New York, juste un rêve

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Chapitre 13

Mathilde est complètement abattue. Elle me tourne le dos un instant, avant de me faire face. On dirait que dix années lui sont tombées dessus.

Daryl :
"Miss Mystère, c'est pas croyable ! T'as tout entendu, je suppose ?"

J'aimerais que ce soit Mathilde qui prenne la parole, mais son regard perdu sur le bitume m'informe qu'elle n'en pas la force.

Miss Mystère :
"Mathilde ? Qu'est-ce qui se passe ?"
Mathilde :
"Ne te mêle pas de ça Miss Mystère..."
Miss Mystère :
"Tu vas encore me tenir à l'écart ?"
Daryl :
"T'affole pas...! J'ai tout sous contrôle."

Mathilde lance à son frère un regard lourd de sens qui prouve exactement le contraire... Hors de question que les laisses me mettre à distance de leurs problèmes. Je mets les pieds dans le plat. Après tout, c'est l'une de mes spécialités.

Miss Mystère :
"Quand tu dis TU as tout sous contrôle, Daryl, je suis encore plus inquiète ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Je veux savoir !"

Le frère et la sœur se regardent sans prononcer le moindre mot. Ils s'interrogent silencieusement : vont-ils me dévoiler la vérité ou me la cacher ?

Miss Mystère :
"Vous avez intérêt à me dire de quoi il retourne, sinon..."
Daryl :
"Sinon quoi...?"

Le petit air moqueur de Daryl m'achève. Il se pourrait bien qu'il connaisse pire qu'un chef de gang : une Miss Mystère prête à exploser ! Daryl fait un signe de tête à Mathilde pour éviter mes questions. Je l'ignore superbement et je m'adresse à elle.

Miss Mystère :
"Vous savez la dernière fois comment ça s'est terminé !"
Daryl :
"C'est diffèrent, cette fois. On se détend, y a plus de problèmes."
Miss Mystère :
"Désolée, je vous trouve pas hyper détendus pour le coup !"

Je me place devant eux pour empêcher leur tentative de fuite. J'espère faire quoi au juste ? Seule devant eux qui peuvent me soulever avec le petit doigt ?

Miss Mystère :
"Je vous laisserai pas bouger d'ici tant que vous me direz pas ce qui se passe ! Surtout si je suis concernée..."
Daryl :
"Bordel ! T'es une vraie tête de mule...!"
Mathilde :
"Dis-lui Daryl."

Le ton sec de Mathilde me surprend. J'ai l'impression de passer pour la petite fouineuse... Elle n'a pas encore compris que je veux faire partie de sa vie ? Je sais ce que ça implique.

Daryl :
"J'ai piégé le gars qui en voulait à Mathilde pour le mettre hors d'atteinte."
Miss Mystère :
"Comment ?"
Daryl :
"J'ai planqué de la drogue dans sa caisse et j'ai filé l'info à mon contact chez les flics."
Miss Mystère :
"Tu as quoi ?!"

Me yeux doivent ressembler à ceux d'une carpe en pleine suffocation. Très classe !

Daryl :
"J'ai fait ce qu'il fallait pour sauver ma sœur. Que ça te plaise ou non..."
Mathilde :
"J'aurais pu m'en débarrasser toute seule, Daryl ! Je le connais bien, j'aurais trouvé un moyen de l'éloigner !"

Je me rapproche d'elle. Elle paraît au bord du gouffre. Je n'aime pas la voir aussi perturber.

Daryl :
"Tu planes putain ! Tu le connais bien ? Sérieux...? C'est pas parce que c'est le frère de ton ex que tu le connais bien, Mathilde..."
Mathilde :
"On a un point commun, lui et moi, qu'il le veuille ou non, c'est Lana..."
Daryl :
"Lana est morte, Mathilde ! Et ce taré est persuadé que c'est de ta faute ! C'est pas votre foutu point commun qui t'aidera !"

Cette fille avait une place spéciale dans sa vie. Sa perte a déjà été une épreuve difficile, il faut en plus que le sort s'acharne à remuer le couteau dans la plaie... Je devrais être jalouse mais j'éprouve surtout beaucoup de peine pour Mathilde.

Miss Mystère :
"Même si j'ai du mal avec l'idée de la drogue, j'imagine que c'était le meilleur moyen d'envoyer un chef de gang derrière les barreaux..."

Il détourne le regard de sa sœur et plonge ses deux iris perçants dans les miens.

Daryl :
"Pas vraiment, en fait."

Je ne comprends pas. Celui qui voulait du mal à ma petite amie est en prison, donc il ne peut plus l'atteindre. Le problème est résolu. Alors qu'est-ce qui les inquiète autant ? Elle s'avance brusquement vers moi. Ses mains prennent mon visage en coupe et ses yeux emplis de tristesse et de crainte se plongent dans les miens.

Mathilde :
"Je suis désolée ! Tout ça, c'est ma faute. Si j'avais pas eu ce satané accident de moto..."

Elle a les larmes aux yeux. Elle me fait peur. Son chagrin mêlé à ses craintes ne présage rien de bon.

Mathilde :
"T'es pas obligée de savoir le reste. T'as pas à être impliquée dans cette galère. T'es pas obligée de rester avec moi..."
Miss Mystère :
"Quoi ?! Tu veux qu'on se sépare ?"

Ma voix se casse. Je pose mes petites mains sur les siennes qui sont gelées.

Miss Mystère :
"Je suis avec toi, tu le sais ! Ne fais pas ça, ne me repousse pas !"

Son regard est plein de désespoir. Elle n'a pas le droit de baisser les bras ! Je plaque alors mes lèvres sur les siennes et l'embrasse passionnément. Tant pis si Daryl est là, en spectateur. Elle répond à mon baiser, comme si c'était le dernier avant la fin du monde.

Daryl :
"Ahem..."

Je détache mes lèvres de celle de Mathilde avec une extrême lenteur. Je pourrais rester ancrée à elle pendant toute une vie.

Daryl :
"Vous gênez pas pour moi. J'adore tenir la chandelle..."

Mathilde passe une main tout contre ma taille et me tient près d'elle. Je me love volontiers contre le cuir de sa veste. Daryl affiche son air nonchalant, mais je sais très bien qu'il n'apprécie de voir sa sœur me serre contre elle.

Miss Mystère :
"Bon, alors, qu'est-ce qui se passe maintenant ?"
Daryl :
"Ce qui se passe, c'est que ce type connaît beaucoup de monde."

Je commence à comprendre et mon sang se glace.

Miss Mystère :
"Quelle idée aussi de te procurer de la drogue ! Tu pourrais aller en tôle, toi aussi !"

Mathilde continue de faire les cent pas, en regardant ses pieds user le bitume.

Miss Mystère :
"S'il te plaît, arrête ! Tu me donnes le tournis !"

Elle souffle et s'adosse à la carrosserie d'une voiture. Elle doit culpabiliser pour Lana qui est décédée, pour son frère qui en prison, et pour son jumeau qui pourrait le rejoindre.

Daryl :
"C'est pas vraiment la drogue qui m'inquiète... Mais plutôt l'appel que j'ai reçu ce matin."
Miss Mystère :
"Les flics ?"
Daryl :
"Non, j'ai un contact en prison. Il m'a filé des infos au sujet du frère de Lana."

À chaque fois que quelqu'un prononce le prénom de cette fille, j'ai l'impression de voir Mathilde défaillir un peu plus.

Daryl :
"Il pense savoir qui l'a piégé. Ça doit être un flic qui m'a balancé, ou un gardien en tôle, j'en sais rien !"
Miss Mystère :
"C'est pas possible ! Il va vouloir se venger !"

Mon souffle s'accélère sous l'effet de la panique. Je commence à faire les cent pas avec Mathilde. Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour Daryl. Il s'est mis en danger pour épargner sa sœur. Je trouve ça tellement fort. Eux, qui ne peuvent pas s'entendre les trois quarts du temps, restent soudés par le sang et l'amour. J'essaie de me rassurer, tout en tentant de calmer les craintes des Ortega.

Miss Mystère :
"Mathilde, on va trouver une solution ! Je suis sûre que Daryl sait ce qu'il fait ! Peut-être que quelqu'un cherche à t'intimider..."

Ni l'un ni l'autre n'a l'air rassuré pas mes paroles... Quelque chose me dit qu'il va falloir être très prudent, à présent. Daryl avance vers sa sœur et lui assène une petite tape derrière l'épaule.

Daryl :
"Allez, Mathilde, arrête de ruminer tout ça ! Ça va bien finir par s'arranger !"

Mathilde pousse un grognement plaintif, avant d'acquiescer. Elle n'a pas l'air convaincue, mais elle tente de camoufler le bouleversement qu'opère cette nouvelle au fond d'elle. Je ne suis pas dupe, et Daryl non plus. J'avance doucement vers Mathilde et glisse mes doigts dans sa main. Elle presse la paume de ma main, mais son sourire a complètement disparu.

Miss Mystère :
"C'est bon maintenant ! Arrête de t'apitoyer sur ton sort !"
Mathilde :
"Je m'apitoie pas sur mon sort. Je vois les faits, c'est tout. Et c'est pas bon."
Miss Mystère :
"C'est vrai, mais c'est pas une raison pour baisser les bras."
Daryl :
"Passons à autre chose. On devrait aller voir Lola. Elle doit se demander si on l'a pas abandonnée."

Il a raison. La pauvre Lola doit nous chercher partout. Daryl nous devance vers l'entrée du Starlite. Mathilde et moi le suivons lentement. Elle est complètement ailleurs et j'aimerais qu'elle évacue ses angoisses.

Miss Mystère :
"Écoute ton frère. Il ne faut pas trop s'inquiéter. On avisera le moment venu !"
Mathilde :
"J'ai envie de le cogner."
Miss Mystère :
"Qui donc ?"
Mathilde :
"Cet imbécile qui me sert de frère."
Miss Mystère :
"Je peux t'aider si tu veux !"

Je parviens à lui arracher un petit rire. Mon cœur s'emplit de douceur, comme à chaque fois que je la vois sourire.

Mathilde :
"J'ai envie de le foutre au tapis pour avoir été si con ! Et j'ai aussi envie de le serrer dans mes bras pour avoir fait l'impensable pour me protéger."
Miss Mystère :
"Je te comprends. On a tous envie de gérer les difficultés par nous-mêmes, mais on a parfois besoin de se sentir épaulé. Je le sais parce que je suis pareil."

Elle me sourit du bout des lèvres, mais son rictus n'atteint malheureusement pas ses yeux. Il nous faudra être forts pour affronter cette nouvelle épreuve, et j'ai la redoutable impression que je vais devoir me battre pour deux... En retournant au bar, le regard désapprobateur de Lola me fait culpabiliser instantanément. Nous sommes restés très longtemps dehors, je le constate aux verres vides sur la table.

Miss Mystère :
"Sérieux ? T'as tout bu ?"
Lola :
"Ouais, je m'ennuyais."
Miss Mystère :
"T'es ronde comme une queue de pelle ?"

Elle me lance un regard noir. Ok...

Miss Mystère :
"Regarde pas 'Chasse et pêche' toute une soirée, tu vas faire un coma éthylique autrement !"

Lola nous observe avec attention. Je connais mon amie et je sais, à sa moue perplexe, qu'elle devine un problème. Elle est très perspicace, en temps normal, et n'attend jamais que la curiosité la ronge pour poser des questions. Daryl est illisible. Je suppose qu'il a eu des années d'entraînement dans son gang pour affiner sa technique... Mathilde, par contre, présente le visage d'une personne en deuil. Elle a le teint livide et le regard éteint. J'affiche un sourire contraint. Sûrement flippant. La musique entraînante m'aide à donner une illusion de bonheur. Lola me me regarde, perplexe. Je suis démasquée.

Lola :
"Il se passe quoi, là ?"

(Mince ! Sherlock Holmes a encore frappé !)

Je n'ai aucune réponse qui me vient en tête. Je ne sais pas mentir, et encore moins à ma meilleure amie. Mathilde sort de sa léthargie et redevient insouciante et guillerette, comme elle l'était en début de soirée.

Mathilde :
"T'as bu nos verres, Lola ! On a plus rien à picoler, c'est normal qu'on soit dépité !"

La métamorphose de ma petite copine est choquante. Elle joue la comédie à merveille. Je suis bluffée par sa prestation. Je n'aurais jamais pensé qu'elle ait autant de talent que son frère, sinon plus ! Espérons que ce ne soit pas quelque chose qu'elle pratique aussi avec moi... Elle me lance un regard complice, tandis que Daryl regarde quelque chose sur son mobile. Je dois dire que leur attitude à tous les deux me laisse rêveuse ! Mathilde dépose sa main sur ma taille et me presse contre elle. Je lève les yeux sur son visage. Elle me sourit, comme si de rien était. Je me serre contre elle pour donner l'impression d'un câlin.

Miss Mystère :
"Je me sens mal de lui mentir..."

