Chapitre 9 : Recherches

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Debout dès potron-minet, Fred avait avalé un petit déjeuner frugal et avait commencé à fouiller dans les entrailles de son serveur, coffre-fort numérique de toutes ses données, afin de retrouver des traces objectives confirmant ses souvenirs de ces vacances de Noël, en 2002. Des images d’articles de journaux numérisées de cette époque confirmaient l’avalanche, sur le site californien de San Bernardino. Dans un répertoire voisin, Fred trouva la copie d’une facture liée à son admission au UCLA Medical Center de Santa Monica, du 22 au 26 décembre. Jusque-là, rien ne le surprenait, tout juste cela lui apportait-il une preuve, si besoin en était, que sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Il lui fallait trouver autre chose, mais rien dans ses archives personnelles ne lui permettait de faire le lien avec Joanie, de quelque façon que ce fût. S’il avait gardé un certain côté maniaque depuis son adolescence, ces habitudes de tout documenter avaient gagné en quantité et en précision avec le temps, et elles n’avaient pas toujours été aussi poussées qu’elles pouvaient l’être à présent. Il y avait, bien entendu, encore des trous à combler.

Faute de mieux, il lui fallait rechercher dans ses propres souvenirs, encore et encore. Même les plus récents pouvaient encore le guider, comme cette conversation avec Hector, quelques jours avant la brouille.

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— Merci d’être venu, quand même. Merci d’avoir sauvé Angélique. Et Jo.

— La petite ? Je ne l’ai même pas vue, répondit Fred.

— Tu sais bien ce que je veux dire…

— Comment Hélène a-t-elle pu atterrir chez Winter ? demanda Fred.

— Elle a travaillé en face, à l’UCLA. Elle s’est mariée avec un de ses patients, qui se trouvait être le neveu de Winter. Elle a été embauchée à la clinique, et tu connais la suite…

- Ouais, une sacrée bande de tordus, tous ces mecs, reprit Fred, blasé.

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Le centre médical de l’Université de Californie Los Angeles, un établissement qui revenait de manière récurrente, depuis quelques semaines, dans les conversations et les événements. Fred y avait séjourné une quinzaine d’années auparavant, il était repassé devant au moment de l’intervention de Santa Monica, quoi d’autre ? Hélène qui y avait débuté sa carrière professionnelle. Fred pianota sur le clavier de son ordinateur, faisant apparaître sur l’écran diverses fenêtres qui eussent pu perturber le premier utilisateur venu. Lui continua de pianoter, affichant dans une petite case noire une série d’étoiles, puis une nouvelle fenêtre apparut, affichant des séries interminables de noms, visiblement la liste des employés, année par année, du Medical Center. Hélène Pierrard était sur la liste, entre juillet 1995 et février 1997. Quelques manipulations de clavier plus tard, une nouvelle fenêtre confirma la présence d’Hélène dans les effectifs de la clinique Winter à partir de mars 1997. Fred revint machinalement consulter la liste de l’UCLA, quand Philippe entra dans son bureau.

— Qu’est-ce que tu fous dans les dossiers d’archives d’un hôpital de Californie ?

— Des recherches…

— Merci, prends-moi pour un imbécile. Mais quand tu décideras de hacker le Pentagone, fais-moi signe avant, que je prenne des vacances en Australie. Je ne veux pas être emmerdé…

— J’ai été hospitalisé quelques jours là-bas, il y a longtemps. Il y a eu quelque chose avec une employée…

— Rien à voir avec notre aller-retour à Santa, je suppose.

— Absolument rien, sauf qu’il paraît que je suis le père de sa fille.

— Ah, oui, tu as raison, trois fois rien… Et tu as trouvé quelque chose d’intéressant ?

— Jusqu’ici, encore rien… des noms d’employés, des listes de patients…

— Et c’est quoi, ces noms en rouge, de temps en temps ?

— Ceux qui sont dans ma base de données personnelle. Le programme fait des recoupements. Hélène, John, son mari, qui a d’abord été son patient…

— Tiens regarde, « Mitchell Wagner » ! un parent à toi ? demanda Philippe amusé.

Surpris par ce nom que son visiteur venait de prononcer, Fred se retourna vers son écran et sembla particulièrement intrigué par ce qu’il pouvait lire à l’écran.

— Wagner est un nom répandu, sûrement un homonyme, ou une branche très éloignée du même arbre, au mieux. Aucun intérêt. En revanche, lui…

Philippe lut à son tour le nom de cet homme qui, dans les souvenirs de Fred, se faisait nommer « Bernie Ash ». Le Docteur Ashcroft, titulaire à l’UCLA, en chirurgie obstétrique, venait donc de faire une apparition opportune dans la recherche de Fred. Celui-ci lança une nouvelle fonction de son programme. Puis, imperturbable, il se retourna vers Philippe.

— Maintenant, ils sont deux, là-bas, à me détester. Hector a rejoint ta mère, qui a un super apport d’eau à son moulin…

— S’il y a une faille, tu n’as qu’à la trouver, ça les calmera…

C’était précisément ce que Fred avait l’intention de faire. En attendant, il fixa de nouveau son écran, pour voir sa requête aboutir. Le docteur Bernard Ashcroft, né en 1963, avait commencé à travailler à l’UCLA en 1999, soit à trente-six ans, mais semblait y être apparu comme une fleur. Aucune base de données parmi les cibles du programme n’avait trouvé de trace du docteur Ashcroft antérieure à cette date .

— C’est drôle, ça, s’étonna Philippe, on dirait que ton programme a trouvé son maître.

— Je vais le retravailler, pour faire des recherches plus poussées. Ça va me prendre un peu de temps.

— Bon, ben, je te laisse, je venais voir le Hibou, le nettoyer un peu…

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La nuit était tombée, Philippe était déjà reparti depuis plusieurs heures, quand Fred compila la nouvelle mouture de son programme. Une nouvelle recherche sur le réseau mondial, avec des paramètres enrichis, une liste de mots clés complétée, fut lancée et Fred quitta son bureau pour rejoindre le Bar de l’Apocalypse, où l’attendait un burger et une assiette de frites. Depuis longtemps déjà, il ne croyait plus aux coïncidences, persuadé qu’une volonté se cachait toujours derrière ces phénomènes étonnants. Il s’agissait parfois d’une bonne surprise, parfois d’un plan machiavélique. En l’occurrence, Fred avait décidé. Si la nouvelle version du programme ne renvoyait pas de résultat, il pencherait pour de la malice, de la part du docteur Ashcroft. Tout allait être passé en revue, du moindre bulletin d’information local aux documents les plus secrets que la machine parviendrait à découvrir. Cela prendrait du temps, probablement le reste de la nuit. Une nuit qui serait agitée, les cauchemars de son passé viendraient hanter son sommeil.

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