Chapitre 21 - 1340 -

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Agnès m’offre l’hospitalité au sein de son foyer. Cela me laisse perplexe, je ne sais pas si je dois me réjouir de notre proximité ou si je dois demeurer triste, l’imaginant dormir blottie dans les bras de son mari. Je réfléchis toute la nuit avant d’accepter sa proposition de résider quelque temps sur le ranch, mais ai-je vraiment le choix ? N’avoir aucune attache, aucun bagage ne me fait pas peur et repartir sur les routes ne m’effraie pas, mais l’envie de me battre pour elle est plus forte que moi. Je ne peux pas me résoudre à la laisser tranquille. Je suis venu pour elle et je vais rester, même si la découvrir dans sa nouvelle vie ne m’enchante pas. Je ne vais pas lâcher l’affaire. Peut-être que m’avoir sous son toit la fera changer d’avis ?

Le lendemain matin après le petit-déjeuner, elle me propose de faire une longue balade dans le parc, tous les deux.

Nous visitons le domaine en commençant par les écuries, deux fois plus grandes que celles du haras. Je comprends qu’Agnès se soit vite plu ici.

— J’ai postulé pour un job de soigneuse dans le ranch pour les vacances et finalement, je ne suis jamais repartie.

— Brian ? je demande avec amertume.

— Non ! Je ne l’ai pas connu de suite, il faisait ses études. De toute manière, je n’avais pas la tête à tomber amoureuse après ce que l’on a vécu tous les deux.

Je suis heureux d’apprendre qu’elle n’a pas tourné la page si facilement. L’espoir renaît un peu, notre amour a toujours été là et je compte bien le faire revivre.

Nous nous arrêtons devant le box d’un cheval magnifique, un pur-sang noir qui me rappelle beaucoup Darkness. Agnès ouvre la porte et entre pour le caresser. L’animal lève la tête avec brutalité et hennit pour manifester sa joie.

— Je te présente Dark !

Je m’avance dans le box et flatte l’étalon…

— Et toi Scar ?

— Moi ?

— Beau comme tu es devenu, tu dois avoir des tas de conquêtes à ton actif, mais est-ce que l’une d’entre elles a réussi à toucher ton cœur ?

Lorsque je la fixe intensément dans les yeux, je vois bien qu’elle est un peu perturbée par ma présence. Dois-je lui dire maintenant, lui raconter que personne ne l’a remplacée, que j’ai comparé toutes les femmes que j’ai tenues dans mes bras avec elle ?

Finalement, je ne réponds à sa question, je me contente de lui sourire et la laisse dans le doute. Je sens que sa curiosité est piquée et elle insiste :

— Tu es engagé, marié ou fiancé, c’est ça ? finit-elle par demander, une angoisse dans la voix.

Sans la quitter des yeux, je murmure pour que personne d’autre ne puisse entendre :

— Mon cœur n’appartient qu’à une seule personne !

Agnès se redresse d’un coup et regarde autour de nous. Je la sens soudain fébrile et nerveuse. Elle détourne aussitôt la conversation sur le domaine :

— Il faut que je te montre le verger…

Puis, elle sort du box et referme la porte derrière moi. Nous traversons les étables puis la bergerie. Un peu plus loin encore, j’aperçois enfin les arbres fruitiers.

— Pourquoi es-tu ici, Oscar ? Je veux dire quelle est la véritable raison ?

Je regarde droit devant, là où le champ de maïs s’étend à perte de vue. Je mords l’intérieur de ma lèvre et enfonce mes mains dans mes poches à la recherche de mon paquet de cigarettes. Je suis avec Agnès, celle qui autrefois m’a presque sauvé la vie après la rouste qu’Hubert m’avait donné. Je lui dois la vérité. Il n’y a que comme cela que nous pourrions redémarrer une relation, que je pourrais même arriver à la reconquérir, dans la sincérité.

