Chapitre 14 : Retour en Grâce

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— Le tas de cendres ! Bernie Ash ! Ça y est, tu as compris ! Tu y es arrivé tout seul ?

Alban jubilait devant le regard plein de colère de son prétendu avocat.

— J’ai été guidé, par mon joker, comme tu l’as appelé. Et pour répondre à la question que tu m’as posée, la dernière fois que je suis venu, oui, c’est un type bien ! Mais toi, quoi que tu fasses, où que tu ailles, je t’aurai toujours à l’œil !

— Où voudrais-tu que j’aille, je suis sous bonne garde, ici. Et puis que voudrais-tu me faire ? Hein ? Que voudrais-tu m’empêcher de faire qui n’ait déjà été fait, en pire ? Il est trop tard pour eux. Le glas a déjà sonné. Et quand il a sonné, on ne peut plus l’étouffer !

— Je vais fouiller dans ton passé, François Muslin, dans les moindres détails, je vais trouver tout ce que tu as fait, tu ne pourras plus me surprendre. Tu ne peux plus me punir, de quoi que ce soit, de quelque façon que ce soit, Alban Moulins. Et tu ne me reverras plus, ni ici, ni ailleurs… Allan Mobunis ! Et tu te croyais le roi des anagrammes…

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Hector remonta dans l’Aston-Martin que Nathalie conduisit à pleine vitesse vers la base où le jet les attendait, prêt à décoller. Joanie était à bord dans la tenue de combat que lui avait donnée Fred, Roger avait pris les commandes. Marie avait hésité à laisser Angélique seule à la base, mais celle-ci avait insisté, elle pouvait rester, elle n’était pas vraiment seule, Luc pourrait sûrement la dépanner en cas de besoin. Marie pouvait accompagner son homme. Guidé à distance par Luc, qui avait pu pister le Hibou, Roger ne naviguait pas en aveugle. Il arrêta son engin en vol stationnaire à la verticale de Santa Monica, comme le Hibou l’avait fait quelques dizaines de minutes plus tôt, avant de repartir. Hector et Nathalie, comme à leur grande époque, sautèrent en vol pour atterrir sur le toit de l’UCLA. Le dispositif de scanning de Nathalie fut d’un grand secours dans la détermination d’un jeu d’empreintes de pieds, une paire se dirigeant vers la petite porte d’accès et revenant, manifestement accompagnée d’une deuxième paire de pieds. Probablement Fred était-il donc venu chercher quelqu’un qu’il avait trouvé puis emmené avec lui par la voie des airs. Et probablement ce quelqu’un était-il le docteur Bernard Ashcroft. Hector et Nathalie suivirent les traces qui entraient dans l’établissement et prirent l’escalier de service. Sur les marches, le scanner dévoila de fines traces de poussières en forme de semelles, à peine perceptibles pour Hector.

En cette belle journée de septembre, l’activité battait son plein dans le centre hospitalier, et les bruits que les deux alliés perçurent à travers la porte du cinquième étage furent une invitation à la prudence. Hector avait récupéré son vieux costume et imita Nathalie, qui avait déjà basculé en mode invisible.

Dans le couloir, des traces de lutte étaient examinées par des équipes de fonctionnaires en blousons bleu marine. Sur leur dos, le flocage jaune « FORENSICS » indiquait qu’il s’agissait des experts scientifiques de la police. L’un d’eux photographiait les débris de verre qui jonchaient le sol d’une salle d’attente, dans laquelle des chaises en plastique étaient cassées. Un autre mesurait la profondeur de l’empreinte qu’avait laissée un corps humain en s’enfonçant dans un mur, alors qu’un vigile, visiblement choqué, souffrait, assis sur le sol, sous les soins d’une infirmière. Quatre autres fonctionnaires inspectaient le chaos dans un bureau dont la porte arborait une plaque dorée gravée du nom du Docteur B. Ashcroft. La discrétion de son costume invisible permit à Nathalie de vérifier en toute tranquillité, sur tout ce parcours, qu’aucune goutte de sang n’avait perlé.

— Vous pouvez remonter, prononça la voix de Roger dans les oreillettes des deux êtres invisibles. Luc nous a transmis les nouvelles coordonnées du Hibou.