Elle me répond non d'un léger signe de tête. Lola s'avance vers Mathilde en clignant des yeux, comme une prédatrice prête à attaquer sa proie.

Lola :
"Daryl, t'es un drôle de cachotier ! Je t'ai à l'œil, petit coquin !"

Elle glisse sa main sur son torse et un malaise gagne notre assemblée. Je ne sais pas si le fait qu'elle confonde Mathilde avec son frère est drôle, ou si ça me met profondément mal à l'aise. En attendant, j'éclate d'un rire aigu qui sonne faux et je la repousse gentiment loin de ma petite copine.

Daryl :
"Ok, ma belle ! Je crois qu'on va rentrer. Nos verres devraient être bien chargés !"

Lola accroche son bras à celui de Mathilde. Une lueur dans les yeux de ma belle brune exprime une gêne évidente. Ils s'adressent un regard entendu. Ok, la confusion de Lola est une diversion parfaite. Tant qu'elle s'imagine que Mathilde est Daryl et qu'il arrive à l'entraîner dehors, elle ne risque plus de poser des questions embarrassantes. Lola entraîne Mathilde en titubant vers la sortie. Daryl affiche une mine dépitée en les regardant, ce qui m'arrache un sourire moqueur.

Miss Mystère :
"Vous avez l'air de bien vous entendre tous les deux."
Daryl :
"C'est une question ou une affirmation ?"
Miss Mystère :
"C'est une crainte ! T'as intérêt à l'apprécier à sa juste valeur !"
Daryl :
"Tu t'inquiètes pour rien !"
Miss Mystère :
"Je ne crois pas. J'ai l'impression que tu ne sais pas vraiment ce que tu fais !"
Daryl :
"Ne sois pas jalouse, princesse... T'as choisi."
Miss Mystère :
"J'ai choisi le meilleur des deux. L'autre est insupportable. En attendant, t'as pas intérêt à briser le cœur de mon amie."
Daryl :
"Lui briser le cœur ? On n’en est pas là... Crois-moi, ton amie s'intéresse pas vraiment à l'organe qui bat là derrière, pour le moment..."
Miss Mystère :
"Merci. Je ne veux pas connaitre le détail de vos ébats."

Il éclate de rire devant mon air renfrogné.

Miss Mystère :
"Je ne sais pas comment tu fais pour te marrer, avec la merde dans laquelle vous êtes, toi et Mathilde ! T'as vraiment un gros problème !"

Il lève les mains au ciel et fait rouler ses yeux.

Daryl :
"Je gère... ! Mathilde s'inquiète beaucoup trop. Je ne lui en aurais pas parlé, elle l'aurait pas su."
Miss Mystère :
"Ouais, elle aurait juste fini tabassée à l'arrière d'une bagnole..."

Nous nous regardons droit dans les yeux. Il a saisi le message. En même temps il est limpide. Il finit par lever un sourcil curieux et un sourire taquin s'affiche sur ses lèvres.

(Mode connard enclenché. J'aimerais bien enlever cette option parasite du modèle...)

Daryl :
"Dis-moi, princesse... C'est quoi qui te contrarie le plus : l'histoire de Mathilde et moi, ou celle de Lola et moi ?"

Il accentue son regard sur mon visage. Je rougis sous l'assaut de ses prunelles. Il n'est pas loin de la vérité, malheureusement, et ça me met profondément mal à l'aise.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu t'imagines, Daryl ?"

Il me fixe sans ciller. Je retiens ma respiration.

Daryl :
"T'es plutôt excitante quand t'es jalouse, princesse !"

(Idiot.)

Je tente de répliquer une phrase cinglante, mais il est déjà loin avant que je n'arrive à articuler un mot.

(...)

Le lendemain, matin, j'arrive au bureau avec la tête des mauvais jours. J'ai très peu dormi, cette nuit. J'aurais voulu rester avec Mathilde, mais elle a décidé de partir chez Daryl. J'ai peur que la tornade Ortega manigance encore quelque chose dans mon dos. Heureusement le travail est une parfaite échappatoire. J'aurais tant à faire aujourd'hui qu'il me sera impossible de penser à nos ennuis. Il est 9 heures. Mathilde n'est pas encore là. Évidemment... il nous reste plus qu'un jour pour finaliser le dossier délicat. Après, si tout va bien, nous le rendrons à un Gabriel tout sourire qui évitera de nous muter dans des services différents. Je m'installe à mon bureau et prépare mon programme de la journée. Si j'avance le travail, Mathilde n'aura plus qu'à le peaufiner en arrivant. Je regarde l'heure à nouveau, puis les portes de l'ascenseur. Mais toujours pas de belle brune en vue.

(Mathilde, bouge tes jolies petites fesses !)

J'inspire une bouffée de courage pour commencer. J'ai du mal à me concentrer sans elle à mes côtés. Le bipe de mon téléphone retentit et m'annonce l'arrivée d'un message ! Je me précipite sur celui-ci en faisant valser les feuilles sur mon bureau. Tant pis ! Je les ramasserai après. L'écran affiche le numéro de Gabriel. Ma déception se mélange au stress d'avoir à ouvrir le message de mon manager.

Gabriel :
"J'attends le dossier dans la matinée."

On est mal, on est mal ! Je suis obligée de lui répondre avant qu'il ne se pointe ici. La technique de l'autruche ne marchera pas avec lui.

Miss Mystère :
"Sans faute !"

Y a intérêt que Mathilde ne me fasse pas faux bond, sinon je l'étripe !

Mathilde :
"Salut."

Aujourd'hui je n'ai pas droit au grand sourire habituel, celui qui m'a toujours fait craquer.

Miss Mystère :
"Ouf ! T'es là !"

Elle secoue la tête et passe une main dans sa tignasse décoiffée. Voilà pourquoi je n'arrive pas à lui en vouloir plus de deux minutes, elle est trop mignonne.

Mathilde :
"Ouais ! Tu voulais que je sois où, princesse ?"
Miss Mystère :
"Je ne sais pas, encore perdu sous ta couverture, en train de ronfler, un filet de bave à la bouche."

Elle s'installe derrière son bureau, en affichant son petit air joueur habituel.

Mathilde :
"Généralement c'est avec toi que je me perds sous les couvertures, et c'est toi qui bave pendant ton sommeil, princesse."
Miss Mystère :
"Quoi ?! Mais n'importe quoi ! Je ne..."
Gabriel :
"Bonjour."

(Oh non ! Pas lui ! Partir en courant. Loin.)

Miss Mystère :
"Bonjour Gabriel."

Mathilde marmonne quelque chose que je n'arrive pas à déchiffrer. Ça doit vouloir dire bonjour.

Gabriel :
"Je suis venu m'assurer que votre contribution au sein de Carter Corp était toujours votre priorité."

Son regard est attiré par le tas de feuilles éparpillées au sol. J'ai oublié de ramasser notre dossier et mon embarras explose. Je me précipite sur les feuilles pour les ramasser. Je dois avoir l'air un tout petit peu pitoyable, à m'affoler comme une petite fourmi qui a perdu sa miette.

Miss Mystère :
"Euh... un petit accident. Rien de grave !"

Il soupire en nous regardant tour à tour. Quelque chose me dit qu'on va ramasser, et pas que des feuilles...

Gabriel :
"Rien de grave ? C'est plus grave que vous ne le pensez. Si vous n'êtes pas capables de me rendre un dossier de haute qualité, c'est vous qui en subirez les conséquences."

Elle émet un rire agacé. Elle lève les mains au ciel en fixant Gabriel dans les yeux.

Mathilde :
"T'as une drôle de conception de la gravité, Gabriel. Ta pression va pas faire de nous des robots plus efficaces !"

Je suis bouche bée devant sa réaction face à son supérieur. Je connais son animosité envers Gabriel, mais là ce n'est pas le moment de lâcher les chiens...

Gabriel :
"Si vous étiez mieux organisés, je n'aurais pas à vous mettre la pression."
Mathilde :
"On bosse d'arrache-pied pour la boîte. C'est juste quelques feuilles éparpillées."

Il faut que j'arrête le massacre avant que ça dégénère.

Miss Mystère :
"Elle n'a pas voulu s'emporter. C'est le stress de vouloir bien faire."
Mathilde :
"Absolument pas."

Gabriel nous adresse un regard féroce et mon cœur s'apprête à exploser sous son assaut dominateur.

Grabriel :
"Je vous laisse une heure pour déposer ce dossier sur mon bureau."

Notre supérieur quitte l'open-space sans se retourner. Mathilde est prête à riposter. Je m'assois à mon bureau en lui faisant signe d'en faire de même. Elle s'exécute aussitôt devant mon air autoritaire.

Miss Mystère :
"Calme-toi bad girl ! Au boulot maintenant, il nous reste 59 minutes !"

J'arrive au Felipe avec un peu d'avance. Mes mains sont moites et ma langue est pâteuse. Dans quelques minutes je me retrouverai peut-être à un tournant de ma carrière. Il me faudra être la plus convaincante possible. Et je n'aurai pas un bleu devant moi. Quand j'ai apporté le dossier bouclé sur le bureau de Gabriel, mon manager a invoqué la nécessité d'une discussion informelle. Après ce que s'est passé ce matin, je ne pouvais pas refuser ce rendez-vous. C'est peut-être le moyen de redorer mon blason, et celui de Mathilde, aux yeux de Gabriel. J'ai donc accepté de déjeuner avec mon manager. J'ai choisi le Felipe, pensant qu'un lieu connu me permettrait d'être moins stressée, mais ce n'est pas le cas. Quand Mathilde m'a demandé où j'allais, j'ai été obligée de lui dire la vérité. Elle n'a pas eu l'air emballée par mon rendez-vous avec Gabriel. Elle n'a même pas daigné ajouter un mot après ça. Elle s'est murée dans le silence... Chaque fois qu'une personne franchit le seuil de l'entrée du restaurant, mon cœur fait une embardée.

(Il est encore temps de fuir !)

Mais lorsqu’il arrive, j'aimerais me planquer sous la table.

(Je n'ai jamais pensé à la cape d'invisibilité, mais ce serait pas mal d'y songer, à présent !)

Même hors du travail, cet homme dégage une prestance incroyable. Il est impressionnant. Mais là, je le préférerais avec un gros nez rouge ! Son allure autoritaire impose le respect. Garder la tête haute devant lui demande un courage qui me fait défaut aujourd'hui. Mathilde a vraiment du cran de lui avoir tenu tête tout à l'heure. Parfois son passé de mauvaise fille refait surface sans prévenir... Elle est une femme qui ne se laisse pas impressionner, et encore moins intimider. Mon coeur se serre lorsque je repense à ses combats clandestins.

Gabriel :
"Miss Mystère, merci d'avoir accepté ce déjeuner. Il n'est pas évident d'avoir une conversation seule à seule au bureau. Les murs ont des oreilles..."

Je tente de faire comme si de rien n'était, mais la chaleur qui gagne mes joues et mes oreilles me trahit aussitôt. Et si Gabriel savait que j'ai écouté à la porte de son bureau, l'autre soir ?

(Ça m'apprendra à ne plus me prendre pour une ninja !)

Je préfère ne pas penser à une telle éventualité. Je me demande pourquoi il ne pouvait pas me parler au bureau. De quoi peut-il s'agir ? Une évolution professionnelle ? Une Mise en garde ? Un avertissement pour faute grave ? J'ai peur qu'il s'agisse du comportement de Mathilde, tout à l'heure.

Miss Mystère :
"Je suis un peu surprise de cet entretien, à dire vrai. Sans Mathilde..."
Gabriel :
"Si j'ai demandé à te voir seule, c'est que Mathilde n'est plus en mesure d'être suffisamment professionnelle pour entendre mes recommandations."

Je blêmis en me remémorant le comportement sanguin de Mathilde, tout à l'heure. Je savais que Gabriel ne le laisserait pas passer.

Miss Mystère :
"L'attitude de Mathilde était inadmissible, mais elle a des excuses, je t'assure."
Gabriel :
"Vraiment...? Quoi qu'il en soit tu es un élément au sein de Carter Corp, mais je m'inquiète de l'influence de Mathilde sur ton travail."

(Outch !)

Je n'aime pas un tantinet machiste, et encore moins sa critique déguisée envers ma femme.

Miss Mystère :
"Mathilde a beaucoup de problèmes, en ce moment..."

Gabriel ne semble pas convaincu. Il est coriace et inflexible. Je ne vais pas apprendre à faire la grimace à un vieux singe...

Gabriel :
"J'entends bien que vous avec vos soucis personnels. Tout le monde en a. Mais les vôtres influencent vos humeurs et nuisent à votre concentration, et donc à la boîte."

Du grand Gabriel. Argumentaire calme, pragmatique et indiscutable.

Miss Mystère :
"Nos émotions ont forcément un impact sur nous, mais notre travail reste le même. Tu as pu jeter un oeil sur le dossier qu'on t'a rendu ce matin ?"
Gabriel :
"Oui... Et le résultat est en deçà de vos capacités."

