Chapitre 47

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Le silence tonne comme un coup de tonnerre, ou comme la vibration désagréable d’une ventilation grave. Dylan se voit forcé de lever les mains, très lentement, sans quitter des yeux ceux de Mercure. Entre eux, il y a ce canon de pistolet qui pointe droit sur le front de Dylan, à environ… dix centimètres. L’angoisse gagne enfin la respiration du brun, il passe plusieurs fois sa langue sur ses dents.
 « Mercure... » Tente t-il, le rouquin l’arrête immédiatement.
 « Il est chargé. Il y a quatre balles dedans, et je sais où se trouvent les réserves de munitions que nous avions laissé, après que tout le monde soit mort. Des 45 ACP, il y a encore des boites entières, je peux en tirer sept avant de le recharger. J’ai une porté de cinquante mètres, à raison de vingt coups par minutes, pour une vitesse de balle de deux-cent soixante deux mètres pas secondes. » Dylan entend le cliquetis de la recharge, tout près de son visage. Ses doigts sont en train de trembler. « Tu as parfaitement appris tes leçons…
 — Lâche le couteau. » Dylan s’empêche strictement de regarder le canon devant lui, et puis quoi encore… qu’est-ce que ça change si Mercure à une arme dans les mains ? Le brun ressert le couteau dans sa main.
 « Tu ne tirera pas. Tu sais pourquoi ? Parce que je pense que aucune de tes balles n’a tué qui que ce soit. Jamais. Parce que même avec de quoi tuer dans les mains, tu ne ferais pas de mal à une mouche.
 — Une seule. » Dylan aimerait rire, il se retient tout de même.
 « Vraiment ? Tu t’es trompé de cible alors, tu n’as pas fais exprès. » Mercure aimerait ne pas avoir à ce remémorer ce jour-là, il prend une énième respiration qui lui brûle la gorge.
 « Dylan, vas t-en. Laisse-nous tranquille, va refaire ta vie ailleurs. Agathe n’a pas envie de subir ta jalousie, quand elle est partie ça n’avait rien à voir avec moi. S’il te plaît, je suis fatigué, je veux simplement qu’on me fiche la paix.
 — Tss… tu peux toujours te... »

