Chapitre 2 - 1477 -

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Chapitre 2

Paco, vêtu de son treillis de chasse et sa veste sans manche camouflage, se tient posté à côté de la baie vitrée. De là, il peut voir les éventuels signaux de Yankee toujours dehors à faire le guet. Karlo et Stazek encadrent Hubert derrière le canapé, prêts à intervenir au moindre faux pas.

Ce dernier ravale son sourire et blêmit devant la lame plantée dans sa magnifique table de salon en marqueterie. L’homme au triple menton perd patience et râle :

— Tu sais combien j’ai payé cette putain de table que tu viens de détruire, espèce de sale bohémien ?

La mine de Tito se crispe davantage en entendant Hubert dénigrer nos origines, il ne supporte pas l’insulte. Il élance son bras en arrière avant d’écraser sa main sur la joue de notre ennemi commun. La gifle, bien plus puissante que les précédentes, éclate le nez d’Hubert qui se met à saigner et tache sa chemise blanche. Celui-ci porte ses doigts à son visage et comprend que nous ne lâcherons rien ce soir et qu’il va payer cher le prix de ma vengeance.

— Tu as un coffre-fort, ici ! Je veux le voir ! dis-je en écrasant ma cigarette sur le tapis.

Je lis la peur dans ses yeux, la crainte de perdre la seule chose qu’il aime vraiment et que je convoite plus que tout : l’argent. Hubert me dévisage, mais se garde de commenter de peur de reprendre un coup. Ce type est un moins que rien, manquant terriblement de courage. Je sais d’avance qu’il ne nous résistera pas longtemps avant de nous lâcher ce qu’il détient et cela me donne beaucoup d’assurance. Cette nuit, j’ai le dessus sur lui et je toise du regard lorsque Tito insiste en levant son poing pour le menacer :

— Où tu caches ton fric ?

— J’ai rien ici ! affirme aussitôt Hubert un peu plus terrifié.

Je fais signe à Tito de se calmer et arrache la hache, puis je saisis la main droite d’Hubert pour la poser à plat sur la table. Tito se place derrière le gros et le pousse vers moi en avant tandis que Stazek et Karlo le maintiennent. À cet instant, j’ai le cœur qui bat. Je suis capable de lui couper net la main pour la mort de Diabla.

— Hubert, tu as tué le chien le plus fidèle qui n’est jamais existé. Tu savais parfaitement l’affection que j’avais pour elle. Pour cela tu vas payer !

Je lève la machette au-dessus de son crâne ruisselant de transpiration et l’écrase sur la table, lui tranchant au passage le petit doigt.

Hubert hurle de douleur, ouvrant grand la bouche pour laisser sortir un cri puissant. Des gouttes de sueur coulent le long de son front et tout son corps se tend.

Je l’ai fait ! J’ai réussi à l’amputer et j’en suis moi-même le premier surpris. Je détaille le doigt immobile sur le bois tâché de rouge. Je suis fier de moi, soulagé d’observer mon ennemi souffrir et payé pour ce qu’il m’a fait.

Stazek détourne ses yeux bleus pour ne pas regarder et se mord la lèvre pendant que Karlo a un haut-le-cœur. Mes deux frères semblent moins sensibles à la vue du sang qui gicle sur le sol.

— Arrête de chialer comme une gonzesse, lance Tito en le frappant à nouveau.

Sans trop de difficultés, j’arrache la hache de la table et la maintiens en l’air, mais Hubert, au bord de l’évanouissement, me supplie :

— Scar, s’il te plaît ! Je te donne tout ce que tu veux !

— Cela ne me rendra jamais mon chien !

— J’ai de l’argent ! Beaucoup d’argent !

— Très bien !

Mes deux amis et Tito libèrent le gros au menton qui tremble. Les larmes aux yeux, il regarde sa main blessée et la tient contre son cœur. Paco lui jette un torchon qui était posé sur un meuble pour qu’il se fasse une compresse et m’indique que dehors tout est calme.

— Ton coffre ? demande Tito impatient de découvrir combien il détient.

Hubert, le visage tendu et effrayé, se lève et, un brin titubant, nous fait signe de le suivre.

— Je reste là ! me lance Paco sans quitter des yeux l’extérieur.