Sérieux...? Nous nous sommes donné un mal de chien pour finaliser de dossier. J'ai l'impression que Gabriel n'est pas vraiment sincère. Cet entretien est un peu comme une partie d'échecs. C'est un expert, il a sûrement plusieurs coups d'avance pour gagner la partie. Et le petit pion que je suis va se faire manger tout cru !

Miss Mystère :
Si on t’a déçu, Gabriel, j'en suis désolée. Je peux te promettre que ça n'arrivera plus."
Gabriel :
"Je ne suis pas certain que ta parole soit suffisante."
Miss Mystère :
"Je donne le meilleur de moi-même et je m'investis à cent pour cent. Si jamais on a encore du retard, je le rattraperai."
Gabriel :
"Il ne s'agit pas seulement de toi et Mathilde..."

Il attend que le serveur soit reparti pour reprendre la parole.

Gabriel :
"Tu es une femme intelligente ! Tu n'es pas sans savoir que j'aspire à évoluer au sein de Carter Corp."

(Ce n'est pas un scoop pour moi, mais il ne le sait pas ! Finalement, je peux continuer le ninjitsu.)

Je prends un air étonné. Il ne doit pas savoir que je m'en doutais. Je mets toutes mes ressources de comédiennes sur la table !

Miss Mystère :
"Ah bon ? Je pensais que tu te plaisais en tant que manager ?"
Gabriel :
"Ça me plaît, mais j'ai besoin d'avancer. Je dois te faire une confiance. J'ai fait part de mon souhait l'évolution à Mark."

(Je sais. J'étais là, tapie dans l'ombre...)

Miss Mystère :
"Tant mieux..."

Il avance son visage au centre de la table, de telle sorte que son regard transperce le mien.

Gabriel :
"Et c'est là que tu interviens..."
Miss Mystère :
"Je te demande pardon ?"

(Je suis grillée, grillée, grillée !)

Gabriel :
"Mon évolution dépend uniquement de mes résultats, et mes résultats dépendent, entre autres, de ton travail."

Je comprends mieux l'enjeu de ce rendez-vous. Il ne s'agit pas seulement de ma carrière, mais plutôt de la sienne !

Gabriel :
"Et ton travail, Miss Mystère, dépend apparemment de ta vie personnelle. Je suis donc obligé et contraint de m'y immiscer."

J'ai très envie de l'envoyer bouler. Il trouve une excuse bidon pour justifier son intrusion dans ma vie privée. Il devrait plutôt reconnaître sa curiosité !

Miss Mystère :
"Mes problèmes personnels n'influencent pas mon travail. Ce n'est que ton impression."
Gabriel :
"Je comprends tout à fait. La vie ne nous épargne malheureusement pas toujours, mais je ne remets jamais mon destin dans les mains de quiconque."

(Il va me faire croire que j'aurais ne serait-ce qu'une micro-influence dans sa carrière...? Foutaise !)

Gabriel :
"Autrement dit, je ferai en sorte que vos problèmes n'aient aucun impact sur ma réussite professionnelle."

Je déglutis avec difficulté. Il peut être compréhensif, tant que ça n'impacte pas son chemin de vie. Sinon c'est un rouleau compresseur. Je me sens très mal à l'aise, tout à coup. Comme si j'étais assise en face d'un ennemi dangereux. Je suis scandalisée par ses menaces. En gros, je n'ai pas le choix : soit je quitte Mathilde, soit il me vire ! Je me lève, prête à partir. Mais il me demande de l'écouter. Je me rassois avec précaution. Comme si ma chaise était piégée.

Gabriel :
"Tu as aussi le choix. Avant ta relation avec Mathilde, tu étais le meilleur élément du service..."

(Je rêve ou quoi ? Et je ne suis qu'un élément, donc...?)

Je déteste ce qu'il est en train de sous-entendre, avec son air paternaliste !

Miss Mystère :
"Tu es en train d'insinuer qu'il faut que je quitte Mathilde ?"

Il s'appuie confortablement contre le dossier de sa chaise.

Gabriel :
"Pas du tout... J'essaie juste de t'ouvrir les yeux sur les différentes possibilités qui se présentent à toi."

Mes possibilités sont merdiques ! Je déteste qu'on ne me laisse pas le choix. Je suis assez grande pour savoir ce que j'ai à faire ! S’il était mon père, je pourrais écouter ses conseils sur ma vie privée. Et encore...! mais là, il dépasse son rôle !

Gabriel :
"Tu dois assumer tes choix... Avoir une relation compliquée a des répercussions sur le travail. Si tu décides de continuer dans ce sens-là, il faudra que tu fasses attention !"
Miss Mystère :
"Ma relation avec Mathilde n'est pas compliquée ! c'est uniquement la fatigue qui nous met sur les nerfs ! C'est passager."

Je mens sans vergogne, mais je n'ai plus d'autres explications valables à lui fournir. Impossible de dire la vérité.

Gabriel :
"La semaine dernière vous vous disputiez, aujourd'hui vous êtes fatigués, et demain, ce sera quoi ?"

Je suis éreintée par cette conversation. J'ai compris ses intentions : seule sa carrière a de l'importance. Et nous serons écrasés, comme deux ridicules petits insectes, si notre vie privée impacte son évolution.
Je sors du Felipe avec une étrange amertume. Je n'ai pratiquement pas touché à mon repas. Je ne trouve pas d'excuse valable pour faire route à part, et nous retournons au travail ensemble, sans nous adresser la parole. Je ne suis plus vraiment à l'aise à ses côtés. Nous marchons en silence pendant un moment. Un trop long moment ! Jusqu'à ce que je sois enfin libérée quand nous arrivons devant Carter Corp.

Gabriel :
"Je n'ai rien contre toi, Miss Mystère, mais réfléchis à ce que je t'ai dit."
Miss Mystère :
"J'y penserai !"

(Je ne vois pas trop comment je pourrais oublier !)

Je ne suis soulagée que lorsque Gabriel s'éloigne. Moi qui pensais pouvoir rattraper le coup entre lui et nous, c'est raté ! Mathilde sera furieuse d'apprendre qu'il s'immisce dans notre vie privée. Enfin, seulement si je le lui dis... C'est quand même étrange cette lubie qu'a Gabriel de rejeter la faute sur ma relation avec Mathilde. Comme si notre couple était l'enjeu de la réussite de Carter Corp. Tout ça c'est des conneries ! Lola sera sûrement plus en mesure de m'éclairer. Je tombe sur son répondeur. Je lui laisse un message : "Rappelle-moi, dès que tu le peux." C'est rageant ce qu'il a de se mêler de ma vie privée. Il n'avait pas le droit ! Est-ce que je lui demande moi, à Gabriel, si sa mauvaise humeur ne viendrait pas de sa dernière conquête ? C'est dingue quand même ! À croire qu'en signant chez Carter Corp, je leur ai légué mon intimité, ma culotte et mon pyjama en pilou-pilou, tout en même temps ! C'est remonté comme une cocotte que j'arrive dans le hall de la boîte. J'espère ne pas croiser à nouveau Gabriel, au moins pendant quelques heures, le temps que je digère ses propos. Je monte dans l'ascenseur. Heureusement, il n'y a personne. Mon air bougon et mes yeux furibonds feraient mauvaise impression. Perdue dans mes pensées, j'oublie d'appuyer sur mon étage. L'ascenseur redémarre son ascension. Je vais devoir m'arrêter au prochain étage avant de devoir redescendre au mien. SU-PER ! Je bouillonne d'impatience d'en parler à Lola. D'ailleurs je ne peux plus attendre qu'elle me réponde. Je la textote. Si elle savait de quoi j'aimerais lui parler, elle me rappellerait plus vite. Pendant que l'ascenseur stoppe sa course, je peste seule, en tapotant sur mon téléphone. Les propos de Gabriel me reviennent à l'esprit.

Miss Mystère :
"C'est n'importe quoi cette boîte, pfff, si les manages se mêlent de notre vie privée, j'imagine même pas que ce soit ça doit être à un plus haut niveau !"

J'entends un éclaircissement de voix. Je relève la tête. Les portes de l'ascenseur sont ouvertes sur le deuxième étage. Un homme très élégant se tient devant moi. Et comme je suis en veine en ce moment, cet homme, c'est juste Ryan Carter, le big boss de la boîte que j'étais en train d'insulter...

(Quelle gourde je suis !)

Je n'ai pas remarqué l'arrivée de quelqu'un devant les portes de l'ascenseur, les yeux rivés sur mon écran de téléphone. Et j'ai écrit mon texto en me le disant à haute. Je vais vraiment devoir perdre cette mauvaise habitude !

Miss Mystère :
"Oh ! Excuse-moi ! Je croyais être seule !"

Ryan lève un sourcil, et un sourire en coin dévoile son amusement, ou sa pitié, au choix... Je suis morte de honte !

Ryan :
"Décidément, après mes ascenseurs ce sont mes managers qui ne sont pas à la hauteur."

Je blêmis. Si Ryan ne me vire pas après ça, il ne reste qu'une solution : je représente un sacré divertissement pour lui ! Je suis la bouffonne de service !

Miss Mystère :
"En fait... Ce n'est pas vraiment ce que j'ai voulu dire ! Vos managers sont les meilleurs du pays, c'est de notoriété publique !"
Ryan :
"Et mes ascenseurs, non ?"

Plus son sourire s'élargit, plus ma gêne grandit. Je n'ai pas le choix, je dois enclencher le mode bouffon moderne.

Miss Mystère :
"Ça m'étonnerait ! Ils sont lents quand même !"

Il semble amusé. Moi, un peu moins. Si mes propos parvenaient aux oreilles de Gabriel, je risquerais ma place, ou celle de Mathilde.

Miss Mystère :
"Je n'ai absolument rien contre vos managers ou vos ascenseurs, je vous assure..."
Ryan :
"Voilà qui me rassure."

Je regarde les étages grimper avec une lenteur insoutenable.

Miss Mystère :
"Ne changer rien ! Vraiment. Tout est parfait."

Il semble réfléchir, quand soudain une lueur espiègle traverse son regard.

Ryan :
"Si monsieur Simons se reconvertissait en réparateur d'ascenseurs, peut-être serions-nous meilleurs chez Carter Corp. ?"

Après la discussion que nous venons d'avoir avec mon manager, la situation est plutôt cocasse. Voilà ton évolution de carrière, Gabriel : réparateur d'ascenseurs ! Et tout ça, grâce à moi ! Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur mon étage. Je suis enfin libérée de la hiérarchie pour un moment ! La compagnie de Ryan n'est pas déplaisante, mais mon image risque de s'altérer au fur et à mesure de nos rencontres. Je devrais éviter l'ascenseur, à l'avenir... Je le salue furtivement et je sors sous regard mutin. Lola a enfin répondu à mon message.

Pour en discuter tranquillement, je l'ai invitée à passer la soirée chez moi. J'ai trop la flemme de préparer à manger. J'ai préféré nous faire livrer. Peu importe, ce qui compte c'est que nous soyons toutes les deux. Lorsque Lola arrive enfin je suis soulagée de la voir. L'air de rien, sa présence à mes côtés est apaisante. Mes nerfs en pelote et mes préoccupations me pourrissent la vie. J'ai besoin d'en parler pour faire le tri dans mes pensées. Et je ne peux malheureusement pas parler de tout à monde. Je dois cacher le déroulé de mon rendez-vous avec Gabriel à Mathilde, les problèmes de Daryl à Lola, les ennuis de Mathilde à Gabriel...

(Au secours !)

Je me demande parfois comment je fais pour m'y retrouver. À force, je finirai par me cacher des choses à moi-même !

Lola :
"Alors, raconte-moi tout !"

Elle est à peine installée sur mon canapé qu'elle attaque son investigation. Je la remercie pour sa curiosité.

Miss Mystère :
"J'ai eu un entretien avec Gabriel ! Un entretien très étrange !"
Lola :
"Étrange comment ?"
Miss Mystère :
"On n'est pas loin d'être virés, Mathilde et moi !"
Lola :
"Quoi ?! Mais pourquoi Gabriel vous mettrait-il à la porte ? C'est ridicule !"
Miss Mystère :
"Il pense que ma relation avec Mathilde a un mauvais impact sur mon travail, et que je suis moins efficace depuis que nous sommes en couple."
Lola :
"Mais de quoi il se mêle ?!"

J'apprécie son empathie. Elle réagit exactement de la même façon que moi. Je suis rassurée.

Lola :
"C'est normal de ne pas être toujours au top ! Ta relation n'y pour rien !"

(Si seulement...)

Je deviens folle de ne rien pouvoir révéler à Lola, à propos du frère de Lana.

