Chapitre 48

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Mercure n’entend pas ce qui ce passe autour de lui, il ressent seulement la fleur et son Colt qu’on lui a posé sur le ventre, qu’il tient fermement pendant le voyage.
 Se retrouver dans cette posture est insupportable. Il perd la moitié de sa vie à dormir, et voilà qui lui arrive de perdre connaissance et de ne plus pouvoir marcher sur le reste de son temps. Du temps qu’il aurait pu passer avec Agathe…
 L’odeur salé de la mer et le vent qui frappe se rapprochent à grand pas. Agathe et le Docteur Harris courent sur un ponton en bois craquelant contre lequel sont amarrés plusieurs bateaux de particulier.
 Le bateau du docteur Harris est un petit voilier à la coque bleue, il s’appelle Ancel.
 « Non… les Arpèges sont apparu à la fin des années soixante, il n’y avait pas d’Arpège pendant la guerre, c’est impossible... » Marmonne Mercure lorsqu’il voit les voiles beiges du voilier.
 Le Docteur Harris se hisse le premier grâce à un très grand pas sur son bateau, il porte toujours Mercure dans ses bras, veille à ne pas trop le brusquer.
 « Agathe, occupe-toi des amarres pendant que je vais démarrer le moteur. Tu l’as déjà fais, n’est-ce pas ?
 — Oui ! » La jeune femme se précipite vers la ligne de trois tirets consécutifs, autours desquels est enroulé l’épais cordage. Pendant ce temps, le docteur pose délicatement le rouquin à l’arrière du bateau. L’idée de sortir du port sans avoir effectué toutes les vérifications nécessaire ne le rend pas tranquille, ce bateau n’a pas pris la mer depuis des années, il n’y a peut-être même pas le matériel de sécurité nécessaire au moindre voyage. Le temps manque, et le vent est favorable, ils doivent partir immédiatement pour échapper à la police ou même aux grades-côtes.
 Le petit navire se met à rugir. Agathe n’a pas encore terminé de dérouler le cordage, elle passe au deuxième tiret. Le Docteur Harris adorerait hurler de hisser la grande voile, ça lui rappellerait des souvenirs agréable, malheureusement aujourd’hui il est son propre matelots et capitaine à la fois, alors il s’occupe lui même du génois et de sa grande voile. Ses préparations durent plusieurs minutes, déjà trop long. On entend le moteur de la voiture qui se rapproche du port.
 « Agathe, vite ! » Crie le Docteur pendant qu’il relève l’ancre. La jeune femme à mal aux bras, elle n’en peut plus de dérouler du cordage à l’infinie, pourquoi avoir autant attaché ce bateau ?
 « C’est bon ! » Répond t-elle lorsque elle à enfin terminé. Le Docteur Harris donne le premier coup de moteur pour s’extirper de la place près du ponton, et Agathe saute sur le pont.

Elle est retenu au col par une main rouge et crispée.
 « Ah ! » Ses pieds attrapent le ponton à temps, et le gêneur la tire vers la l’arrière, autrement, elle aurait finit dans l’eau. Surprit par le cri, le docteur se retourne immédiatement. C’est trop tard, l’impulsion fait prendre de l’allure au voilier, et prend de la distance avec le quai. Mercure à le temps de se rendre compte que son amoureuse s’éloigne, qu’elle est entravée et qu’elle se débat. Alors c’est avec douleur que le rouquin tend la main vers elle, et si elle pouvait l’attraper ? Et s’il pouvait la tirer avec lui sur le bateau ? Dylan et ses deux idiots de copains la retiennent, ils tachent ses vêtements avec la poussière rouge. « A… Agathe !
 — Mercure ! » C’est une intonation effrayée que Mercure ne voudrait pas entendre, quelle horreur. Avec toutes les forces dont ils disposent, et en essayant de saisir celles dont il ne dispose pas, le rouquin glisse le haut de son corps sur le bord du voilier, s’il se met plus près, il pourrait peut-être toucher les doigts d’Agathe. Ceux-ci sont déjà à une dizaine de mètres, la mer les sépare.
 « Agathe ! Docteur… il faut revenir la chercher !
 — Mercure, reste tranquille ! Tu vas te faire mal.
 — Agathe ! » Continue t-il de crier avec une voix fissurée, d’ici, il n’entend presque plus Agathe, la pauvre fille est affolée. A partir d’ici, le Docteur Harris se tourne de nouveau vers l’horizon, les mains fermement agrippées à la barre.

