Le Mutant

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Océane avait retrouvé son amie Sarah en début d’après-midi. Elles avaient déjeuné ensemble puis s’étaient promenées dans les rues commerçantes de la cité. Les deux filles étaient diamétralement opposées : Sarah, blonde et longiligne, adorait s’arrêter devant chaque échoppe et ressortir avec un petit trésor. Océane ne faisait que regarder, un peu tristement. Son père n’était pas ministre et lui demander un peu d’argent de poche est une hérésie qu’elle n’aurait jamais osée. Elle aimait cependant flâner dans les rues avec son amie. En plus d’être très belle, la jeune femme était également d’une intelligence hors pair, bref, elle avait tout pour être parfaite.

L’après-midi s’était étiré en longueur et à présent, Océane regrettait d’avoir cédé pour un dernier café au pub qu’elles chérissaient. Elle avait passé un super moment, jusqu’à ce qu’elles repartent chacun de leurs côtés : Sarah montant vers les cieux pour rejoindre le manoir familial, Océane plongeant dans les enfers pour retrouver sa petite bicoque près de la mer. Elle abhorrait traverser les quartiers en bas de la ville, surtout lorsque la nuit venait à tomber. Le lie de l’humanité vivait là : des gens trop pauvres pour s’offrir une maison à flanc de montagne, parfois même, pas assez riche pour se payer un toit.

Elle s’était emmitouflée dans son manteau et avait rabattu sa capuche pour être la plus discrète possible. Certaines personnes la dévisageaient, d’autres la hélaient. Elle répondait toujours par la même chose, le silence et une accélération de ses pas.

Elle n’était qu’à un pâté de maisons du poste de sentinelles marquant la fin de la cité lorsqu’une silhouette sortit des ombres et se rua sur elle. Surprise par cette arrivée soudain, Océane manqua de trébucher. L’homme s’accrocha littéralement à elle. Quelque chose la retint de le repousser violemment. Ce n’était pas ses cheveux en bataille ni sa barbe hirsute, mais bien ses yeux : des iris d’un bleu profond.

  • Aidez-moi, implora-t-il.

Le claquement cadencé de pas indiquait l’arrivée prochaine d’une milice. Il n’était pas compliqué de comprendre qu’ils en avaient après cet homme. Océane, dans un élan de bonté voulut le secourir, mais son regard se posa sur le bras de l’inconnu. Là où il y aurait dû y avoir une main avec cinq doigts, il y avait une répugnante pince d’un rouge vif. Un mutant ! Une créature rejetée par les Loriens, mais pas humaine pour autant. Ces monstres n’existaient que dans les livres pour effrayer les enfants, mais ce soir-là, elle en croisait un en chair et en carapace.

Océane le repoussa avec violence et recula de quelques pas au moment même où une dizaine d’hommes armés surgissaient de partout. Ils encerclèrent l’hybride tandis qu’un militaire se tournait vers la jeune femme.

  • Ça va ? Il ne vous a pas agressée ?

Océane fit non de la tête, un peu horrifiée par ce qu’elle avait vu. L’homme cependant trouva sa présence en ces lieux un peu singulière, aussi demanda-t-il :

  • Que faites-vous si loin des hauteurs de la cité ?

La jeune fille brandit alors la carte qui ne la quittait jamais. Un petit bout de papier qui l’autorisait à aller en ville et à retourner chez elle de l’autre côté de la zone interdite. Le militaire se fendit d’un sourire rassuré en découvrant le sésame :

  • Ah, vous êtes la fille du Professeur Schonberg. Vous voulez qu’on vous raccompagne chez vous ?

Océane refusa poliment, elle n’était plus très loin de chez elle et son père aurait paniqué en la voyant débarquer, accompagné d’hommes armés. Elle remercia les militaires pour leur intervention et reprit sa route, indifférente aux cris de détresse du mutant.

Ces lamentations trottaient encore dans sa tête lorsqu’elle arriva haletante sous le porche de sa maison. Elle avait couru les derniers mètres la séparant de son refuge. Elle ne prit pas le temps de reprendre son souffle et ouvrit la porte à la volée. Elle traversa le couloir en trombes, répondant machinalement aux questions de son père tout en montant les escaliers jusqu’à sa chambre :

  • Tu as passé une bonne journée, ma petite princesse ?
  • Oui.
  • Tu as déjà mangé ?
  • Oui.

Elle referma la porte de sa chambre une fois entrée et s’appuya contre elle pour souffler. Elle savait que son père ne lui poserait aucune question et n’avait même pas prêté attention à ses réponses. Elle attendit que son cœur retrouve un battement stable puis se précipita vers la latte du plancher qui cachait son journal. Il fallait qu’elle s’épanche sur le papier. Elle s’assit à son bureau et prit son stylo lorsqu’elle capta un éclat à l’extérieur.

Océane se dit que sa vision lui jouait des tours, mais se concentra sur l’océan afin de chasser la myriade d’idées qui traversaient sa tête à cet instant. Ses yeux s’habituèrent peu à peu à l’obscurité. Ce qu’elle vit soudain fit monter d’un cran la tension qu’elle ressentait déjà. Elle se cacha immédiatement sous sa table, les mains tremblantes, le souffle court. Il y avait un Lorien à quelques pas de sa maison !!!

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