Miss Mystère :
"Je sais, mais je me demande parfois si ma relation avec elle en vaut vraiment la peine..."
Lola :
"Hein ?! Tu ne penses pas ce que tu dis ?!"
Miss Mystère :
"Je l'aime, mais je ne peux pas sacrifier mon travail pour elle !"
Lola :
"Oh là...! Minute papillon ! Tu vas trop vite en besogne ! Arrête de tirer des plans sur la comète ! Je sûre que les choses finiront par s'arranger d'elle-même ! Et puis Mathilde ou une autre, ça serait pareil."
Miss Mystère :
"J'ai peu d'espoir. Gabriel a été très clair et, avec Cassidy sur le dos, je ne pense pas avoir un quelconque soutien au sein de Carter Corp."
Lola :
"Ils n'ont pas le droit de te virer parce que tu as une relation une collègue !"
Miss Mystère :
"Si ma DRH était sympa, je te dirais oui, mais avec Cassidy rien n'est su sûr ! Elle m'avait prévenue que dans la boîte c'était mal vu."

Elle m'adresse un regard de compassion et je réalise l'embarras de ma situation.

Lola :
"C'est vraie que cette garce ferait tout pour trouver une raison te virer."
Miss Mystère :
"J'ai vraiment pas de chance ! Entre Mathilde, Gabriel, Cassidy... le sort semble vouloir m'en faire baver !"
Lola :
"Vois le positif, moi je te pose pas de problème !"
Miss Mystère :
"Tu oublies de parler de Daryl...?"

La mine de mon amie change du tout au tout. Je redoute le pire...

Miss Mystère :
"Qu'est-ce qu'il a fait, ce crétin ?"

Elle tente de se donner une contenance en souriant, mais je ne me laisse pas abuser. Ses épaules voûtées et les plis sur son front trahissent sa contrariété.

Lola :
"Rien, t'n’inquiètes pas. Daryl est sympa. On s'est revus plusieurs fois, mais, je sais pas... y a un truc qui cloche."

(Un truc qui cloche avec les Ortega ?! Non, tu déconnes... !)

Miss Mystère :
"Daryl n'est pas le mec le plus clean de la planète. C'est un mec bien, mais il se trimballe pas mal de casseroles..."
Lola :
"Ouais ! Du coup je me demande si c'est un mec pour moi, tu vois ?"
Miss Mystère :
"Tu ressens quelque chose pour lui ?"

Elle est très bizarre. Elle triture sa serviette avec anxiété. Bientôt la pauvre ne sera plus qu'un tas de confettis.

Lola :
"Ça me fout le cafard de penser à ça ! Parlons d'autre chose !"
Miss Mystère :
"Ok..."

Elle rougit et baisse les yeux sur son assiette. Je ne l'ai jamais vue aussi gênée.

Lola :
"J'ai l'impression que tu m'en veux de sortir avec lui..."
Miss Mystère :
"Disons que je m'inquiète pour toi."
Lola :
"Pour moi ? T'es sûre ?"
Miss Mystère :
"Bien sûr ! Tu crois que je suis jalouse ?"

Elle ne me répond pas. Tout à coup, l'ambiance devient pesante...

Lola :
"C'est la soeur de Mathilde et je comprends que tu puisses ne pas apprécier notre relation."

Je dois bien avouer que l'idée de Daryl et Lola ensemble ne m'enchante pas. Peut-être parce qu’ils sont jumeaux. Et qu'inconsciemment je vois Lola et Mathilde. Ou alors c'est autre chose...

Miss Mystère :
"Je t'assure qu'il n'y a pas de souci."
Lola :
"Pourtant, j'ai bien senti que ça t'agaçait quand je t'en ai parlé, l'autre jour. J'ai pas envie de détruire notre amitié pour un mec..."

Perdre ma meilleure amie ce serait perdre ma bouée de sauvetage alors que la tempête arrive. Je n'ai jamais voulu la juger, et encore moins ne plus l'avoir pour amie. Nous ne nous connaissons pas depuis longtemps, mais elle est déjà indispensable à ma vie. Elle est comme ma petite conscience qui me remet toujours sur le droit chemin. Elle a toujours été une oreille patiente et attentive, alors que moi je lui fais la gueule, quand elle me parle de son nouveau chéri.

Miss Mystère :
"Pour tout te dire, j'avoue que ça ne me plaisait pas trop, au départ. C'est frère jumeau de Mathilde..."

Autant tout lui avouer, pour qu'y ait plus de malaise entre nous.

Miss Mystère :
"En fait, j'ai vraiment pas apprécié quand tu as comparé Daryl à Mathilde. J'ai beau essayer de ne plus y penser, j'arrête pas de t'imaginer dans les bras de Mathilde depuis..."

Elle écarquille les yeux devant ma confidence, avant de poser une main bienveillante sur mon genou.

Lola :
"Je n’avais pas réalisé ce que je disais ! J'aurais dû réfléchir avant d'ouvrir la bouche. Quelle courge !"
Miss Mystère :
"Je te fais pas dire ! Mais je n’ai pas été la meilleure amie du monde non plus..."

Je m'en veux terriblement de ne pas pouvoir lui dire tout ce que je sais à propos de Daryl. Si elle détenait des informations sur Mathilde et qu'elle les gardait pour elle, je ne lui pardonnerais jamais. Ce n'est pas à moi de lui dire ce que je sais à propos de Daryl. Je devrais attendre, avec la patience qui me caractérise, que Daryl le fasse lui-même.

(Et ma patience, c'est mon atout, bien sûr !)

Quoi qu'il en soit, je ne peux pas lui raconter la vie des autres, ce serait me mêler de ce qui ne me regarde pas.

Miss Mystère :
"C'est bizarre quand même qu'on sorte toutes les deux avec des jumeaux."
Lola :
"Ils sont quand même très différents. Autant Mathilde c'est comme ma sœur, autant Daryl, je sais pas il dégage un truc sauvage qui me rend toute chose..."
Miss Mystère :
"Genre ! Je te signale que Mathilde peut être sauvage quand elle le souhaite..."
Lola :
"Je te parle pas que de ça. Je te parle plutôt de l'attitude, tu vois ?"
Miss Mystère :
"Oh non ! Tu vas pas me faire le coup du mâle dominant ?"
Lola :
"Qui t'a dit qu'il me domine ?"

Son petit sourire coquin me fait exploser de rire. J'imagine le dangereux Daryl se faire mener par le bout du nez par une petite blondinette, c'est plutôt drôle.

Miss Mystère :
"Lola la castratrice !"
Lola :
"Ah non, loin de là. Le trip latex et maîtresse fouettarde, c'est pas mon kif. En revanche, j'aime bien dompter la bête..."
Miss Mystère :
"Stop !!! Cette conversation dérape ! Je ne veux rien savoir !!"
Lola :
"Cela dit, tu avais raison."
Miss Mystère :
"À propos de quoi ?"
Lola :
"Sur... ça."

Elle mime une longueur assez significative entre ses deux index et je manque de m'étouffer avec ma gorgée de vin. Nous éclatons de rire à l'unisson. Les Ortega ont des points communs, mais je n'avais pas pensé à celui-ci ! Mais j'aurais dû m'attendre à ce que mon amie ait l'esprit bien plus mal placé que moi.

Miss Mystère :
"Aux Ortega, qui n'ont pas fini de nous faire glousser comme des dindes !"

(Ah ! Que serait la vie sans ma Lola...?)

Je commence petit à petit à éclaircir les nuages gris dans ma tête. Cacher des choses à tout le monde n'est pas facile à vivre. En me réconciliant avec Lola, je me suis rendu compte à quel point il était essentiel de dire ce que l'on a sur cœur. Et si je veux convaincre Daryl et Mathilde de révéler leur secret à Lola, je dois être aussi capable de dévoiler les miens. Je dois rapporter à Mathilde mon entretien avec Gabriel. Si je ne le préviens pas, je serai complice de ses cachoteries.
C'est d'un pas décidé que je le rejoins au travail. Elle est déjà à son poste bureau. C'est le bon moment pour lui parler.

Mathilde :
"Salut princesse. Tu te fais discrète en ce moment."

Je dépose un rapide baiser sur ses lèvres. J'aimerais m'attarder dans ses bras, mais ce n'est ni le lieu ne le moment. J'essaie néanmoins de retourner ses interrogations.

Mathilde :
"Je pensais te trouver à l'entraînement, hier soir."
Miss Mystère :
"Oh ! Désolée, j'étais avec Lola ! On avait beaucoup de choses à se dire !"

Elle me regarde en biais.

Mathilde :
"J'ai cru un moment que t'étais avec notre cher Gabriel !"
Miss Mystère :
"Non, pourquoi j'aurais été avec Gabriel ? Tu serais pas un peu jalouse, toi ?"

Elle déploie ses bras pour s'étirer, avec une nonchalance feinte, sur le dossier de sa chaise.

Mathilde :
"Moi ? Jalouse de Gabriel...? Il m'arrive pas à la cheville, le blondinet !"
Miss Mystère :
"Et en plus de ça j'ai aucune attirance pour lui ! Je préfère les belles brunes."
Mathilde :
"Toi peut-être pas. Mais lui, si."
Miss Mystère :
"Arrête un peu avec ça ! Gabriel a juste des méthodes moins orthodoxes que la plupart des managers."

Elle grogne et me fixe, une lueur de défi dans les yeux.

Mathilde :
"C'est vrai, la plupart des managers font des réunions. Lui préfère inviter ses jolies collaboratrices au resto. Tu m'étonnes ! Pas fou le type !"
Miss Mystère :
"Tu divagues ! Tu devrais te calmer ! Il faut faire profil bas si on veut rester à notre poste ! Il craint qu'on menace son évolution !"
Mathilde :
"C'est ça ! Il trouve n'importe quel prétexte pour nous emmerder. S'il t'a fait des menaces, princesse je m'occuperai de son cas !"

Elle a parfois fois du mal avec les compromis. Surtout avec la hiérarchie. Je lui demande juste de s'effacer un peu, le temps que Gabriel nous oublie.

Miss Mystère :
"Tout ne se règle pas avec les poings."

Elle rouspète, en ébouriffant quelques mèches de ses cheveux.

Mathilde :
"Dommage. Des fois, cette méthode me manque."
Miss Mystère :
"On est plus au Moyen Âge !"

Je lui donne une légère tape derrière la tête.

Mathilde :
"C'est pour ça que tu me frappes aussi ?"
Miss Mystère :
"Je suis sérieuse. Essaie de faire attention. Que tu le veuilles ou non, c'est notre boss. Tu n'es pas la seule à avoir ta fierté."

Elle m'adresse un regard plein de tendresse. J'ai touché une corde sensible et, enfin, je la retrouve. Elle m'attrape par la taille pour me faire basculer contre elle. Je regarde nerveusement autour de nous, mais, assis, personne ne nous voit. Assise sur ses cuisses fermes j'en profite pour me remplir de son odeur et de son contact.

Mathilde :
"Je suis une mauvaise fille, princesse, et les mauvaises filles n'aiment pas que d'autres tournent autour de leur nana !"

Gabriel a une belle réputation qui le précède... Je sais bien qu'avec lui on ne quitte jamais le terrain de la séduction.

Miss Mystère :
"Ta nana se fiche bien de qui lui tourne autour, puisqu'elle n'a d'yeux que pour une seule femme."

Elle m'enferme dans ses bras. Mon cœur frémit.

Mathilde :
"Désolé, ma belle ! J'ai les nerfs à vif en ce moment..."

Les rares fois où elle se confie, je la laisse parler sans interrompre.

Mathilde :
"Daryl s'est foutu dans une belle merde. Le frère de Lana est une sale ordure. Il lâchera pas l'affaire..."

Je ressens de la détresse et elle accroît la mienne.

Mathilde:
"J'arrête pas de penser à ça. Tout le temps, bordel ! Daryl aurait dû me laisser régler cette affaire."
Miss Mystère :
"Et t'aurais fait quoi ? Tu te serais battu contre un gang entier...?"

La crainte et la tristesse m'envahissent. Elle est capable de replonger dans son passé pour protéger son frère. Je dois l'empêcher de se torturer et de prendre une décision irréversible.

Miss Mystère :
"Tu sais, je préfère largement ton côté bad girl reconvertie, parce que ça demande plus de courage."

Elle se détache de moi un instant pour me dévisager. Je lui souris et je sens la pression dans ses épaules retomber.

Mathilde :
"Évite de me faire des déclarations comme ça en plein open space, princesse. Je suis pas sûre d'arriver à me tenir. J'imagine la gueule de Gabriel si je te prends sur ce bureau. Tu crois que ce serait un motif de renvoi ?"

J'affiche un air faussement choqué et lui envoie une calotte derrière la tête. Je retourne m'asseoir à mon poste à contrecœur, des idées friponnes plein la tête...

(...)

Je me suis dépêchée de rentrer à la maison. Les températures sont très douces en ce moment et les balades avec Topaze me manquaient. J'ai donc troqué ma tenue de working-girl contre un jogging et des tennis pour profiter a mieux de Central Park. Topaze est comme un fou. Il renifle chaque tronc d'arbre, la queue frétillante. J'en profite pour lui dégourdir les pattes. Le pauvre n'en a pas souvent l'occasion en ce moment. Je trouve un bâton à lui lancer. Il détale pour le récupérer avant qu'il ne disparaisse dans la gueule d'un de ses compères. Je me sens un peu plus légère depuis que j'ai parlé à Mathilde. Elle sait que je suis à ses côtés quoiqu'il arrive. Mais une crainte persiste : elle capable de faire des conneries pour protéger son frère. Elle l'a déjà fait auparavant. Je dois m'assurer que Daryl maîtrise la situation. Depuis l'autre soir, il a dû probablement obtenir d'autres informations auprès de sa source.