« Mercure ! » Ce n’est pas Agathe, c’est Dylan avec ses cordes vocales agressives. Elles passent par dessus les flots et le vent agité.
 « Deux jours, Mercure ! Tu as deux jours pour revenir te confronter à moi, ou bien Agathe rejoindra sa pauvre maman dans la mer ! Il n’est plus question de la médecine, de l’avancé de la science ou je ne sais quelle connerie, ce sera toi ou moi. Et je prendrais soin à ne jamais terminer ce combat tant que l’un de nous deux ne sera pas mort. »
 Dylan s’est probablement tu, on ne peut plus l’entendre d’ici. Le remue silencieux des vagues est désagréable. Les bouées de sauvetages cognent contre la coque et parfois, les différentes parties du mat grincent. Mercure se pousse vers l’intérieur pour ne plus voir la mer, il a maintenant les yeux rivés vers le ciel gris. Il a besoin d’un instant pour reprendre sa respiration, et éloigner les souvenirs frauduleux qui lui imprègnent la tête.
 « Docteur… il faut y retourner. Il faut revenir au port, on doit faire demi-tour. » Il érige difficilement son corps à l’aide du matériel autour de lui. Une de ses jambes semble ne pas vouloir coopérer, il se sent handicapé par la malchance et cette sensation le dérange. Tant bien que mal, Mercure se rapproche du docteur tout en l’implorant à l’infini de retourner au port.
 « Maintenant, il faut revenir, ils vont…
 — Ils ne lui feront rien. » Écouter est trop compliqué. Rester lucide et garder son sang froid, Mercure sait pourtant le faire, aujourd’hui il perd pied.
 « Mais ils vont…
 — Mercure ! Écoute-moi, ils ne lui feront aucun mal, je peux te le garantir. Maintenant s’il te plaît assied-toi, tu es blessé. »
 La mer lui pique les yeux, Mercure finit par obéir et s’assoit par terre à côté du Docteur Harris.   L’angoisse lui prend la gorge, il doit absolument s’empêcher de regarder en arrière, alors il plonge dans tête dans ses mains.

Que vient-il de se passer ? Aujourd’hui…

Mercure n’a jamais voulu déranger qui que ce soit, et il ne demandait pas grand-chose non plus. Sa longue vie qui passait inaperçue lui manque, elle à pris fin hier, lorsqu’ils sont partis de chez Monsieur Ford. Il faut dire que cette époque n’est pas la plus agréable, le moindre dysfonctionnement humain causera toujours la perte de celui-ci, c’est une évidence. On ne peut pas être spéciale ici, on ne peut pas se démarquer au risque de curiosités morbides ou discriminantes. A l’aide bon dieu…
 Mercure relève les yeux sur le ciel. Des vagues de nuages sans lumière. Il se mord la lèvre inférieure, sa mâchoire est tremblante. Il hausse les épaules, faisant tanguer sa tête.
 « Tu n’es même pas là, j’ai besoin de toi. » Mercure n’obtient aucune réponse. Il se sent seul, face à ce chavirage que sa vie vient de prendre, elle ne sera plus jamais pareille. Alors il répète, avec une voix noyée.
 « J’ai besoin de toi... »
 L’épuisement à raison de lui, encore une fois. Mercure s’endort en pensant à Agathe, sans lumière.

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