Prologue

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Il faisait froid cet hiver là, en ce jour enneigé, dans le petit village d'Akon, coincé entre les deux grosses montagnes de la chaîne Sinaï et la grande forêt de conifères et de feuillus. Les branches de ces derniers, dénudées, arboraient leurs excroissances noueuses, comme de longs doigts torturés. Le vent glaçant faisait mugir et grincer les bois, s'engouffrant entre les montagnes aux hauteurs dissimulées par la brume. Cette forêt éventrait l'empire Akumarmoricain d'Est en Ouest, avalant le bout de la pointe d'York jusqu'aux chaînes montagneuses du grand Ouest.

C'est ce jour là, dans ce petit coin de pays tranquille que tout à commencé.

- Maman ! Raconte nous une histoire !!!

- Mais enfin mon chéri, il est tard et...

Marina fut coupée par les grognement de son fils. Elle passa sa main dans les folles mèches d'un noir de jais de son enfant, un tendre sourire aux lèvres.

- S'il te plaît ...

Elle ne pu résister au regard suppliant de celui ci. Marina se redressa sur son rocking chair et lissa les plis de sa longue robe noire. Sur ses doigts de porcelaine, longs et graciles, brillait un fin anneau d'argent.

- Laquelle veux-tu ? Fit elle, amusée par l'enthousiasme de sa progéniture.

- Hmm ...

Le doigt écrasé sur sa petite bouche, l'enfant fit mine réfléchir très profondément. Mais au fond, Marina savait déjà à quelle histoire elle allait avoir à faire ce soir là. C'est à ce moment là que la porte d'entrée s'ouvrit dans un grand courant d'air glacé. Son deuxième fils apparut sur le pas de la porte, sa tignasse argentée malmenée par le blizzard qui fesait rage dehors. La jeune femme se pencha alors vers la cuisine, qui donnait sur le salon, pour mieux voir les nouveaux arrivants.

Une seconde tête apparut dans l'entrebaillement de la porte d'entrée, que son deuxième enfant refermait. Une petite fille du même âge que ses fils s'y tenait, droite comme un piquet.

- Vas-y ! Entre ! l'encouragea le petit garçon, les yeux remplis de malice.

Elle s'engouffra timidement dans la maison, tandis que le jeune garçon alla s'affaler devant la cheminée, près de sa mère. Il s'étira avec un soupir d'aise, et se pelotonna dans une couverture laissée près de l'âtre. Plus loin au fond du salon, la fillette détailla du regard l'agencement de la cuisine, après avoir passé la grande ouverture qui menait à la salle à manger, non sans loucher sur l'assiette de biscuits posée sur la table.

- Prends-en un, si tu en as envie. L'invita la jeune femme. Viens t'asseoir.

Ses yeux s'illuminèrent. Des yeux d'un vert pomme brillant. Elle prit un biscuit et alla prendre place entre les jumeaux, sur le tapis de peau d'ours, près du feu. L'air impressionnée, la petite fille mâchait son biscuit, les yeux ronds comme des billes, en contemplant les tableaux accrochés aux murs de pierre, les armes et tapisseries exposées aux murs, l'immense bibliothèque dans le mur du fond, les herbes qui séchaient au dessus de sa tête, pendues par la tige aux épaisses poutres de bois.

- Alors alors ... Commence Marina. Quelle histoire voudriez vous que je vous raconte ? Fit elle en posant la bobine de laine qu'elle était en train de filer.

- L'histoire du troll qui mangeait des elfes rôtis ! Hurla le premier en levant les bras au ciel.

- Non ! Moi je veux celle des pirates qui combattent des gobelins ! Lança le second, des étoiles plein les yeux.

Sentant la dispute arriver, la mère les fit taire avant de leur proposer autre chose.

- Et si je vous racontais quelque chose de vrai ? Et si je vous contais ... L'Âge d'Or ?

Une lueur de curiosité se mit à pétiller dans les yeux des enfants. Captivés, ils en avaient oublié leurs querelles entre pirates et trolls. Elle prit une grande inspiration, et plongea ses beaux yeux noir dans les flammes.

- Bien ...

"Il y a de cela six cent ans, les terres Akumarmoricaines étaient peuplées de monstres et de merveilles. Bien des peuples et des civilisations vivaient depuis la nuit des temps sur ces terres, dans la paix.

