Chapitre XIII - Teirloa' renn

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Le froid dévorait Yuki. Elle perdit connaissance quelques secondes après avoir compris qu'elle était sauvée. Shirô se dépêcha de la sortir de l'eau à l'aide d'un filet de pêche, qui traînait sur le pont du thonier, aidé de Hotsuki, qui n'avait pas eu trop de mal, comparé à celle ci, à se sortir de l'océan, son élément.

Les deux démons la balancèrent au plus vite dans le cock pitt du navire, à l'abris du froid et des embruns. Le démon dragon, bien que totalement au bout de sa vie et souffrant le martyr s'afférait à trouver des couvertures dans la cabine, alors que son compagnon fesait repartir le bâteau vers le large au plus vite. A la seule force de ses bras, il leva la grand voile, serra le génois sur babord et bloqua la barre franche vers le sud ouest de la baie bien solidement.

Ceci fait, il se rua sur son amie frigorifiée, enroulée dans des couvertures.

" Mais quel con ! " Se dit-il en voyant que Hotsuki l'avait laissée dans ses vêtements trempés.

Ce dernier s'était volatilisé dans une des cabines, sans doute occupé à panser ses plaies. Le colosse soupira d'exaspération. Il était encore groguis de sa résonnance avec Himminin, et en plus il devait s'occuper des handicapés !

Il s'affaira à désaucissonner Yuki de ses couvertures. Elle avait l'air totalement hors service, tout comme son bras, dont certains câbles et tuyaux avaient été arrachés il y a quelques temps, durant la bataille. Il pendait d'un emanière molle et désarticulée à son épaule gauche, dans un angle des plus inquiétants.

Avec une rare apréhension, Shirô enlevait les couches de tissus qui convrent la peau de la jeune femme. Il arriva trop vite à son goût à sa chemise. Il prit une grande inspiration, plissa une dernière fois les yeux avant de se lancer dans la gueule du loup, craignant de perdre la vie suite à ses prochaines actions.

Il déboutonna le morceau de tissu. La peau de son amie avait prit une teinte bleutée qui n'annonçait rien de bon. Son corps d'habitude si impressionnant pour une femme se laissait mollement faire, ballotté dans les grandes mains caleuses du jeune démon. Elle lui paraissait à présent si faible ...

" Elle est toute trempée ... " Songe Shirô en regardant autour de lui, en quête de tissu sec pour la frictionner. Il n'en trouva point à portée de main, même après plusieurs minutes de fouilles infructueuses. Il finit par retirer le large morceau d'étoffe qui maintenait la ... chose ... ? Qui lui servait à couvrir ses épaules. Les restes d'une large étoffe qui formait jadis une écharpe fort confortable. L'épais tissu de feutre vermillon ferait parfaitement l'affaire pour cette fois.

Tout en la frictionnant énergiquement à l'aide du tissu, il constata l'horreur des blessures qui courent sur tout son corps, en plus de celles qu'elle s'était infligée intentionnellement pour sauver leurs peaux.

Là où la jeune femme à arraché les câbles de sa machine suinte de la lymphe, du sang, du pus. Un rictus de douleur tord d'ailleurs son visage malgré son inconscience.

" Quel gâchis ... " Songe-t-il.

Une grande trace de brûlure, assez ancienne, traverse son sein gauche. Trois grosses griffures lacèrent sa cuisse du même côté, remontent son aine jusqu'à son flanc avant droit. Son regard fait rapidement le tour des nombreuses blessures qui la lacèrent de part en part. Il n'arriva pas à les compter, d'ailleurs. Il ne préféra pas plus s'attarder sur les mutilations laissées à l'endroit de l'implantation de son bras biomécanique, on aurait pu croire que la peau avait fondu autour des tuyaux.

La seule chose plaisante sur ce corps malmené par la vie devait bien être son tatouage. Une rose des vents rouge et dorée sur son coeur ... Quoique cette chute de reins n'était pas non plus si déplaisante .... Son port de poitrine non plus d'ail...

" Eh ! Fais ce que tu as à faire au lieu de fantasmer sur une femme à moitié morte ! "

Shirô pesta contre Himminin. Toujours là pour gâcher sa vie.

Vexé, sentant d'autres pics se préparer à être lancés pour le moindre faux pas, il ferma son esprit, ne laissant aucun sentiment paraître. Ses grandes mains allèrent étaler sa grande peau de yack noire sur une couchette de la cabine. Shirô souleva ensuite la pyromancienne avec la plus grande délicatesse dont il pu faire preuve, et la déposa ensuite sur la fourrure chaude et bien épaisse.

