Chapitre 58

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Dryade n’est plus cet endroit nul part dans le monde. Dryade n’est plus commun est confondue. Et le rouquin est spécialement fier de pouvoir poser une adresse sur ses souvenirs, qui précèdent son nom, en plus d’une date.

Mercure habite à Dryade, nous sommes le 2 Juillet 2024.

Le rouquin a décidé qu’aujourd’hui serait celui de sa renaissance, avant la prochaine quête.

Et plus ils se rapprochent, passant par cette danse foret, plus le sol est jonché de fleurs jaunes. Il y en a des centaines, des milliers. Le Docteur Harris n’en avait jamais vu autant, il est complètement stupéfait.

Mercure arrête son avancé ici, devant Le Terrier. L’herbe n’a jamais été aussi verte et fleurie. Malgré le mauvais temps, la grisaille, la pluie, et même le tonnerre, il ne baisse ni la tête ni les yeux, ses pieds n’ont jamais été autant ancrés dans le sol.

« Vous allez devoir attendre à extérieur. J’ai à déloger un intrus. »

Le Docteur Harris se contente de hocher la tête, comme s’il était impossible de lui désobéir. Après tout, quel état de colère ressentiriez-vous si quelqu’un s’était introduit chez vous ? Le calme de Mercure est un atout.

Le jeune garçon s’enfonce lentement le long du tunnel de terre et de fleurs. Le silence règne à l’extérieur le temps d’un courant brutal. Les deux Docteurs se regardent l’air inquiet.

« On devrait aller chercher quelqu’un, au cas où ça tournerait mal. » Propose le Docteur Willem, son acolyte ne semble pas partager le même avis, le sujet est difficile. Pour qui prendre le plus de risques ? Mercure et Dylan vont s’entre-tuer, mais si on les arrête, si quelqu’un s’approche il pourra révéler la position du rouquin. Ce n’est pas pour ça que l’un d’eux mérite de mourir.

« Très bien… Monsieur Ford, c’est lui qu’il faut aller chercher, dans ce cas. Si on évite un massacre, et qu’on sort Agathe de là, on pourra toujours cacher Mercure dans la cordonnerie le temps de trouver une autre solution. Il faut qu’on contacte l’institut au plus vite. »

Le Docteur Willem approuve ce choix, de toute façon il ne connaît personne. Ce sera lui qui se rendra au village, presque personne ne connaît son visage. Et s’il est interrogé par le petit mouvement de foule qui se déroule dans les rues à cause de la police qui fouille, il n’aura qu’à dire comme tout le monde qu’il ne connaît Mercure que de loin.

Les deux médecins se séparent donc, le Docteur Harris reste devant l’entrée du tunnel pour surveiller le moindre cri de détresse qui pourrait en sortir.

Les pas de Mercure sont perceptibles depuis l’entrée, l’eau qui circule à l’intérieur se repent partout, ses semelles clapotent dedans. Évidemment le rouquin prend garde à ne surtout pas piétiner les précieuses fleurs jaunes, elles se déploient lors de son passage, comme s’il elles l’avaient attendu tout ce temps, qu’elles non plus n’avaient plus besoin du soleil pour vivre, seulement de Mercure.

La silhouette enfin présente dans l’entrée du Terrier, Agathe affiche le plus soulagé des sourires, ses joues sont rouges. Elle est assise dans le font du terrier sur la voile déchirée, contre la paroi, et dans les fleurs jaunes qui fleurissent par centaines dans l’eau. Ses bras dans le dos indiquent qu’elle est probablement attachée, Dylan l’a aussi empêchée de parler vu les irritations de son visage.

« Mercure... » Murmure-t-elle avec une incontrôlable envie de pleurer. Si Mercure devait chiffrer sa colère, elle dépasserait l’entendement. Son regard le plus noir va à Dylan, qui se relève un peu plus loin.

« Mercure. Tu es seul j’espère ? Moi oui, j’ai respecté le jeu. J’ai su que tu arrivais lorsque ces saletés se sont mises à fleurir. » Dit-il en écrasant une fleur jaune dans le creux de son poing. Un crime qui ne restera pas impunie. Les restes tombent tristement dans l’eau, Mercure ne quitte pas Dylan du regard.

« Ah Mercure, tes yeux, ils ont changé. Il y a quelque chose en toi qui vient de prendre vie je dirais. C’est vrai, tu avais l’air complètement mort, depuis quand t’es-tu réveillé ? » Dylan se rapproche dangereusement, mais aussi très lentement, avec les mains dans le dos. Il est trop serein, trop souriant.

« Mercure je t’en prie, vous n’êtes pas obligé d’en arriver là ! On peut trouver un arrangement. » Supplie Agathe qui a le cœur qui bat à cent à l’heure. Le rouquin s’exprime enfin, avec une voix dure et froide, comme il ne l’avait jamais montré.

