Chapitre 1 : Anubis Monall et le Docteur Wilson

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Juillet 1999.

— Ne vous retenez pas, vous n’êtes ni le premier, ni, probablement, le dernier qui rira en entendant mon nom ! Le triste privilège d’être le fils d’un couple d’égyptologues excentriques, expliqua-t-il en buvant sa bière, sans perdre le sourire. Entre ça et les cheveux roux, croyez-moi, j’ai eu de bonnes raisons de me forger une carapace indestructible. Allez, continuez, Wilson.

Perry Wilson affichait une attitude étrange, mêlant l’assurance de l’homme qui voulait faire pression sur son interlocuteur et en avait les moyens, et l’inquiétude de celui qui avait un service important à demander à cette même personne, tout en redoutant que l’autre, comme s’il s’en moquait, ne refusât de lui tendre la main.

— Je devais les en empêcher, je devais sauver mon fils.

— Et vous avez fait quoi, exactement ? interrogea le rouquin entre deux autres gorgées du breuvage qu’il semblait à peine savourer autant que les paroles de Wilson.

— J’ai fait en sorte qu’on leur serve un cocktail de mon cru. J’ai dilué discrètement un produit dans leur boisson favorite. Le lendemain, leur vigilance était diminuée. Et ils sont tombés, comme des mouches.

— Impressionnant ! se délectait l’autre.

— Oui, seulement, d’autres gars étaient au foyer, aussi, ce soir-là. Il y a eu des malades, le lendemain, à la garnison. Je me suis dit qu’une enquête serait ouverte, et qu’on arriverait jusqu’à moi. Maintenant, les autorités militaires recherchent un médecin déserteur.

— C’est le risque… Une jubilation malsaine semblait transpirer de sa voix.

— De plus, leur chef n’avait pas bu la même chose que ses hommes, ce soir-là. Il s’en est sorti vivant. Il serait regrettable que nos chemins se croisent. En tout cas pour le moment.

— Disparaissez, conseilla le joyeux pervers. Partez au bout du monde, faites-vous oublier.

— Je ne peux pas. Leur mission n’a que partiellement échoué. Ils sont presque tous morts, mais Tibor aussi y est resté. Le dernier doit payer…

— Et pourquoi croyez-vous devoir m’en parler ? Vous pensez que je vais pouvoir vous aider ? L’attente du buveur de bière était perceptible.

— Tentative de meurtre, je peux prouver que vous avez saboté cette corde d’alpinisme, il y a trois ans, vous le savez. On a un deal, mon pote, on est cul et chemise, dans cette affaire.

— Vous me plaisez ! éructa-t-il dans une sorte d’extase spirituelle. Il dévisagea Wilson pendant de longues secondes, comme pour jouir du plaisir de voir son interlocuteur aussi mal à l’aise que s’il eût été assis entre deux chaises. Vous en faites, pour arriver à vos fins… J’ai connu quelqu’un qui pourrait vous aider à disparaître… tout en restant disponible.

— Qui est-ce ? s’intéressa Wilson, trahissant son impatience.

— Un médecin, comme vous… Enfin… presque. Il a une clinique en Californie. Chirurgie réparatrice. Ça vous irait ?

Du haut de ses vingt-et-un ans, Anubis Monall était un jeune homme très sûr de lui, et le docteur Wilson non seulement l’avait très bien compris lorsque son invité s’était présenté, mais en plus le percevait dans son expression. Le déserteur avait compris que des menaces ou une tentative de chantage n’auraient aucune efficacité, en comparaison d’une force de conviction suffisante ou d’un défi passionnant proposé à ce type dont il était difficile de déterminer s’il était fou ou intéressé. Anubis se leva de sa chaise de jardin en bois de tek, et s’en alla marcher tranquillement en direction de la piscine du parc du docteur. La précipitation n’était pas de mise, il fallait encore laisser l’homme désespéré le supplier. Le plaisir n’en serait que plus intense, lorsqu’il le ferait douter, avant de le soulager.

— Qu’est-ce que vous attendez ? Vous voulez que je me mette à genoux ? demanda Wilson qui ne contenait plus sa patience. Ou bien vous préférez que je réveille de vieux souvenirs, tenta-t-il dans une vaine manœuvre d’intimidation.

Se rapprochant de la table assortie aux chaises et protégée de la lumière estivale par un parasol gigantesque, fixant Wilson dans les yeux sans en détâcher le regard, ne fût-ce qu’une fraction de seconde, Anubis fouilla dans la poche droite de son pantalon et glissa à son interlocuteur un petit morceau de papier sur lequel il avait inscrit les coordonnées d’un mystérieux docteur Winter.