(Et si je l'appelais pour savoir ?)

Je tape quelques mots sans trop en dire : "Faut qu'on parle, je peux passer ?"
Je reçois l'accusé réception et j'attends en vain une réponse. Mon téléphone se met à sonner. C'est Daryl qui me rappelle.

Miss Mystère :
"Allô ! Je t'ai dérangé ?"
Daryl :
"Non, mais j'ai préféré me mettre à l'écart pour te parler. Ça va être compliqué ce soir."

Je suis surprise par son refus. Il n'a jamais rechigné à me voir.

Miss Mystère :
"Pourquoi ?"
Daryl :
"J'ai du monde, on sera pas tranquille."

Encore probablement une de ses fêtes où tout un tas de pintades se dandine au bord de sa piscine...

Daryl :
"Je viens te chercher chez toi, si tu veux ? On ira quelque part où on sera seuls."
Miss Mystère :
"Si tu veux."

Je ne veux pas le braquer en étant trop intrusive, mais ses invités bruyants m'intriguent.

Daryl :
"Je suis là dans une heure. Fais-toi belle pour moi."

(Alors là, il rêve !)

Je rappelle aussitôt Topaze. Il arrive en courant à toute allure vers moi. Nous rentrerons à l'appartement. Je décide de me changer à nouveau. Avec Daryl, on ne sait jamais à quoi s'attendre. Il est capable de m'emmener dans un restaurant huppé de la ville comme dans une brasserie. Il est préférable que j'adapte ma tenue en fonction, au cas où ! J'opte pour un jean noir et une paire de bottines en cuir. Je rattache mes cheveux en queue de cheval et me voilà prête, lorsque je reçois un message.

Mathilde :
"Hey, princesse ! On se voit ce soir ?"

(Mince ! Je ne peux pas lui dire que je vois Daryl ! Il me demanderait pourquoi !)

Miss Mystère :
"Je peux pas ce soir, trop crevée. Je rentre de balade avec Topaze, on va se caler devant un film à l'eau de rose."

J'ai honte. Encore une fois, je mens. Et je sais d'avance qu'il y a de fortes chances que je me reprenne ce mensonge en pleine figure ! Heureusement Daryl sonne à l'interphone et n'empêche de culpabiliser davantage.

(Pour l'instant...)

Avant de sortir, je m'assure que Topaze a de l'eau dans sa gamelle et une lampe allumée.

(On ne sait jamais : et si la vision nocturne des chiens n'était qu'une rumeur ?)

Topaze me remercie en me léchant la main.

Miss Mystère :
"Je reviens mon gros. Sois sage."

Dehors, Daryl est adossé à sa Lamborghini. L'un et l'autre dégagent la même espèce d'agressivité sous-jacente.

Miss Mystère :
"Waouh ! On a sorti l'artillerie lourde !"
Daryl :
"Je ne suis pas le seul à avoir sorti les gros moyens, à ce que je vois."

Il me détaille de la tête aux pieds avec un fin sourire. Je rougis sous l'assaut de ses prunelles.

Daryl :
"Tu connais mon goût pour les belles choses... Tu veux me faire craquer, c'est ça ?"
Miss Mystère :
"Dans tes rêves...!"

Il m'ouvre la portière et il me tend la main pour m'aider à m'installer confortablement sur le siège passager. Daryl et sa manie d'en faire des caisses... Je ne suis pas trop sensible au côté gentleman des temps modernes. Je peux monter toute seule dans une bagnole ! Il se positionne à mes côtés et m'adresse un bref coup d'œil. Il appuie sur le bouton estampillé du taureau doré et le moteur vrombit.

Miss Mystère :
"Daryl, je ne suis pas une de tes poupées que tu peux impressionner."

Il ne me quitte pas du regard en enfonçant le pied sur l'accélérateur. Cela fait au moins vingt minutes que nous roulons. Je me demande où Daryl compte m'emmener.

Miss Mystère :
"Tu comptes m'abandonner à la frontière mexicaine ou quoi ?"
Daryl :
"Je préférais l'enlever plutôt que t'abandonner..."

Je lève les yeux au ciel en croisant les bras sous ma poitrine. Daryl gare enfin la Lamborghini. Je reconnais cet endroit. De cette esplanade, une vue magnifique sur la ville s'offre à nous. Inutile de descendre de la voiture pour s'émerveiller devant la multitude de lumières. J'ai déjà vu cet endroit dans des films. Les amoureux aiment se caler ici pour admirer la vue.

(À quoi il joue ?)

Je commence à regretter ma présence ici. Et s’il attendait quelque chose de moi ? Se serait-il imaginé des projets que je n'ai pas ?

Miss Mystère :
"Tu comptes me faire un plan drague ?"
Daryl :
"tu prends tes rêves pour des réalités, poupée."

Je lui envoie une tape sur l'épaule, agrémentée d'un nom d'oiseau bien senti. Il me fixe, sans se départir de son sérieux.

Daryl :
"J'aime venir ici, c'est tout. Rassurée ?"
Miss Mystère :
"J'étais pas inquiète."

Vu le regard qu'il me lance, je ne suis absolument pas convaincante. Je m'empresse de changer de sujet.

Miss Mystère :
"Je te connaissais pas ce petit côté poète. C'est magnifique, ici. Et si calme... C'est difficile de s'imaginer qu'en bas ça grouille de monde, de bruits, de rires... et de pleurs."

Il pose sa main droite sur ma cuisse. Je retiens mon souffle.

Daryl :
"Si tu deviens romantique, je vais me sentir obligé de t'embrasser... Les belles paroles me mettent dans tous mes états !"

Il me regarde comme un imbécile. Parfois il ne fait nul doute que c'est le frère de Mathilde !

Miss Mystère :
"Enlève tout de suite ta main de ma cuisse ou je te mets la tête au carré."
Daryl :
"J'adore quand tu joues la tigresse."
Miss Mystère :
"T'apprécieras moins quand je t'aurai refait le portrait."

Il éclate de rire, particulièrement amusé par ma réaction.

Daryl :
"T'as vraiment cru que t'avais amené ici pour te sauter ?"
Miss Mystère :
"Ce serait si étonnant que ça de ta part ?"
Daryl :
"Je me suis dit qu'on serait tranquille ici pour parler. Qu'est-ce qui te préoccupe ?"

(Oh rien... Il paraît qu'on a un gang qui voit d'un mauvais œil notre existence sur cette planète. Rien de bien préoccupant.)

Miss Mystère :
"C'est Mathilde. Je me fais du souci pour elle. Depuis l'autre soir, elle est à fleur de peau. Elle a même failli casser la gueule à notre manager..."

Il hausse les sourcils, en affichant un air amusé et surpris.

Daryl :
"Bien jouer la frangine !"
Miss Mystère :
"C'est pas drôle ! Elle aurait pu se faire virer ! J'ai besoin de savoir qu'elle fera pas d'autres conneries. Et surtout, qu'elle en aura pas besoin, ok ?"

Il calme son hilarité. J'attends sa réponse en le fixant sans ciller.

Daryl :
"Vous allez tous les deux crever d'un infarctus à 30 ans, si vous arrêtez pas de paniquer pour rien."

Miss Mystère :
"Putain, c'est pas drôle ! Mathilde s'inquiète pour toi. Et moi aussi ! Si le frère de Lana apprend que c'est à cause de toi qu'il est en tôle, tu risques ..."

Il me coupe la parole.

Daryl :
"Du calme. C'est une fausse alerte. Il sait rien du tout en fait."
Miss Mystère :
"Hein ? Mais comment c'est possible ? Et la personne qui t'aurait dénoncé, elle existe plus ?"
Daryl :
"Elle a jamais existé. César a voulu m'intimider. C'est bon pour les affaires."
Miss Mystère :
"Les affaires ? Mais il est en prison..."
Daryl :
"Tu crois que les activités du gang s'arrêtent parce que son chef est derrière des barreaux ...?"

Il me regarde maintenant comme si j'étais la reine des cruches.

Miss Mystère :
"Et ton contact à la police, t'es sûr qu'il est fiable ?"
Daryl :
"Certain. Il a aucun intérêt à me trahir. Je suis un indic bien trop juteux pour lui."

Il a l'air sûr de lui, mais tout ça me semble un peu trop facile. Et si César l'intimide, c'est qu'il n'est pas prêt de lâcher.

Daryl :
"Si on panique, César aura ce qu'il veut. C'est lui qui est en position de faiblesse, pas nous."
Miss Mystère :
"Mais s'il cherche à t'intimider, il va pas nous lâcher !"
Daryl :
"Il fait une fixette sur nous. Il doit bien avoir les boules ! Il est passé pour une tanche auprès du milieu. Il sait très bien que je vais récupérer ça à mon avantage."

Je n'aime pas trop cette dernière allusion. Mais je n'ai pas envie de creuser pour le moment. Pour l'instant c'est Mathilde qui m'intéresse.

Miss Mystère :
"Mathilde est au courant ?"
Daryl :
"Pas encore. Je viens à peine d'éclaircir les choses. Je lui dirai, et toi essaie de te détendre un peu. Tu vois ce que je veux dire."

Il m'adresse un clin d'œil. Je lui inflige une légère tape sur l'épaule.

Miss Mystère :
"Elle m'emmène aux Bahamas, ce week-end. J'espère vraiment que ces quelques jours lui feront oublier toute cette histoire."
Daryl :
"J'en doute pas une seconde. Bon, j'aime beaucoup ta compagnie, beauté, mais j'ai des invités qui m'attendent chez moi. Alors, ne me retiens pas, tu seras gentille."
Miss Mystère :
"Quel genre d'invités ?"

Il me regarde, un sourire en coin, mais ne répond pas. J'attache ma ceinture. S'il est pressé, il risque de conduire encore plus vite qu'à l'aller !

Daryl :
"Accroche-toi. J'aime pas faire attendre mes potes."
Miss Mystère :
"Merci..."

Contre toute attende, il est devenu un ami sur qui je peux compter. Il m'adresse un sourire amical et redémarre la Lamborghini, en murmurant sa réponse du bout des lèvres et en me regardant droit dans les yeux.

Daryl :
"De rien, beauté."

Il a un sacré culot de me dire cela mais je ne prête pas attention. Il n'en vaut pas la peine. Vendredi ! On est vendredi ! Demain, c'est le grand jour. Mathilde m'emmène aux Bahamas ! Depuis ce matin je ne tiens pas en place. Je suis trop excitée à l'idée de passer tout un week-end avec ma petite copine dans un lieu paradisiaque. J'ai bassiné Lola avec mon euphorie toute la matinée ! Je n'ai pas cessé de lui envoyer des messages pour partager ma joie. Bizarrement, en fin de matinée elle ne me répondait plus ! Et pour Mathilde, c'est pire ! Toutes les dix minutes, la pensée de notre séjour me revient à l'esprit. Je ne peux m'empêcher de lui rappeler en la harcelant de questions sur le déroulement du week-end.

Mathilde :
"Princesse... Arrête avec tes questions. Même sous la torture je ne dirai rien."

Elle me regarde avec un amusement non dissimulé. Je pose mes mains sur mes hanches et bombe le torse.

Miss Mystère :
"Fais gaffe, Dexter, à côté de moi, c'est un enfant de chœur."
Mathilde :
"Je tremble de peur..."
Miss Mystère :
"Tu devrais."
Mathilde :
"T'es aussi dangereuse qu'un bisounours, petite furie. Et t'es vachement plus canon que Dexter."
Miss Mystère :
"T'es pas sympa de me laisser dans le flou comme ça..."
Mathilde :
"N'insiste pas. Tu sauras rien."
Miss Mystère :
"Tu pourrais me donner au moins un indice."
Mathilde :
"Il aura de l'eau et des cocotiers."

Colin nous rejoint au moment où je m'apprête à lui balancer une vacherie. Prise en flagrant délit d'enfantillage, je souris comme une gosse surexcitée. Colin nous observe tour à tour avec curiosité, puis s'attarde sur ma joie excessive.

Colin :
"Tu fais flipper à sourire comme ça. T'as bouffé une licorne ? Tu vas nous chier des paillettes ?"
Mathilde :
"Putain mec, t'as pas idée ! J'en peux ! On n’est pas parti qu'elle me fatigue déjà !"

Elle m'adresse un clin d'œil pour accentuer sa moquerie. Je lui jette un stylo.

(Bientôt je n'aurai plus rien à jeter.)