En silence, Hector et Nathalie firent demi-tour et rejoignirent la porte de l’escalier de service. Une demie douzaine de fonctionnaires avaient investi cette cage d’escalier, entre-temps, afin d’y découvrir quelque piste pour leur enquête sur la soudaine et violente disparition du docteur. Hector et Nathalie contournèrent soigneusement les enquêteurs, de façon à ne pas se faire remarquer, jusqu’au dernier étage. Nathalie venait de contourner le dernier scientifique et se trouvait à une dizaine de marches de la porte du toit quand tous les deux entendirent un policier demander l’obscurité pour affiner son inspection grâce à un scanner thermique. La dernière version du costume de la jeune femme lui permit de se prémunir de cet impondérable, mais la machine de l’avant-dernier agent détecta aussitôt une présence imprévue, la silhouette multicolore d’Hector, au-dessus de lui.

— Freeze (1) ! hurla-t-il, lâchant son scanner et pointant aussitôt son pistolet automatique en direction de son collègue, médusé.

— Christ ! Put the gun down ! What the hell are you doing (2) ? demanda le fonctionnaire au sommet de l’escalier.

L’instant d’après, ce dernier fut projeté, par une force invisible, directement sur son collègue, qui fut, lui-même, désarmé d’un violent coup de ce qui devait être le pied de la silhouette dans son poignet. Le temps de se relever, et de reprendre leurs esprits et leurs armes, voilà que les deux policiers vidèrent leurs chargeurs dans la porte du toit qui se refermait. L’homme reprit son instrument, et, suivi de son collègue et de nombreux autres, alertés par les coups de feu, se projeta à l’extérieur, sur le toit, où rien ne fut plus détecté.

Dans le jet, Nathalie avait retiré son masque et affronta les regards sévères de Marie et de Joanie. Mais Hector leur expliqua le rôle salvateur qu’elle avait joué pour les sortir du piège de la cage d’escalier. Roger, qui suivait les instructions transmises par la base, s’adressa à la petite bande.

— On arrive ! Que ceux qui veulent descendre se préparent. Je vois le Hibou ! Je reste en stationnaire à cinq mille.

Puis, Roger prit la radio et appela, sur la fréquence que Luc lui avait conseillé de contacter.

— Phil, c’est moi, tu me reçois ?

— Fort et clair, papa. Qu’est-ce que tu fais ici ?

— Je ne suis pas seul, tu t’en doutes. Et toi ?

— Il est en bas, avec son invité.

— Pourquoi on est ici ? demanda Joanie qui avait regardé l’écran GPS.

— Il veut lui faire prendre conscience de ce qu’il a détruit, répondit Philippe.

— J’y vais ! décida Joanie, se dirigeant immédiatement vers la porte de l’aéronef, l’ouvrant et se jetant dans le vide, avant qu’aucun de ses équipiers n’eût le temps de l’arrêter.

Hector et Nathalie se jetèrent dans le vide à leur tour, et mirent en marche leurs propulseurs. Nathalie arriva la première sur Joanie et l’arrima à son propre costume.

— Qu’est-ce que tu fous ? hurla la jeune fille.

— Je t’empêche de t’écraser, je te sauve la vie, laisse-toi faire, petite idiote.

Hector avait reconnu ce lieu qui leur servit de piste d’atterrissage et laissa paraître un sourire agacé au moment d’enlever sa cagoule. Joanie laissa échapper des larmes sur ses joues, ce qui éveilla la curiosité de Nathalie.

— C’est ici qu’elle a grandi, expliqua Hector, et c’est ici que son père est mort.

Les trois amis entrèrent dans la maison qui avait, autrefois, abrité le foyer dans lequel Joanie avait passé une partie de son enfance. En haut du grand escalier de marbre que la petite Joanie Jones avait gravi en courant des centaines de fois, fillette, la voix d’un homme en colère brisait le silence de cathédrale qui régnait dans ce mausolée. Hector retint sa protégée dans sa précipitation à rejoindre sa chambre, d’où venaient les cris.

— Regarde ces photos ! Regarde-les ! Tu as enlevé sa famille, son histoire à cette petite ! Pourquoi ?

La voix de Fred, habituellement si posée, était à présent méconnaissable, bestiale, effrayante, emplie de colère et de rage. L’homme soumis à la question tenta tant bien que mal de cacher la frayeur qui l’habitait en répondant sur un ton tout juste défiant l’autorité menaçante de Fred.

— J’ai tout fait pour empêcher vos cyber rock-stars de piéger mon fils, mais vous n’avez eu aucune pitié ! Il fallait bien que je rende justice à Tibor !

— Justice ! hurla la monstrueuse voix de Fred. Un criminel de guerre qui n’a pas eu le courage de l’affronter, la justice. Il s’est suicidé avant que je ne puisse le prendre. Et toi, Docteur Wilson, tu as trahi ta nation, et fait massacrer mes frères d’arme !

