, et ordonna à son unité de se diviser par groupe de deux, afin de mieux superviser la zone. Chaque soldat se rendit immédiatement à son poste sans broncher. Il ne restait plus à présent que la jeune femme et le dauphin.

- Bien, Ludwig. Je vous propose de descendre dans les sous sols menant aux caves.

- Cela me semble être une exellente idée. Cependant, je vous demanderai un instant. Il me faut recharger mon condensateur avant de m'aventuer dans les égouts.

Il sortit de sous son manteau un petit boitier de cuivre et de bois, rattaché à sa ceinture. Deux grosses bobines, l'une de zinc et l'autre de cuivre, ressortent de la machine. Le reste du mécanisme est plongé dans un liquide laiteux. On arrive à distinguer la substance a travers les grosses fioles de verre qui dépassent du boîtier. Ludwig décroche l'étrange objet de son corps, relié à celui-ci par un gros câble courant dans son épaule. À l'intérieur de celle ci, le tuyau se prolonge et se faufile au travers de ses chairs, jusque dans sa main droite. C'est cette grosse boîte et cet ingénieux système qui confère ses capacités d'alchimiste à n'importe quelle personne.

Au fil des millénaires et des avancées technologiques de l'Empire, les hommes avaient enfin trouvé un moyen de répliquer contre les surnaturels et de palier à leur faiblesse magique par l'alchimie, le noble Art. Les Alchimistes sont l'élite de l'Empire, et leur technologie si avancée en matière scientifique leur permet encore aujourd'hui d'imposer la suppématie de l'Empire Akumarmoricain sur n'importe quel pays de l'Ouest.

Il y a déjà six cent ans, cette technologie si unique et mystérieuse aux étrangers leur avait permis de gagner la grande guerre et de conquérir de nouveaux territoires encore peu disputés. La poudre à canon fut sans doute leur pièce maîtresse à cette époque pour gagner ce conflit. Les bombes et les canons, déjà en ce temps, dûrent décimer une grande partie de la population insulaire. Et depuis quelques dizaines d'années maintenant, les progrès de la science avancent à grand pas.

Suite aux recherches des savants sur leur monde et les sujets détenteurs de magie éléctrique, l'Empire avait réussi à maîtriser l'énergie éléctrique, et inventé de ce fait la bobine. Ces machines, d'abord monstrueusement lourdes, imprévisibles et puissantes, ne restèrent pas longtemps des phénomènes de foire. En seulement deux décennies, les chercheurs abatirent un travail colossal.

Ils finirent par maîtriser parfaitement les bobines, et les rassemblèrent dans des entrepôts, dans le but de relier les villes entre elles, via d'immenses câbles souterrains. Ainsi, tous les civils vivant dans les grandes villes profitent de l'éclairage et de l'énergie électrique, profitant ainsi aux usines et aux commerces, qui peuvent à présent fonctionner de nuit. Il ne faudra que très peu de temps pour que ce système en pleine expansion ne s'étende au monde entier. Mais outre les bobines, ces mêmes chercheurs de génie trouvèrent une nouvelle manière de combatre l'ennemi, en créant la biomécanique.

Ce fut grâce à l'avènement de celle ci que naquit une nouvelle manière de combatre, grâce à l'alchimie. D'abord des plus théoriques depuis des centaines d'années, personne ne semblait pouvoir y croire. Il ne manquait aux hommes plus qu'une source d'énergie suffisement viable pour en appliquer les principes, et trouver une toute autre utilisation aux vieilles formules et expériences de laboratoire.

Chaque alchimiste possède un condensateur d'énergie, lui servant de réserve lors des combats. La puissance, la force et l'intensité des ondes électiques du mécanisme varient selon l'individu, sa corpulence, sa force, son âge, ect ... Ce condensateur, rechargeable sur une bobine, est directement relé au corps de son porteur via des câbles conducteurs. Une opération délicate et coûteuse est effectuée sur châque individu, pour pouvoir combatre. Cette intervention est irréversible. Le câble, lui aussi très cher, car revêtu de plastique, cours le long des os du bras et de la moelle épinière de son porteur. Ainsi, selon son bon vouloir, le porteur possède une arme redoutable si il sait la maîtriser.

Quelques minutes plus tard, un laquais avait apporté au dauphin un double de son condensateur, chargé au maximum. Celui ci le rebrancha à sa ceinture, et le raccorda au câble d'alimentation situé sous son épaule droite. Ainsi prêt, il fit signe à Shaïtana d'y aller. Munis de grosses lampes à incandescence, eux et leur garde descendirent les escaliers vers les caves.