Colin :
"Vous avez eu une promotion ou quoi ?"
Miss Mystère :
"Le jour où j'aurais une promotion, tout le monde le saura !"
Mathilde :
"Pourquoi ? Ça te rendrait plus heureuse qu'être avec moi ?"
Miss Mystère :
"Le chemin pour les Bahamas, même en faisant le tour du globe, est plus simple que celui d'une évolution !"
Colin :
"Comment j'ai fait pour oublier ça ? Le week-end du siècle !"

J'applaudis des deux, mais devant la perspective de ce week-end de rêve. C'est vrai, je dois être carrément flippante.

Mathilde :
"Ok Miss Mystère ! On va manger chez Bob. Le ventre plein, ça te calmera peut-être !"

Il émet un léger rire moqueur qui ne diminue pas pour autant mon enthousiasme. Arrivée chez Bob j'ai une faim de loup ! La bouche pleine, je n'ose pas monopoliser la conversation avec mes chants hystériques. Les deux acolytes en profitent pour discuter du championnat de basket. Ils perdent toute mon attention jusqu'à ce que Colin prononce le mot "Bahamas".

Miss Mystère :
"J'ai entendu un mot magique !"
Colin :
"Oh merde ! On l'a réveillée !"
Miss Mystère :
"Ah ! Ah ! Très drôle !"
Colin :
"Alors Mathilde, pas trop l'trac ? T'es prête ?"
Miss Mystère :
"Je te remercie Colin, mais passer un week-end avec moi c'est plutôt agréable."

Il m'adresse un sourire moqueur. Le style "causez toujours tu m'intéresses" et s'adresse à nouveau à Mathilde.

Colin :
"J'espère que tu vas mettre le paquet et que t'as pensé à tout..."

Devant l'insistance de son ami, elle avale prestement sa bouchée pour lui répondre.

Mathilde :
"Ouais, merci de t'en faire pour moi. Mais t'inquiètes, j'ai tout prévu, mon pote."
Colin :
"Repas aux chandelles et demande en mariage ?"

Je manque de m'étouffer avec mon sandwich. Un peu de sauce vient dégouliner le long de mes lèvres. Classe... très classe... Surtout quand des images de Mathilde, à genoux devant moi, une bague à la main, entrecoupait le cours de mes réflexions. Inutile de m'encombrer de choses inutiles. Je serai en maillot de bain la plupart du temps. Cela dit, je veux quand même prendre quelques affaires sympathiques pour faire l'effet à ma belle brune.

(Il faut que je prenne ça quand même ! Et ça ! Et aussi ça !)

Topaze n'arrête pas de me tourner autour. Il a senti mon départ au moment même où j'ai pris ma valise sous le lit. Depuis il ne me quitte plus d'une semelle. Si je me lève pour aller aux toilettes, il me suit. Mon chien ne peut pas venir avec nous. Heureusement, Lola m'a proposé de le garder. Elle sera une bonne maîtresse de substitution, Topaze l'adore. Pour éviter à Mathilde de faire un détour, je l'ai rejoint chez elle, après avoir attendu Lola. Topaze était fou de joie de la voir et mon départ n'a pas eu l'air de le déranger plus que ça.

(Quel ingrat !)

C'est donc tout excité que j'arrive à l'appartement de Mathilde. Elle m'accueille dans une tenue décontractée et je la trouve particulièrement craquante.

Miss Mystère :
"Tiens ! Ma valise !"
Mathilde :
"Euh... Je sais pas si on pourra la mettre en soute ..."
Miss Mystère :
"Mais si..."
Mathilde :
"T'as rien oublié, t'es sûre ?"

Je vois bien qu'elle se moque de moi, mais je m'en fiche. Au moins je ne manquerai de rien !

Miss Mystère :
"À part une belle brune, non j'ai tout."

Elle m'entoure ses bras autour de ma taille et me soulève.

Mathilde :
"Alors décollage immédiat."

Je glousse dans mon cou lorsqu'elle me repose. Je profite de l'instant pour déposer un doux baiser sur sa joue. Nous avons quitté son appartement et nous avons traversé la ville jusqu'à l’aéroport. Installée sur le siège côté hublot, je suis perdue dans mes pensées. La chance est de mon côté. Il fait un temps magnifique et le soleil accompagne notre trajet. Mon cœur semble gonflé d'amour. Sans quitter le paysage des yeux, ma main cherche doucement celle de Mathilde. Je soupire d'aise. Elle me jette des regards soutenus. À chaque fois que je fonds, sur le tissu de mon siège.

Mathilde :
"Tu es trop belle, princesse... Les Bahamas vont tomber raide dingue de toi quand on va débarquer."

Je rougis face à son compliment. Malgré toutes ses remarques d'attention, je peine encore à croire qu'une fille comme moi puisse la faire craquer. Elle, elle a tout pour faire craquer n'importe quelle fille. Avouons-le, c'est un fantasme vivant. Alors que moi... et bien c'est moi ! Je me sens tellement bien avec elle. Qu'importe ce qu'il peut advenir, je compte bien en profiter à deux cents pour cent de ce week-end. Elle glisse alors une main le long de ma joue et dépose un délicat baiser sur mes lèvres. Mon cœur se met à palpiter comme un fou et une douce chaleur vient réchauffer ma peau.

Mathilde :
"Il me tarde de te montrer ce que j'ai préparé pour toi..."

Elle enroule une mèche de mes cheveux dans ses doigts, en me regardant amoureusement. Si elle continue comme ça, je pourrais oublier que nous sommes en public.

Mathilde :
"Je t'aime, princesse."

Je lui souris béatement. J'ai tellement peur que tout s'arrête ! Notre relation est entrecoupée de tant de difficultés que j'ai du mal à croire à ces moments simples. Elle ne cesse de m'observer, comme si elle était devant la chose la plus belle du monde. C'est un sentiment grisant que d'êtres ainsi avec elle.

Mathilde :
"Tu es déjà allée aux Bahamas ?"
Miss Mystère :
"Non jamais ! Et je suis contente d'être avec toi pour cette première fois !"
Mathilde :
"Y a une légende qui dit que les couples qui vont aux Bahamas finissent leur vie ensemble."

(Euh, je ne connaissais pas cette légende urbaine. La demande en mariage me revient soudain en tête violemment et je reçois un coup au cœur.)

Miss Mystère :
"C'est vrai ?"
Mathilde :
"Ouais. Mais la légende dit aussi que la femme se transforme en tortue marine."

J'aperçois sa fossette se dessiner sur sa joue.

Miss Mystère :
"Tu sais ce qu'elle te dit, la tortue ?!"

Elle se retient d'éclater de rire jusqu'à ce que je l'accompagne dans l'hilarité.

Mathilde :
"C'est pas moi qui emporte ma baraque, quand je pars en vacances."
Miss Mystère :
"Tu peux pas comprendre..."

(C'est nul comme repartie, j'aurais pu trouver mieux.)

Mathilde :
"Tu es une énigme."

Je n'ai pas le temps de répliquer, car nous sommes interrompus par l'hôtesse qui vient nous proposer une boisson. Au bout d'un moment je me suis assoupie. Le manque de sommeil et l'adrénaline ont fini par épuiser mes forces. Je me réveille lorsque la voix du pilote nous annonce l'atterrissage. Je découvre alors les îles vues d'en haut !

Miss Mystère :
"Que c'est beau !"

Elle se penche avec moi vers le hublot et nous observons en silence la beauté qui se présente sous nos yeux. Je n'ai pas besoin de beaucoup de temps pour sortir de ma léthargie. Je suis scotchée ! Mathilde entour mes épaules d'un bras et me chuchote à l'oreille.

Mathilde :
"On se pose sur Cat Island, princesse."

À vrai dire, peu importe. Chacune de ses îles doit être magnifique ! Lorsque l'avion atterrit, elle se lève et fait barrage, dans l'allée. Elle me tend la main.

Mathilde :
"On pose les bagages au bungalow et direction la plage."
Miss Mystère :
"Je ne suis venue que pour ça !"
Mathilde :
"Et moi qui pensais que t'étais venue pour passer du temps avec moi..."
Miss Mystère :
"Est-ce que c'est possible de te mentir au moins une fois sans que tu t'en aperçoives ?"
Mathilde :
"Non. Je suis un vrai détecteur."
Miss Mystère :
"C'est ce que tu crois !"

Le bungalow qu'elle nous a loué est vraiment paradisiaque. Un grand lit à baldaquin trône au centre de la pièce. Le couvre-lit blanc est recouvert de quelques pétales de fleurs orange au parfum enivrant. Si le bruit des vagues dehors ne m'appelait pas, je serais tentée de rester toute la journée ici, à me faire dorloter par ma femme. Dix minutes après nous sommes toutes les deux en maillot de bain. Mon souffle est coupé. Son corps finement travaillé et expriment toute sa puissance. C’est le genre de femmes auprès duquel on se sent en sécurité. Si je suis pudique d'habitude, Mathilde est la première femme devant qui je n'ai pas peur de me montrer telle que je suis. À travers ses yeux, je me sens toujours belle.

Mathilde :
"Viens par là."

Avant même que j'aie le temps de m'approcher, elle s'avance et me saisit par les hanches. D'un tour de bras, elle me jette sur son épaule ! mes fesses se retrouvent à hauteur de son visage, et l'afflux sanguin sur mes joues n'est pas seulement dû au fait que ma tête soit à l'envers.

Miss Mystère :
"Lâche-moi !"
Mathilde :
"Chut."

Je m'accroche a son dos, tandis qu'elle court jusqu'à la plage. Ses pieds, brûlés par le sable chaud, se mettent à danser jusqu'à ce qu'ils atteignent les premières vagues. Lorsque l'eau atteint ses cuisses, elle nous plonge dedans toutes les deux. Nos corps s'enlacent et s'harmonisent dans le bleu des l'océan. J'entoure son cou de mes bras et lui dépose un baiser humide sur ses lèvres. Nos bouches mouillées s'épousent parfaitement. Je lui mords la lèvre en guise de représailles pour avoir osé me jeter dans l'eau.

Mathilde :
"J'aime bien quand t'es en colère."

Je m'apprête à l'éclabousser, lorsque j'ai la sensation étrange de quelque chose qui glisse contre mes jambes. J'aperçois alors un poisson aux écailles argentées filer entre mes pieds.

Miss Mystère :
"T'as vu ça ?"

Elle sourit et un air entendu s'affiche sur son visage.

Mathilde :
"Tes jambes de déesse ? Oh oui ! Et je compte bien en profiter ce soir..."
Miss Mystère :
"Je suis sérieuse..."

Elle s'approche de moi, comme une prédatrice, mais les yeux pleins de conneries.

(Oh !)

Je la regarde en biais et tente une diversion.

Miss Mystère :
"Aie ! je crois qu'un truc m'a piquée..."
Mathilde :
"Sérieux ?"

Elle cherche du regard dans l'eau presque translucide, baissant la garde. Ni une, ni deux, je me jette sur elle ! Je dois ressembler à une petite chose ridicule. Car j'ai beau gesticuler, rien ne se passe...

Mathilde :
"T'as déjà essayé... Tu sais bien que tu ne fais pas le poids !"

Avant même que j'aie le temps de répliquer, je suis déjà sous l'eau !

(Pas grave, je finirai bien par y arriver un jour !)

Mathilde :
"On nage un peu ?"

Je lui fais signe d'approbation, qui plonge déjà devant moi. Je me précipite pour en faire de même. J'adore l'eau. Parfois je me demande même si je n'ai pas été un dauphin dans une autre vie. Je la rejoins et elle attrape doucement ma taille. Je peux lire dans son regard, à travers ces cils humides, la satisfaction et le bonheur d'être ici, avec moi. Ses lèvres charnues au goût de sel se posent sur les miennes. Je pourrais rester ainsi dans ses bras toute l'après-midi... Le soleil qui se reflète dans ses prunelles est déstabilisant. Je plisse les paupières pour affronter son regard pétillant. Mon cœur fait une embardée. L'intensité qu'elle dégage, sans battre des cils, m'amène à ignorer le monde autour de nous. Le bruit des vagues, la température fraîche de l'eau et le soleil qui chauffe mon cuir chevelu disparaissent instantanément. Elle me fixe, et je ne vois plus que les stries envoutantes de ses iris. Je suis prisonnière de ses assauts et je ne voudrais pas m'échapper de ma geôle pour rien au monde. Nos doigts s'entremêlent glissent avec la douceur de l'eau marine. Elle presse sa paume contre la mienne. Elle retient son souffle et son regard noisette plonge dans le mien, comme si elle était en apnée sous l'eau. Ses lèvres s'entrouvrent et une pensée lubrique envahit aussitôt mon esprit. J'imagine alors glisser ma langue sur la perle d'eau salée qui se forme au bord de sa lèvre. Mon cœur est prêt à exploser. Je ne suis jamais sentie aussi vibrante que lorsque je suis avec elle. J'ai beau être dans l'eau, ma chaleur corporelle ne cesse de grimper. Elle a un don indéniable pour réchauffer mon coeur et... d'autres parties intimes de mon corps. Si je n'étais pas dans l'océan, je serais la preuve vivante que la combustion spontanée est possible. Je dois me ressaisir, si je ne veux pas fondre dans l'océan et rejoindre l'écume des mers comme la petite sirène. L'eau qui coule goutte à goutte d'une mèche de ses cheveux donne une allure fiévreuse à Mathilde. J'ai très envie de l'embrasser et je m'avance plus près d'elle. Ma langue glisse entre ses lèvres et y recueille le sel de l'océan. Elle tente de me serrer contre elle, mais je m'échappe en quelques brassées.