« Nous sommes chez moi. Alors nous ne nous battront pas ici, la fleur que tu as tuée est déjà une perte de trop. Mais avant ça, je veux que tu détaches Agathe et que nous la laissions partir. Ça se passe entre toi et moi. » Dylan ricane, c’est insupportable. Il lève les mains, comme pour capituler, son bras touché par la balle de l’autre jour n’est pas très bien articulé, évidemment, et il est quand même venu se battre.

« Très bien, chacun choisit ses règles du jeu. » Le garçon à la veste rouge se retourne vers Agathe, elle n’est pas du tout rassurée à l’idée qu’il pose son regard sur elle encore une fois. C’est sans un mot de plus qu’il la détache. Mercure se rapproche, ils ne se quitte pas des yeux le temps de se croiser, puis il se penche vers Agathe, la serrant fort dans ses bras.

« Mercure, mon Dieu…

— Tu vas bien ? Il ne t’a pas fait de mal ? J’ai pensé à toi sans arrêt, j’étais effrayé ! Agathe pardonne-moi, tout ça est de ma faute, tu n’aurais pas dû subir ce chantage atroce... » Il sent l’odeur de sa peau, de ses cheveux qui lui ont terriblement manqué. Quant à Agathe, la chaleur de Mercure se repent rapidement contre son corps, ça lui fait tellement de bien. Ils pourraient bien ne plus jamais se lâcher. La jeune femme se met à renifler et ses épaules tremblent.

« Agathe je t’en prie, ne pleure pas. Peu importe ce qui va se passer, je trouverai une solution, nous serons ensemble, je veux passer le plus de temps possible à tes côtés, je t’aime, de tout mon cœur je t’aime, ne pleure pas… » Mercure prend le visage d’Agathe entre ses deux mains, il lui offre de douces caresses et un tendre baiser.

« Tu es trempée, tu vas tomber malade. » Mercure retire le sac à dos et sa veste qu’il enfile sur les épaules de la jeune femme. Dylan semble ne pas supporter de voir cette intimité d’après le visage emplie de jalousie qu’il affiche, comme dégoûté, ou même humilié. En revanche, dès qu’il voit le Colt accroché dans la ceinture de Mercure, il ne peut plus en décoller son regard.

« Le Docteur Harris et le Docteur Willem attendent à l’entrée du tunnel, reste avec eux et ne t’approche pas, je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit, je tiens trop à toi. » Mercure l’aide à se relever doucement, les jambes de la jeune femme sont faibles, elle n’a peut-être presque rien mangé depuis leur départ du port de Femir. Inacceptable…

« Le Docteur Willem est revenu ? » Agathe sent sa tête qui tourne quelques instants, elle est obligée de se tenir à son amoureux pour avancer.

« Oui, il pourra s’occuper de toi lui aussi.

— Dehors maintenant. » ordonne Dylan.

Lorsque le Docteur Harris voit les jeunes gens sortir du tunnel, il se précipite vers eux, et surtout vars Agathe. Il la prend en charge immédiatement. Dylan fait une grimace.

« Je croyais que tu étais seul.

— Je n’ai rien dit du tout. » La froideur de Mercure donne des frissons au docteur.

« Tant qu’il ne nous gêne pas. » se lamente le garçon à la veste rouge. Mercure déteste la façon dont on parle du Docteur, cet homme est loin d’être n’importe qui aux yeux du rouquin. Matthew préfère ne pas relever la remarque et s’occupe d’Agathe du mieux qu’il peut avec le peu de matériel qu’il a, il ne peut que la rassurer à vrai dire, et lui promettre des soins rapides. Elle manque terriblement d’énergie et de sommeil.

Agathe s’accroche une dernière fois à Mercure, le retenant de se lever et de rejoindre Dylan.

« Mercure je t’en prie, fais attention à lui, il a une arme, ils lui en ont trouvé une dans Femir. Fais attention, Mercure, attention… » Le rouquin caresse les mains de sa douce pour la rassurer, mais il ne rajoute rien, parce que rien ne pourra la rassurer.

« Tu as eu ce que tu voulais, Mercure. Maintenant, nous allons régler nos comptes. » L’affront du regard est terrible, ils se retiennent encore de se jeter l’un sur l’autre, s’éloignant progressivement du Docteur Harris et d’Agathe. À présent, ils sont au milieu d’une zone épargnée par la densité des arbres, mais toujours fleurie à l’infinie. Non loin d’ici se trouve le premier niveau de la falaise qui s’étend jusqu’à la mer. En bas on ne trouve que de la verdure mais si on continue pendant un kilomètre, on y trouve de violants rochers.

Ils sont debouts, l’un en face de l’autre à cinq ou six mètres, subissant le vent et la légère pluie qui humidifie leurs vêtements.

« Ta blessure a bien guéri on dirait. » Souligne Dylan en yeutant méchamment le flanc de Mercure.

« Il faut dire que je possède certains avantages que tu n’as pas. »

Un orage traverse le ciel, et leurs yeux. Ils agencent tous les deux d’un pas, puis un deuxième, et un troisième. Ils se rapprochent l’un de l’autre jusqu’à se retrouver en face les manches relevées et le poing serré.

Mercure donne dans le visage de Dylan, son coup de poing le plus magistral.

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