Oh, il n'y avait ni roi, ni princes ni empereurs, car tous vivaient sous la bienveillance des Douze. Douze Dieux. Et chaque peuple vénérait le ou les Siens.

Les sorcières adoraient Sidh, tandis que les Lycanthropes - comme votre père - n'obéissaient qu'à Fenrir. Les dragons n'avaient d'yeux que pour Loreleï et ne craignaient que Jormündgandr, et les nains faisaient chanter l'acier et le cuivre au coeur des montagnes du Nord.

Mais un jour, les Hommes, venus par delà le grand Océan Austral débarquèrent sur le continent. Malheureusement, leur nombre et leurs armes eurent raison de tous. Les dragons eux mêmes se retirèrent par delà la Faille, et personne ne les revis jamais.

La guerre était perdue, et leur roi, perfide et cruel, réduisit toute créature des Douze en esclavage, sinon Grimm venait nous prendre la main pour nous emmener au Hellheim. Notre civilisation s'écroula en même temps que la puissance des Douze. Usant de ses forces et de l'énergie des dieux, il enferma ces derniers dans le Hellheim, les privant de leurs pouvoirs à jamais. "

Un silence pesant s'abatit sur la salle à manger. Les trois enfants dévisageaient Marina.

- " Mais il restait encore un espoir. Reprit elle.

Hitsugi, le père des Psychopompes, eut le temps d'enfermer l'énergie de ses enfants dans un artéfact. On raconte qu'il est assez puissant pour ouvrir une brèche dans le Hellheim, et ainsi libérer les Douze.

Cependant, seul un être, choisi par les Psychopompes, peut être désigné pour revenir d'entre les morts, et libérer notre peuple. "

Silence. Il était solennel, entrecoupé par les crépitements du feu et les grincements de la fenêtre malmenée par le vent.

- Tu sais qui est choisi pour ... euh ... lançait timidement le premier marmot.

- Non. Répondit la jeune femme. Personne ne sait qui peut être choisi, et personne ne sait où se trouve l'artéfact, que les légendes appellent l'Oeil des Dieux. Certains sages disent qu'il serait au plus profond du World's End, protégé par les Dragons. Mais ce sont de vieilles rumeurs qui...

- Moi je suis sûr que papa le trouvera ! La coupa le petit brun. Avec son grand sabre, il va découper le dragon qui le garde en rondelles !

- Oh ... Je ne pense pas ... Ton père à autre chose à faire que de courir après des chimères à l'autre bout du monde. Il a déjà suffisemment de boulot à la guilde.

- La guilde ?

La petite rouquine la regardait de ces mêmes yeux vert, encore plus pétillants que tout à l'heure.

- Tu connais pas ?! Explique-lui maman !

Le petit garçon s'était levé pour aller chercher un biscuit sur la table. Il en rapporta un à son frère et à son amie, avant d'en propoer à sa mère, qui finit par prendre le cadet de ses fils sur ses genoux.

Le parfum de ses cheveux chatouilla les narines de la jeune maman. Une vague tiède envahit son coeur alors qu'elle serrait la chair de son sang contre sa poitrine.

- Il existe plein de guildes différentes, mais seulement trois ressortent entre toutes. Spirit Lord, Death Under Soil et l'Organisation, la plus grande de toutes. S'il n'y avait pas eu de guildes, tout le monde aujourd'hui penserait que les gobelins et les trolls ne sont que des contes pour enfant. Les guildes rassemblent les derniers Surnaturels présents dans l'empire, prennent soin d'eux, et permettent d'organiser la Résistance. C'est à ça qu'elles servent.

Marina jeta un regard au coucou qui trônait sur la cheminée, et s'apperçut qu'il était déjà tard. Elle ne voulait pas non plus trop en dire, pour ne pas alerter les plus méfiants du village. Certes, la petite connaissait ses enfants, mais elle n'était pas sûre que trop s'étendre sur le sujet soit une bonne chose. Son statut de conteuse et guérisseuse lui allait parfaitement.

- Allez ! Tout le monde au lit !

- Mais non ! On s'agita sur ses genoux.

