Martin.

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Martin a toujours été un athlète, se distinguant dès le plus jeune âge dans toutes les épreuves sportives. C’est d’ailleurs grâce à cela qu’il est parvenu jusqu’au lycée, où il a rejoint la voie "sport-études". En vérité, il n’est pas doué pour le reste, alors c’est une chance. Au-delà de ça, Martin est un jeune homme avenant avec un certain succès auprès de la gente féminine, dû en partie à sa solide carrure. A l’adolescence, il s’engage en tant que pompier volontaire, car malgré ses aptitudes, Martin demeure un être doté d'une sensibilité empathique. L’idée de pouvoir venir en aide à son prochain tout en mettant en valeur ses capacités musculaires lui a tout de suite paru excellente et il n’a pas hésité. Ce parcours au service de l’autre a toutefois été semé d’événements qui ont endurci son caractère, le mettant face à des épreuves souvent difficiles à supporter ; accidents de la route, maladresses domestiques ou encore… suicides. Le poids de cette charge émotionnelle lui semble parfois compliqué à porter et lui a plusieurs fois fait douter de sa place dans ce corps de métier. Ces collègues lui ont donné le conseil avisé d’évacuer sa peine dans un sport plus physique.

C’est ainsi que Martin a débuté la boxe. La plus traditionnelle : la boxe anglaise, aussi appelée le noble art, qui permet à deux adversaires de même poids et de même sexe, de se rencontrer sur un ring jusqu’à l’achèvement de l’ensemble des rounds… ou au KO de l'un d'eux. C’est sans doute cette violence-là qu’il a recherché, consciemment ou non, pour se dépasser et se libérer, mais aussi se façonner. Cette quête métempirique de la violence l’a conduit en lui-même, jusqu’à ce fragment d'âme insoupçonnée qui devait lui servir de bouclier face aux souffrances du monde.

Un jour, il a entendu un combattant dire : « Comment tu peux te connaître si tu t’es jamais battu ? »

Cette question l’a suivi pendant longtemps, sans qu’il ne soit capable d’y apporter une réponse. La vérité, c’est que le son de cette cloche effaçait toutes ses douleurs intérieures accumulées durant la journée et c'est au fond tout ce qu'il recherchait.

Il est rapidement remarqué par un entraineur qui le pousse à rejoindre des combats en compétition. Martin se prend au jeu, retrouvant dans ce noble art, des valeurs d’honneur et de persévérance qu’il plébiscite. De plus, il apprécie particulièrement l’équité qui règne sur le ring, un moment d’intense collusion, malgré la concurrence. Sa popularité croît à mesure des matches, au point qu’on le présente un jour face à une sommité du monde sportif : Seymour Olaf.

Le combat doit avoir lieu dans une semaine, qu’il passe à s’entrainer avec acharnement. Un soir, un groupe d’hommes d’apparence très pompeuse le rejoignent à la salle. L’un d’eux s’approche et, avec une familiarité déconcertante, lui passe le bras autour des épaules et lui parle à voix basse.

Incroyable, il lui demande de se coucher pour le combat à venir. L’étoile montante que Martin représente sera le faire-valoir idéal pour Seymour dont la carrière s’essouffle. Evidemment, l’homme entend dédommager sérieusement Martin pour ce « petit » service. Le troisième round, pas avant, mais il faut que « le public croit à l’authenticité » du KO.

Martin est retourné, incrédule. Jusqu’au moment de se retrouver sur le tapis, il n’a pas pris de décision. Les gants aux poings, il évalue son adversaire ; un homme d’une généreuse trentaine d’années, une masse, mais qui présente une allure poussive. Le combat démarre, sautillant et esquivant, il place quelques directs efficaces que l’autre encaisse en grognant. Deuxième round, l’autre semble déjà mal en point, les joues rouges, dégoulinant de sueur, son coach l’encourage. Troisième round. La cloche a cette fois tinté comme un glas oppressant. Il se laisse déconcentrer quand un cri retentit sur sa droite, dans le public et Seymour n’hésite pas ; plaçant un uppercut violent qui envoie Martin voler vers l’arrière, nuque arquée dans une position déconcertante. Son corps choque le tapis dans un bruit mat.

Quelque part, au loin, une voix compte.

Encore beaucoup plus loin, un rire gras et une tape dans le dos résonne à peine.

« L’imbécile, le voilà qui se relève ! » s’étrangle une voix masculine dans le public, visiblement toute proche du ring, alors que le rire gras s’étouffe.

Une autre voix, que Martin parvient à reconnaître malgré le brouillard lancinant suite au choc qui obscurcit ses tympans et sa vision, retentit, acerbe et pleine de hargne :

« Le propre de tout imbécile est de faire le malin… certains malins, toutefois, ne vivent pas vieux. »

Oui, cette voix c'était bien celle de l'homme qui a voulu truquer le match, cela ne fait aucun doute.

Refoulant la nuée d'angoisse qui déferle, Martin concentre tout ce qui lui reste d'attention sur le tintement de la cloche.

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