Chapitre 17

5 minutes de lecture

C’est la première fois que Mercure trouve le temps long. Même si durant ces deux jours Agathe passe son temps à ses côtés, il ne pense qu’à se lever et tendre les mains vers le soleil. À défaut de ne pas pouvoir toucher le soleil, Mercure est tout de même bien heureux de pouvoir serrer les mains d’Agathe. C’est une relation timide, évidemment, mais l’après-midi, ils restent ensemble l’un à côté de l’autre et le rouquin se permet des caresses sur les cuisses de la jeune femme, lentement, calmement. Elle les reçoit avec joie même si parfois sa peau frémit.
 Ce matin, le dernier jour de soin, Mercure remarque que la jeune femme à une petite entaille sur la cuisse. Ce n’est pas en la voyant mais en la sentant sous la paume de sa main qu’il s’en est rendu compte, alors qu’elle est près de lui et lui parle d’un ouvrage qu’elle a lu dernièrement.
 « Tu t’es fait mal.
 — Ce n’est rien. » Agathe pousse la main de Mercure, qu’il ne touche plus à cette petite entaille qui la picote encore, qu’il ne pense pas à cette douleur ridicule.

Ce n’est qu’un détail.



***


« Woah ! Je ne savais pas que les brûlures pouvaient guérir aussi vite ! » S’est exclamée Agathe quand Mercure s’est redressé du lit d’hôpital, hier après-midi.
 « Moi non plus. » Avait répondu le Docteur Willem avec humiliation, en les observant du coin de l’œil. Remballer ses affaires après n’avoir que recouvert des brûlures avec des pétales de fleurs, sur un garçon qui a complètement guéri en une semaine ; impensable.
 Le Docteur n’a jamais écrit aussi vite ni autant en si peu de temps. Son stylo manque d’encre, c’est pourtant un objet récent, il l’a récupéré par erreur au standard d’un hôpital, alors qu’il remplissait les derniers papiers de sa démission.
 Sur le secrétaire de la chambre d’auberge, il y a désormais cinq lettres bien fournies, de trois ou quatre pages chacune. La première lettre a été rédigée dès le premier jour, pourtant le docteur ne les a toujours pas envoyés.
 Premièrement, aucun service postale n’est en fonction avant le prochain village qui se situe à au moins dix kilomètres d’ici. Avec l’âge, et la chaleur, le Docteur Willem ne se voit pas marcher autant, et faire l’allée retour en un jour. Il n’a pas envie non plus de demander à Monsieur Ford de le faire à sa place, il a bien d’autres choses à penser avec son atelier en ruine.
 Ensuite, Mercure et Agathe se regardent comme deux univers naissants, qui ont des étoiles pleins les yeux. Deux galaxies qui ont mis bien du temps avant de se percuter et d’enfin en ressentir l’intense explosion. L’horizon exact où la mer et le ciel se rencontrent, lors d’un splendide crépuscule.
 Alors voyez-vous ? Vaut mieux ne pas les déranger.
 Et puis... Le Docteur Willem ne parvient pas à voir Mercure comme un simple sujet d’études.

Il lâche brutalement son crayon et s’adosse à son siège, renversant sa tête en arrière. Il a besoin d’une longue expiration. C’est uniquement personnel, il n’arrive pas à cerner Mercure. Ou plutôt, il n’arrive pas à cerner la relation sociale exacte qu’il voudrait entretenir avec ce garçon. Il se sent piégé entre un médecin et un vieux papy gâteux. C’est bien étrange...
 Le tic tac de la pendule tapote en continu dans la chambre, et le temps passe. Le docteur vieillit à chaque seconde qui passe, lui et le reste du monde. Pas Mercure.
 Le Docteur baisse les yeux sur son stylo et le peu d’encre qu’il lui reste. Ensuite, du revers de la main, il décale toutes les lettres d’étude, et en déchire une nouvelle, complètement vierge, de son calepin.

Il fait un choix.

« Mon cher ami, j’ai découvert un garçon absolument formidable, à la hauteur de n’importe laquelle de tes histoires. »



***



La porte s’ouvre, et avec une joyeuse surprise, Mercure découvre sa chambre dans la maison des Ford, qui a été réaménagée. Des couvertures et des oreillers dans tous les sens sont disposés au sol, formant un agréable petit nid humain. Entouré de fleurs jaunes et de guirlandes lumineuses le long des murs, et des étagères. Évidemment les étagères sont remplies de livres à tous sujets, et sur les murs, on retrouve des dessins d’Agathe. Un des tableaux est le préféré de Mercure, celui du ciel étoilé.
 « Je préférerais que tu restes à la maison le temps d’une courte convalescence. Si cela ne te gênes pas bien sûr. Ton terrier est trop humide et sombre, tu seras bien mieux ici. » Explique gentiment Monsieur Ford en déposant une serviette de bain sur la commode en bois.
 Mercure est tout sourire, il adore cette chambre et maintenant elle est encore plus belle qu’avant. Seule la politesse le retient de se jeter dans les coussins et couvertures immédiatement.
 « Merci, Monsieur.
 — C’est normal. Installe-toi c’est ta chambre. » Monsieur Ford s’éloigne dans le couloir, et Agathe prend la main de Mercure pour l’emmener avec elle dans les coussins. Elle est tout aussi heureuse que lui de vivre sous le même toit pour quelque temps, et puis, il pourrait ne plus avoir envie de partir.
 « On va passer le reste des vacances ensemble ! Ce sera le meilleur été de ma vie. » Affirme aisément la jeune femme en se blottissant à son amoureux, puis elle rajoute en urgence ; « Pour l’instant ! ».
 Une fois la nuit tombée, Agathe n’a plus la possibilité de passer du temps avec Mercure, attendre chaque nuit est une torture. Elle se redirige donc dans sa chambre qui est la pièce juste à côté. Un simple mur les sépare.
 La jeune femme ferme la porte, un silence agréable règne.
 Se retrouver seule dans sa chambre avant de se coucher est un des moments les plus agréables de la journée, c’est son moment à elle. Elle peut le passer à lire, ou bien à dessiner à son bureau, personne ne peut la déranger. C’est un temps de créativité total, le meilleur après la douche. Mais dommage pour elle, l’excitation de savoir Mercure près d’elle ne lui inspire aucune histoire ou dessin à créer immédiatement. Elle préfère se coucher et vite passer au jour suivant.
 Agathe s’applique à un même rituel habituel du soir, comme celui du matin. S’observer dans le miroir pour se déshabiller, se détacher les cheveux... La lumière du soir n’est jamais la même que celle du matin, elle peut se voir d’une manière différente, avec une ambiance plus chaude provoquée par la lampe très jaune de sa table de nuit.
 Parfois elle passe ses mains sur son visage, sa taille et ses cuisses, comme à la recherche d’imperfection. Et ce soir, un peu par hasard, elle délaisse l’absence d’une imperfection causée il y avait pourtant peu de temps.
 Agathe se penche pour observer sa cuisse, elle était persuadée qu’il y avait une coupure à cet endroit. Alors elle observe la deuxième avec une expression instiguée, et en fouillant dans ses souvenirs exacts, la provenance de cette coupure. Toujours rien.

Annotations

Vous aimez lire Laouenn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0