Erell appuya sur le bouton de la sonnette afin de signaler sa présence. Pendant les quelques secondes suivantes, qui lui semblèrent des heures, elle s'agitait sur le paillasson, la boule au ventre. Sujette au stress, elle ne pouvait s'empêcher de triturer sa bague en argent. Elle tentait d'appliquer les conseils de son père, si elle avait confiance en elle, elle inspirerait confiance aux autres. L'adolescente respira un grand coup afin de reprendre de la contenance.

 Agée de tout juste seize ans, c’était la première fois qu’Erell allait être baby-sitter et cela l’angoissait. Elle avait tellement peur de mal faire. L’adolescente était pourtant déterminée à se faire un peu d’argent. Elle avait demandé à tous les commerçants du village s’ils voulaient afficher son annonce dans leur boutique. Elle avait partagé sa succincte présentation et ses coordonnées sur des sites dédiés à cet usage. Puis le bouche à oreille avait fonctionné. Une jeune maman l’avait alors appelé afin de louer ses services.

 La porte d’entrée s’ouvrit, laissant apparaître une femme d’environ trente ans à la chevelure d’or, un large sourire aux lèvres. Ce dernier fut si communicatif que les battements du cœur d’Erell se calmèrent et elle esquissa un léger sourire, elle aussi.

« Erell ? Mais rentre voyons ! Ne reste pas dans le froid. »

 La femme poussa davantage la porte et une bouffée d’air chaud s’engouffra sur le visage de l’adolescente. Elle ne se fit pas prier pour entrer et frotta soigneusement ses bottines en cuir sur le tapis de l’entrée.

« Madame Morin, je…

- Appelle moi Agnès voyons ! »

 Erell sourit et se corrigea.

« Agnès, je vous prie de m’excuser pour le retard.

- Cinq minutes ce n’est pas du retard enfin ! »

 La jeune adolescente expira de soulagement.

« Chérie ?! Tu as vu mes Richelieu ? Impossible de mettre la main dessus !" s’écria un homme à l’autre bout de la maison.

 Agnès secoua la tête de gauche à droite l’air amusé, fit un petit signe à Erell pour lui signifier qu’elle revenait puis disparut dans le couloir.

 L’adolescente en profita pour observer la pièce. Erell ne s’y connait pas vraiment en décoration d’intérieur mais elle pouvait constater que la maison était décorée avec soin et avec goût. Les habitants de la demeure avaient opté pour un style moderne alors que les parents de la jeune fille, eux, préféraient orner leur maison de meubles et d’objets anciens, choisis également avec beaucoup d’attention.

 Le rez de chaussée était un grand espace ouvert. L' immense écran plat impressionna la jeune baby-sitter. Elle se voyait déjà s'affaler dans le canapé en cuir afin de regarder son émission du vendredi soir préférée pendant que l'enfant aurait rejoint Morphée aux doux pays des rêves. Des poutres apparentes séparaient le salon et la cuisine. Cette dernière était équipée de tous les appareils électroménagers dernier cri. Un îlot spacieux servant de plan de travail et de table de cuisine faisait face à la salle à manger. En effet à quelques mètres de celui-ci trônait une magnifique table en bois clair, accompagnée de ces huit chaises. Erell se mit alors à imaginer les merveilleux repas de famille ou entre amis qui avaient dû se dérouler à cet endroit. Elle entendit presque le bruit des aliments crépiter dans la poêle et les rires bruyants des convives.

 L'adolescente sortit de sa rêverie lorsqu' Agnès revint en se moquant gentiment de son mari car les chaussures tant recherchées se trouvaient sous son nez. Ce dernier, du nom de Richard, se présenta très rapidement en serrant la main d'Erell, il semblait un peu mal à l'aise face aux plaisanteries de sa femme sur la gent masculine.

 Lorsque la mère de famille reprit son sérieux, elle fit faire le tour du propriétaire à l'adolescente. Erell souriait à chaque anecdote que lui raconta Agnès sur la construction de la maison ou sur son aménagement. L'admiration de la jeune fille pour son employeuse d'un soir ne cessait de croître. Elle se promit qu'un jour, elle aussi, elle aurait une maison semblable à celle-ci. Au bout de quelques minutes, elles montèrent à l'étage afin de terminer la visite et de faire les présentations avec Noé, le fils d'Agnès et Richard.

 L'étage était aussi spacieux que le rez-de-chaussée. Il ne comportait que trois chambres considérées comme des suites parentales à cause de la présence de salle de bain dans chacune d'elles. Toutefois celle des parents avait un dressing en plus. Avant d'entrer dans la chambre de son fils, Agnès expliquait à Erell qu'ils comptaient aménager les combles en bibliothèque car cela avait toujours été son souhait. Erell sourit poliment en se disant qu'elle aussi en rêvait, ces étagères menaçaient de céder à tout moment sous le poids de ses livres.

 Lorsque la jeune fille passa le seuil de la chambre, elle eut l'impression d'être dans le cosmos. Les yeux grands ouverts, elle découvrit des étoiles phosphorescentes formant des constellations collées au plafond. Les murs étaient de couleur bleu-gris et un pan était recouvert d'une immense photo des cratères de l'astre lunaire. Elle vit également un adorable mobile de planètes et d'étoiles filantes au dessus du lit de l'enfant. Face à ce dernier se trouvait une réplique de la fusée de la bande dessinée de Tintin "On a marché sur la lune". Noé jouait calmement à l'intérieur, dans la lumière tamisée de la chambre.

 Agnès appela alors tendrement son fils. L'enfant sembla enchanté de voir sa mère. Un grand sourire se dessina sur mon visage. Il vint alors à la rencontre des femmes. Lorsqu'il comprit qu'il ne connaissait pas la personne qui accompagnait sa génitrice, il attrapa la jambe de cette dernière, se cacha derrière sans quitter des yeux l'intruse.

 Erell s'agenouilla alors afin d'être à la hauteur de l'enfant de quatre ans et elle se présenta en lui tendant la main. Noé reproduit alors un geste qu'il avait déjà observé à plusieurs reprises avec les grandes personnes. Il saisit le membre tendu et le serra.

 L'adolescente ne put s'empêcher de penser que la soirée commençait plutôt bien et elle espérait qu'il en serait de même tout du long.

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