Ceci fait, le démon sorti immédiatement de la cabine, et s'occupa en premier lieu de trouver une corde pour faire tenir sa longue crinierecrinière en une imposante queue de cheval derrière son dos. Le froid lui mordit d'ailleurs furieusement la peau. Le jeune homme trouva bien vite ce qu'il cherchai et s'empressa de la nouer autour de sa crinière, manquant au passage de laisser ses précieuses fesses à la merci des embruns glacés. Le tout bien attaché, il ne perdit pas de temps et vérifia bien attentivement la trajectoire du navire.

Bien qu'il ne connaisse strictement rien à la navigation, le jeune homme n'était pas suffisemment stupide pour laisser l'esquif aller à la dérive où bon lui semble. Une fois qu'il serait remi

s sur pied, il laisserai Hotsuki s'occuper du bateau.

Shirô rentra bien vite dans la cabine, une quinzaine de minutes plus tard. Il était pressé de se réchauffer avec un bon café. Il alluma la bouilloire sur le réchaud, un luxe qu'il y en ai un de présent dans la cabine, d'ailleurs. Il jeta un oeil à la porte de la cabine du fond, là où s'était terré Hotsuki. Il n'y avait aucun bruit. Sans doute avait il pansé au plus vite ses plaies et sombré dans un sommeil de plomb.

Il posa son regard sur Yuki.

Elle ne cessait de trembler, malgré les moyens mis en oeuvre pour la soulager. La furie s'approcha doucement d'elle, à bout de force. Il n'avait plus ni l'envie, ni la volonté, ni la capacité de réfléchir correctement. Le jeune homme ne désirait qu'une chose en ce moment, de la chaleur ...

Il s'affala sur la couchette près d'elle, remis en place son pantalon, qui ne cessai de tomber, mal fixé. Shirô se cala bien confortablement entre l'alcôve de bois formée par la petite couchette et son dossier. Ses bras ramenèrent sans efforts le corps inerte de la jeune femme, près de lui, sur ses genoux. On recala bien les peaux autour des épaules avant de se laisser aller à somnoler.

La bouilloire se mit à siffler la sainte mélodie du café une dizaine de minutes plus tard.

Le bruit traversa la porte de la couchette du fond et réveilla au loin Hotsuki. Tous les maux du monde semblaient traverser sa chair, mais il est vrai qu'une bonne boisson chaude réconforterai les coeurs de nos trois compagnons. Avec la plus grande volonté du monde et non moins d'efforts titanesques, le démon bleu traîna sa carcasse hors de ses couvertures, trébuchant contre les bandages et les bouteilles de désinfectant.

Il tendit avec de grandes difficultés la main vers la porte de sa cabine, ouvrit le panneau de bois. Péniblement, il s'assied sur le rebord de sa couchette, une main tenant ferment son bras bandé, brûlé au second degré par Hermann.

Sa vision floue mit quelques minutes à repérer les lieux. Finalement, il se trouvait bien dans la cabine de Teirloa' renn, le petit thonier avec lequel ils avaient fui Telmar. Avec un grognement de douleur, le démon se lève, s'aidant du mobilier pour arriver à la bouilloire.

Les mains tremblantes de fatigue et de douleur, il se sert non sans quelques problèmes moteur une tasse de café fumant. Au delà de ça, son ventre crie famine, et rien d'autre au monde n'aurait fait plus plaisir à Hotsuki que de manger de bonnes crêpes au sucre.

" Ce ne sera pas pour tout de suite ..." Se dit il, ses yeux perdus dans le vague, observant tendrement ses deux compagnons affalés sur la banquette-couchette du centre de la cabine, lovés tous deux dans les peaux de la furie.

Le démon noir s'était assoupi paisiblement, épuisé. Sa tête repose contre celle de Yuki, le visage de celle-ci calée contre le torse charnu du jeune homme. Les grandes paluches de Shirô sont posées de part et d'autre du corps de son amie, protectrices et rassurantes. Le sabre maudit de la furie noire est posé à portée de ses mains, comme toujours.

Il tourne la tête vers le bout de ciel étoilé qui filtre à travers la cabine du bateau. le démon n'a aucune envie de sortir ne serait-ce qu'un orteil au dehors, il a bien trop froid pour cela. Mais un épais nuage de fumée noire et un halo violacé dans le ciel lui temoignent encore de la proximité de l'horreur à laquelle ils avaient fait face.

Il repensa aux esclaves de l'OBC Balathar, passa sa main dans sa nuque avec un léger rictus de douleur.

Hotsuki alla s'asseoir à la table à carte, sa tasse à la main. Ses doigts fouillent les tiroirs, les étagères, en quête d'une carte, d'un sextan et d'un crayon. Il les trouve bien vite, mais le pauvre jeune homme n'a pas non plus la foi ni les moyens mentaux pour le moment de tracer sur le papier leur chemin de retour. Il calculera cela plus tard. Pour le moment, une bonne sieste s'impose.