***

Shirô s'agenouilla près de Yuki. Guidé par le Galdr, le démon commença à fouiller dans le tas de pièces devant eux, ses mains plogeant dans les atalles avec vivacité. Le vif tintement de la monnaie résonne clirement dans la salle et la jeune femme, subjuguée, regarde faire son compagnon. Quelques secondes plus tard, les larges mains de la furie butent contre ce qui lui semble être un coffre. Il le saisit, puis commence à le tirer vers lui.

Il finit enfin par retirer le fameux coffre du tas d'argent. Petit et très lourd, l'objet semble être de facture naine, paré, comme son sabre, de dessins géométriques, dans un style qu'il ne connaît que trop bien, le Waldalgesheim. Un simple loquet de bronze ferme le petit coffre.

Yuki, les yeux équarquillés, dévisage son compère. Là, sous ses yeux, se trouve un objet d'une facture si fine et délicate qu'aucun homme ne peut la réaliser.

- Shirô, c'est ...

Celui ci hoche la tête. Ils échangent un regard, puis un sourire. Ils ne peuvent y croire! Enfin, l'artéfact se trouve entre leurs mains. Le démon tend fébrilement l'objet à Yuki, encore munie de sa besace. Elle n'hésite pas iujne seconde à la vider des bijoux qu'elle contient pour y acceuillir le précieux artéfact.

- Nous pouvons rentrer chez nous.

Le démon se relève, réajuste son sabre à sa ceinture, le coeur léger.

Quelques pièces dégringolent d'un tas non loin de là.

" Shirô, attention !!! "

Un fracas retentit dans la salle. Une ombre fulgurante surgit de nulle part, placarde Yuki au sol. A peine eut elle le temps de distinguer, à quelques centimètres de son visage, une gueule putride envahie de crocs accérés que la créature s'est déjà jetée sur Shirô. Il avait à peine eut le temps de dégaîner son sabre que le monstre l'avait écrasé contre le sol, accompagné d'un craquement sinistre. Son arme avait volé à deux mètres de lui, et gisait maintenant au sol, impuissant.

La pyromancienne se relèv péniblement, son coeur bat à cent à l'heure. Elle ammorce un mouvement d'attaque, dégaine alors un couteau.

" Quelle arme dérisoire ... Que vais-je faire avec ce cure dent ? ... " Se dit-elle en contemplant le tranchant de la lame tendue devant elle.

Soudain, la créature siffla, projettée contre des statues de marbre à quelques mètres d'eux. Shirô se relève, le souffle court. Sans hésiter un seul instant, il se jette sur son armer, tente de la rattraper, mais le monstre putride se matérialise à la vitesse de l'éclair devant eux, projette une nouvelle fois violemment la furie contre les murs de la salle.

Horrifiée, Yuki amorce une attaque, mais la voix enrayée de son compagon la stoppe dans soin élan.

- Yuki ! Barre toi ! Crache-t-il entre deux glairs de sang. Emmène le coffre et Hotsuki avec toi ! Hurle-t-il alors qu'à nouveau, l'ombre informe se jette contre lui.

- JAMAIS ! Plutôt crever que de te laisser ici !

Dans un hurlement de rage, pyromancienne se jette à corps perdu contre la chose. Instantanément, elle se volatilise dans une essaim putride. L'espace d'un instant, elle aurait crû voir des milliers de veuves noires courir sur le corps de son compagnon. Repoussant un haut le coeur, elle fait volte face, campée sur ses jambes, le couteau dressé devant elle, prête à parer, protégeant la furie.

" Grimm ... Appelle moi, par tous les dieux ! "

Le démon se relève à son tour, campé lui aussi sur sa position de défense. Himminin fulmine. La lame redoutable suinte une aura grasse, tremble dans la main de son détenteur. Pourtant, entrer en résonnance, ne serait-ce que de moitié avec son démon les ferait tous mourir, le fracas engendré ne ferait qu'attier l'ennemi vers eux.

- Yuki, je t'en prie, sauve toi !

La jeune femme plonge son regard émeraude dans l'abysse de celui de son compagnon. Elle soutient cet oeil aussi sombre que le Hellheim, plus déterminée que jamais.

- Cela fesait longtemps que je ne t'avais point vu ...

Yuki se retourne. L'essaim archnoïde se reforme, prenant petit à petit forme humaine. Devant elle se tient ... Une femme.