Lorsque Agathe et le Docteur Harris se rapprochent du passage couvert, enjambant les débris et marchant dans la poussière à la recherche de Mercure, à l’extérieur, ils entendent un coup de feu. Le visage de la jeune femme pâli.
 « Mercure ! C’était par ici ! Vite, venez ! » Sans hésitation elle pénètre dans l’entrée de la galerie en ruine. Elle entend ses pas qui résonnent et rien d’autre, l’inquiétude s’empare d’elle.
 « Mercure ! » Appelle t-elle de nouveau entre deux respirations. Le docteur la suit en silence, après qu’elle lui ait expliqué la situation en haut de l’église, il n’a plus prononcé un seul mot. Tout se ressemble ici, mais le carrelage terne la guide vers le seul virage possible de la galerie. Immédiatement, Agathe aperçoit les deux garçons contre le mur en pierre. Le canon du Colt est pressé contre l’épaule droite de Dylan, du sang coule sur le mur juste derrière. Quant au poignard, il est enfoncé dans le flanc gauche de Mercure. Aucun ne bougent, mais leurs muscles tremblent et ils respirent fort.
 « Ah… lâche-moi putain !... » Dylan essaie de se libérer, et le moindre mouvement qu’il tente fait remuer la lame du poignard. Le corps de Mercure est secoué de spasmes localisés dans son abdomen. S’il avait pu choisir, il aurait préféré la balle.
 « J’y crois pas... espèce de connard, t’as tiré ! Tu m’as vraiment tiré dessus ! »
Sans fierté, Mercure hoche la tête. Des goûtes de sueurs coulent sur son visage, il sent la douleur lui monter à la tête. Pas très loin derrière, il entend Agathe leur demander de s’éloigner l’un de l’autre, mais elle n’ose pas s’approcher. Le rouquin, se sent coupable, il aurait pu lui éviter cet horreur-là.
 « Tu étais prévenu. J’en suis capable, j’ai tiré.
 — Mercure. » Le rouquin relève le regard dans un sursaut, après avoir entendu cette voix. Pas si vieille que ça, pas si ancienne, mais plutôt inattendue.
 « Docteur... » Commence t-il alors que le moteur de la voiture s’approche soudainement. Ce sont les deux garçons de la bande à Dylan. Le conducteur freine brutalement, les roues dérapent sur la poussière rouge, et alors on entend l’un deux crier depuis l’entrée de la galerie.
 « Dylan ! On a appelé les flics, ils vont bientôt arriver ! »
 Une sorte de panique générale s’installe, Mercure et Agathe s’échangent un regard grave, ensuite, Mercure prend conscience qu’il a une arme à feu dans les mains et qu’il vient de tirer sur quelqu’un. En plus d’être poursuivit pour la science, la police se fera un plaisir de l’arrêter pour blessure par balle.
 « On ne doit pas rester ici ! » Le rouquin relâche Dylan, et en faisant deux pas en arrière se libère de la lame rouge. La douleur fait vriller ses jambes, comme si elles se déboîtaient toutes les deux en même temps, mais Mercure est solide. Il retrouve l’équilibre et se précipite vers Agathe et le Docteur Harris, tout en se tenant le flanc. Dylan tombe à genoux, il agrippe lui aussi son épaule meurtrie, de la haine s’étend sur son visage.
 « Vite, partons d’ici ! » Le rouquin prend la main de sa bien aimé à l’aide de seulement deux doigts, les autres tiennent le Colt. Tous les deux s’éloignent déjà de la galerie, quant au docteur Harris, il reste droit et stoïque, observant Dylan d’un air glacial.
 « Qu’est-ce que vous voulez, vous ! » S’énerve t-il, le dos courbé vers l’avant.
 « Tes mains ont salit des messages que je me suis entêté à cacher et à protéger pendant plusieurs années. Tout ça pour qu’un adolescent stupide et avide de vengeance tombe dessus par hasard, et les publie sur internet. Si Mercure se fait attraper, s’en est finit de sa vie en tant qu’être humain. Mais si Mercure se fait attraper, je peux te garantir que s’en sera finit de la tienne aussi. Je n’ai qu’une parole. »
 Après un regard méprisant de haut en bas, le Docteur Harris explique à Dylan que la balle lui a traversé l’omoplate ou la clavicule mais que ses articulations ne sont peut-être pas touchées. Sa blessure ne sera pas mortelle s’il retient le plus de sang possible, qu’il doit bien la presser en attendant les secours.
 Ensuite, il s’en va.

