2. Rêve de rêve d’un autre

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« Le désir m'a souvent gagné de connaître les rêves d'artistes que j'ai aimés..." Antonio Tabucchi

Première nuit, premier rêve de rêve d'André de Richaud - écrivain, poète et dramaturge français.

… D’elle coule un liquide poisseux, couleur de sang, trop sombre pour en éprouver la vigueur. Le reflet de deux verres, posés face à face, profile le milieu de la table et signe la perspective d’un autre. Le noir à l’âme d’André déteint sur la nappe à carreaux. Le rouge et le blanc jaunissent sous la lumière d’orage. Le ciel s’assombrit et la pénombre bruyante active une souffrance au bout de ses doigts ; ses mains tremblent et se crispent.

Celui qu’il espère va-t-il le reconnaître ? Car il n’est pas mort, pas encore !

Dans l’attente et à boire l’épaisse boisson, il s’engourdit. Les motifs du tissu, bien trop géométriques, lui grignotent l’espace. Confiné, il ne sait s’il s’ennuie ou si la peur le gagne. Il rajuste ses lunettes d’un mouvement brusque, leurs tiges s’amollissaient. Il marmonne entre moue et grimace : Un guet-apens… de circonstances.

... Parce que l’autre et lui ont croisé leurs rêves, arraché à l’instant instable et incertain un nulle part d’avant.

La table s’élargit ; la distance entre les deux verres s’agrandit ; André rétrécit à suer, à puer la solitude. Il hait ce désespoir qui l'usurpe. Il grogne, puis beugle à gorge tranchée comme à son habitude... pour indigner les railleurs. Sous l'emprise du hurlement, le décor s’immobilise et des échardes de lune s'échappent d’un ciel noir de soufre. En flèches venimeuses, la Provence s’alchimise.

Les carreaux de la nappe se déforment jusqu’à s’incurver. De carré, ils se transforment en V et lui sautent au bas-ventre, le marquant au fer rouge. Le mot pour l’initiale sauvage s'échappe par l'effroi et sous la douleur. Ses lunettes s’obscurcissent et s’épaississent, à lui recouvrir le visage et lui ronger sa première peau d’enfant. Elles se soudent à lui, ou lui à elles, en un masque cruel.

Au-dehors, les ombres des cyprès-fantômes réamorcent le mouvement et s’alignent pour une marche macabre.

Une sentence, venue du néant, le terrasse : coupable ! Une respiration acide griffe son dos ; une longue patte d’ours enserre son épaule.

Un souffle : Voleur.

Ne pas se retourner, ne pas…

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