Chapitre 4 : Révélation

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Le soleil déclinait sensiblement, et, bien que ce ne fût pas encore le début de l’obscurité, la luminosité, à dix-neuf heures, à cette époque-ci de l’année, n’était plus ce qu’elle avait été trois mois et demi plus tôt, au moment du solstice. Fred roulait tranquillement en direction de l’hôpital, où l’attendait Joanie qui, depuis quelques jours, venait quotidiennement tenir compagnie à Françoise Barreau, avec qui elle s’était liée d’amitié. Elle avait trouvé une oreille attentive avec qui elle pouvait échanger sur les malheurs qu’elle avait vécus depuis deux mois et demi, une épaule sur laquelle pleurer sa famille perdue.

Comme il le faisait de façon irrégulière depuis plusieurs années, Fred avait fait le déplacement le matin pour rendre visite à son ancienne institutrice, et en avait profité pour emmener Joanie, la laissant là pour la journée. En arrivant sur le parking des visiteurs, il vit la jeune fille qui l’attendait, comme prévu, devant l’entrée du bâtiment. Elle monta avec agilité dans le pick-up qui se remit en route. Dire que Joanie rayonnait après ces visites eût été exagéré, mais la possibilité qu’elle y trouvait de se confier la soulageait d’un fardeau et cela se voyait dans ses yeux un peu plus brillants que d’ordinaire.

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Le pick-up roulait sur la départementale, en direction du centre opérationnel, où Fred avait convenu de déposer Joanie, avant de repartir chez lui. Il n’avait aucune intention de s’attarder, il savait qu’Hector était reparti depuis quelques jours pour la Californie où il voulait encore vérifier des détails sur la clinique Winter et la maison de l’ex-mari d’Hélène. Roger, de son côté, se remettait tout juste de ses blessures et avait besoin de repos, et Marie n’avait aucune envie de le voir. Joanie alluma le poste de radio réglé sur une station FM qui diffusait des vieux tubes des années de jeunesse de son chauffeur. Elle se retourna pour fouiller dans son sac, sur la banquette miniature, afin d’y chercher la pomme qu’elle gardait en cas de petite faim, mais fut troublée par la vision d’un camion qui s’approchait à une vitesse déraisonnable. Joanie se rassit normalement sur son siège et observa Fred qui venait de jeter un coup d’œil dans son rétroviseur et, tout en grommelant, commençait à accélérer afin d’éviter que ce routier distrait n’entre en collision avec son 4 × 4. La jeune fille sursauta lorsque, brutalement, dans un bruit de sirène, une motocyclette de grosse cylindrée les doubla en trombe. Fred grimaçait devant l’irresponsabilité de certains conducteurs en fin de journée.

Soudain un nuage de fumée apparut devant le pick-up, et s’étendit rapidement, de sorte que Fred fut aveuglé. Alors qu’il posait par réflexe son pied sur la pédale de frein, un violent choc se produisit à l’arrière du véhicule, plaquant les deux passagers sur leurs ceintures de sécurité respectives. Le pick-up se mit à pivoter, l’arrière glissant sur le côté, puis Fred et Joanie firent soudain face au camion qui revint à la charge. Le second choc, frontal, déclencha le gonflage des airbags. Fred perdit le contact avec le volant, le véhicule tourna de plus belle, dans un crissement de pneus qui glissaient et renvoyaient toutes les sensations d’irrégularité de la chaussée. Enfin, le son déchirant des gommes sur l’asphalte cessa, les secousses de la route disparurent, le camion aussi, Joanie ne vit plus que l’asphalte derrière le coussin de sécurité déjà dégonflé. Le 4 × 4 s’envolait par l’arrière, la chute fut brutale.

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Le service des urgences s’activait comme une fourmilière. Les secours avaient amené, toutes sirènes hurlantes, les deux victimes d’un grave accident de la route. Leur véhicule avait fait plusieurs tonneaux avant de finir sa course folle dans un champ, en bordure de départementale. Des automobilistes s’étaient arrêtés, avaient coupé le contact et sorti les deux passagers du véhicule qui commençait à brûler. L’un d’eux avait décroché son téléphone portable.

Les pompiers étaient arrivés rapidement sur les lieux, accompagnés d’un véhicule de gendarmerie. Alors que les premiers avaient pris en charge les deux passagers apparemment gravement blessés, les gendarmes avaient commencé à enquêter afin de déterminer les circonstances de l’accident. La voiture brûlait maintenant entièrement et les pompiers encore là s’employaient à éteindre le feu.

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Marie fut prévenue par ses anciens collègues de l’admission de ces deux inconnus, qui n’avaient aucun papier d’identité lorsqu’ils avaient été amenés par les pompiers, trois jours plus tôt. Avec Hector, rentré à vitesse supersonique de Californie, elle s’était rendue à l’hôpital pour avoir des nouvelles, aussi rassurantes que possibles. Un médecin semblait serein en répondant à ses questions.

— Lui s’est réveillé ce matin, c’est là qu’il nous a parlé de vous. C’est comme ça qu’on a pu vous contacter. Il s’est rendormi assez rapidement. On va le garder en observation quelques jours.

— Et la jeune fille ?

— Elle est toujours sans connaissance, mais son état n’inspire plus d’inquiétude. Elle a fait une hémorragie, elle a perdu beaucoup de sang.

— Mais son groupe est O-, s’inquiéta Marie. Vous avez pu trouver des réserves ?

— Oui, répondit le médecin, vous avez raison, par chance, son père est parfaitement compatible, on a pu prendre directement à la source. On n’a même pas attendu qu’il se réveille, il y avait urgence. Il va bien, malgré le choc. On n’a pas pris de risque à le prélever.

Hector et Marie se regardèrent dans les yeux. Ils étaient abasourdis par ce qu’ils venaient d’entendre.

— Docteur, s’inquiéta Hector, de qui parlez-vous exactement ?

— Eh bien, du père et de sa fille, qui ont été admis ici il y a trois jours, après un grave accident de la route.

— Dites, continua Marie, vous pouvez nous conduire jusqu’à eux, s’il vous plaît ?

— Vous savez, ils ont besoin de repos. Je veux bien vous emmener, parce que vous êtes médecin, mais ne les réveillez pas !

Devant la porte de la première chambre, les deux amis n’eurent aucune hésitation, il s’agissait bien de Joanie, qui semblait dormir paisiblement. Vingt pas plus loin, un doute s’insinua dans leurs esprits quand ils reconnurent Fred, endormi lui aussi.

— Docteur, je ne suis pas de la partie, s’intéressa Hector, mais pouvez-vous m’expliquer comment vous êtes arrivés à la conclusion que vous aviez affaire à un père et à sa fille ?

— Les analyses de sang ! Comme vous l’avez mentionné, le sang de la jeune fille est du groupe O négatif, comme par hasard, celui de l’homme est le même. Nous avons poussé plus avant notre recherche, afin de ne pas faire d’impair et de ne pas risquer le rejet. La comparaison de leur ADN est significative. Nous n’avons aucun doute. Il s’agit bien du père et de la fille.

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