Mercure et Agathe sont rapidement rejoint par le Docteur, ils s’éloignent vers la sortie Ouest de Femir pour ne pas retomber sur la voiture des deux garçons, ou par malheur, croiser la police qui arrivera bientôt. Ils ne sont plus très loin de la côté, d’ici, entre quelques arbres, on peut apercevoir la mer. Le Docteur Harris leur demande de s’arrêter et fait s’asseoir Mercure par terre, sur le petit sentier. Grace aux panneaux en bois et jolis écriteaux, ils comprennent se trouver sur l’entrée d’un parc, ou d’un jardin naturel. La respiration du jeune homme est haletante, rapide et inquiétante.   Agathe l’accompagne vers le sol en lui tenant le bras. Mercure est vraiment pale.
 « Agathe, ce qu’il s’est passé dans la galerie… Ah… c’était horrible.
 — Je sais, reste tranquille, Monsieur Harris va s’occuper de toi.
 — Non, ce n’est pas de ça… Agathe, des anachronismes, partout, ce n’était pas normal. Il y a avait des ordinateurs, mais je sais très bien que les ordinateurs sont arrivés plus-tard, pourtant je les voyais. Et il y avait aussi les Gibson, mais celles que je voyais dataient de 1960, alors que quand nous étions à Femir, c’était au moins quinze ans avant ! »
 La jeune femme à du mal à le suivre, elle essaie tout de même d’aller dans son sens en lui caressant les bras et essayant de le rassurer. « Mercure, tout va bien maintenant.
 — Non, ma mémoire, je crois qu’elle est vraiment saturée, maintenant, elle mélange tout !… ça ne m’était jamais arrivé…
 — Mon chérie, calme-toi. N’y pense pas. » Elle le serre tout doucement contre elle, en passant ses mains dans les cheveux roux et sale de Mercure. Le jeune homme ferme les yeux, il aime la peau d’Agathe contre la sienne, sa chaleur à elle, et il fait de son mieux pour ralentir sa respiration.
 « Ce n’est pas de ta faute, Femir a du remuer beaucoup de souvenirs auxquels tu n’avais pas pensé depuis très longtemps. Ça te fait du mal. C’est bon maintenant, nous allons partir d’ici et ça te soulagera. Voilà, sèche ces petites larmes. » Agathe passe son pouce en dessous des yeux de Mercure, tout doucement. A ceci, elle ajoute un tendre baiser sur ses lèvres.
 Le Docteur Harris retire sa veste et la place dans le dos de Mercure, afin de pouvoir l’adosser contre le muret en pierre qui sépare le gravier principal de l’herbe. Il demande la permission au jeune homme de pouvoir soulever son vêtement, et observe l’énorme entaille.
 « Elle n’est vraiment pas jolie, on va devoir s’en occuper au plus vite. » Sans gants adaptées, il ne prend pas le risque de la toucher.
 « Mais au moins le saignement s’est arrêté. » Fait-il remarquer en observant les mains rouges de  Mercure. Il s’adresse ensuite à Agathe.
 « Est-ce que tu as emporté avec toi des vêtements propres ? Quelques chose que nous pourrions appliquer sur la blessure pour retirer l’excédent de sang ? » La jeune femme se met à blanchir, elle imagine ses jolis vêtements tout taché de sang, fichu, bon à mettre à la poubelle. Avant de pouvoir répondre que oui, malheureusement, Mercure essaie d’avoir son attention en frôlant la paume de sa main sur le bras de son amoureuse.
 « Agathe, la fleur que tu as ramassé dans la forêt de peupliers, est-ce que tu l’as toujours ? Ou est-ce que tu l’as oublié dans l’appartement ?
 — Non, je l’ai ! » C’est vrai, quel espoir de dernière minute. Agathe ouvre son sac dans la précipitation, et en extirpe soigneusement la précieuse fleur jaune. Le Docteur Harris ne la quitte pas des yeux, se remémorant le sentiment incroyable de la découverte et de la beauté.
 Grace à tout ce temps passé à observer le Docteur Willem soigner Mercure à l’hôpital, Agathe sait très bien comment s’y prendre. Elle tire un premier pétale de la fleur, et le pose délicatement sur la plaie du blessé. Le premier contact est comme un grand froid qui passe sur la peau, Mercure sursaute. Mais une fois le pétale correctement étalé, il s’en imprègne. Mercure le ressent, ça passe à l’intérieur, ça se déploie, ça germe et ça fleurie au fil de sa circulation sanguine. Le pétale émet un scintillement, il réveille les précédent pétales posés sur la peau du rouquin, tous ceux qui ont permis de soigner ses brûlures.
 Le Docteur Harris n’en revient pas. Le terrier de Mercure et toutes les fleurs luisantes dans le noir, il les a vue. Aujourd’hui il a le sentiment le voir la plus belle de toutes ces fleurs.
 « Ho… Mercure... »
 Le jeune homme penche sa tête en arrière, les yeux fermés, la bouche entrouverte. Il profite du soulagement que la fleur lui offre. Agathe est souriante, cette solution la rassure, Mercure souffrira moins d’ici à ce qu’on s’occupe médicalement de sa blessure.
 « Mercure, tu ne peux pas soigner ta blessure toi même ? En mettant ta main dessus, comme avec Papa.
 — Je ne sais pas… je crois que je n’ai pas la force, pour le moment…
 — Bien-sur, essaie de te reposer. » La voix de Mercure devient chuchotante, peut-être qu’il perd conscience peu à peu, qu’il est à bout de force, malgré les bienfaits de la fleur. Le Docteur Harris à attendu des chose qui titillent sa curiosité, il aimerait poser d’avantages de questions, mais avant de pouvoir le faire, une sirène retenti au loin. Agathe et le Docteur Harris l’ont très bien entendu, il est temps de partir, vite.
 « On décampe. J’ai un bateau sur le port, si on arrive à temps ils ne nous verront pas partir. » Explique le Docteur, il referme le sac d’Agathe et le porte sur ses propres épaules. Ensuite, il se penche pour soulever Mercure. Le pauvre garçon ne peut plus marcher, il va falloir le porter.
 « Attendez, vous êtes sur de... » Pas plus de deux seconde après, le Docteur porte Mercure dans ses bras, il essaie de plier l’abdomen du garçon le plus doucement possible pour ne pas le faire souffrir. Agathe se met à sourie.
 « Pas si vieux que ça, finalement.
 — N’est-ce pas ? »

Ensemble, ils détalent jusqu’au port de Femir.

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