Chapitre 12 : Ancien allié, nouvel ennemi

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Fred travaillait de nouveau le code de son programme qui avait cherché en vain, toute la nuit, des traces du docteur Ashcroft antérieures à 1999, lorsque la sonnerie du téléphone de son bureau retentit.

— C’est Jo, on peut parler ?

— Je t’écoute…

— J’ai vu Marie et Hector, à l’hôpital. J’y ai aussi appris que tu étais mon père.

— J’ai encore du mal à y croire, malgré les évidences.

— Pourquoi tu m’as menti, pourquoi tu ne m’as rien dit ?

— Je ne t’ai jamais menti, Jo.

— Mais tu m’as dit que tu ne connaissais pas ma mère. Tu sais comment on fait des enfants, non ?

— Je t’ai dit que je ne l’avais rencontrée que deux fois. Trop peu pour la connaître vraiment. Elle avait l’air sympa. Et elle était vraiment d’une beauté à se faire damner tous les saints du Paradis.

— Et du coup, t’as craqué, comme un con, t’as séduit ma mère, et moi je suis née neuf mois plus tard…

— Jo, je ne suis pas…

— Ouais, je vois bien, coupa la jeune fille. Mais il faudra qu’on en rediscute. En attendant, je sais qu’ils ne vont pas t’en parler, mais Hector et Marie, ils ont un problème. Tu sais, Angélique, la fille du toit…

— Je l’ai scannée, elle est enceinte. Tout va bien ?

— Ouais, le bébé va bien, sauf que, apparemment, c’est pas le sien. Tu peux chercher ?

— Je ne comprends pas…

— Apparemment, le fœtus a été transplanté. Je ne sais pas comment on fait ça, mais Marie dit qu’en théorie, c’est possible, moyennant les bonnes précautions. C’est un pro qui a dû faire ça.

— Je vais chercher, je te tiens au courant.

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Fred avait ouvert sur son ordinateur un nouveau programme de son cru, très largement inspiré de ceux qu’il avait pu utiliser avec la section des cyber-technos, jadis. Il s’agissait pour lui, cette fois, de fouiller dans l’agenda passé d’un nouveau client, comme il avait coutume de nommer les individus sur lesquels il faisait des recherches. La conversation qu’il venait d’avoir avec Joanie, ses souvenirs, récemment ressurgis, les résultats fortuits de ses dernières recherches, son intuition, tout lui donnait envie d’en savoir plus sur ce docteur Ashcroft, qui semblait ne pas avoir de passé.

La recherche fut plus rapide que celle de l’aiguille dans la botte de foin de la veille, et l’agenda du docteur apparu sur l’écran de Fred après quelques manipulations de clavier seulement. Fred remonta le temps jour après jour, jusqu’à la première semaine du mois d’août, soit quelques jours avant les événements de Santa Monica. Le docteur Ashcroft avait un rendez-vous extérieur avec un certain Allan Mobunis et ce rendez-vous était, à la différence des autres, noté en caractères gras, en rouge, comme pour mieux souligner son importance pour le docteur. La rencontre avait eu lieu, selon les informations affichées, dans un centre commercial du centre-ville de Santa Monica, à 10:00.

Il était temps pour Fred de passer à l’exploration des archives des caméras de surveillance de la ville. Un programme de sa création chargerait sa machine de cette tâche. Dans le même temps, son programme de reconnaissance faciale, qui travaillerait à partir d’une photo d’identité issue d’une copie du permis de conduire du docteur, analyserait les images obtenues.

Alors que la recherche s’exécutait, Fred eut une autre intuition. S’il avait recherché jusqu’à présent, dans les diverses bases de données accessibles, des informations sur le docteur Ashcroft, il avait tout simplement oublié de concentrer ses requêtes sur le surnom du docteur, Bernie Ash. Peut-être aurait-il maintenant plus de succès.

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En se rendant au centre commercial, le docteur Ashcroft n’avait même pas pris la précaution de se cacher, que ce fût sous un chapeau ou dans un imperméable discret. Sur les images datées du 5 août, à dix heures, on le voyait très distinctement, de face, parler à un inconnu. Ce dernier tournait le dos à une caméra et avait trouvé la place idéale pour se dissimuler aux objectifs opposés. Les images permirent seulement de distinguer un homme d’environ un mètre quatre-vingt-cinq, ainsi que des cheveux noirs. Peut-être portait-il une barbe mais Fred n’eût pu le jurer. Si des traces audio avaient pu être enregistrées, d’une façon ou d’une autre, Fred eût été intéressé de savoir ce qui se disait entre les deux hommes.