Miss Mystère :
"Qui m'aime me suive !"

Je lui adresse un clin d'œil. Je nage rapidement pour fuir son emprise envoûtante. J'ai envie de jouer et de la faire mariner un peu. Mes sentiments sont trop évidents. Je ressemble à un poisson qui aurait mordu à l'hameçon. Si je veux continuer à la séduire, et à la coincer dans mes filets, je dois lui échapper comme une aiguille. Plus la prise est difficile à attraper, plus le désir de s'en emparer est grand. Malgré toutes mes bonnes intentions, je ne suis pas sûre de pouvoir lutter contre mes envies. Sa main me frôle la cheville et envoie une série de frissons jusque dans mon bas-ventre. Je suis excitée par notre jeu de chat et la souris. J'accélère mes brasses pour prolonger l'attente de notre corps à corps. Plus c'est long, plus c'est bon. Des bancs de petits poissons filent devant nous. Ils nagent en parfaite harmonie, comme si tous ces êtres différents ne faisaient qu'un. Et je ressens exactement cette alchimie lorsqu'elle me rattrape enfin à la nage. Ses mains frôlent mes hanches. Je plonge dans l'eau et le silence nous enveloppe. Nos regards s'accrochent l'une et à l'autre jusqu'à ce nos lèvres s'unissent, comme deux aimants pressés de se rejoindre. Le manque d'oxygène ne se fait plus ressentir. J'aspire l'air de ma petite amie et elle aspire le mien. Nous ne sommes qu'une. Mon cœur tambourine contre ma cage thoracique. J'ai l'impression d'être en apesanteur, de planer, tant les sentiments que je ressens pour elle sont puissants. Je ne peux pas m'empêcher de mouler mon corps au sien, comme si elle avait été faite pour s'imbriquer au mien. Mers cuisses remontent entre ses hanches et je me lasse porter. Son ventre se contracte à mon contact et son baiser s'intensifie de plus belle. Nos jambes s'entremêlent l'une à l'autre. Le bas de mon ventre se contracte. Le désir s'amplifie au fur et à mesure que notre corps s'étend. C'est comme si sa langue avait le goût de l'amour. Je ressens l'excitation en elle, et la mienne est au bord de l'implosion. Je presse ma poitrine contra la sienne. Ses mains plaquent ma hanche contre elle, et je ne peux plus ignorer qu'elle est toutaussi excitée que moi. Je manque de boire la tasse devant l'appétit qu'elle me témoigne. Je suis obligée de cesser notre étreinte, avant de succomber totalement. L'intensité qui circule entre nous, lorsque nous nous embrassons, m'a fait oublier où nous étions. Le manque d'oxygène dû à notre apnée est d'autant plus grand face à l'adrénaline que me provoquent les baisers de Mathilde. Nous apercevons alors une tortue qui nage derrière nous. Et nos regards se croisent à nouveau. Inutile de parler pour partager notre pensée. La tortue marine nous est envoyée comme un signe du destin. Et je suis sûre en cet instant qu'elle et moi sommes faits pour être ensemble... Le soleil s'est couché si vite derrière l'océan. Je n'ai pas vu passer cet après-midi, tant je me suis amusée. Elle avait préparé une excursion en snorkelling, j'en ai pris plein la vue !
Elle m'a demandé de rester dans le bungalow, le temps qu'elle me prépare une surprise. Debout devant ma valise, je ne sais pas comment m'habiller. Il fait tellement chaud ! J'apporte ma touche finale : du parfum floral derrière les oreilles et sur les poignets. On toque à la baie vitrée du bungalow. Je sursaute malgré moi. Je ne sais pas ce qui m'attend dehors. J'ouvre la porte sur une Mathilde rayonnante. Je remercie intérieurement le climat pour ce cadeau ! Habillée simplement d'une tenue hyper sexe !

Mathilde :
"Waouh, sexy pour une tortue !"
Miss Mystère :
"T'es pas mal non plus..."

Elle me remercie d'un sourire charmeur avant d'effectuer une légère courbette.

Mathilde :
"Si madame veut bien se joindre à moi pour dîner."
Miss Mystère :
"Avec grand plaisir très cher !"

Elle m'entraîne sur la plage en me bandant les yeux. Je marche, seulement guidée par sa voix et son déhanchement félin contre mon dos. J'entends le bruit des vagues qui se rapprochent. Le sable s'est rafraîchi et je me régale d'y plonger mes plantes de pieds. Nous avançons encore de quelques mètres et elle dévoile sa surprise. C'est trop mignon ! Une grande serviette étalée sur la plage, éclairée par deux lampes-tempête. Plusieurs gourmandises locales y sont disposées. Je réalise à quel point j'ai de la chance de sortir avec une nana aussi romantique... Je l'enlace, et la chaleur de son corps me donne presque envie de passer directement au dessert. Elle me sert un verre d'un mystérieux cocktail et nous trinquons les yeux dans les yeux. Mes joues s'enflamment aussitôt. Les flammes qui dansent dans ses pupilles ne sont que le reflet du brasier qui brûle en moi. Je goûte délicatement au nectar qu'elle me propose et pousse un gémissement de plaisir !

Miss Mystère :
"Mmmmm ! C'est trop bon ! Qu'est-ce que c'est ?"
Mathilde :
"Un Bahamas Mamma ! Rhum, grenadine, coco, orange jus de citron vert et ananas. Parfait pour emballer une nana !"

Je rigole, mais je suis très touchée qu'elle ait organisé tout ça pour moi. Elle s'est renseignée sur les produits locaux. Elle n'a pas fait les choses à moitié.

Mathilde :
"À nous, princesse."
Miss Mystère :
"À nous et à ce week-end merveilleux."

Nous nous installons et commençons à déguster le dîner. Je suis une grande amatrice des saveurs exotiques ! Rien que l'odeur suffit à conquérir mon estomac ! Elle essuie ses lèvres pulpeuses et m'emprisonne à nouveau dans son regard noisette.

Mathilde :
"Tu sais il fallait que je te dise un truc."

Mon cœur s'alerte aussitôt. Je repense aux plaisanteries de Colin et mes mains se mettent à trembler.

Miss Mystère :
"Ah bon ?"

(Bon sang ! Je ne suis pas prête pour une demande en mariage !!!)

Mathilde :
"Je ne te l'ai jamais dit, mais... t'es la seule personne avec qui je me sens vraiment bien, vraiment moi-même, depuis... longtemps."

Ma bouche devient aride face à cette révélation. Je suis alpaguée par sa sincérité.

Mathilde :
"J'avais la trouille que tu me vois juste comme une personne de bureau... Le genre avec qui tu partages des délires, mais pas ta vie. Au début, je l'ai accepté à contrecœur, mais..."

Elle suspendit sa respiration une minute. Ses yeux fixent ma bouche avec indécence. Je me sens défaillir peu à peu.

Mathilde :
"Dès que mon regard tombait sur ces lèvres gourmandes, je n’ai qu'une chose en tête, c'est de les embrasser."
Miss Mystère :
"Comme maintenant ?"
Mathilde :
"Maintenant que j'ai goûté à toi, je suis comme une droguée, je pourrais plus m'en passer."

Mes yeux ne peuvent plus quitter ceux de Mathilde. Je suis muette face à sa déclaration et, pourtant, j'aimerais crier au monde entier que je l'aime. J'ai envie de son corps contre mien. Je veux m'emprisonner dans son parfum et sentir les battements de son cœur sous ma main.

Mathilde :
"Je t'aime. Je t'aime comme une folle."

Je déglutis pour me donner de la force et lui avouer mes désirs.

Miss Mystère :
"Montre-moi comment tu m'aimes..."

Si je buvais un verre de plus je pourrais voir le reflet des flambeaux dans sa pupille. Je ne sais quelle audace m'anime. J'ai confiance en elle et en son désir de me rendre heureuse. Ces mots ont réveillé la passion qui sommeillait au fond de moi. Elle me désire depuis le premier jour, alors que je la croyais qu'une amie. Je veux rattraper le temps perdu. Celui où nous nous empêchions d'exprimer nos sentiments l'une envers l'autre. Elle se lève d'un bond sur moi telle une lionne sur sa proie. Son enthousiasme réveille le mien. Je me précipite sur elle. Elle et moi nous cognons l'une à l'autre avant que nos corps s'épousent. Je tremble de la tête aux pieds. Elle glisse ses mains sous mes cuisses et me soulève sans difficulté. Je me recroqueville contre elle et love mon visage contre son cou. Je respire la chaleur de sa peau et la fragrance boisée de son parfum. Un mélange aphrodisiaque qui émoustille tous mes sens. Mes bras s'accrochent à ses épaules puissantes. Elle me porte sans effort jusqu'au bungalow. Il faut dire que mon cœur est léger comme une plume. Je me sens si bien. Aucune tension ne plombe mes épaules, aucune inquiétude, aucune pensée obscure. L'instant glisse sur moi comme une perle d'eau après un bain de soleil. Il est rafraîchissant et bienvenu.

Mathilde :
"Princesse, tes souhaits sont des ordres."

Elle me dépose sur le rebord du lit. Son regard près du mien s'intensifie. Je la trouve trop séduisante. Je passe une main dans ses cheveux en les tirant délicatement. Je veux qu'elle comprenne qu'elle est à moi, ce soir !

Miss Mystère :
"Je n’aurais pas droit au dessert ?"

Elle me gratifie de son plus beau sourire.

Mathilde :
"Et si c'était moi, le dessert ?"
Miss Mystère :
"Bof..."

La moue qu'elle fait est craquante.

Mathilde :
"D'accord, on retourne sur la plage pour le dessert, alors."

(Hors de question !)

Miss Mystère :
"Je pourrais m'en contenter... si je n’étais pas aussi gourmande !"

Elle se penche sur moi. Ses mains prennent mon visage en coupe. Je frémis lorsque ses doigts chatouillent l'arrière de mes oreilles. Je maintiens son regard et me brûle à son intensité.

Mathilde :
"Je vais te faire oublier ta faim."

Sa bouche s'avance doucement vers la mienne. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Je sens son souffle chaud caresser mes lèvres. Je vis la scène au ralenti, comme si chaque fraction de seconde qui mène au baiser de Mathilde avait son importance. Je ferme les yeux et ses lèvres, douces et sucrées, s'emparent de ma bouche. Ce point de fusion entre nous enflamme mes joues et ma poitrine. Une explosion de sensations crépite au creux de mon estomac. Je me sens pousser des ailes et j'entreprends de lui montrer mes intentions. Je m'allonge sur le lit sans la quitter des yeux. Les muscles de sa mâchoire se contractent et son souffle se fait plus rapide. Elle fait un pas en arrière et m'observe, comme si j'étais un tableau de maître. Comme Rose, dans "Le Titanic", pendant que Jack Dawson la dessine, je n'ose bouger d'un millimètre. Seul mon cœur qui bat la chamade atteste qu'il ne s'agit pas d'un arrêt sur image. Elle remue la tête de gauche à droite en se mordillant la lèvre inférieure.

Mathilde :
"Je savais que t'étais une princesse."
Miss Mystère :
"C'est possible, mais je n'attends pas que l'on me réveille !"

Elle lève un sourcil, intriguée par ma remarque. J'avance vers elle avec une grâce et une dextérité féline. Je m'attache alors à sa nuque et l'embrasse passionnément. Elle pousse un râle sensuel. Je l'ai pris au dépourvu et j'adore ça. Mathilde prolonge mon baiser puis pose ses lèvres dans mon cou. Des frissons parcourent ma colonne vertébrale. Elle glisse ses mains avec empressement sous le fin morceau de tissu qui couvre mes cuisses. Mon cœur s'enflamme aussitôt. Je presse mon corps contre le sien, comme si je voulais combler chaque millimètre de vide entre sa peau et la mienne. Brûlante, je reçois le petit air du soir comme une bouffée d'oxygène. Mathilde parcourt chaque courbe de mon corps comme si elle le découvrait pour la première fois, comme si jamais elle ne s'en lasserai. Je réponds à sa découverte de petits gémissements.

Mathilde :
"Je vais te montrer comment je t'aime..."

Elle me bascule alors impétueusement contre le lit et s'allonge entre mes jambes. Je l'accueille et me cambre sous ses baisers. Je ferme les yeux et me laisse emporter par la sensualité...

Mathilde :
"Eh oh ! Princesse au bois dormant...?"