Juillet 1999.

— Ne vous retenez pas, vous n’êtes ni le premier, ni, probablement le dernier qui rira en entendant mon nom ! Le triste privilège d’être le fils d’un couple d’égyptologues excentriques, expliqua-t-il en buvant sa bière, sans perdre le sourire. Entre ça et les cheveux roux, croyez-moi, j’ai eu de bonnes raisons de me forger une carapace indestructible. Allez, continuez, Wilson.

Perry Wilson affichait une attitude étrange, mêlant l’assurance de l’homme qui voulait faire pression sur son interlocuteur et en avait les moyens, et l’inquiétude de celui qui avait un service important à demander à cette même personne, tout en redoutant que l’autre, comme s’il s’en moquait, ne refusât de lui tendre la main.

— Je devais les en empêcher, je devais sauver mon fils.

— Et vous avez fait quoi, exactement ? interrogea le rouquin entre deux autres gorgées du brevage qu’il semblait à peine savourer autant que les paroles de Wilson.

— J’ai fait en sorte qu’on leur serve un cocktail de mon cru. J’ai dilué discrètement un produit dans leur boisson favorite. Le lendemain, leur vigilance était diminuée. Et ils sont tombés, comme des mouches.

— Impressionnant ! se délectait l’autre.

— Oui, seulement, d’autres gars étaient au foyer, aussi, ce soir-là. Il y a eu des malades, le lendemain, à la garnison. Je me suis dit qu’une enquête serait ouverte, et on arriverait jusqu’à moi. Maintenant, les autorités militaires recherchent un médecin déserteur.

— C’est le risque… Une jubilation malsaine semblait transpirer de sa voix.

— De plus, leur chef n’avait pas bu la même chose que ses hommes, ce soir-là. Il s’en est sorti vivant. Il serait regrettable que nos chemins se croisent. En tout cas pour le moment.

— Disparaissez, conseilla le joyeux pervers. Partez au bout du monde, faites-vous oublier.

— Je ne peux pas. Leur mission n’a que partiellement échoué. Ils sont presque tous morts, mais Tibor aussi y est resté. Le dernier doit payer…

— Et pourquoi croyez-vous devoir m’en parler ? Vous pensez que je vais pouvoir vous aider ? L’attente du buveur de bière était perceptible.

— Tentative de meurtre, je peux prouver que vous avez saboté cette corde d’alpinisme, il y a trois ans, vous le savez. On a un deal, mon pote, on est cul et chemise, dans cette affaire.

— Vous me plaisez ! éructa-t-il dans une sorte d’extase spirituelle. Il dévisagea Wilson pendant de longues secondes, comme pour jouir du plaisir de voir son interlocuteur aussi mal à l’aise que s’il eût été assis entre deux chaises. Vous en faites, pour arriver à vos fins… J’ai connu quelqu’un qui pourrait vous aider à disparaître… tout en restant disponible.

— Qui est-ce ? s’intéressa Wilson, trahissant son impatience.

— Un médecin, comme vous… Enfin… presque. Il a une clinique en Californie. Chirurgie réparatrice. Ça vous irait ?

Du haut de ses vingt-et-un ans, Anubis Monall était un jeune homme très sûr de lui, et le docteur Wilson non seulement l’avait très bien compris lorsque son invité s’était présenté, mais en plus le percevait dans son expression. Le déserteur avait compris que des menaces ou une tentative de chantage n’auraient aucune efficacité, en comparaison d’une force de conviction suffisante ou d’un défi passionnant proposé à ce type dont il était difficile de déterminer s’il était fou ou intéressé. Anubis se leva de sa chaise de jardin en bois de tek, et s’en alla marcher tranquillement en direction de la piscine du parc du docteur. La précipitation n’était pas de mise, il fallait encore laisser l’homme désespéré le supplier. Le plaisir n’en serait que plus intense, lorsqu’il le ferait douter, avant de le soulager.

— Qu’est-ce que vous attendez ? Vous voulez que je me mette à genoux ? demanda Wilson qui ne contenait plus sa patience. Ou bien vous préférez que je réveille de vieux souvenirs, tenta-t-il dans une vaine manœuvre d’intimidation.

Se rapprochant de la table assortie aux chaises et protégée de la lumière estivale par un parasol gigantesque, fixant Wilson dans les yeux sans en détacher le regard, ne fût-ce qu’une fraction de seconde, Anubis fouilla dans la poche droite de son pantalon et glissa à son interlocuteur un petit morceau de papier sur lequel il avait inscrit les coordonnées d’un certain docteur Winter.

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