— Mon capitaine, c’est Wagner, j’aurais besoin d’un petit service, si vous permettez.

— Wagner, je vous l’ai déjà dit, je suis lieutenant colonel, maintenant. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

Fred avait gardé de bonnes relations avec son capitaine de l’époque de la Yougoslavie, qui, depuis était bien entendu monté en grade. Avoir dirigé les cyber-technos lui avait ouvert les portes de la direction de ce qu’il appelait l’armée 4.0. Ce qu’on appelait communément les nouvelles technologies était, pour l’unité dont il avait la charge, déjà de l’histoire, et il traquait, avec ses experts, toutes sortes d’enregistrements qui pouvaient laisser des traces dans les téléphones portables, les tablettes numériques, tous les appareils, dits connectés, possibles et imaginables.

L’officier supérieur transmit bientôt à son ancien sergent-chef l’intégralité de la conversation qui s’était tenue entre le docteur Bernard Ashcroft et Allan Mobunis, le 5 août, à dix heures précises.

Une demie minute plus tard, l’écran renvoya à Fred une alerte. La recherche de Bernie Ash venait d’aboutir, à la surprise de l’enquêteur, et grâce à son module de reconnaissance optique de caractères, à une image extraite d’une vidéo récente que Fred avait tournée. Celui-ci reconnut en effet le visage sur la photo que la légende présentait comme Bernie Ash. Comment avait-il pu ne pas réagir, lorsque, caméra Go-Pro sur le casque, il avait filmé la salle secrète du docteur Winter, à Santa Monica, et son mur de la honte ? La mission d’alors revêtait une importance qui avait probablement relégué le traitement de cette information au rang des futilités. Aujourd’hui, Fred avait cependant tout le temps de se consacrer à cette découverte, et fit donc défiler le film qu’il avait réalisé. Le portrait de Bernie Ash prenait la place de la photo récente, sur une paire où l’autre photo présentait un certain docteur Perry Wilson. Une nouvelle recherche fit apparaître un feu d’artifice de petites fenêtres sur l’écran, jusqu’à dévoiler entièrement l’histoire du Docteur Wilson.

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Né en 1963, Perry Wilson avait eu une enfance aisée, fils d’un couple d’avocats qui le firent voyager autour du monde pendant sa jeunesse. Un article de journal numérisé relatait le départ pour un voyage scolaire en Europe d’un groupe d’étudiants de Los Angeles en 1978. Sous la photo de groupe qui accompagnait l’article, Fred put lire, au milieu des autres, le nom de Perry Wilson. Les étudiants avaient rédigé une sorte de journal de bord de leur voyage et l’ordinateur de Fred en avait retrouvé une trace dans les archives de l’école. Là encore, un cliché montrait Perry Wilson, cette fois en galante compagnie, au bras d’une jeune Sofia, d’après la légende. Le classement dans l’ordre chronologique des résultats de la recherche mit en évidence des virements internationaux réguliers de sommes importantes du compte de Perry Wilson vers celui de Sofia Menkievicka à partir de septembre 1979. Le nom de famille de Sofia fit réagir Fred qui relança aussitôt une requête sur le réseau mondial. En attendant le résultat de cette nouvelle demande, il continua à parcourir le curriculum vitae de Perry, qui avait fait des études de médecine avant de s’engager dans la Navy avec le grade de lieutenant.

Perry avait gravi les échelons de la hiérarchie pour devenir officier supérieur, en qualité de médecin militaire, et avait été envoyé en Irak pour la première guerre du Golfe. Puis il fut envoyé en Yougoslavie, où sa progression avait soudainement été stoppée par une enquête pour empoisonnement qui n’aboutit pas, faute de suspect. Le docteur était simultanément recherché par les autorités militaires pour désertion.

Ce fut alors que l’information la plus importante pour Fred sur l’histoire de Sofia apparut à l’écran. Voyant que Sofia était la mère de Tibor Menkievic, Fred comprit que Perry Wilson avait empoisonné son unité, jadis, et ainsi participé au massacre des cyber-technos, pour tenter de sauver Tibor. Il fut aussi troublé par le souvenir furtif de l’avalanche de San Bernardino en 2002, alors que Bernie Ash n’avait, très opportunément, pas pu les rejoindre au spa, lui et Franck. Bernie Ash qui faisait, d’ailleurs partie, en tant que chargé du service obstétrique, du personnel de l’UCLA Medical Center, cette année-là. Fred retourna virtuellement dans les archives de l’UCLA, se concentrant sur la transition des années 2002 et 2003.

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