Épilogue : L’œil du cyclone

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Le bar de l’Apocalypse n’était pas noir de monde, la soirée était plutôt calme. Le poste de télévision diffusait le journal télévisé sans le son. Fred mangeait son traditionnel burger à l’Époisses accompagné de frites croquantes et de moutarde. Joanie, en face de lui, se régalait du même menu, qu’elle accompagnait d’un soda.

— J’ai réfléchi, annonça Fred, demain, je te ramène chez tes grands parents.

— Pourquoi tu m’emmènes là-bas ?

— Parce que je ne peux pas te garder ici. Tu dois retourner à l’école. Et tu dois être avec ta famille.

— Mais si tu es mon père…

— Oui, mais ça, l’administration ne le sait pas. Tu es mineure, tu ne peux pas habiter chez un inconnu, comme ça…

— T’as qu’à m’adopter !

— Bien sûr… Tu as quinze ans, tu es orpheline, j’en ai quarante-sept, je suis divorcé, je vis seul depuis près de vingt ans, c’est sûr que le dossier aurait toutes ses chances. Et puis, je vais pas faire des démarches pour adopter ma propre fille.

Lorsque la porte du bar s’ouvrit, Fred entendit le barman s’adresser au nouveau client qui arrivait.

— Il est là-bas, à sa table habituelle, avec la petite.

Fred attrapa sa fourchette par les pointes, tout en avalant une frite, sans quitter l’écran des yeux. Son regard se détourna sur Joanie lorsqu’il sentit sa main se poser sur la sienne. D’un signe de tête, elle lui fit comprendre qu’il n’avait aucune inquiétude à avoir, qu’il pouvait reprendre sa fourchette par le manche et continuer son repas sereinement.

— Je regrette certaines choses que je t’ai dites.

— Assieds-toi, prends une bière, répondit Fred, ça te changera de l’eau gazeuse et sa rondelle de citron. Tu veux manger un morceau ?

— Écoute, je…

— Hector, arrête, coupa Fred. Tu as pensé ce que n’importe qui aurait pensé, dans ta situation, ce que tout le monde a pensé. Tu veux un burger ? Il est en forme, le cuistot, ce soir, ils sont particulièrement bons.

— J’aurais dû te faire confiance, on se connaît depuis combien de temps ?

— Ça n’a rien à voir. On sait tous ce qu’elle était pour toi. Alban aussi. Il a touché la corde sensible.

— Le plus terrible, c’est que tu n’as même pas cherché à te défendre… ça faisait de toi le coupable idéal…

— J’ai fait ce qu’il y avait de mieux à faire pour me défendre. Rechercher la vérité.

— Et pourquoi je ne l’ai pas fait, moi ?

— Tu ne pouvais pas, tu étais trop perturbé par la nouvelle, trop engagé émotionnellement. Moi, je n’avais pas le choix.

— J’aurais dû savoir que tu ne lui aurais jamais rien fait.

— Arrête! Oublie ça maintenant. C'est réglé. Alors, tu veux une bière, avec ton burger ?

— Vas-y, c’est vrai qu’ils sont bons ! s’enthousiasma Joanie, ravie de voir les deux amis se réconcilier, à leur manière.

Après quelques minutes, le barman apporta à Hector une assiette garnie délicieusement odorante, dans laquelle Joanie commença à picorer quelques frites, et une bière qui lui rappela ses quelques années passées outre Rhin.

— Au moins, il y a une chose qui a changé. Il y en a une qui se pose des questions sur toi ? En plus de t’en vouloir pour sa sœur, elle a bien cru que tu étais aussi un immonde salaud, et là…

— Là, elle doit m’en vouloir de lui avoir fait un truc pareil, la Marie. Lui gâcher une si bonne raison de me détester encore plus…

— Et Nathalie, elle devient quoi, elle ? demanda Joanie.

— On a discuté, reprit Hector. Je lui avais dit que, si elle m’aidait, j’étais prêt à oublier ses conneries de cet été. Et elle nous a bien aidé.

— Oui, je dois admettre, elle a même empêché que je ne me tue… reprit la jeune fille. Elle est pas un peu bizarre comme nana ?

— Tu trouves tout le monde bizarre, toi, répondit Fred.

— De toute façon, continua Hector, elle a pris sa décision, elle va se livrer demain à la police. Ça me fait de la peine pour son petit gars.

— Hé, les gars, regardez ça ! s’écria tout à coup Joanie.

L’écran diffusait un reportage sur lequel on voyait un bâtiment en flammes. Fred activa le son grâce à la télécommande qu’il conservait à portée de main, chaque fois qu’il s’installait à sa table. La Maison Centrale de Poissy, accueillant des détenus condamnés à de longues peines, venait d’être bombardée par des petits avions, bien trop petits pour y loger un pilote, mais bien assez gros pour être puissamment armés. Dix-huit maquettes de Mosquito FB Mk VI, tels que ceux qu’on eut pu voir en 1944, avaient lancé une attaque sur l’établissement pénitentiaire dans lequel était détenu Alban. De nombreuses victimes semblaient avoir succombé à l’effondrement d’un mur, et l’on ignorait encore si d’autres victimes étaient à déplorer, ou si des prisonniers en avaient profité pour prendre la clé des champs.

— Ne la laisse pas se livrer, pas encore, conseilla Fred. Vous allez avoir du pain sur la planche, elle va probablement pouvoir t’aider. Il est sorti, c’est sûr.

— Il est peut-être parmi les morts…

— L’Opération Jéricho. Cette attaque est pour lui, ça fait pas un pli. Dépêche-toi d’aller la retrouver, avant qu’elle ne se fasse enfermer.

Hector se leva et quitta ses amis. Joanie lança à Fred un regard interrogateur.

— C’est quoi, l’Opération Jéricho ?

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