La profondeur de mon bien-être est à son paroxysme. J'entends sa voix comme une douce mélodie à mon oreille. J'ai l'impression de vivre un rêve éveillé, et c'est en effet un peu me cas. Mes paupières sont fermées, mais elles laissent passer une lueur orangée et chaleureuse. Les rayons du soleil réchauffent ma peau et me m'enveloppent dans un coton moelleux et rassurant. Mes paupières se soulèvent doucement. La luminosité est déjà forte. Je fais un effort pour habituer mes yeux à la lumière du jour. J'ai très envie de débuter cette nouvelle journée. Je veux retrouver ses bras. Mon oreiller est imprégné de son parfum. J'y enfuis mon nez avec jubilation. Je réalise alors que ma belle brune n'est pas dans le lit à mes côtés. L'espace d'une seconde, l'inquiétude se substitue à mon confort, jusqu'à ce qu'elle réapparaisse à mes côtés.

Mathilde :
"Alors... On a pas envie de se réveiller...?"
Miss Mystère :
"Mmmmh non... Reviens te coucher avec moi."

Ma main sur sa nuque l'entraîne à me rejoindre dans le lit. Peu importe la tête que j'ai, nous sommes tous pareils, le matin, pas la peine de complexer ! Elle en profite pour me chatouiller les côtes et je ne résiste pas à cette attaque juvénile. Je ris tellement que je pleure des larmes de joie. Je me tortille pour échapper à mon bourreau, mais elle s'impose sa force.

Miss Mystère :
"Arrête ! Promis !!! Je me lève si tu arrêtes !"

Elle stoppe alors sa torture en riant devant ma capitulation.

Mathilde :
"Je veux surtout que tu te lèves, feignasse."

J'écarte les cheveux qui tombent devant mes yeux et j'aperçois le plateau qu'elle tient dans ses mains.

Mathilde :
"J'ai pensé qu'un petit-déjeuner au lit te ferait plaisir."

(Alors là, elle m'achève ! C'est quoi ? Une princesse charmante des temps modernes ou bien...?)

Miss Mystère :
"Mathilde, mais... C'est... C'est vraiment adorable !"

Je ne pouvais pas espérer mieux. Mon ventre commençait à crier famine et l'odeur du thé et des fruits frais me réveille instantanément. Un thé ! C'est ce qu'il me fallait après cette courte nuit.Mathilde s'assoit à mes côtés en faisant attention à ne pas déstabiliser le plateau sur mes genoux. Nous partageons les petites douceurs des îles, en tout en nous lovant l'une contre l'autre. J'aimerais que ce week-end ne se termine jamais.

Miss Mystère :
"En fait, t'es la petite amie idéale ! Elle est où la hase ?"

Elle dépose un tendre baiser sur ma tempe.

Mathilde :
"Il n’y en a pas ! Tu vas pouvais faire baver de jalousie tes copines."
Miss Mystère :
"Comme si on parlait de toi !"

Elle m'adresse un coup d'œil moqueur éloquent : je mens très mal...

Mathilde :
"Et si on restait ici ? Juste toi et moi ?"

L'idée n'est pas repoussante du tout. Je me verrais bien vivre ici. Topaze se ferait un plaisir de courir dans le sable et je me régalerais de la nourriture locale. Et je ne l’aurais rien que pour moi, tout le temps. À l'écart de la ville, c'est parfait ! Du calme, du soleil et de l'amour.

Mathilde :
"Je t'apporterais des feuilles de laitue, c'est promis !"

Elle recommence avec sa légende, tout droit sortie de son imagination. Toujours est-il que l'apparition de la tortue marine hier était particulièrement magique. Je commencerais à croire qu'il est vrai que les couples qui se rendent aux Bahamas finissent leur vie ensemble... s'ils ont passé un séjour comme le mien, c'est normal. Je me sens plus amoureuse que jamais, et ça ne me dérangerait pas tant que ça d'être transformée en tortue. Enfin, si j'étais sûre de bénéficier de l'amour de Mathilde pour l'éternité.

Miss Mystère :
"Tu ne m'as toujours pas dit en quoi se transformerait la femme amoureuse ?"

Elle me lance un regard espiègle.

Mathilde :
"Je suppose en un truc un peu concon et émerveillé, et que Colin se foutrait bien de ma gueule !"

Elle me surprend à chaque fois qu'elle parle de ses sentiments. Je ne m'en lasserai sûrement jamais. Je pose le plateau au sol et profite de ses derniers instants de béatitude dans les bras de ma meuf, avant qu'arrive l'heure de repartir.
De retour sur la terre ferme bien dégoûtée de rentrer. Le vol a été plutôt rapide. Avec un peu d'amertume de devoir, quitter un si splendide endroit...

(...)


La fête bat son plein chez Daryl. Comme à son habitude il fait le dragueur de première ! Il en oublie même Lola... Il l'a complètement zappé du tableau. En compagnie de bimbos et il n'est jamais seul de toutes les manières il a au moins deux bombes a ses côtés...! Pauvre Lola... Elle voit au moins Daryl tel qu'il est vraiment. Ce n'est pas le genre de petit ami habitué aux soirées douces et calmes. Il a besoin d'être entouré, de dépenser son fric. Il cherche à combler un vide, même si c'est avec les mauvaises personnes. Mais ce ne sont pas tant les fréquentations féminines de Daryl qui m'inquiètent, ce sont plutôt ces types qui ne se donnent pas simplement des airs de mauvais garçons. Il bavarde avec eux sur la terrasse, et je me demande qui sont ces hommes dont l'allure ne me rassure pas du tout. Mathilde croise mon regard inquisiteur et me fait un signe de tête en direction de Lola. Je ne sais pas encore combien de temps je pourrais arriver à cacher la vérité à mon amie...

Miss Mystère :
"C'est pas une star du rap, lui, là-bas ?"

Elle se retourne pour chercher la personne célèbre que je viens d'inventer, et j'en profite pour foudroyer Mathilde du regard.

Mathilde :
"On était mieux aux Bahamas..."

Je n'arrive pas à contenir plus longtemps ma joie. L'évocation de notre week-end me replonge dans une dans une multitude de merveilleux souvenirs.

Miss Mystère :
"Si tu savais Lola à quel point les fonds marins offrent un spectacle magnifique !"

Elle éclate de rire. Je hausse les épaules devant son hilarité.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce qu'il y a de si amusant ?"
Lola :
"Dis plutôt que c'est le spectacle de Mathilde t'as offert qui t'as émerveillée !"

Mathilde fière d'elle, joins ses deux mains en guise de remerciements.

Mathilde :
"J'ai comme l'impression d'être de trop dans cette conversation. Je suis trop pudique pour rester là à entendre Miss Mystère se vanter de mes prouesses aquatiques... Ça me choque. Je suis une âme sensible."

Elle m'adresse un léger clin d'œil complice. Lola nous jette un regard envieux.

Mathilde :
"Je préfère aller chercher un truc à boire et vous laisser discuter..."
Lola :
"Un martini blanc, pour moi, s'te plaît !"
Miss Mystère :
"Un mojito fraise et des minis quiches, pour moi !"

Elle prend notre commande, avant de se diriger à l'intérieur de la villa.

Lola :
"Alors, ce week-end ? Colin avait vu juste ?"
Miss Mystère :
"C'était trop bien ! Mathilde a tout fait pour rendre ce week-end mémorable ! La plongée, le dîner sur la plage, le petit-déjeuner au lit !"

Elle écarquille les yeux. J'ai rarement l'occasion de me vanter de mes rendez-vous, alors j'en profite.

Miss Mystère :
"Il y avait même des pétales de fleurs sur le lit !"
Lola :
"Waouh !! Elle a vraiment mis le paquet... Je ne l’aurais jamais cru si romantique !
Miss Mystère :
"J'ai de la chance ! Qui aurait pensé qu'une âme sensible se cache derrière cette fille musclée !"
Lola :
"Si Daryl était à moitié aussi attentionné que sa sœur, je serais au top..."

Elle enlève ses talons hauts pour s'asseoir sur le rebord de la piscine. Elle balance ses pieds à la surface de l'eau.

Lola :
"T'en as de la chance ! Mon week-end à moi n'a pas été aussi cool..."
Miss Mystère :
"Comment ça ? Topaze a fait des bêtises ?"

(Oh non, il a fait pipi sur son tapis blanc !)

Lola :
"Non, il a été chou. Il n’a pas arrêté de réclamer des caresses. C'est plutôt moi qui en aurais voulu, si tu vois ce que je veux dire..."

Elle me montre Daryl d'un signe du menton. Depuis notre arrivée, il est resté avec... ses amis !

Miss Mystère :
"C'est vrai qu’il n’est pas très présent pour nous..."

Nous restons quelques secondes silencieuses, à fixer les reflets des spots lumineux sur la surface de l'eau.

Miss Mystère :
"Au fait, je t'ai ramené un petit cadeau !"

Je sors un paquet de mon sac à main. Elle semble étonnée par mon attention.

Miss Mystère :
"C'est vraiment pas grand-chose."

Elle déchiquette rapidement l'emballage et découvre un petit collier en pierre colorée. Je sais combien elle est coquette et affection ce genre de petit bijou.

Lola :
"Merci, c'est super joli !"
Miss Mystère :
"Avec plaisir ! J'allais quand même pas revenir les mains vides !"

Elle m'étreint dans une accolade si chaleureuse qu'elle manque de nous faire tomber toutes les deux dans la piscine !
J'en veux à Daryl de ternir le sourire de ma meilleure amie. J'ai le triste sentiment que cette histoire va mal se terminer... La fête bat son plein, la musique gronde dans les enceintes et les conversations des invités forment un brouhaha ambiant. Avec mon amie, nous attendons toujours nos verres. Et nous en profitons pour passer le temps.

Lola :
"Non mais regarde comment elle se trémousse, elle !"
Miss Mystère :
"Elle croit être dans un clip de Snoop Dog ou quoi ?!"
Lola :
"Oh mon dieu ! Elle va réussir à se détacher les jambes du corps, si elle continue à se déhancher comme ça !"

J'ai remarqué que Daryl n'arrêtait pas de nous jeter des regards curieux. Il semble pressé de nous rejoindre. Mais "les amis" avec qui il discute n'ont pas, eux, l'air pressés de le libérer. Je donne un coup de coude à Lola lorsqu'il regarde encore dans notre direction. Elle rougit instantanément. Je ne la connais pas si sensible aux regards langoureux d'un homme. Je m'apprête à la charrier un peu, quand je constate son changement d'attitude.

Miss Mystère :
"Lola...? Ça ne va pas ?"

Elle ne me répond pas, trop occupée à regarder Daryl. Il est devenu blanc comme un linge, immobile, et complètement effaré par ce qu'il voit. Un frisson me parcourt l'échine dorsale lorsque je remarque que plus personne autour de nous ne s'agite. Tous les regards sont tournés sur une même personne qui vient de débarquer. Une jeune femme se tient debout à l'entrée et observe l'assistance, sans paraître s'inquiéter le moins du monde de l'intérêt qu'elle suscite. Elle est plutôt jolie, mais je ne comprends pas pourquoi tout le monde s'est arrêté de vivre pour elle.

Lola :
"Qu'est-ce qu'ils ont tous ?"
Miss Mystère :
"Je me le demande ! Si ça se trouve, elle est connue ! C'est peut-être une actrice ou une chanteuse !"

Des chuchotements apparaissent dans la foule des invités. C'est vraiment bizarre. J'ai hâte que Mathilde revienne. Elle en saura peut-être plus. J'observe à nouveau Daryl et mon inquiétude augmente. Il a le regard fixe et le teint de plus en plus livide. J'entends alors la voix de Mathilde qui sort de la villa, les bras chargés de nos cocktails.

Mathilde :
"Désolé, princesse ! Il n'y avait plus de mini-quiches."

Comme une bombe au milieu de la foule, sa voix forte au milieu des chuchotements attire l'attention des invités qui la regardent tous, choqués et dépités. C'est alors que la jeune femme fend la musique d'un cri étonnant.

??? :
"Mathilde !"

Elle devient livide en une fraction de seconde lorsque ses yeux se posent sur la jeune femme. La fille se précipite en courant sur Mathilde et se jette dans ses bras.

??? :
"Oh, tu m'as tellement manqué !"

Je suis parfaitement impuissante et choquée devant l'étreinte de la jeune femme. Et j'assiste, éberluée, au baiser qu'elle lui donne. Je suis paralysée. Je ne suis pas certaine de que je vois. Elle vient de l'embrasser ? Elle embrasse ma Mathilde ?
C'est quoi ce bordel ?! Je m'apprête à me lever pour rejoindre Mathilde et cette... inconnue. Mathilde est de plus en plus blanche. Les verres qu'il tient dans les mains lui échappent et s'écrasent en mille morceaux sur le sol. Daryl n'a pas le temps d'arriver assez vite à ses côtés et Mathilde s'écroule au sol, sur les tessons tranchants.

Miss Mystère :
"MATHILDE !!!!"

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Commentaires & Discussions

Bahamas : week-end de rêve Chapitre1 message | 3 ans

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