***

Quelques heures s'écoulèrent calmement au sein de la cabine du petit esquif. L'aube pointait le bout de son nez à l'horizon, rendant le ciel malade, teinté d'un bleu cadavérique saupoudré de la morosité des nuages annonçant une tempète de neige.

Hotsuki se perdait dans ses pensées, euphorique sous l'emprise des médicaments contre la douleur. Son flanc le lance de plus en plus. Il a beau se tortiller pour se mettre à l'aise, il n'a d'autre choix que d'attendre que Shirô se réveille. Il ne peut se soigner seul ni recoudre ses plaies aussi bien que son compagnon.

Il grogne de douleur, plaquant la paume de sa main contre sa blessure.

- Me donneras-tu un jour la signification de cette marque ...

Il sursaute. Shirô l'as entendu bouger sur son tabouret. Il lui en faut peu pour se remettre prêt à l'assaut. C'est épatant.

Quelques minutes s'écoulent, ryrhmées par le clapotis des vagues. On les ressens très bien à l'intérieur de la coque de Teirloa' renn. Elles viennent lécher les planches vernies de l'autre côté.

Le silence se brise enfin.

- ᛟᚱx001. Démon légendaire type dragon. Numéro un.

Hotsuki retint ses larmes en pronnonçant ces mots. Seul Yann et les arrivés de la Vague en connaissent la signification.

Shirô s'en doutait depuis le début. Enfin, son compagnon soulève un des nombreux voiles qui recouvrent sa vie passée. Il ferme les yeux, réfléchis.

- Pardonne moi ...

La voix de Hotsuki se casse, des larmes montent aux yeux du Prince d'Opale. Il ne peut se retenir plus longtemps. Depuis plus de deux ans, il refoule cette part de lui au plus profond de son coeur, dissimule sa honteuse marque ancrée au fer rouge d'esclave, dans sa chair. Sa nuque marquée à vie par cet affront se dissimule sous sa masse de cheveux délavés, comme une armure.

Il pose sa main sur cette cicatrice. La douleur le brûle toujours autant, même après dix ans de cicatrisation. Ce n'est pas la chair qui est mutilée, mais l'homme au plus profond de lui. Une blessure qui lui est pour l'instant impossible à refermer.

- Je ... Je ne suis pas ce que tu crois ... Je ... Je voulais juste que ... Que ... Etre libre un jour ...

Shirô se redresse sur la banquette, fesant attention à ne pas réveiller Yuki, toujours blottie contre lui. Une légère gêne s'installe dans son esprit quand il s'apperçoit que Hotsuki est là depuis un bout de temps. Il a sans doute remarqué la nudité de leur camarade depuis un bout de temps. Il déglutit discrètement.

- J'ai mes démons, tu as les tiens. Tu n'as pas à te justifier.

Shirô fait un peu plus sérieusement le tour de la pièce des yeux. Il y règne un bordel du diable. Tout est sans dessus dessous, aussi bien pour leurs effets personnels que par rapport au matériel du bateau. Sur la table pliante au centre de la cabine, il repère un petit coffre en bois.

" Il n'était pas là avant ..." Songe le jeune homme.

Intrigué, il commence à se relever, non sans douleur et courbatures. Malgré ses efforts pour s'extirper des peaux où il est emmitouflé, il réveille son amie au passage.

Dans un grognement fort mécontent et courbaturé, la pyrokinésiste se relève doucement, prenant appui sur les cuisses de Shirô. Elle se frotte énergiquement l'oeil.

- Roh bah ... je suis désolée les mec mais ... Je crois avoir parlé avec les dieux là haut là ... Bah ... je crois qu'ils ont pas voulu de nous ...

Elle balbutiait des phrases incohérentes, sans doute encore plongée en plein dans un rêve délirant. Les garçons esquissèrent un sourire complice.

- Je crois qu'ils en ont marre de nos tronches ...

Son regard se pose sur le corps de Shirô, près de son visage. Son cerveau fait à ce moment même le lien. Dans un hurlement de surprise hébété, Yuki se redresse d'un coup, cachant sa poitrine du mieux qu'elle pu avec les peaux qui l'entourent.

Shirô comprit alors qu'il venait de signer son arrêt de mort. Il sauta, plus rapide que l'éclair hors de portée du poing meurtrier de la jeune femme, crachant et jurant tous les maux de la terre à son visage.

- Non mais c'est pas possible de se traîner la couenne avec des branques pareils !!! Et tois viens par là ! Vocifère-elle à l'attention de Grimm. Viens par là que je t'arrache des couilles, ça te fera des boucles d'oreilles !!!

Hotsuki se mit à éclater de rire. Les répliques de son amie, lorsqu'elle était en colère vallaient tout l'or du monde ! Il ne tenaitt plus sur sa chaise, et les rires sortant de sa gorge le fesaient souffrir le marthyr, mais par tous les Dieux, que c'est bon de retrouver Yuki en forme !

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