Chapitre 22 (suite) - 898 -

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Je vis ce détachement d’Agnès de manière bien différente par rapport à toutes les fois précédentes. Je garde sur mon corps les souvenirs de notre amour. Je mets de côté les sentiments que j’éprouve pour elle et fais le deuil de cette relation. Même si elle représente une partie de mon histoire, j’ai l’impression que je me suis habitué à notre séparation, après tant de déceptions.

Lors de ce retour parmi les miens, je ne suis plus le même, je me sens affranchi de tous liens, de toutes limites. Je n’agirai plus jamais en songeant à celle que j’aimais, car je n’attends plus rien de l’amour ni de la vie. Je sais désormais ce que je ne veux pas : être rabaissé, commandé, privé de liberté, mais je désire plus que tout continuer à vivre auprès de ma famille, les entendre rire et chanter, se disputer également.

La place de chef est faite pour moi, depuis le premier jour de mon arrivée dans le clan, je l’ai convoitée. J’apprécie que l’on me consulte pour les décisions importantes, pour la gestion des dépenses, la redistribution des recettes. J’élaborais les meilleurs plans pour dérober aux riches leur fortune et l’attribuer à ceux que je jugeais méritants.

Perdu dans mes pensées, le sourire au coin des lèvres, j’admire l’agitation autour de moi. Au final, c’est ici que je suis le mieux, chez moi. Quoiqu’il advienne, plus jamais je n’en douterai.

Une fois rassasié, un peu anéanti à cause du décalage horaire, je décide de me retirer dans ma caravane. Lucinda, aux petits soins depuis mon retour, me rend mes clefs. Il faudra que j’éclaircisse très vite la situation avec elle. Je ne changerai pas d’avis, je suis un solitaire, en aucune façon je ne m’unirai à qui que ce soit, je ne veux vivre avec aucune femme.

En arrivant sur mon terrain, mes chiens, jusqu’alors étendus au soleil sur ma terrasse, me reconnaissent et viennent aussitôt à ma rencontre en poussant des petits cris de joie. Je leur flatte le flanc et les serre contre moi, heureux de les retrouver.

Puis j’entre et balance mon sac dans la chambre d’amis qui me sert d’armoire. Sur la table du salon, j’aperçois quelques enveloppes qui m’attendent. Trop épuisé pour y jeter un œil, je remets la lecture de mon courrier à demain et choisis de dormir.

Lorsque je me réveille, la nuit est tombée et l’obscurité m’entoure. J’allume la caravane, pose les pieds au sol puis, me lève pour boire un grand verre d’eau et regarder par la fenêtre. La pleine lune illumine le terrain où règne le calme absolu. J’entends au loin une chouette hululer et je songe aux prédictions funestes de nona quand cela arrivait. Je chasse aussitôt cette idée en me disant que la vieille était folle, malgré toutes les preuves qu’elle m’a laissées avant sa mort. Le chant d’une chouette ne peut pas annoncer un décès, c’est absurde !

Avant de me décider à ouvrir le courrier posé sur la table, je siffle mes chiens pour vérifier qu’ils montent la garde. Illico, je les vois courir dans l’herbe et grimper les marches de ma terrasse. Rassuré, je m’allume une cigarette et m’installe sur la banquette en velours.

Sur le haut du paquet, je trouve trois enveloppes avec l’en-tête d’EDF. J’en déduis qu’en mon absence, personne ne s’est soucié de payer les factures d’électricité, et certainement d’eau. Il y a également une missive d’un notaire qui m’intrigue. Le cachet sur le pli indique qu’elle a dû arriver ici il y a une quinzaine de jours.

Je déplie la lettre et lis scrupuleusement le courrier, qui me plonge dans la stupéfaction la plus totale. Je dois contacter en urgence l’étude notariée, suite au décès d’Edouard Botchécampo, Loupapé…

Les mains tremblantes, je renverse mon cendrier en voulant poser ma cigarette. Dehors la chouette hulule un peu plus fort, comme si nona se moquait encore de moi et de mon incrédulité devant ses prédictions.

Le cœur battant, je relis plusieurs fois la lettre en me demandant ce que cela signifie. Je n’ai jamais revu le vieil homme depuis mon adolescence et même si je me doute de la suite, je m’interroge sur ses volontés.

Vu l’heure qu’il est, je sais que je ne peux rien faire dans l’immédiat. Je choisis de nettoyer les cendres éparpillées sur la table et de sortir sur ma terrasse pour retrouver mes chiens.

Je suis trop ébranlé par ce que je viens d’apprendre, j’aimais beaucoup Loupapé, même si après avoir découvert qu’il était mon grand-père, je lui en ai voulu de ne m’avoir rien dit, à aucun moment. Il était complice du mensonge de mes oncles et n’a jamais trahi leur secret.

Au petit matin, sans prévenir qui que ce soit, je me dirige vers l’étude notariée, espérant en savoir davantage. Après avoir poireauté plusieurs heures que celle-ci ouvre, j’en ressors aussi démuni, avec un simple rendez-vous pour le mois prochain.

Je vais devoir m’armer de patience en attendant.

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