Nathalie, visiblement perdue, lança un regard interrogateur à Hector qui lui répondit en posant son index sur ses lèvres, lui faisant comprendre que la suite des aveux l’éclairerait certainement.

— Tu es devenu Bernie Ash, reprit la voix animale. Parle-moi du docteur Winter !

— C’est ce type qui me l’a présenté, cet Anubis Monall, répondit Bernie Ash de plus en plus apeuré. J’avais besoin d’échapper aux autorités militaires. Je l’avais surpris, trois ans auparavant, qui sabotait une corde d’alpinisme. Il y a eu un accident. Il me devait un service pour n’avoir rien dit !

— Vous vous êtes revus ? Pour d’autres services ?

— Il m’a aidé à entrer à l’UCLA de Santa Monica. En janvier 2003, il est venu me voir, il voulait que j’insémine artificiellement une jeune femme à son insu, une petite française qui travaillait à la clinique de Winter. Je lui ai dit que j’avais un échantillon, au frais, pour le cas où. Un échantillon que je vous avais prélevé un mois plus tôt, quand vous avez été hospitalisé après l’avalanche.

— Une avalanche accidentelle ? demanda la voix qui redoublait de colère.

— Évidemment que non ! reprit le docteur, liquéfié.

— Tous ces morts, toutes ces manipulations ! Cette insémination clandestine, tu en as pratiqué d’autres ?

— Non, enfin, pas clandestinement, je le jure devant Dieu !

— Devant moi ! hurla la voix.

— Non ! Ne faites pas ça, supplia Bernie Ash. S’il vous plaît, je vous dirai tout.

— Allan Mobunis, interrogea la bête sauvage.

— Je ne le connaissais pas, il est venu me voir, il avait l’air de bien me connaître. Il m’a fait faire un truc.

— Explique !

— Je devais enlever un fœtus d’une femme enceinte et le transplanter dans l’utérus d’une jeune femme qu’il connaissait. Il m’a menacé. Il allait tout dire sur moi, mon passé, je n’avais pas le choix !

— Le choix ! Tu as fait des choix, ordure ! Depuis le début ! Tu as choisi la voie du crime, de l’infamie, de l’horreur. C’est fini, je mets un terme à tout ça. Prépare-toi à un grand voyage. Tu vas retrouver ton criminel de fils. Va en enfer !

— Non ! intervint une voix timide dans le dos de l’homme en furie, ne fais pas ça ! Je t’en prie, pense à moi.

La petite voix douce de Joanie contrastait avec le spectacle qui s’offrait maintenant à ses yeux. Un homme au teint livide, les mains attachées dans le dos, était pendu par les pieds à un câble accroché au plafond. Il avait visiblement encaissé beaucoup de coups avant cet interrogatoire musclé au cours duquel il était passé aux aveux. À côté de lui se tenait un homme en tenue militaire sombre, le visage couvert de maquillage noir, et Joanie reconnut le couteau de cuisine qu’il tenait dans la main droite. Elle savait cette lame si bien aiguisée qu’elle eût pu trancher toute matière sur laquelle elle eût glissé.

— Ne fais pas ça, reprit Joanie.

— Ce monstre ne s’arrêtera pas ! répondit Fred dont la voix sauvage redescendait doucement vers une tonalité connue.

— Sauf si tu l’arrêtes et qu’il va en prison.

— Tu as tout entendu ? Tu sais ce qu’il a fait à ta mère.

— Il a fait de toi mon père. Je n’avais plus personne, mais maintenant, je t’ai toi… Tu m’as sauvée deux fois, en m’empêchant de tuer l’autre con, et en me donnant ton sang. Je t’en prie, tu as évité à Hector de basculer. Ne sois pas un assassin non plus. Je viens de trouver un père, je veux le connaître.

— Je ne suis pas un saint, Jo.

— Je sais, tu me l’as déjà dit, et je n’avais pas compris, j’ai cru que tu avais manipulé maman, que tu l’avais séduite, que tu l’avais mise dans ton lit, que tu t’étais damné, comme tous les saints du Paradis. Mais non, tu n’es pas un saint, tu vaux mieux qu’eux, tu ne t’es pas laissé corrompre par tes sens. Et tu es mon père. Laisse Hector l’emmener, emmène-moi chez toi, chez nous, s’il te plaît.

1 - Ne bougez plus !

2 - Bon Dieu! Baisse ton arme ! Qu’est-ce que tu fous, bordel ?

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