- Si si ! Et tu ferais mieux de te depècher de monter dans ta chambre si tu ne veux pas que ton père te botte les fesses, jeune garnement !

- Pff ... Son fils descendit de ses jambes et alla raccompagner son amie sur le pas de la porte de la maison. La petite fille aux cheveux de feu n'avait pas pipé mot. Un timide "merci" traversa malgré tout ses lèvres quand elle franchit le seuil de la porte.

Son second fils monta dans la chambre à l'étage sans même se faire prier. Le petit garnement brun suivi son frère en traînant des pieds.

- Allez allez ! S'enquit Marina en les suivant.

***

Marina fut réveillée par le hululement d'une chouette lapone non loin de la fenêtre. La nuit était déjà très avancée, au vu des Lunes, qui se trouvaient très haut dans le ciel, à présent dégagé. Elle s'était endormie près des lits de ses fils, environ une heure plus tôt.

Elle les contempla un moment. Des frères jumeaux.... Elle se serait bien passée d'enfant, quelques années plut tôt... Et elle avait rencontré "Black Dog". Les choses avaient bien changé depuis ce temps. L'un de ses fils avait hérité des cheveux hirsutes noir à mèche blanche, et du caractère de cochon de son père. L'autre, du même calme et détachement que Marina. Et aussi de sa touffe de cheveux ondulés, épais. Mais les Dieux seuls savaient pourquoi, ceux de ce gamin étaient argent. Par contre, les yeux gris acier qui roulaient sous ses paupières closes, venaient de Tsubasa, leur père.

Elle se leva, rattacha sa massive crinière chocolat dans son dos, et descendit dans la salle à manger.

Les heures passaient sans que le sommeil ne vienne la soulager de la fatigue de ces derniers jours. Marina attendait distraitement son homme. Installée dans son rocking chair, affairée à filer la pelotte de laine qu'elle avait laissée plus tôt, la jeune femme contemplait sur une étagère les sabres jumeaux que sa famille se transmettait de génération en génération. Ils étaient vieux, cela ce voyait aux couleurs ternies de leurs manches et des fourreaux. Ils étaient forgés dans du Mithrill et un alliage de Maillechort par des nains ... Enfin ... Il paraît.

Une porte claqua. Croulant sous les flocons de neige, Tsubasa fit irruption dans la cuisine, ce qui fit sursauter la jeune femme.

Il éternua plusieurs fois, ce qui fit sauter la neige dans ses cheveux. Sans prêter attention à sa compagne, il ferma précipitemment la porte à clé. Le courant d'air cessa instantannément de glacer les murs de la bâtisse. L'air grave, l'homme, encore jeune, tourna son beau visage à la barbe rasée court sur elle.

- Marina.

Elle lui adressa un sourire inquiet, posa la pelotte sur le tapis.

- Ils arrivent.

Sans rien dire, elle se leva de son rocking chair, et saisit Samein Na Landið, le sabre au fourreau bleu, sur le mur. Garder son calme, ne pas se laisser submerger par la peur... Elle se retourna pour faire face à son compagnon.

- Essaye de sauver les enfants.

Il planta l'acier de ses yeux dans l'abysse des prunelles de Marina. Se rapprochant d'elle, l'étreignit fortement pendant quelques instants. Une dernière fois, elle le ressentai dans ses entrailles, elle huma le doux parfum de terre et de sous bois frais qui émanait de Tsubasa. Elle ravala difficilement les sanglots qui montaient dans sa gorge. Elle ne partirai pas en versant des larmes de désespoir. Elle mourrai la tête haute. Quand il s'arracha à l'étreinte de sa femme, le beau jeune homme se tourna et saisit à son tour l'autre sabre, celui au fourreau rouge sang. Ses phalanges blanchirent, tellement il serrait le manche de l'arme plusieurs fois centenaire.

La lame se mit à chanter quand il dégaina la lame nervurée de volutes noires et pourpre, les reflets de l'aliage teignèrent ses iris de carmin. Un dernier regard... une dernière image à graver dans sa tête avant la fin.

On frappa à grands coups dans la porte. Le lourd panneau de chêne céda quelques secondes plus tard, s'écroulant en miettes dans la cuisine.

Et une furie sanguinaire s'abbati sur eux.

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