Je m’arrête et shoote dans un caillou qui roule à plusieurs mètres devant nous et lâche en m’immobilisant :

— J’ai des problèmes ! De graves problèmes !

Agnès me fait face et prend un air inquiet.

— Le genre de problèmes que tu as eu avec Hubert ?

— À peu près…

— Oscar, comment as-tu réussi à te fourrer dans un tel pétrin ?

Elle saisit mon bras et m’entraîne vers un banc. Nous nous asseyons côte à côte comme lorsque nous étions enfants. Je sens sa cuisse contre la mienne et j’ai tellement envie de poser mon bras sur ses épaules que je sors mon paquet pour détourner mon esprit des images anciennes qui m’assaillent.

Sans lui en proposer une, je m’allume une clope et savoure longuement cette première taffe si bien qu’elle insiste.

— Alors ? demande-t-elle ;

— Ce n’est pas une bonne idée de te mêler à tout ça…

— Oscar ! Tu es venu te réfugier chez moi, j’ai le droit de savoir quel genre de hors-la-loi je cache !

Elle a raison, tout lui dire me soulagerait. Elle a toujours été ma confidente, il n’y a qu’avec elle que je peux être le véritable Scar, avec ses failles et ses défauts.

Tant pis si elle me renvoie, si je la déçois, si elle me hait et me voit comme le pire des bons à rien. Je lui déballe tout, depuis le début de mes cambriolages, mon envie de m’élever pour la conquérir, ma quête de l’argent, mon ambition démesurée, mes affrontements avec Hubert, ma vengeance, puis mon ascension grâce au requin, les vols incroyables que j’ai commis. Je lui raconte Belinda et Lucinda, comment j’ai pris la place de mon oncle puis la redescente, la blessure de Tito, la trahison de Stazek.

Elle demeure silencieuse durant toute mon épopée, elle se garde de réagir et se contente de secouer la tête avec désespoir, comme si elle avait pu m’empêcher d’agir et se sentait responsable de mon comportement. À la fin de mon récit, elle soupire.

— Et bien, te voilà dans de beaux draps, Oscar ! Je savais que je devais t’éloigner de ce milieu. Tu mérites mieux que ça, Scar. Tu avais toutes les qualités pour intégrer le monde des affaires en respect avec les lois et je ne comprends tes actes et tes choix. C’est tout à fait contraire à mon éducation, mes valeurs, ma personnalité ! Je n’y arrive pas.

Elle marque un temps d’arrêt et prend ma main. Nos doigts s’enlacent naturellement, sa main est froide et délicate.

— Reste ici avec moi. Le travail ne manque pas ! Recommence tout à zéro, je peux t’aider.

Elle me parle comme si notre relation n’avait jamais existé. Je suis perdu. Souhaite-t-elle que je fasse mes preuves ? Je cherche un message dans cette phrase, dans ses yeux. Mes doigts caressent sa main. A-t-elle envie que je reste ? À aucun instant, elle ne fait mention de nous ni de son mari, mais je sens bien que nos corps pourraient à se rapprocher à tout moment.

— Je ne sais pas…

— Oscar, je pense que tu n’as pas vraiment le choix ! Tu ne peux pas retourner en France pour le moment. S’il te plaît, reste ici. Si je te laissais partir et qu’il t’arrivait quelque chose, je m’en voudrais toute ma vie.

Nous nous levons pour rentrer.

— Ce soir, je vais voir auprès de Howard s’il peut t’embaucher dans les écuries. Je sais que tu vaux plus que cela et que tu te rendras vite indispensable sur le ranch. Papa a toujours admiré la rapidité avec laquelle tu t’adaptais. Il faut aussi que tu apprennes à parler anglais !

Plus tard, une fois seul dans ma chambre, je m’interroge à nouveau, sur ce qu’Agnès attend vraiment de moi. Vivre à ses côtés sans pouvoir la toucher est une véritable torture. Combien de temps vais-je tenir ?

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