Tito, satisfait de la tournure des événements, emboîte le pas derrière Hubert et le menace :

— Si tu tiens au reste de ta main, me la fais pas à l’envers.

Je suis assez serein, je ne pense pas Hubert suffisamment fou pour se risquer à riposter. Il n’a pas la carrure physique pour nous affronter et il le sait. Nous maîtrisons parfaitement la situation et tout semble se dérouler comme nous le souhaitions. J’aimerais cependant en finir rapidement. Moins nous traînerons ici, mieux ce sera.

Tito aide Hubert à se lever et le pousse vers le couloir tandis que le gros s’entrave dans le tapis persan et trébuche. Il se rattrape au buffet haut en grommelant, puis s’avance vers l’escalier. Tito le suit de près, tenant son fusil dans le dos de notre prisonnier qui perd son pantalon.

Je passe derrière alors que mes deux amis préfèrent rester avec Paco pour surveiller.

Nous descendons les marches en bois qui craquellent sous nos pieds, puis tournons vers la droite dans un couloir à la tapisserie rayée rouge et blanche. Quelques aquarelles de paysages marins ornent les murs. En franchissant la dernière porte, nous entrons dans le bureau. Lorsqu’Hubert appuie sur l’interrupteur, toute mon attention est monopolisée par l’immense bibliothèque de livres anciens.

Puis je découvre, installé à côté du foyer de la cheminée, le coffre en métal.

— Ouvre-le, ordonne Tito.

Hubert se racle la gorge et hésite, mais comprend rapidement qu’il ne peut pas reculer, que nous sommes prêts à lui faire la peau.

Il compose le code en mettant du sang sur le clavier et déverrouille la porte. Aussitôt, mon frère le bouscule et Hubert tombe sur le sol. Il se recroqueville dans un coin, mais je préfère le prévenir :

— Tu bouges pas !

Il lève les mains en l’air pour m’indiquer qu’il a saisi, la droite est toujours couverte du torchon ensanglanté.

Tito tire la porte vers lui. Ensemble, nous découvrons deux étagères : sur la première se trouvent quelques dossiers et deux pistolets dont je m’empare pour les ranger dans la poche de mon blouson. Dessous, nous apercevons les liasses de billets.

Tito empoigne une sacoche qu’il vide sur le bureau pour y enfourner l’argent. Pendant ce temps, j’assois Hubert sur le fauteuil en cuir noir.

— Tu vas me donner le nom et l’adresse du roumain à qui tu refourgues mes voitures. À partir de maintenant, je traiterai directement avec lui !

Hubert se passe la main dans les cheveux. La douleur et la peur le paralysent, je le secoue pour le faire réagir et lui met le stylo entre les doigts après avoir faire de la place devant lui.

— N’écris pas n’importe quoi, parce que nous saurons te retrouver…

Hubert griffonne sur un calepin blanc qui traînait sur son bureau.

— Tu dois appeler le numéro, j’ai pas l’adresse. On ne livre jamais au même endroit.

— Je demande qui ?

— Je ne connais pas le nom…

— Parfait !

— J’ai tout ramassé, indique Tito en me faisant signe qu’on devrait bouger maintenant.

Je regarde Hubert, lamentable dans sa chemise tachée, le visage incliné sur son bureau. Il est prêt à pleurer, et pourtant je n’ai aucune pitié de lui. Je le hais d’avoir tiré une balle dans la tête de mon chien. J’ai envie de lui faire la même chose, de saisir le fusil chargé de Tito et de le lui poser sur la tempe.

J’ai jamais tué quelqu’un, je ne sais pas ce que cela fait. Je repense à mon père qui a tiré à bout portant sur ma mère, tout mon être se tend, j’ai le cœur qui s’emballe et la main qui tremble. Je serre fort la machette, j’ai la rage !

Subitement, je saisis la main droite comprimée dans le torchon, je la pose à plat sur le bureau et d’un coup violent, je tranche ! Aussitôt, le sang gicle jusque sur le plafond. Hubert hurle et serre son moignon contre lui en tournant de l’œil. Je le secoue pour le garder conscient afin qu’il m’entende lui dire :

— Ça, c’est pour Diabla ! Maintenant, tu n’oublieras pas que tu ne dois pas toucher à ce qui m’appartient ! Ne t’approche plus jamais d’Agnès où je viendrais t’égorger dans ton sommeil de mes propres mains !

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