Chapitre 15 Les complications

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Anaïs rentre du boulot épuisée. Le RER A était bondé à 19 heures à cause de la grève, elle arrivait à peine à respirer et se plaçait sur les marches pour pouvoir regarder devant elle. Une femme d'origine chinoise écoutait sa musique très fort, on entendaitRihanne résonner dans tout le wagon. Dés qu'elle arriva chez elle, elle mit de l'eau à bouillir. Sarah n'était pas rentrée mais elle s'en fichait : elle devait sûrement traîner encore au parc avec ses amis, ou dans un café. Elle était trop fatiguée pour sévir et faisait confiance à sa fille, assez parano elle§même sur sa propre sécurité. Dés qu'elle voyait un homme un peu barbu réciter le Coran dans le métro, elle flippait. Anaïs la réprimandait, mais rien n'y faisait ; elle voyait son regard se détourner, ses mimiques nerveuses s'accélérer, même pour des choses stupides comme l'arrêt du métro, tout lui faisait peur. L'appartement était poussiéreux, elle devrait faire le ménage se dit-elle, puis elle s'effondra sur son lit. Elle devrait aussi aller courir, mais son boulot l'épuisait.

Fatima, comment fait elle pour avoir toute cette énergie ? Rien n'y faisait, elle n'avait ni envie de parler à des gens, ni de lire, ni de regarder un film, elle voulait juste se faire du riz, éventuellement écouter la radio. Elle fini par envoyer un SMS à Sarah.

Charles non plus n'était pas là, évidemment. Il rentrait de plus en plus tard, cela faisait un ou deux ans qu'il n'était plus rentré avant 21h. Cette histoire de mensonge la fatiguait. Elle aimerait le croire mais c'est plus fort qu'elle, elle a des soupçons.

Plusieurs éléments lui permettent de douter de lui. Cela ne fait pas longtemps qu'ils sont ensemble, premièrement. Deuxièmement, il lui est déjà arrivé de le prendre la main dans le sac pour des plus petits mensonges. Or... qui vole un oeuf vole un boeuf, oui Anaïs pensa à ce proverbe de son enfance pendant une seconde. Jamais elle n'aurait pensé l'appliquer à l'homme qui serait son premier concubin après un mariage raté. Elle se leva et enfila une chemise de nuit élégante et sexy, se regarda dans le miroir. Elle ne se trouvait pas mal pour ses 40 ans, plutôt bien conservée. Elle le devait à la pratique régulière de la course à pied, mais surtout à une mère médecin qui surveillait de très près son alimentation.

Le riz est prêt. Elle retourne à la table de la cuisine et allume les informations. Journal de vingt heures, belle présentatrice tout juste parachutée à la place de la Chazal, elle semble confiante. "Sept zadistes placés en garde à vue suite à des affrontements sur la zone de l'aéroport de Notre-Dame-Des-Landes..." Elle a entendu parler de cette histoire à la cantine du travail. Une start-uppeuse disait à sa stagiaire -qu'elle venait probablement d'embaucher- "non mais franchement je ne comprends rien à cette histoire, ça me rend folle, ils ont gagné et ils restent quand même". Soudain, on sonna. Tiens, qui cela pouvait-il être à cette heure-là, et puis elle n'attend aucune livraison. Elle se lève de table, éteint le feu, et va voir. Dés qu'elle ouvre, elle a un haut-le-coeur. Stéphanie Jayend. Qu'est-ce qu'elle fout là ?

"Salut Anaïs, excuse-moi de te déranger si tard", il était 19h30.

"Si tu cherches Charles il doit être encore au boulot."

"A vrai dire, c'est à toi que je veux parler."

Improbable. L'assistante de Charles, dont il parle tout le temps mais qu'on ne voit jamais, qui est aux abonnés absents dés qu'elle va voir Charles à son job et trouve des médecins encore bienveillants pour lui signer des arrêts maladie.

"Euh...oui, d'accord... mais, c'est grave ?" aucune raison valable de venir chez elle, dans son appartement, pourquoi n'a-t-elle pas téléphoné ?

"Non enfin, c'est un peu délicat... Je voulais te voir en personne."

Anaïs referme la porte et lui montre le couloir. "Je te sers quelque chose à boire ?"

"Non, merci"

Qu'est-ce qu'elle est chiante.

"Bon eh bien, je t'écoute. Il a fait une connerie ? Tu me fais peur. C'est à propos de Saint John's Corp. ?" Elle parlait, parlait pour chasser les paroles à venir. Bien sûr qu'elle avait peur de ce qui allait tomber. Qu'est-ce que son ami, amant, concubin ou je ne sais quel nom hypocrite on donne à la personne qui remplace votre ex-mari, allait foutre lorsqu'il lui faisait croire qu'il était en réunion ? Il se droguait ? Jouait aux cartes ? Au casino ? C'est un type droit, il a un père parachutiste, jamais il ne ferait un truc en dehors des lignes. Il a fait une prépa-militaire avant de rater Saint-Cyr et de faire des sciences politiques à la fac, mais ça ne l'empêche pas d'avoir gardé une certaine volonté de discipline, autant intellectuelle que morale. A la limite, il aurait pu avoir pu déraper, embrasser une collègue bourré en soirée. Mais elle ne s'attendait pas à ce qui allait suivre.

"J'étais en charge d'un dossier un peu problématique au boulot... c'était mardi dernier."

Anaïs ne bougeait pas, la regardait les deux coudes posés sur la table. Elle ne remuait même plus le riz.

"Et j'ai eu besoin d'une information. Charles était parti mais il avait laissé son ordinateur allumé..."

"...et tu as regardé son ordinateur. Et ? Qu'as-tu trouvé ?"

"Je suis vraiment désolée, je n'aurais pas du mais j'avais besoin de cette info urgemment et il était parti aux toilettes depuis un bon bout de temps..."

"Stéphanie... s'il-te-plaît."

"Il y avait un mail. "

"Mais qu'est-ce que tu es allée fouiller ses mails !?" ça commençait à l'agacer.

"C'était ouvert pile dessus".

"Bon, continue." Elle ne faisait que retarder le processus. Que disait-elle ?

"L'auteur du mail était un homme".

Bon, ça écarte au moins une mauvaise nouvelle.

"Et... le mail demandait à quelle heure Charles le retrouvait au Bayan Tree."

"D'accord, tu es en train de me dire que tu me saoules depuis tout-à-l'heure pour un rendez-vous d'affaires dans un hôtel un peu tard ?"

"Anaïs, je suis désolée... il continue en lui faisant... comment dire... part de son désir irréfréné d'être ... comment dire..."

"d'être QUOI"

"culbuté."

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