Chapitre 13 : Partage

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Philippe arriva pour le petit déjeuner à la base, par ce beau matin d’automne, alors que Roger faisait le tour du parc en boitant, simplement appuyé sur une canne.

— Salut, mon grand, il y a un moment que tu n’étais pas venu, ça me fait plaisir.

— J’ai appris que tu avais fait refaire l’installation, après l’attaque de cet été…

— On a remis en état les bâtiments, les travaux touchent à leur fin. Pour le système informatique, on a confié ça à Luc, le fils d’Élisabeth. On a eu juste un défaut de sécurité, il y a peu, alors que le système vidéo était encore HS.

— Je sais, maman m’en a parlé. Hector devait avoir une bonne raison, non?

— Mouais, je ne suis pas tout à fait d’accord, là-dessus, mais il n’en a toujours fait qu’à sa tête, alors… Et puis, souvent, ça s’est révélé payant, donc attendons de voir… Et toi, de ton côté, ça se passe comment ?

— On repart bientôt, je ne peux pas te dire où, Fred m’a demandé de garder ça pour moi, mais il tient une piste.

— OK, évite de parler de lui à ta mère. Depuis l’histoire avec la petite, elle l’a encore plus dans le nez qu’avant. Et maintenant, elle a Hector dans sa poche.

— En fait, il faut que je voie Joanie, de sa part, un truc à lui donner.

— Viens, je t’accompagne.

-

— Il voudrait que tu regardes ça. Il a compilé des dossiers, des tas de données, il a des explications à tout.

Mystérieux, Philippe venait de confier à Joanie une clé informatique que Fred lui faisait passer.

— Il est trop bizarre, j’arrive pas à croire qu’il soit mon père. Il a même pas pu me dire comment c’est arrivé, lui et ma mère. Il se noie dans des espèces de plaintes, du genre « tu ne comprends pas », « ce n’était pas de ma faute » ou ce genre de conneries. Pourquoi il veut pas me dire comment il a réussi à séduire ma mère, à coucher avec elle ? Ou alors… Merde, si ça se trouve, c’est ça, la drogue du violeur, l’enfoiré, il aurait fait ça ? C’est pour ça que ma mère m’a jamais rien dit ! Elle était même pas au courant ! Je vais le tuer, ce con !

— Arrête, tempéra Philippe, regarde ce qu’il t’a compilé, il faut que tu lui fasses confiance. Après, tu te feras une idée de ce que tu dois faire, le tuer ou non, d’accord ?

— Mais pourquoi il me fait passer ça à moi, d’abord ?

— S’il a trouvé la réponse à votre problème, suggéra Roger, à qui veux-tu qu’il en parle ? À Hector ? Il n’écouterait même pas. Marie ? Il y a longtemps qu’il n’attend plus rien d’elle. Toi, s’il a admis la vérité, tu es le choix le plus logique, le moyen de créer un lien entre un père et sa fille de quinze ans dont il ignorait tout jusqu’à présent.

-

La journée touchait à sa fin lorsque Philippe fit décoller verticalement le Hibou. Marie et Roger regardèrent leur fils s’éloigner, quand Joanie arriva en courant, l’air complètement affolée.

— Non ! Retenez-le, il ne doit pas partir, il faut que j’aille avec lui !

Philippe, depuis le cockpit vitré du Hibou, fit un signe de la main à Joanie tout en lui adressant un sourire affectueux, puis fit faire volte face à son engin qui prit la direction du ciel à pleine vitesse.

— Il faut que vous voyiez ça, il faut l’empêcher d’y aller, il faut prévenir Hector ! Il faut que vous voyiez ça ! cria Joanie, tendant à Marie la clé de Fred.

Complètement paniquée par une situation qu'elle ne maîtrisait pas et que Marie et Roger ne comprenaient pas plus, Joanie, le cœur battant, le souffle haletant, laissa couler une larme sur sa joue. Roger et Marie se regardèrent, surpris de cette réaction excessive, puis emmenèrent Joanie vers le centre de contrôle. Luc finalisait l’installation du système. Il prit la clé et l’inséra dans le premier lecteur à portée de main. Aussitôt, sans qu’aucun protocole n’eût besoin d’être activé, le visage de Fred apparut sur l’écran principal.

— Qu’est-ce qu’il fout là, lui ? demanda, agacée, la voix d’Hector dans le dos des quatre spectateurs.

Mais, au moment où Hector faisait son entrée à l’improviste dans la salle de contrôle, la lecture du fichier vidéo avait déjà commencé.

— Bonjour Jo. Je sais que tu te poses beaucoup de questions, sur moi, sur ta mère, sur toi. J’ai également pas mal réfléchi, ces derniers jours. Rien de tout ça ne me semblait possible, et pourtant, les faits sont là. Rappelle-toi que je ne t’ai jamais menti, quand je t’ai dit que je n’avais rencontré ta mère que deux fois dans ma vie, quand je t’ai dit que je la trouvais belle à faire damner tous les saints du paradis. Mais, encore une fois, je ne suis pas un saint, Jo. Aujourd’hui, je peux tout t’expliquer, tout est dans cette clé. Au moment où tu regarderas cette vidéo, je serai parti faire le grand ménage dans mon passé. Trop de souffrance, dans cette histoire, ne peut pas rester impunie. Je n’ai jamais eu aucune raison de te mentir. Ça ne va pas commencer aujourd’hui.

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