Contention

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- Comment est-ce que tu peux penser ça ! L'art ne peut en aucun cas révéler à la perfection l'expression des sentiments de quelqu'un, ni refléter les émotions ressenties face à la nature. C'est la thèse même de Sartre ! C'est évident que l'artiste nous permet de rejoindre sa réalité, mais l'impression orchestrée par la contemplation de son oeuvre ne sera jamais à la hauteur de ce qu'il veut réellement faire ressentir. C'est pour ça que nous sommes en constant progrès, si l'artiste avait atteint son but depuis longtemps, il n'y aurait pas tant d'oeuvres dans le monde et à travers les ages!

La journée touche enfin à sa fin et Camille et Jim nous ont rejoint. A quatre nous formons un groupe un peu loufoque.

- Pitié, Helen, il est encore trop tôt, râle Luke.

Ils ne comprennent pas. Ils ne comprendront jamais. Tout cela n'est que bavardages pour eux. Mais en vérité, c'est plus que cela. Pour moi, c'est un repère. Une manière de me raccrocher à ce qui a de l'importance. Aujourd'hui, plus que jamais, je me sens perdue dans un monde qui n'est pas le mien. Ce qui me sauve ? Les livres. N'importe quel ouvrage fait l'affaire. Et mon idole du moment, c'est Sartre. Bien sûr, ce mec était cinglé, mais il me fait entrevoir un univers dont je ne soupçonnais pas l'existence. Il est ma rédemption, tout du moins, ma rémission. Alors quand je vois que tout cela n'a aucune importance pour eux, je laisse la lassitude s'emparer de moi.

Un seul y accorde de l'importance. Jim. Je ne sais pas s'il se sent tout aussi confus que moi, mais il y a une telle flamme dans ses yeux lorsqu'il défend une idée. N'importe laquelle. Aujourd'hui, le débat porte sur la capacité de l'artiste à retranscrire ses émotions. Entre autres. On ne vole pas bien haut, sans doute, mais Jim et moi faisons de ces débats réguliers un moyen de cultiver notre intellect autrement que par ces cours qui nous ennuient cruellement. C'est plus que ça. Vous avez lu Mary Poppins ? Eh bien, nos discussions sont un peu comme le sac de Mary Poppins. Nous regorgeons d'idées, et nos avis divergents nous permettent d'appréhender le monde qui nous entoure.

Jim s'apprête d'ailleurs à rétorquer, je suis persuadée qu'il a encore tant d'arguments en tête, mais un coup d'oeil en direction de l'horloge du hall m'indique qu'il est temps de rentrer. Je salue mes amis, écrase mon mégot, et marche en direction de la maison.

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