Et quelle femme ! Des courbes graciles, voluptueuses, forment son corps, diamétralement opposées à la carrure presque masculine de Yuki. De longs et soyeux cheveux ébène, ondulés comme des vagues, coulent dans le dos de celle ci, et encadrent un ravissant viage au teint de porcelaine, illuminé par deux yeux en amande, vert émeraude.

Elle s'avance lentement vers eux. Sa démarche, presque fantômatique, sors Yuki de son état de sidération. Elle reprend bien vite ses esprits, et commence à s'élancer hargneusement contre ce qu'elle devine être son ennemi.

" Ce n'est pas possible, une femme aussi belle ne peut être que le fruit d'une illusion ! "

Elle abat son coutelas droit sur la jeune femme. Celle ci disparait dans un cri déchirant, et son corps se désagrège dans ce que Yuki avait bien identifié précédemment comme un essaim de veuves noires.

" Une ghoule..."

- Shirô ! Sauve toi !

Mais Shirô avait laissé tomber son sabre au sol. Planté comme un piquet de bois, il a le regard plongé dans celui du monstre en face de lui. Comme pétrifié, hypnotisé par cette jeune femme à la beauté divine, il ne réagit même plus aux hurlements désespérés de Yuki.

- Mephisto ...

" Sale engeance de Pheles ! Arrière ! Une fois de plus, tu viens souiller l'avenir de nos peuples !"

Un sourire surnaturel s'esquisse sur le visage de leur adversaire. Le grand Himmin lui adresse la parole. Deux canines luisantes apparaissent entre ses lèvres rosées, elle essuie une goutte de salive qui perle entre ses lèvres.

- Il me tardait tellement de te dérober ... Mephisto Grimm. Je savais que nous nous reverrions un jour, seulement ... Je n'aurai jamais pensé te retrouver aux côtés qu'une autre femme que moi.

Sur ces mots, la ghoule pose une main délicate aux ongles pointus sur la joue du démon, pétrifié sur place. Une aura que Yuki ne fait que subir, écrase de plus en plus les alentours, ciblée sur le démon.

Himminin hurle à son porteur de se transformer, dévore ses chairs de l'intérieur, lacère l'intérieur du sabre qui contient ses pouvoirs si fort, que l'arme tremble sur le sol, suintant une aura noire, grasse et putride. Mais rien n'y fait. Trois ans après, le charme de Yumi opère toujours sur le guerrier. Il ne peut rien faire, n'a plus aucune volonté. Une fois, une seule, il avait réussi à briser le sortilège par sa seule volonté. Mais à l'époque, ses pouvoirs étaient tels que Grimm rasait des villages entiers sans même entrer en résonnance.

" Shirô ... Tu n'es plus que l'ombre de toi même, tu n'es plus rien ... Je ne puis rien faire pour ton salut. "

Mais Shirô n'entend même plus les menaces de la furie. Il n'est plus qu'une ombre, endormi, ressentant son environnement comme à travers un écran de fumée.

Yumi rapproche son visage de celui de Grimm, attrape sa fourrure de yach par le col, ramenant la tête du jeune homme vers la sienne.

- Reviens moi, mon aimé ... Donne moi ton Pouvoir...

Elle pose ses lèvres sur les siennes.

Le temps semble s'être arrêté. Yuki, toute aussi pétrifiée que son compagon, assiste à la scène, impuissante. Sous son regard rempli de haine, la ghoule embrasse le démon, et le vide de son énergie vitale. Aux pieds de la furie, Aogrein Na Himminin s'affaiblit, les volutes de Galdr s'ammenuisent pour finir par s'évaporer dans les airs.

Dans un souffle, avant de s'endormir aux tréfonds des chairs de son réceptacle, maintenant vidé de toute magie, Himminin souffle, dans un râle désespéré.

"RAAAAH !!! ... Seuls les Dieux désormais pourront te sauver, et nul autre que Pheles pourra guider tes pas à présent... Je ne suis plus ton maître désormais, mais malheureusement ton ennemi ...Je ne peux pas repousser plus longtemps la malédiction de la Horde ! Vas, fils de Black Dog, accomplis ce que tu as à faire ... La seule façon désormais de récupérer tes pouvoirs sera de ... Gratter .... Le Ciel. "

Le jeune homme s'effondre au sol, vidé de toute énergie. Dans un hurlement d'agonie, le fantôme de Himminin s'échappe du corps de son porteur, avant de se terrer au plus profond de sa chair.

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